Sébastien Simon a franchi la ligne d'arrivée aux Sables-d'Olonne, il y a une semaine (dans la nuit de jeudi 16 au vendredi 17 janvier), en 3e position derrière Charlie Dalin et Yoann Richomme, en 67 j 12 h 25'. Entre problèmes de nourriture et casse d'un foil, ce Vendée Globe aura été particulièrement éprouvant pour le skipper de Groupe Dubreuil, encore très marqué vendredi au moment de commenter sa course sur le plateau de la chaîne L'Équipe.
Catégorie
🥇
SportTranscription
00:00Déjà, on l'accueille, parce que je n'arrête pas de le nommer, mais il est bien là avec nous.
00:02Salut Sébastien, merci.
00:03Bonjour, merci beaucoup.
00:04On est ravis d'être avec toi.
00:06Donc une semaine tout pile, je l'ai dit, après 67 jours, 12 heures, 25 minutes, 37 secondes.
00:10C'est très précis tout ça, mais c'est important, bien sûr.
00:13Comment ça va ?
00:14Fatigué, évidemment, après 67 jours en mer tout seul.
00:18Voilà, ça fait une semaine que je suis à terre.
00:20Le quatrième vient d'arriver.
00:21Moi, je suis encore très fatigué.
00:22Je pense qu'il va me falloir encore quelques jours avant de m'en remettre.
00:25Et mentalement, c'est facile de revenir dans ces cas-là où c'est le plus dur, presque ?
00:29J'ai du mal à me concentrer.
00:31Voilà, en plus, je suis chef d'entreprise à côté,
00:33parce que c'est ma société qui gère le projet avec le groupe Dubreuil.
00:37Donc j'ai mes salariés, etc.
00:39On lance en plus un projet encore plus ambitieux en vue du Vendée Globe 2028,
00:43ce qui nous reste deux petites marches à gravir.
00:46Voilà, aujourd'hui, j'ai encore un peu de mal à me concentrer sur les chiffres, l'organisation, tout ça.
00:50Je n'en suis pas là.
00:51En plus, j'ai été malade pour mon accueil, donc voilà.
00:54Super.
00:54Bon retour parmi nous, c'est ça, quand même, dans ces cas-là.
00:58Sacrée aventure, également, il t'est arrivé pas mal de choses.
01:01Alors, je ne sais pas si vous avez un peu suivi, mais on avait parlé, bien sûr, du foil qui avait été cassé.
01:05Intoxication alimentaire aussi, c'est ça, ou plutôt ta nourriture qui a...
01:08Intoxication, j'ai eu de la chance, quand même.
01:10Mais oui, effectivement, j'ai contaminé quatre de mes sacs de nourriture avec du gasoil.
01:16En fait, j'ai un de mes réservoirs qui s'est ouvert et ça s'est écoulé dans ma nourriture,
01:21parce que j'avais mis mes sacs à côté.
01:23C'était peut-être une grosse bêtise, mais voilà.
01:25Et du coup, effectivement, ça m'a enlevé pas mal de calories, quasiment 2000 calories par jour.
01:30Donc, heureusement, je suis allé plus vite que prévu.
01:32Du coup, j'ai pu puiser dans les jours qui me restaient,
01:35parce que j'avais 80 jours de nourriture et j'en ai mis 67.
01:38Mais en tout cas, toute la nourriture plaisir était partie, c'est-à-dire les gâteaux.
01:42Et ça, c'est arrivé à peu près à quel moment ?
01:43Ça, c'est arrivé au milieu de l'océan Indien, juste avant que je casse mon foil.
01:47Donc, à peine à mi-course.
01:48C'était la bonne période, quoi.
01:50Ouais, heureusement, mon équipe m'avait caché dans le bateau et ça m'a tenu longtemps.
01:53Ils ont même trouvé encore des bonbons et des chocolats cachés dans le bateau à l'arrivée.
01:58Je leur disais non, ça n'y est pas.
02:00Ils m'ont dit si, ça y est, tu vois.
02:03Alors, on l'a dit un peu depuis le début de l'intervention,
02:05tu as cassé ton foil début décembre.
02:08Il n'y a pas un regret finalement de ne pas avoir pu jouer la gagne jusqu'au bout ?
02:12On pourrait refaire le match Milan et j'ai préféré plutôt me satisfaire de cette belle troisième place.
02:17Nous, on a un projet qui a démarré il y a seulement 18 mois avec le groupe Dubreuil.
02:20Moi, je rêvais de refaire partie de ce Vendée Globe en 2024 puisque, je le rappelle,
02:25en 2020, j'ai dû abandonner en quatrième position pour quasiment la même chose, mais en plus grave.
02:31Voilà, quand le foil a cassé, c'était dur mentalement de se remobiliser,
02:34mais il n'y avait pas de dommages collatéraux.
02:36Vous voyez, la coque, elle va très bien.
02:37Donc, voilà, la course continuait.
02:39J'ai eu peur de passer des moments difficiles à me faire doubler au fur et à mesure,
02:43parce que le bateau va beaucoup moins vite, du coup, sur ce côté.
02:46Et puis, voilà, à un moment, les faits de course font que je me suis battu jusqu'au bout pour rester troisième.
02:53Et aujourd'hui, je pourrais me dire, oui, j'aurais aimé faire partie de cette petite bataille des deux premiers,
02:59puisque je repasse même en tête au milieu du Pacifique avec un foil en moins.
03:03Voilà, bon, c'est comme ça et c'est déjà très bien.
03:06Ça fait partie de notre histoire du Vendée Globe et je pense qu'on peut en être très heureux.
03:10Pierre, tu as dit que tu avais plein de questions, on les attend.
03:12Par rapport, justement, à tous les événements que tu as vécu pendant cette course,
03:15est-ce que tu considères que c'est l'une de tes courses les plus compliquées, en fait, à vivre ?
03:21Alors, j'ai gagné la solitaire du Figaro et c'est une course sur des plus petits bateaux.
03:26C'est un peu comme le karting et la Formule 1 entre le Vendée Globe et la solitaire du Figaro.
03:32Certains grands marins diront que c'est plus dur de remporter la solitaire du Figaro que le Vendée Globe.
03:36Je n'en sais rien.
03:37Charlie ne l'a pas remporté, la solitaire.
03:39Par contre, il gagne le Vendée Globe.
03:40Moi, je n'ai pas remporté le Vendée Globe.
03:41Donc, je ne pourrais pas dire.
03:43C'est une course un peu différente, mais l'aboutissement d'un projet comme celui du Vendée Globe,
03:48d'un tour du monde, avec l'effervescence qu'il y a, l'accueil et tout, c'est quand même quelque chose.
03:54Malgré le fait d'être malade, malgré le fait d'avoir vécu des moments compliqués.
03:59C'est fantastique.
04:00C'est beaucoup d'émotions.
04:01Le Vendée Globe, un tour du monde comme ça, c'est une course chargée d'émotions,
04:06alors que tu n'es même pas encore parti du ponton.
04:08L'accueil du public, autant pour le premier que pour le dernier, c'est incroyable.
04:13Donc non, j'en garde quand même beaucoup de belles images dans ma tête.
04:17C'est une sacrée claque, autant au départ qu'à l'arrivée.
04:21La copie n'est pas parfaite, mais quand même, ce Vendée Globe, il m'est encore un peu là.
04:26Tu as ce sentiment de fierté quand même.
04:27Oui, je suis quand même très content.
04:29Est-ce qu'il y a quelque chose que tu as appris sur toi personnellement ?
04:32Je ne sais pas.
04:34Tu n'aimes pas le gasoil ?
04:36Plus de gâteau la prochaine fois.
04:40Non, je pense que ça m'a conforté dans le fait que j'avais ma place sur cette course.
04:45Et puis, j'ai commencé ma carrière en Imoca, donc sur ces gros bateaux,
04:52ces bateaux du Vendée Globe en sortant champion de France d'élite de course au large.
04:56Et puis, j'ai perdu mes sponsors sur le Vendée Globe précédent, etc.
05:00J'ai vécu quatre années très difficiles.
05:03Et le groupe Dubreuil, qui m'accompagnait déjà, a décidé de me permettre de faire ce Vendée Globe-là avec sa famille.
05:10Et je les en remercie parce qu'aujourd'hui, j'avais le sentiment de toujours jouer un rôle de chasseur dans les courses.
05:19Donc, toujours être bien placé, mais pas de là à aller chercher des victoires.
05:22Je veux dire, mentalement, pas forcément en avoir les capacités.
05:26C'est ça aussi le sport.
05:27Et je pense que ce Vendée Globe aura été un déclic pour moi.
05:30Conclure une belle troisième place et peut-être après aller chercher une deuxième, peut-être une victoire.
05:37On verra, on va s'en donner les moyens.
05:39Moi, j'ai envie de revenir quand même sur cet épisode de la nourriture, parce qu'en fait, je trouve ça complètement dingue.
05:44J'ai bien retenu que tu disais que tu avais 2000 calories en moins par jour.
05:48J'imagine sur un effort comme celui-là, tu dois tourner à 3000, 4000 calories par jour, quelque chose comme ça.
05:53Comment tu fais quand il n'en reste que 1000 par jour ?
05:56Tu n'es déjà pas bien épais, si je peux me permettre.
05:59Et je suppose en plus qu'on perd du poids quand on est en route comme ça pendant longtemps et une stabilité qui est différente.
06:05Il y a des appuis qui sont différents.
06:07Comment tu fais pour tenir physiquement avec 1000 calories par jour ?
06:10Ça m'intéresse parce que du coup, je vais le noter pour mon régime.
06:16Du coup, heureusement, il y avait les petites sucreries cachées ici et là, que je ne comptais pas là-dedans.
06:20Il y avait de la nourriture que j'allais chercher dans les jours de 80 jusqu'à 67, du coup.
06:26Mais il n'y avait plus la nourriture plaisir, celle qui est bonne pour le mental.
06:30Il y a celle qui est bonne pour le mental, mais tu as quand même besoin d'énergie.
06:32J'imagine la préparation physique que vous faites avant de partir en mer, elle est quand même assez importante.
06:37Elle est censée vous permettre de tenir deux mois.
06:39Quand on n'a pas les rentrées de calories qui suivent au-delà du petit plaisir,
06:43j'ai bien compris, était important pour toi.
06:45C'est compliqué quand même pour ne pas perdre trop de muscle, ne pas perdre trop de lucidité,
06:50quand on ne peut pas fonctionner qu'avec des bonbons a priori.
06:52Bien sûr, mais ça compte quand même.
06:54J'ai perdu 3,5 kg en réalité sur ce tour du monde et je suis parti plus lourd que prévu.
06:59Je suis parti à 70 kg alors que mon poids habituel est plutôt 65.
07:02Donc tu t'étais lesté avant ?
07:04Je n'avais jamais fait ce poids-là, mais au final,
07:08ma proportion de masse grasse reste autour des 10 % entre le départ et l'arrivée.
07:15Mais sauf que ça a été transféré du bas vers le haut.
07:18Donc voilà, c'est juste que j'ai perdu 4 centimètres de tour de cuisse,
07:214 centimètres de tour de mollet, ce qui est énorme.
07:24C'est énorme, c'est énorme, vraiment.
07:27Oui, moi j'ai une petite question, salut Sébastien,
07:29par rapport à ce que tu disais tout à l'heure.
07:31Parce que c'est vrai que ce qu'on va retenir, c'est ces images quand t'arrives.
07:35On retient bien sûr la course, mais je sais que pour les sportifs,
07:38parfois, c'est ces petits moments-là qui sont très, très courts.
07:41On a ce shoot d'adrénaline, j'imagine, à l'arrivée.
07:45Est-ce que ça, c'est vraiment une source de motivation ?
07:48Et je parle vraiment sur un plan personnel.
07:49Quand toi, tu es sur ton bateau, est-ce que tu penses à ce moment où tu vas arriver
07:53et ce moment t'aide justement à te dépasser ?
07:57Je dirais que même les derniers jours étaient les plus durs de la course.
08:00En fait, je savais que je pouvais assurer ma troisième place
08:04et tout de suite, ce qui était étonnant dans ce tour du monde,
08:08qui a été très, très intense au départ,
08:11je pense que du départ jusqu'au Cap de Bonne-Espérance,
08:15donc toute la descente de l'Atlantique, je n'ai pas dormi plus de dix minutes d'affilée.
08:19Ce qui était vraiment intense en termes de manœuvre, de vitesse, de puissance.
08:24La vie à bord était vraiment inconfortable.
08:26Et puis, je pensais que ça se calmerait dans les mers du Sud.
08:28Ça ne s'est pas trop calmé.
08:31Le plateau était très relevé.
08:33Et en fait, quand j'ai assuré ma troisième position, la pression est retombée.
08:38J'ai oublié tous les mauvais moments de ce Vendée Globe.
08:41Je me suis dit que finalement, c'est passé assez vite globalement.
08:44Et là, c'est un peu la nature humaine.
08:46On a la faculté d'oublier tous les mauvais moments pour se souvenir que des bons
08:50et puis de dire finalement, j'ai envie de recommencer.
08:52C'est fou, ça, c'est comme une grossesse.
08:54Pendant neuf mois, tu te plains, tu te dis plus jamais, plus jamais.
08:57Quand ton mari te regarde, tu te dis, il ne me regarde pas, il ne me regarde même pas.
09:00Et puis, dès que tu accouches, tu te dis, j'en ferais bien un deuxième.
09:03Merci pour le parallèle, on ne s'y attendait pas.
09:04Pas mal.
09:05Mais c'est vraiment, ça me fait penser.
09:06Je ne pourrais pas en juger, mais peut-être, effectivement.
09:09C'est presque un accouchement, finalement, de sortir une performance comme celle-là.
09:11J'imagine que c'est assez dingue.
09:13Et là aussi, tu es à peine une semaine après ton exploit.
09:17Est-ce qu'il n'y a pas, comme on dit, une petite redescente ?
09:20Parce qu'après le shoot d'adrénaline,
09:22on peut avoir une presque, pas dépression, mais cette nostalgie,
09:27le moment où on se lève le matin, on dit, ah ben mince, ça ne bouge pas,
09:29ah ben mince, je n'ai pas envie de vomir, ah ben mince, je n'ai pas mal au bras,
09:32ah mince, j'ai dormi dix heures.
09:33Est-ce qu'il n'y a pas un moment où, finalement, c'est dur ?
09:37Effectivement, j'ai eu un peu peur de ça, mais non, je suis quand même bien occupé.
09:41J'ai eu une très belle soirée avec mes partenaires, mes amis,
09:45qui étaient aussi sur le chenal.
09:46On a fêté ça.
09:47Ce n'est pas dans mes habitudes, mais là, il fallait.
09:49C'est important.
09:51J'ai eu ma gastro, après 67 jours tout seul, nickel.
09:55Voilà, bien mérité.
09:56Donc, j'essaie de m'en remettre petit à petit.
09:58Donc, je n'ai pas eu le temps aujourd'hui d'avoir cette dépression.
10:01On a un projet annoncé pour 2028 avec un autre bateau.
10:05Donc, ça m'occupe aussi pas mal l'esprit.
10:07Il va falloir que je me remette dans la gestion de ma société avec mon équipe.
10:11Et puis, j'ai aussi un full Ironman dans cinq mois à faire.
10:14Ça, c'est fou, ça.
10:15Ça, c'est dingue.
10:16On ne voit pas la tête.
10:17C'est n'importe quoi.
10:18C'est complètement inconscient.
10:19Au cas où il s'ennuyait.
10:21Donc, je ne m'ennuie pas et je n'ai pas le temps d'être déprimé.
10:24On sera ravis de suivre tout ça.
10:27Tout simplement.
10:28Les exploits ne sont pas finis.
10:29Merci beaucoup Sébastien d'être venu avec nous partager ça.
10:32On sera ravis de te suivre pendant quatre ans et bien sûr dans quatre ans également.