DébatDoc - Quotas carbone : après la fraude, quelles leçons ? - Vidéo Dailymotion

LCP Assemblée nationale

L'affaire dite de « l'arnaque aux quotas carbone » aura longtemps fait les gros titres de la rubrique faits divers. Il y a plus de 15 ans, des escrocs ont réussi, en seulement quelques mois, à détourner 1,6 milliards d'euros en France et 6 milliards à l'échelle européenne. Quelles leçons tirer de cette fraude à la TVA à grande échelle ? En plateau, Jean-Pierre Gratien reçoit les journalistes Fabrice Arfi et Martin Boudot et le directeur de l'Office national anti-fraude, Christophe Perruaux. LCP fait la part belle à l'écriture documentaire en prime time. Ce rendez-vous offre une approche différenciée des réalités politiques, économiques, sociales ou mondiales....autant de thématiques qui invitent à prolonger le documentaire à l'occasion d'un débat animé par Jean-Pierre Gratien, en présence de parlementaires, acteurs de notre société et experts. Abonnez-vous à la chaîne YouTube LCP : https://bit.ly/2XGSAH5 Suivez-nous sur les réseaux ! Twitter : https://twitter.com/lcp Facebook : https://fr-fr.facebook.com/LCP Threads : https://www.threads.net/@lcp_an Instagram : https://www.instagram.com/lcp_an/ TikTok : https://www.tiktok.com/@LCP_an Newsletter : https://lcp.fr/newsletter Retrouvez nous sur notre site : https://www.lcp.fr/ #LCP #documentaire #debat

Transcript

00:00:00Générique

00:00:02...

00:00:16Bienvenue à tous dans Débat doc.

00:00:18C'est une arnaque, une fraude à grande échelle

00:00:20qui nous intéresse aujourd'hui dans ce Débat doc,

00:00:23l'affaire des quotas carbone,

00:00:25avec, pour mieux comprendre, le documentaire qui va suivre,

00:00:28intitulé CO2, le casse-du-siècle, ou comment.

00:00:32Voilà plus de 15 ans, et en l'espace de quelques mois,

00:00:35une fraude à la TVA sur les quotas carbone

00:00:37a permis à des escrocs de détourner, au bas mot,

00:00:401,6 milliard d'euros en France

00:00:43et plus de 6 milliards en Europe.

00:00:45Du jamais vu. Je vous laisse le découvrir,

00:00:47et je vous retrouverai juste après sur ce plateau,

00:00:49en compagnie des journalistes Fabrice Arfi et Martin Boulot

00:00:53et du directeur de l'Office national anti-fraude Christophe Péruault,

00:00:57avec eux, nous débattrons de toutes les leçons tirées

00:01:01à la suite de ce fameux casse-du-siècle.

00:01:03Bon doc.

00:01:08Une plage de sable blanc,

00:01:11une belle jeune femme de 25 ans, elle s'appelle Lisi Thouni.

00:01:15Elle est avec son fiancé, Roi, qui la filme.

00:01:24Le bonheur d'un couple qui pense avoir la vie devant soi.

00:01:27...

00:01:32Un an plus tard, nous retrouvons Roi à Tel Aviv.

00:01:35Il est seul. Son rêve s'est brisé.

00:01:37Lisi est morte fauchée par une voiture un matin

00:01:40alors qu'elle partait travailler.

00:01:42Il était 6h37 du matin.

00:01:45Lisi, ma fiancée,

00:01:49arrivait de notre appartement, de ce côté-là.

00:01:53Les deux salauds arrivaient à toute vitesse.

00:01:58De ce que l'on sait, ils roulaient à plus de 150 km heure.

00:02:05Ils sortaient d'un club de striptease,

00:02:08de l'autre côté du carrefour.

00:02:11Ils ont grillé le feu rouge

00:02:13et l'ont percuté alors qu'elle traversait la route.

00:02:16...

00:02:17...

00:02:21Voici les images de la reconstitution de l'accident.

00:02:24C'est ce bolide qui a percuté la jeune femme le 6 septembre 2011.

00:02:29La violence du choc est encore visible sur le capot.

00:02:32...

00:02:37A bord de la voiture, c'est deux Français,

00:02:41Claude K et Eric R.

00:02:43Aussitôt après l'accident, ils sont rentrés à Paris

00:02:46pour échapper à la prison.

00:02:48Royer, lui, ne se remet pas de la mort de l'île.

00:02:51Il veut obtenir l'extradition des chauffards en Israël.

00:02:55Il mène son enquête et fait de curieuses découvertes.

00:02:58Les deux hommes n'étaient pas que de simples touristes.

00:03:00Ils roulaient avec une fausse plaque d'immatriculation américaine.

00:03:04...

00:03:06Pour se procurer une fausse plaque d'immatriculation,

00:03:09que ce soit en Israël ou n'importe où ailleurs,

00:03:12vous devez avoir d'abord beaucoup d'argent.

00:03:14Et plus que ça, vous devez avoir des contacts

00:03:17avec des personnes qui sont capables de vous fournir ces plaques.

00:03:21Vous devez avoir des relations avec le milieu criminel,

00:03:24avec quelqu'un qui sait obtenir ce genre de choses.

00:03:27On ne trouve pas ça comme si on rentrait dans un magasin

00:03:29et on disait, j'ai un million de dollars,

00:03:31je voudrais acheter cette plaque d'immatriculation.

00:03:34Octobre 2012, rebondissement.

00:03:37Le magazine Marianne reprend les révélations

00:03:40d'un quotidien de Tel Aviv.

00:03:42Les deux Français seraient liés au milieu criminel israélien.

00:03:46Ils seraient impliqués dans divers escroqueries,

00:03:49dont la plus spectaculaire.

00:03:52L'arnaque quitte au CO2.

00:03:55Le CO2, c'est le gaz carbonique.

00:03:58En moins de deux ans, cette arnaque a permis

00:04:01de détourner plus d'un milliard et demi d'euros en France.

00:04:065 milliards à l'échelle de l'Europe.

00:04:08Des experts évoquent même une fraude à 20 milliards.

00:04:11C'est la plus grosse carambouille jamais réalisée

00:04:15en aussi peu de temps.

00:04:40Paris.

00:04:41Nous avons rendez-vous avec un homme qui a participé au casse-du-siècle.

00:04:45Il nous a fallu des mois pour le convaincre de témoigner anonymement.

00:04:49Nous l'appellerons Christophe.

00:04:51Il a fait ses classes ici, dans le quartier du Sentier,

00:04:55le quartier des grossistes de la fringue.

00:04:59Dans les années 90, Christophe y possède des ateliers de confection,

00:05:03mais les affaires marchent mal.

00:05:04Il se reconvertit alors dans l'informatique,

00:05:07sans plus de succès,

00:05:08et glisse lentement dans la fraude fiscale.

00:05:15Le mot escroc est un grand mot.

00:05:17Le problème, c'est qu'on ne tombe pas du jour au lendemain à escroc.

00:05:20On ne crée pas une société pour voler.

00:05:22Quand on vient à la fin du mois, il faut payer la TVA,

00:05:26vous avez un mois de retard, vous ne pouvez plus payer,

00:05:28et on rentre dans ce système-là.

00:05:33Aujourd'hui, la fraude fiscale est devenue son fonds de commerce.

00:05:36Christophe a monté plusieurs sociétés fictives.

00:05:40Il n'a plus de bureau.

00:05:42Il gère ses affaires illégales depuis sa voiture.

00:05:46Il y a quoi dans le sac en plastique ?

00:05:48Il y a des sous.

00:05:50J'ai fait une petite opération de travail.

00:05:53Je vais remettre un peu d'argent.

00:05:56Je vais être discret quand même.

00:05:58Il y a du monde en dehors. Je ne vais pas te montrer les sous.

00:06:01Là, il y a combien ?

00:06:03Là, il y a 10 000.

00:06:05En tout, il y a 70 000.

00:06:11Excusez-moi.

00:06:13Je te rappelle, je suis au rendez-vous.

00:06:15Deux secondes, je te rappelle.

00:06:17Pour brouiller les pistes,

00:06:19Christophe utilise cinq téléphones portables différents.

00:06:24Les cinq téléphones, c'est le téléphone personnel,

00:06:26le téléphone de ma société,

00:06:28le téléphone avec qui je travaille sur une personne sur Hong Kong

00:06:31et une autre personne avec qui je travaille sur l'étranger.

00:06:34C'est juste pour rassurer nos interlocuteurs.

00:06:36Si demain matin, je suis sur écoute, les cinq numéros sont sur écoute.

00:06:42C'est en 2008 que Christophe entend parler

00:06:45d'une nouvelle opportunité de fraude fiscale.

00:06:48Une fraude qui allait devenir le casse du siècle.

00:06:51Mais au début, il ne comprend même pas de quoi il s'agit.

00:06:56C'est à droite, à gauche. Tout le monde parle du CO2.

00:06:59On se dit que le CO2, c'était abstrait, c'était rien.

00:07:02C'était trois chiffres, deux chiffres et des lettres.

00:07:05Bon, rien d'extraordinaire.

00:07:06On se dit, qu'est-ce qui se passe ?

00:07:08Comment on peut faire pour aussi travailler dans le CO2 ?

00:07:11Christophe l'ignore encore, mais l'arnaque au CO2,

00:07:15ça va être le coût de sa vie.

00:07:24A l'origine de cette arnaque, une grande ambition écologique.

00:07:28La lutte contre le réchauffement climatique.

00:07:31Fond de la banquise, montée des océans.

00:07:34C'est le CO2, le gaz carbonique rejeté dans l'air par l'industrie,

00:07:39qui en serait le principal responsable.

00:07:45En 2005, l'Europe décide de fixer des quotas de CO2

00:07:49pour chaque entreprise.

00:07:50Désormais, chaque usine a un seuil de pollution à ne pas dépasser.

00:07:55Si elle dépasse ce seuil, elle est pénalisée financièrement.

00:07:58Elle doit acheter des droits à polluer à une autre entreprise

00:08:02qui, elle, est en dessous de son seuil de pollution.

00:08:05C'est le système du pollueur-payeur.

00:08:10Pour réguler ce système, on crée des bourses spécialisées.

00:08:14A Paris, cette bourse s'appelle Bluenext.

00:08:16Bluenext, bonjour.

00:08:18Ici, les entreprises polluantes achètent des droits à polluer

00:08:21aux entreprises vertueuses.

00:08:23Le cours du gaz carbonique évolue au quotidien

00:08:26en fonction de l'offre et de la demande.

00:08:28Pour les traders, la fumée d'usine est devenue un produit financier.

00:08:35Alors, ce tableau, au fond, c'est l'illustration des prix de marché

00:08:39que vous pouvez observer sur le carbone,

00:08:42tant chez Bluenext que chez ses concurrents.

00:08:44Vous avez, par exemple, le prix de la tonne de CO2,

00:08:47qui est mentionné ici.

00:08:48Vous pouvez observer qu'aujourd'hui,

00:08:50le prix de la tonne s'échange entre 8,32 euros et 8,41 euros,

00:08:54si vous êtes un acheteur ou un vendeur.

00:08:57Le marché démarre en janvier 2005.

00:09:01A l'époque, Marius Christian Fonza est consultant

00:09:04sur les questions de CO2.

00:09:06Il se souvient de l'euphorie des débuts.

00:09:11C'était quelque chose de très beau, très romantique, etc.,

00:09:14et donc, il y avait l'intérêt.

00:09:16On pensait même que le carbone, ce sera le nouveau pétrole.

00:09:20Mais en fait, le marché ne décolle pas.

00:09:22Pendant 3 ans, entre janvier 2005 et avril 2008,

00:09:26les volumes échangés sur Bluenext plafonnent à 5 000 tonnes par mois.

00:09:30Mais en avril 2008, tout change.

00:09:34Les volumes grimpent subitement à 700 000 tonnes,

00:09:364 millions de tonnes en juin, 30 millions en septembre.

00:09:41Les transactions sur le gaz carbonique

00:09:43sont multipliées par 6 000 en 6 mois.

00:09:51Mais chez Bluenext, personne ne s'étonne de cette flambée soudaine.

00:09:56Nous étions sur un marché nouveau,

00:09:59qui a donc l'avantage, mais aussi l'inconvénient de la nouveauté,

00:10:03qui est que nous n'avions pas de baisse de comparaison.

00:10:06Ainsi, nous avons considéré au début que l'augmentation des volumes,

00:10:09et c'était à l'époque un consensus de marché,

00:10:12était lié à des activités économiques totalement rationnelles,

00:10:15qui étaient liées à la vente de quotas d'industriels.

00:10:20Pourtant, au même moment,

00:10:22certains acteurs du marché commencent à avoir des doutes.

00:10:25Alexandre Borde est trader.

00:10:27A l'automne 2008, il est contacté par un étrange client.

00:10:34Un jour est arrivée une personne,

00:10:36il l'appelle en disant, voilà, j'ai besoin de...

00:10:41de réaliser des transactions à hauteur de 150 000 tonnes.

00:10:43Alors, je dis...

00:10:45Par mois, par semaine, il me dit non, par jour.

00:10:48Et là, ça m'a mis la puce à l'oreille instantanément.

00:10:51On a vérifié le profil de la transaction,

00:10:54le profil de cette société.

00:10:56On a voulu savoir...

00:10:59quels étaient ses actionnaires.

00:11:01On a regardé, on a essayé de trouver son site sur Internet

00:11:04qu'on n'a pas trouvé, du reste.

00:11:06On a constaté qu'elle avait une boîte aux lettres,

00:11:08enfin, elle avait une adresse sur les Champs-Elysées,

00:11:11mais que ça ressemblait à une adresse boîte aux lettres.

00:11:13On s'est aperçus que c'était une coquille vide et on n'a pas donné de suite.

00:11:18Fin octobre 2008,

00:11:20après 6 mois de hausse brutale du marché,

00:11:23la Caisse des dépôts,

00:11:24la banque de l'Etat et actionnaire de la bourse du carbone Blue Next,

00:11:28alerte le ministère de l'Economie et des Finances.

00:11:36Les premières déclarations de soupçon sont d'octobre 2008.

00:11:39C'est une déclaration de soupçon qui ne préjuge en rien

00:11:43de la réalité d'une fraude.

00:11:45C'est juste une déclaration de soupçon classique

00:11:47sur les entreprises,

00:11:49qui semblent, effectivement, avoir une surface

00:11:53un peu étonnante au regard du marché carbone.

00:11:56Le marché carbone, il est ouvert à tous.

00:12:01Effectivement, rentrer sur ce marché

00:12:03où toutes les transactions se font par Internet est une formalité.

00:12:07Il suffit d'ouvrir un compte à la Caisse des dépôts

00:12:10et n'importe qui peut le faire.

00:12:16A l'automne 2008,

00:12:17notre escroc Christophe, que nous retrouvons dans un bar,

00:12:20demande un dossier d'inscription à la Caisse des dépôts.

00:12:27Ca prenait 20 minutes de remplir un dossier.

00:12:30Une semaine après, tu recevais tes codes et tes passwords

00:12:35et tu te retrouves être membre de la Caisse des dépôts et consignations

00:12:39et t'as le droit de trader sur le marché.

00:12:42Donc n'importe qui était capable de le faire.

00:12:45Et d'une société qui faisait de l'informatique

00:12:48pour se retrouver à faire du CO2.

00:12:55A la fin de l'année 2008,

00:12:57Christophe commence donc à acheter et vendre du CO2 sur Bluenext.

00:13:01A cette époque,

00:13:03les volumes échangés sur la bourse du carbone continuent à s'envoler.

00:13:0770 millions de tonnes en novembre.

00:13:1090 millions en décembre.

00:13:13Le marché devient fou.

00:13:16Il atteint les 130 millions de tonnes en janvier 2009.

00:13:19En trois mois, les volumes échangés ont à nouveau presque doublé.

00:13:27Le gaz carbonique,

00:13:29c'est le produit rêvé pour une escroquerie à grande échelle.

00:13:33Le marché est totalement virtuel.

00:13:36Les transactions se font par ordinateur.

00:13:38On y vend une marchandise immatérielle, le gaz, qui vaut de l'or.

00:13:43Et tout ça en temps réel.

00:13:45Tu peux passer d'un pays à un autre

00:13:48sans stock, sans marchandise, sans déclaration d'échange de biens.

00:13:53Y a rien à faire. J'achète le matin.

00:13:56Et je revends le matin.

00:14:01Grâce à la souplesse de ce système,

00:14:03Christophe, comme tous les escrocs,

00:14:05va générer des millions d'euros de transactions.

00:14:09En février 2009, les volumes de CO2 échangés sur Bluenext

00:14:12doublent à nouveau.

00:14:14Ils frôlent les 230 millions de tonnes.

00:14:17Un record absolu, c'est le pic de la fraude.

00:14:24Traque fin.

00:14:25Le service de renseignement du ministère des Finances

00:14:29comprend alors qu'il y a un très sérieux problème.

00:14:31...

00:14:35Nous avons, dans notre parti renseignement,

00:14:38commencé à appréhender suffisamment au plan intellectuel

00:14:41la situation pour être en mesure de donner ces alertes

00:14:45entre début février 2009

00:14:47et la fin du 1er trimestre 2009.

00:14:50Ce sont les premières alertes qui ont été faites,

00:14:52conformément aux codes et aux règles de droit

00:14:55qui s'appliquent à Traquefin.

00:14:57Les détectives du ministère de l'Economie

00:14:59soupçonnent une fraude.

00:15:00Mais ils n'en comprennent pas la nature.

00:15:03Ils pensent alors à une gigantesque opération internationale

00:15:06de blanchiment d'argent de la drogue via le marché du carbone.

00:15:10...

00:15:12En fait, c'est tout autre chose.

00:15:15L'arnaque au CO2 est une combine toute simple.

00:15:18Une grossière fraude fiscale,

00:15:20une fraude à la TVA.

00:15:22C'est la spécialité de Christophe.

00:15:25...

00:15:26On est ni trader, ni broker.

00:15:28On ne s'appelle pas Jérôme Kervier, on ne s'agit pas du tout.

00:15:31On s'est à peine canoté sur un ordinateur

00:15:34et on se retrouve tout de suite à faire du chi-du-chi d'affaires.

00:15:37Et beaucoup d'argent à la clé.

00:15:39...

00:15:41Comment fonctionne la TVA ?

00:15:42Premier cas de figure, quand le commerçant est honnête.

00:15:46Et qu'il importe un produit, par exemple, des ordinateurs,

00:15:49il rajoute 19,6 % sur le prix de vente.

00:15:55Ces 19,6 %, c'est le montant de la TVA.

00:15:59Le commerçant doit ensuite les reverser à l'Etat français,

00:16:03au ministère des Finances de Bercy.

00:16:05...

00:16:09Deuxième cas de figure, le commerçant est malhonnête.

00:16:12Quand il importe un produit, puis le revend,

00:16:15il rajoute bien les 19,6 % de TVA.

00:16:18Mais il ne les reversera jamais au ministère des Finances.

00:16:22Il les empoche.

00:16:24C'est exactement ce que Christophe faisait

00:16:26avec la revente de ses ordinateurs.

00:16:28En 2008, il a appliqué cette bonne vieille combine

00:16:31sur le gaz carbonique.

00:16:33Et il n'en revient toujours pas de la facilité

00:16:36avec laquelle il a mené cette arnaque.

00:16:38Un véritable braquage, sans armes,

00:16:40sans violence.

00:16:42...

00:16:46Le CO2, c'est...

00:16:47Les grands grilles de la Banque de France sont ouvertes.

00:16:50Vous rentrez, vous prenez de l'argent

00:16:53et vous ressortez.

00:16:54Et vous vous dites, qu'est-ce qui se passe ?

00:16:56Personne ne me voit.

00:16:57Je rentre et je viens avec deux valises.

00:17:00Je remplis mes valises et je sors.

00:17:02Et après, il a pris une valise, deux valises, trois valises.

00:17:05Je vais monter une société

00:17:07qui va louer des camions, des aéroports.

00:17:10Et on va y aller.

00:17:12Ça peut être sourire aujourd'hui,

00:17:14mais c'est exactement ce qui s'est passé.

00:17:16On vient, on dit 15 francs.

00:17:18Mais quel fou va dire que non, j'y vais pas ?

00:17:20...

00:17:23Christophe aurait empoché en quelques mois 5 millions d'euros.

00:17:27D'autres escrocs ont gagné beaucoup plus.

00:17:30Jusqu'à 500 millions d'euros, l'arnaque a changé leur vie.

00:17:34Voiture de luxe, palaces, casinos,

00:17:36ils ne se refusent rien.

00:17:38...

00:17:40Nous avons pu accrocher l'un de ces nouveaux nababs du CO2.

00:17:43Il se cache aujourd'hui sur la Côte d'Azur.

00:17:46...

00:17:49Vous, vous avez fait combien ?

00:17:51J'ai dû faire peut-être 150 millions.

00:17:54150 millions d'euros.

00:17:56Franchement, c'était la plus belle embellie du siècle.

00:17:59On peut acheter des bijoux pour sa femme, pour sa soeur.

00:18:02Peu importe, une montre, on peut en acheter 10, 15.

00:18:05Des voyages en jet privé, des suites dans les plus grandes repèles.

00:18:09Peu importe, ils vont prendre 100 000, 200 000, 300 000 euros.

00:18:13Le mec, c'est ce qu'il gagnait en une heure.

00:18:16La grande vie, quoi. La vie de prince.

00:18:19Mars 2009.

00:18:22Les scrocfies au CO2 tournent toujours à plein régime.

00:18:25Même si les échanges fléchissent à 100 millions de tonnes,

00:18:28ils repartent très vite à la hausse en avril

00:18:30pour atteindre 190 millions de tonnes en mai.

00:18:33...

00:18:37C'est à ce moment-là que la caisse des dépôts,

00:18:39l'actionnaire de Bluenext,

00:18:41comprend enfin la nature de la fraude.

00:18:44...

00:18:46La conviction que nous avons affaire à une fraude à la TVA

00:18:50devient avérée courant mai, début juin.

00:18:55La caisse des dépôts prend l'initiative,

00:18:57avec beaucoup d'insistance,

00:18:58d'obtenir, parce qu'elle n'en a pas le pouvoir elle-même,

00:19:03du ministre du Budget

00:19:05qu'il modifie la réglementation applicable à la TVA

00:19:08de manière à tarir les scrocfies.

00:19:13Le 9 juin 2009,

00:19:15le ministère des Finances prend une mesure radicale.

00:19:18Il supprime carrément la TVA sur les quotas carbone.

00:19:21Pour les escrocs, c'est la fin de la récréation.

00:19:42J'ai pris, j'allais dire, une trop grosse gifle.

00:19:44C'était normal, c'était la réaction logique

00:19:46de n'importe quel Etat de retirer la TVA à ce moment-là.

00:19:50Le marché, qui n'est plus soutenu artificiellement

00:19:54par les fraudeurs, s'effondre.

00:19:56Il tombe à 95 millions de tonnes échangées en juin 2009.

00:20:00Il ne va cesser de chuter

00:20:03et atteindre 36 millions de tonnes en décembre.

00:20:06En 6 mois, les volumes de CO2 échangés sur Bluenext

00:20:10sont divisés par 6.

00:20:20Direction les Pays-Bas.

00:20:22Là est le siège d'Europol.

00:20:28Europol est une organisation

00:20:30qui enquête sur les réseaux criminels

00:20:32à l'échelle de l'Europe.

00:20:36En décembre 2009,

00:20:38elle révèle que la France n'est pas le seul pays

00:20:40touché par la fraude à la TVA.

00:20:43Les escrocs ont frappé partout en Europe.

00:20:51Les pays qui ont été le plus touchés par cette fraude

00:20:54ont été l'Allemagne, la France,

00:20:56l'Italie, le Royaume-Uni.

00:21:01C'est les pays les plus affectés.

00:21:03Ces 4-là et quelques autres, mais de façon moindre.

00:21:06Mais essentiellement, en première ligne,

00:21:09c'était ces pays-là.

00:21:10Vous avez des montants pour chacun des pays ?

00:21:12Les montants qui ont été communiqués...

00:21:15Le montant global est de 5 milliards d'euros.

00:21:195 milliards d'euros à l'échelle de l'Europe,

00:21:22et c'est une estimation basse.

00:21:24Chez Europol,

00:21:26pour identifier les réseaux internationaux d'escrocs,

00:21:29les enquêteurs ont pisté leurs échanges Internet

00:21:32et leur téléphone portable.

00:21:35Ca nous permet rapidement de mettre en évidence

00:21:38des acteurs clés derrière des téléphones

00:21:40qui sont plus souvent en contact que d'autres

00:21:43ou qui jouent des rôles intermédiaires.

00:21:45C'est ce type d'outil qui permet de faire des rapprochements

00:21:49de façon quasiment instantanée.

00:21:50C'est là la valeur ajoutée d'Europol

00:21:52dans le cadre de cette fraude à la taxe carbone,

00:21:56mais aussi dans tous les autres types de criminalités.

00:21:59Réseaux de trafic de stupéfiants,

00:22:03blanchiment d'argent,

00:22:05enfin, tous les types de criminalités

00:22:08à dimension internationale ou européenne,

00:22:10ou européenne et internationale.

00:22:14L'enquête sur le CO2 est toujours en cours.

00:22:17Europol ne nous livrera aucune information précise.

00:22:22Mais ailleurs, en Europe,

00:22:24un homme en sait long sur les escrocs à la taxe carbone.

00:22:32Direction Copenhague, au Danemark.

00:22:36L'homme en question a longuement enquêté sur l'escroquerie au CO2.

00:22:40Bo Elkjer, dit le skipper,

00:22:43est un ancien journaliste, un fou d'informatique.

00:22:46Il a lui aussi reconstitué les liens entre les bandes d'escrocs

00:22:50et remonté leur société fictive

00:22:52grâce à un logiciel réservé normalement

00:22:56aux services secrets.

00:22:58C'est un programme d'analyse

00:23:00développé par la CIA pour traquer les terroristes.

00:23:03Il relie toutes les informations entre elles.

00:23:06Si vous avez le même numéro de téléphone

00:23:09qui apparaît dans différents comptes,

00:23:11il va faire le lien entre ces comptes.

00:23:13Si vous avez la même adresse mail,

00:23:15le même nom, etc.

00:23:20Le skipper a identifié un Français

00:23:22possédant plusieurs sociétés en Europe

00:23:24un certain M. X.

00:23:33Ce compte est lié à une adresse à Paris.

00:23:36Mais lui et ses complices utilisent des téléphones portables anglais.

00:23:40Il y a un lien avec une société qui s'appelle Cheney Services.

00:23:47Nous sommes allés voir cette société.

00:23:49Elle est un stade de recherche.

00:23:52Nous sommes allés voir cette société.

00:23:54Elle est installée dans la banlieue de Londres.

00:23:57Mais elle n'existe pas. C'est une coquille vide.

00:24:02Quand vous montez ce genre d'arnaque à la TVA,

00:24:05on appelle ça une fraude au carousel.

00:24:09Vous devez opérer de plusieurs pays européens différents.

00:24:12Vous devez exporter et réexporter vos produits

00:24:15à l'intérieur de la communauté européenne

00:24:18pour voler la TVA.

00:24:20Car à chaque fois que vous exportez, vous récupérez la TVA.

00:24:27La plupart des escrocs français ont monté des sociétés

00:24:30dans plusieurs pays d'Europe.

00:24:33Cela leur permettait de faire tourner les stocks de CO2

00:24:36en circuit fermé.

00:24:38Ils s'achetaient et se revendaient le gaz carbonique à eux-mêmes.

00:24:42A chaque fois qu'ils passaient par la France, ils détournaient la TVA.

00:24:46C'est le système du carousel.

00:24:48Il permet de multiplier les gaz à toute vitesse

00:24:51et de façon gigantesque.

00:24:54Le skipper s'est intéressé aux escrocs de toute l'Europe.

00:24:57Il a reconstitué la carte de toutes les sociétés impliquées

00:25:00dans l'arnaque.

00:25:02On en trouve partout,

00:25:04essentiellement en Allemagne, au Benelux,

00:25:07mais surtout en Angleterre.

00:25:10Elles sont principalement aux mains de la mafia pakistanaise.

00:25:13Selon une source judiciaire à Londres,

00:25:16l'arnaque au CO2 y aurait servi à financer

00:25:19des groupes terroristes islamistes.

00:25:29Fin 2009, Paris.

00:25:31Six mois après la suppression de la TVA,

00:25:35un premier suspect français est mis en examen.

00:25:38Un certain Fabrice Sakoum.

00:25:40Sa profession ?

00:25:42Grossiste en textile.

00:25:44Spécialité jean et basket.

00:25:47Sa société était installée dans cet entrepôt de Romainville,

00:25:50dans la banlieue nord de Paris.

00:25:52L'endroit semble déserté.

00:25:54Nous sonnons.

00:25:56Un homme nous ouvre.

00:26:00Bonjour, nous sommes journalistes, on travaille pour Canal+.

00:26:03Ici, il y avait domicilié une société qui s'appelait Nathanaël.

00:26:07Je sais pas ce que vous voulez, mais je suis au courant de rien.

00:26:10Allez, un petit peu.

00:26:12Franchement, je ne les connais pas du tout.

00:26:14Je sais qu'ils ont fermé, déposé le bilan, je sais pas quoi,

00:26:17mais plus que ça, franchement...

00:26:19Je crois qu'ils sont dans le tissu, dans le textile, un truc comme ça.

00:26:22Je sais qu'ils sont partis d'ici.

00:26:25Ils ont pas réglé, par exemple, l'eau.

00:26:27Comme ça, c'est basique.

00:26:29Ils ont même pas payé les factures.

00:26:31Des factures d'eau qui sont restées à payer sans plus, je crois.

00:26:34Super. Merci beaucoup, monsieur.

00:26:36Merci.

00:26:39Dans la cour, ce 4x4 humeur.

00:26:42La valeur de ce véhicule, plus de 100 000 euros.

00:26:46Pas de plaque d'immatriculation, il semble abandonné.

00:26:51Grâce au CO2, Sakoun, l'ancien vendeur de fringues,

00:26:55est devenu un millionnaire flamboyant.

00:26:57Selon l'un de ses anciens employés, il a dorébrillé.

00:27:03Il y avait des Porsches, il y avait des Hummers,

00:27:06il y avait des Lamborghini.

00:27:08Il y avait M. Sakoun.

00:27:11Il a commandé le même modèle que James Bond.

00:27:14Il nous a enlevé la folie des montres.

00:27:16Des montres à 100 000 euros, des quartiers, des Rolex.

00:27:22Le procès Sakoun se tient en 2011.

00:27:26Il est accusé d'avoir détourné 43 millions d'euros de TVA.

00:27:32Début 2012, le verdict est rendu.

00:27:35A la sortie de la salle d'audience,

00:27:38l'avocate de Fabrice Sakoun, Martine Malin-Beaume.

00:27:42La peine vient de tomber.

00:27:44L'escroc est condamné à 5 ans de prison

00:27:47et il doit rembourser les 43 millions de TVA détournés.

00:27:50Mais Fabrice Sakoun ne s'est pas présenté au tribunal.

00:27:56Pourquoi il n'est pas venu aujourd'hui ?

00:27:58On me pose une question pertinente.

00:28:00Peut-être qu'il craignait qu'on lui laissait en demande d'arrêt

00:28:05et qu'en ce sens-là, il n'ait peut-être pas eu tort.

00:28:08En tout cas, non pas de ne pas venir,

00:28:10mais de penser comme il l'a pensé.

00:28:12Ca veut dire qu'il n'est pas en France, qu'il se cache ?

00:28:15Il est en cabane ?

00:28:16Je sais pas vous dire ça.

00:28:18Moi, je l'ai au téléphone.

00:28:20Il peut être à Paris, à deux pas d'ici, comme un peu plus loin.

00:28:23Il ne me dit pas où il est.

00:28:24L'avocate s'isole pour appeler son client.

00:28:27À mon avis, il y a des recours possibles, hein.

00:28:29D'accord ?

00:28:31Ah oui, il y a des recours sur cette question, certainement.

00:28:34Bon, comment vous êtes, vous ?

00:28:37Je vous rappellerai plus tard.

00:28:39Dès que j'arrive, je vous rappelle et quand j'aurai lu le jugement.

00:28:42Oui.

00:28:43Dans l'affaire Sakoun,

00:28:446 autres personnes ont été condamnées à des peines diverses

00:28:48de 6 mois à 4 ans de prison.

00:28:51Parmi elles...

00:28:53Monsieur X.

00:28:56Il était le gérant des entreprises de Fabrice Sakoun.

00:28:59C'est lui que le journaliste danois, le skipper,

00:29:02avait identifié comme le patron d'une nébuleuse de société

00:29:05domiciliée en France et en Angleterre.

00:29:14Nous avons retrouvé M. X.

00:29:16Il nous a donné rendez-vous

00:29:18devant l'entrepôt de la société de Fabrice Sakoun qu'il gérait.

00:29:22Il était payé 10 000 euros par mois,

00:29:25mais il assure qu'il n'était qu'un simple manutentionnaire.

00:29:29J'ai pas de bureau, moi, fixe.

00:29:32Et ça vous gênait pas ?

00:29:33Non. Je m'en fous, moi.

00:29:34J'étais tout le temps en bas.

00:29:36Réception de marchandises.

00:29:38M. X affirme qu'il était un prête-nom dans cette affaire,

00:29:42un gérant de paille.

00:29:46Comment on fait pour ne pas voir ?

00:29:48Vous étiez là tous les jours ?

00:29:50Pas tous les jours.

00:29:51Vous étiez là très souvent ?

00:29:52Ouais. Sauf quand tu te montres pas les vrais comptes.

00:29:57Voilà. Et les personnes qui ont conjugué affaire à eux,

00:29:59j'ai jamais eu affaire à eux, ils ont eu affaire à M. Fabrice.

00:30:02Vous étiez même pas au courant des vrais comptes ?

00:30:05Les vrais trucs qu'ils faisaient en arrière,

00:30:07j'étais même pas au courant.

00:30:09Au CO2, j'étais même pas au courant.

00:30:11Le recours au gérant de paille était une pratique courante

00:30:13dans l'escroquerie au CO2,

00:30:16ce que nous confirme Christophe, notre escroc anonyme.

00:30:20Tu prends un dépistier du coin, tu lui dis, tiens, viens.

00:30:22Est-ce que t'as besoin d'argent ? Oui.

00:30:24Combien tu gagnes par mois ?

00:30:25Je suis à la mort, je suis à la rue, j'ai plus d'oseille, je suis mort.

00:30:27Tiens, viens. Tu vas gagner bien de ta vie.

00:30:29Donne-moi ton nom, donne-moi ta photocopie, donne-moi ta truc.

00:30:32J'ai fait tout ceci pour toi, ton nom.

00:30:34Donc après, t'as fait ça à le gérant de paille,

00:30:35moi, j'ai pas fait ça plus, j'ai eu une opportunité.

00:30:40Aujourd'hui, M. X est amer.

00:30:42Il a l'impression d'être un lampiste

00:30:44qui paie pour les vrais donneurs d'ordres.

00:30:48Ils s'accrochent tous à moi.

00:30:50Moi, j'ai rien fait dans l'histoire.

00:30:52Il faut condamner les bonnes personnes.

00:30:53Il faut poursuivre les bonnes personnes,

00:30:55parce qu'ils sont partis de ce pays,

00:30:57ils sont partis d'un pays étranger,

00:30:59et voilà, ils sont tranquilles, ils vivent dans le soleil,

00:31:02dans la mer, tranquilles.

00:31:04Le soir, ils sortent, le matin, ils rentrent chez eux.

00:31:06Super.

00:31:10Le cerveau de l'affaire Fabrice Sakoun s'est enfui en Israël.

00:31:14Il y a, rejoint, une trentaine d'autres Français

00:31:17qui seraient impliqués dans l'arnaque au Séoud.

00:31:26Tel Aviv.

00:31:28Fabrice Sakoun et ses comparses ont devenu citoyens israéliens.

00:31:32Ils ont abusé de la loi du retour

00:31:34qui permet à tout immigrant juif de devenir israélien.

00:31:38Or, Israël a la réputation de ne pas extrader ses ressortissants.

00:31:46Direction Ashdod, au sud de Tel Aviv.

00:31:50Nous avons rendez-vous chez un homme

00:31:52qui est très proche des escrocs de la taxe carbone.

00:31:55Dans un quartier résidentiel,

00:31:57une villa moderne protégée par une trentaine de caméras de surveillance.

00:32:03Son propriétaire s'appelle Gilbert Chikli.

00:32:06C'est un escroc, lui aussi.

00:32:08Il nous a fallu des jours de négociation

00:32:10pour qu'il accepte de témoigner.

00:32:12A 47 ans, c'est une star dans son milieu.

00:32:15Son surnom, le professeur.

00:32:17Voilà. Et ça...

00:32:20Voilà, ça, c'est mon monde.

00:32:22Et celui que je préfère, c'est celui-ci, là.

00:32:25Celui-là, qui est là-haut, je l'appelle le dalmatien,

00:32:28car figure-toi qu'il commande tout le monde.

00:32:30C'est lui qui gère, c'est le manipulateur.

00:32:33C'est important de manipuler ?

00:32:34Non, c'est important d'avoir le contrôle et de gérer.

00:32:38Sinon, si tu te fais gérer, alors t'es mort.

00:32:42Officiellement, Gilbert Chikli dirige une société de taxis en Israël.

00:32:46Il est pourtant recherché par les justices françaises

00:32:50et suisses pour plusieurs escroqueries.

00:32:52Son coup le plus fument date de 2010.

00:32:56En France, il a réussi à arnaquer des directeurs de banque

00:32:59de centaines de milliers d'euros avec une seule arme,

00:33:03la tchatche.

00:33:04Il s'est fait passer pour un espion.

00:33:10Vous le faisiez passer pour des gens de la DGSE.

00:33:12Vous leur demandiez de vous remettre l'argent ?

00:33:15Oui. On leur donnait des relevés d'identité bancaire à voix orale.

00:33:19Tout se faisait par téléphone.

00:33:21Et ils nous transféraient des sommes sur ce relevé d'identité bancaire.

00:33:25Vous les convainquez de transférer des sommes à un banquier

00:33:28que vous ne connaissez pas ? Il faut du talent pour faire ça.

00:33:32Il faut être un bon acteur, un grand monteur.

00:33:34Il faut croire à son histoire.

00:33:36Eux, ils y ont cru. Ils sont rentrés dans le film.

00:33:39Et ils ont bien joué.

00:33:40Ils ont dévalisé leur propre banque.

00:33:42Musique sombre

00:33:44...

00:33:47Écran géant à 100 000 euros,

00:33:50branché en permanence sur les chaînes françaises.

00:33:54Meubles design.

00:33:56Ascenseur intérieur.

00:33:58Gilbert Chikli n'est pas dans le besoin.

00:34:00Il n'a pas participé à l'escroquerie au CO2.

00:34:04Il a eu comme une sorte d'empêchement.

00:34:07Vous vous regrettez de ne pas l'avoir fait ?

00:34:09Oui, j'étais en prison.

00:34:10Sans quoi, je vous dis franchement,

00:34:12je me serais levé le matin et me coucher le soir

00:34:15avec un bénéfice de 200 %, ça m'aurait plu.

00:34:18Gilbert Chikli nie être en contact avec les escrocs au CO2.

00:34:23Enfin, il nie.

00:34:25Du bout des lèvres.

00:34:26Vous les connaissez un peu, non ?

00:34:28Ben...

00:34:30Ils disent ce qu'ils veulent. Je les connais...

00:34:33Non, je les connais pas.

00:34:36Je les connais pas.

00:34:37Même si je les connaissais, j'ai aucun conseil à leur donner.

00:34:41Ils savent ce qu'ils font.

00:34:42Je peux vous dire, en tous les cas,

00:34:45que par mon expérience, ils sont dans le même cas que moi.

00:34:48Je pense qu'il y a beaucoup de personnes qui sont mal barrées.

00:34:53En avril 2012,

00:34:56Gilbert Chikli a échappé à une tentative d'assassinat.

00:35:01J'ai vu deux types arriver avec une espèce de mitrailleuse.

00:35:04On m'a tiré dans tout le toit.

00:35:05Et ici, ils ont mis une balle sur le garage de mon voisin.

00:35:11Tu vois, regarde.

00:35:13C'est un impact de combien, ça ?

00:35:15De 9 millimètres.

00:35:16Et ici, on a changé toutes ces devantures

00:35:18parce qu'on m'avait lancé une grenade.

00:35:20Mais ça, encore une fois,

00:35:24on sait gérer ce genre de problèmes.

00:35:26Parce que nous, la mafia, en tous les cas, moi,

00:35:28personnellement, ça me fait pas peur.

00:35:32Qu'est-ce que tu veux ?

00:35:36Désormais, il a pris toutes ses précautions.

00:35:41Bonsoir.

00:35:42C'est là-bas, je suis en train de changer de sarfaite.

00:35:45Donc, là, c'est la...

00:35:47C'est le... Comment dirais-je ?

00:35:50La salle des caméras.

00:35:51De la sécurité, donc, de toutes les rues

00:35:54aux alentours de la villa, ainsi que de l'intérieur de la villa.

00:35:59Ferme-la comme ça, ça va être plus simple, peut-être.

00:36:02C'est en tirant d'élite.

00:36:05Donc, il est spécialisé dans la matière.

00:36:07C'est parti. Vous voyez ?

00:36:09Là, il y a une voiture qui vient.

00:36:11Systématiquement, regardez, hop, il va sortir.

00:36:14Ça veut dire que s'il y a quelqu'un qui vient en plein milieu de la nuit

00:36:18et qui s'amuse à refaire ce qu'ils ont fait il y a deux mois de cela,

00:36:21à mon avis, il repartira une main devant, une main derrière.

00:36:24Pas de cadeau. Voilà.

00:36:32Selon nos informations,

00:36:34le milieu du grand banditisme français

00:36:37serait derrière la tentative d'assassinat de Gilbert Schicke.

00:36:45Retour à Tel-Aviv.

00:36:48La justice française a décidé d'y rattraper les escrocs au CO2.

00:36:53A la demande du juge parisien,

00:36:5516 millions d'euros ont été saisis sur des comptes bancaires

00:36:58au nom de Fabrice Sakon.

00:37:01Irith Cohen est une ancienne magistrate

00:37:03spécialisée dans les dossiers d'extradition.

00:37:06A ses yeux, la Terre promise n'est plus un refuge

00:37:09pour les escrocs français au CO2.

00:37:12Ces personnes qui se sont enfuies de France

00:37:15et qui pensent être à l'abri ici

00:37:17devraient savoir qu'elles ne sont pas en sécurité en Israël.

00:37:20Leurs comptes en banque peuvent être gelés.

00:37:22La police israélienne collabore avec la police française.

00:37:25Il n'y a aucun problème pour extrader des citoyens

00:37:28qu'ils soient français ou autre.

00:37:30Nous n'avons aucune envie d'avoir des criminels en liberté en Israël.

00:37:33Car hier, s'ils ont commis des crimes en France,

00:37:36demain, ils en commettront en Israël.

00:37:47Paris.

00:37:48La petite poignée des escrocs juifs n'est pas la seule

00:37:51à avoir misé sur la taxe carbone.

00:37:53Le grand banditisme est lui aussi rentré dans la danse

00:37:56et voici comment.

00:38:27Le grand banditisme investit très tôt

00:38:29de très grosses sommes dans le casse-du-siècle.

00:38:32Mais avec lui, les règles du jeu changent.

00:38:34On passe d'une délinquance en col blanc

00:38:37à des règlements de comptes sanglants.

00:38:40Michel Lepage est une figure du milieu français.

00:38:49Je me présente, c'est l'ancien parrain de la banlieue sud.

00:38:54Michel Lepage n'a pas participé à l'arnaque au CO2,

00:38:57mais il a suivi de très près les embrouilles entre malfrats.

00:39:04Ca a dérapé.

00:39:05Comme on dit chez nous, des emplattrages,

00:39:07c'est-à-dire des sommes qui ne sont jamais arrivées

00:39:10à leur destinataire.

00:39:11Ca se règle pas devant les tribunaux.

00:39:15C'est ce que je veux dire.

00:39:16Ca se règle comment ?

00:39:18Ca se règle comme ça se règle dans le milieu, en général.

00:39:21Le fils de Michel Lepage, Serge, qui aurait pris part à l'arnaque,

00:39:26a été abattu par deux hommes à moto en janvier 2009.

00:39:31Un an et demi plus tard, en mai 2010, à Saint-Mandé, près de Paris,

00:39:35un truand du milieu algérien est abattu.

00:39:38Il était lié au CO2.

00:39:41Quatre mois plus tard, en plein Paris,

00:39:43devant le palais des congrès de la Porte Maillot,

00:39:45nouvel assassinat.

00:39:47Samy Souyed, un escroc arrivé le matin même de Tel Aviv,

00:39:51est lui aussi abattu par deux tueurs à moto.

00:39:56Ces trois meurtres, tous liés à l'escrocrie au CO2,

00:39:59sont en cours d'investigation à la brigade criminelle.

00:40:02Il est peu probable que leurs auteurs,

00:40:04des tueurs professionnels, soient un jour identifiés.

00:40:13L'arnaque au CO2 a eu d'autres conséquences.

00:40:18Beaucoup plus inattendues.

00:40:25Lyon, septembre 2011.

00:40:30Michel Neyret, un grand flic charismatique,

00:40:34le numéro 2 de la PG Lyonnaise,

00:40:36est arrêté et envoyé en prison.

00:40:39Il est une victime collatérale de l'affaire du CO2.

00:40:44Parmi les faits qui lui sont reprochés,

00:40:46c'est lié avec plusieurs escrocs présumés à la taxe carbone.

00:40:51Le premier s'appelle Yannick Dachville.

00:40:54Ce Français a monté, en 2009,

00:40:57plusieurs sociétés d'import-export de CO2 en Allemagne.

00:41:02Il va travailler sur le marché allemand du CO2.

00:41:05En France, c'est terminé, on a compris, le robinet est coupé.

00:41:09C'est une époque où les gens, avec peu de moyens au début,

00:41:13ont gagné beaucoup d'argent.

00:41:14Si c'était illégal, les Allemands lui demanderont des comptes.

00:41:18Pour l'instant, en Allemagne,

00:41:20Yannick Dachville n'a pas été mis en cause.

00:41:23Seul son gérant de pagne a été condamné en janvier 2012

00:41:28par le tribunal de Francfort à trois ans de prison

00:41:31pour avoir détourné 16 millions d'euros de TVA.

00:41:34En France, Yannick Dachville lui est soupçonné

00:41:38d'avoir financé un trafic de drogue à nuit sur scène.

00:41:41C'est cette affaire qui fera tomber Neyrais, le grand flic lyonnais.

00:41:47Le journaliste Slim Mazni a suivi ce dossier depuis le début.

00:41:53La brigade des stups de Paris travaille sur un dossier précis

00:41:57qui est une saisie de drogue à Neuilly

00:42:00dans un appartement d'une riche famille saoudienne.

00:42:03Dans le dossier, un nom va sortir, c'est Michel Neyrais.

00:42:07Les enquêteurs vont alors aller de découverte en découverte.

00:42:11Les écoutes téléphoniques révèlent que le flic modèle

00:42:14est en contact avec un deuxième escroc présumé de l'arnaque au CO2,

00:42:18un certain Stéphane Alzra.

00:42:21Un jeune lyonnais de 30 ans devenu millionnaire du jour au lendemain.

00:42:29Stéphane Alzra est un playboy flambeur.

00:42:32Il s'affiche aux côtés d'un mannequin incendiaire.

00:42:35Il invite Michel Neyrais dans sa somptueuse villa de Cannes.

00:42:39Il met à sa disposition ses voitures de luxe et son yacht.

00:42:47Stéphane Alzra est un jeune type qui fait fortune du jour au lendemain.

00:42:50Ses potes, ils croient qu'il a gagné au loto.

00:42:52Personne ne comprend qu'il est impliqué dans une opération frauduleuse.

00:42:57Non, tout le monde dit qu'il a gagné au loto.

00:43:00Il s'en va sur la Côte d'Azur, 30 ans, Michel Neyrais,

00:43:02qui est sur la fin de sa carrière, qui a traqué des voyous toute sa vie.

00:43:06Il se retrouve avec Stéphane Alzra, qui découvre la vie.

00:43:13Stéphane Alzra est mis en examen en février 2012.

00:43:17Il est soupçonné d'avoir retourné 50 millions d'euros de TVA

00:43:20dans l'escroquerie au CO2.

00:43:22L'instruction est toujours en cours à Lyon.

00:43:29Selon les enquêteurs, Michel Neyrais aurait aussi transmis

00:43:32des fiches de police confidentielles à des voyous.

00:43:37En Israël, l'escroc Gilbert Chikli affirme en avoir bénéficié.

00:43:43Gilbert Chikli, on a trouvé votre nom dans l'affaire Neyrais.

00:43:46Qu'est-ce qui vous lie à Michel Neyrais ?

00:43:50Alors, je vous le dis, ce qui me lie dans l'affaire Neyrais,

00:43:52ce sont des fiches Interpol.

00:43:54Et effectivement, j'en ai bénéficié pour savoir

00:43:57quelle était ma position au niveau pénal, au niveau international,

00:44:01pour savoir si je pouvais voyager.

00:44:03Et je me suis aperçu que j'avais un mandat d'arrêt.

00:44:05Bon, maintenant, Neyrais, moi, je le connais pas personnellement.

00:44:08Peut-être que par un intermédiaire,

00:44:11en échangeant certaines informations,

00:44:14je parle de cet intermédiaire, bien évidemment,

00:44:16il aurait demandé une fiche me concernant.

00:44:18A en croire les enquêteurs, ces fiches de police

00:44:21auraient été vendues 50 000 euros-pièce.

00:44:23Plusieurs auraient été destinées à des escrocs au CO2.

00:44:28Michel Neyrais nie toutes ces accusations.

00:44:36Musique intrigante

00:44:38Février 2012, nouveau rebondissement.

00:44:42Rue Cambon, à Paris,

00:44:44la Cour des comptes présente son rapport annuel à la presse.

00:44:47Un chapitre entier est consacré à l'arnaque au CO2.

00:44:51...

00:44:53La Cour s'est penchée spécifiquement

00:44:55sur un cas de fraude spectaculaire

00:44:57qui a coûté 1,6 milliard d'euros de pertes fiscales à l'Etat

00:45:01entre l'automne 2008 et le printemps 2019.

00:45:04Pour la Cour des comptes, qui contrôle les dépenses de l'Etat,

00:45:08l'administration n'a pas été à la hauteur dans ce dossier.

00:45:11Aucun garde-fous n'a fonctionné.

00:45:14Le casse-du-siècle devient un scandale d'Etat.

00:45:17...

00:45:19Premier accusé, Blue Next.

00:45:21La bourse du carbone a été créée et soutenue

00:45:23par la Caisse des dépôts, donc par l'Etat français.

00:45:26...

00:45:30Ce que nous disons, c'est que Blue Next

00:45:32aurait dû, compte tenu de sa connaissance du marché,

00:45:36alerter plutôt sur le caractère aberrant des mouvements.

00:45:39C'est-à-dire que le marché apparent

00:45:43était considérablement plus important

00:45:46que ce qui avait été évalué au départ par Blue Next lui-même,

00:45:50comme étant le volume vraisemblable du marché

00:45:53une fois qu'il serait ouvert.

00:45:54Si le volume était considérablement supérieur,

00:45:57c'est qu'il y avait raisonnablement des opérations fictives.

00:45:59Et cela, Blue Next était le lieu placé pour le repérer.

00:46:02...

00:46:04Chez Blue Next, David Rapin était déjà en place

00:46:07au moment de la fraude.

00:46:08Il conteste les conclusions de la Cour des comptes.

00:46:11...

00:46:14Nous ne nous sentons ni coupables,

00:46:16sciemment comme non-sciemment, pour une raison simple,

00:46:19et je pense qu'il faut replacer les faits dans un contexte.

00:46:22La responsabilité première de cette fraude incombe au fraudeur.

00:46:25Et la démarche des fraudeurs est assez paradoxale.

00:46:27Elle consiste à dire aujourd'hui

00:46:29qu'ils ont piqué le porte-monnaie de la grand-mère dans son sac

00:46:33parce que celui-ci était ouvert.

00:46:35Le sac n'était pas ouvert.

00:46:36Blue Next a fait ses diligences concernant de nombreuses sociétés,

00:46:40à peu près une cinquantaine,

00:46:42et elles ont permis, notamment aux services de douane judiciaire,

00:46:46de remonter des filières

00:46:48et d'arrêter un certain nombre de prévenus.

00:46:50...

00:46:51Certes, mais c'est insuffisant, selon la Cour des comptes.

00:46:55Elle explique dans son rapport que Blue Next

00:46:57n'a pas assuré une pleine surveillance

00:46:59des opérations sur le marché

00:47:01et n'a jamais sanctionné ses membres défaillants.

00:47:05Pourquoi Blue Next n'a donc pas arrêté la fraude ?

00:47:07Christophe, notre escroc, a son explication.

00:47:10Blue Next prélevait des commissions sur les transactions

00:47:14et aurait eu donc tout intérêt à laisser faire.

00:47:19Toutes ces commissions qu'ils ont prises, Blue Next,

00:47:22elles sont sucrées.

00:47:23Ils ont pris si beaucoup d'argent.

00:47:24Ils ont pris des tonnes, des tonnes et des tonnes d'argent.

00:47:27Sur chaque passage, Blue Next s'est tapé.

00:47:30Ils se sont conscients, ils le savaient,

00:47:33et ils ont trempé la main dans le miel.

00:47:37Généralement, on ne peut pas travailler dans le miel sans sécher les doigts.

00:47:42Blue Next prélève en effet un centime de commission

00:47:45par tonne de CO2 vendue ou achetée.

00:47:49Donc, en fait, plus il y a d'échanges et plus vous gagnez d'argent.

00:47:53C'est une cohérence, en béton, ça fonctionne comme ça.

00:47:56C'est le principe de fonctionnement chez Blue Next,

00:47:58d'une rémunération à la tonne négociée.

00:48:00Donc, au moment de la fraude,

00:48:02lorsque des centaines de milliers de tonnes circulaient tous les jours,

00:48:05vous avez gagné de l'argent ?

00:48:07Nous avons perçu des commissions liées à ces volumes.

00:48:10Au moment de la fraude,

00:48:12Blue Next a réalisé un bénéfice de 15 milliards d'euros

00:48:15pour les entreprises de l'Etat.

00:48:17Un bénéfice de 15 millions d'euros, le plus important de son histoire.

00:48:22Un profit qui reste modeste,

00:48:24comparé aux milliards détournés par les escrocs.

00:48:29Le fameux rapport de la Cour des comptes épingle un autre acteur qui a failli.

00:48:34Trakfin, le détective du ministère des Finances.

00:48:38Selon la Cour des comptes, Trakfin n'a pas jugé utile

00:48:40de traiter une déclaration de soupçon

00:48:42qui faisait état de mouvement considérable

00:48:45d'un milliard 200 millions d'euros.

00:48:50Je ne vais pas dire que tout a été parfait,

00:48:52ce serait évidemment mentir.

00:48:54A posteriori, on peut regretter de ne pas avoir anticipé

00:48:57les difficultés.

00:48:58On aurait sans doute dû pouvoir anticiper ce risque

00:49:03et donc se préparer à cela.

00:49:04Le fait, nous y étions, le nous étant, encore une fois,

00:49:08collectif et France, étrangers, Europe,

00:49:11personne n'y était préparé.

00:49:15Une autre institution est épinglée par la Cour des comptes,

00:49:19la Caisse des dépôts,

00:49:20la banque de l'Etat et l'actionnaire de Bluenext.

00:49:23Elle a autorisé le versement de 1,6 milliard d'euros de TVA

00:49:27qui sont allés dans la poche des escrocs

00:49:29sans procéder à la moindre vérification.

00:49:36La Caisse des dépôts s'est préoccupée de cet aspect

00:49:39purement de rapidité de remboursement de la TVA par l'Etat

00:49:45en disant, on me présente des demandes de remboursement,

00:49:48eh bien, donnez-moi de quoi payer ces remboursements de TVA.

00:49:53Il y a eu des emprunts, je crois.

00:49:54Il y a eu même des emprunts

00:49:57et sans alerter suffisamment tôt et suffisamment fort

00:50:03sur le fait qu'il y avait vraisemblablement derrière

00:50:09un aspect fraude.

00:50:12L'avocat de la Caisse des dépôts n'apprécie

00:50:15pas du tout ces mises en cause.

00:50:20À l'époque, il n'y en a qu'un qui prend position dans ce dossier,

00:50:23c'est la Caisse des dépôts et consignations.

00:50:26C'est tellement essentiel de le rappeler

00:50:29que voir aujourd'hui des organismes,

00:50:34encore une fois, aussi respectables que la Cour des comptes,

00:50:36donner des leçons à la Caisse des dépôts et consignations,

00:50:38c'est ça, c'est sur cette base-là que vous...

00:50:41Je vais plus loin, si vous permettez.

00:50:43Si la...

00:50:45Si la Cour des comptes avait été à la place

00:50:48de la Caisse des dépôts et consignations,

00:50:50je vous garantis qu'elle n'aurait pas agi autrement.

00:50:57Christophe, notre escroc,

00:50:59garde lui un souvenir ému de tous ces virements de TVA

00:51:03qu'il recevait sur ses comptes offshore

00:51:06sans que personne ne lui pose la moindre question.

00:51:10Dès que t'as votre banquier,

00:51:12je dois faire un virement à Londres.

00:51:14Ils vont me dire pourquoi, comment, c'est qui, c'est quoi...

00:51:18Ils vont me donner 850 questions.

00:51:20Et là, on a la Caisse des dépôts et consignations

00:51:23qui vous envoie des millions tous les matins

00:51:26à Hong Kong, à Riga, à Chypre.

00:51:30C'est pas possible.

00:51:33Aujourd'hui, Christophe continue ses carambouilles à la TVA,

00:51:36mais sur un autre produit écologique.

00:51:39Il n'a jamais été inquiété par la justice pour l'arnaque au CO2.

00:51:46Les deux hommes qui ont tué accidentellement

00:51:48la jeune Lizzy Tooney en Israël seront finalement jugés en France.

00:51:52Des investigations sont en cours

00:51:54sur leur implication dans l'escroquerie à la TVA.

00:51:59M. X, le gérant de paille, a en revanche tout perdu.

00:52:04Sa femme l'a quitté et il doit rembourser des millions d'euros.

00:52:08Il a vendu sa maison et n'a même plus de quoi se payer à l'avocat.

00:52:14Son ex-patron, Fabrice Sakoun,

00:52:16aurait été victime d'autres escrocs en Israël.

00:52:19Il se serait fait dépouiller de plusieurs millions d'euros.

00:52:22Son procès en appel est programmé en 2013.

00:52:26Un film sur la vie de l'escroc Gilbert Chicly est en préparation.

00:52:34Michel Neyret, le grand flic de Lyon,

00:52:38a été révoqué de la police en octobre 2012.

00:52:42Le marché du CO2 ne s'est jamais remis de l'escroquerie à la TVA.

00:52:46En décembre 2012, Bluenext a fermé ses portes

00:52:50et licencié ses 25 salariés.

00:52:54A Paris, 18 instructions sur le casse-du-siècle

00:52:57sont en cours dans le plus grand secret.

00:52:59Le scandale commence à peine.

00:53:01Musique douce

00:53:04...

00:53:05CO2, le casse-du-siècle, documentaire,

00:53:08enquête réalisée par Gads Charbit et Jean-Louis Perez.

00:53:11Comment, l'espace de quelques mois, vous venez de le voir,

00:53:15de novembre 2008 à juin 2009,

00:53:17une fraude à la TVA sur les quotas carbone

00:53:20a permis à des escrocs de détourner au bas mot

00:53:231,6 milliard d'euros en France

00:53:25et plus de 6 milliards en Europe du jamais vu.

00:53:28Mais depuis, quelle leçon a-t-on tiré de ce fameux casse-du-siècle ?

00:53:32Nous allons en débattre maintenant avec nos invités.

00:53:35Présents aujourd'hui sur ce plateau de débats d'oc,

00:53:38Fabrice Arfi est avec nous. Bienvenue, Fabrice Arfi.

00:53:41Vous êtes journaliste d'investigation et écrivain,

00:53:44co-responsable du pôle enquête du site Mediapart

00:53:47en relation directe avec cette affaire.

00:53:50Nous vous devons ce livre,

00:53:51D'argent et de sang, le vrai roman de la mafia du CO2.

00:53:54Ouvrage publié aux éditions du Seuil et un ouvrage

00:53:56qui a par ailleurs fait l'objet d'une adaptation en série télé

00:53:59intitulée plus simplement D'argent et de sang

00:54:02pour Canal+. C'est réalisé par Xavier Giannoli.

00:54:05C'était un vrai succès sur Canal+, cette série.

00:54:08Et votre dernier ouvrage s'intitule, lui, La troisième vie.

00:54:12Lui aussi disponible au Seuil,

00:54:13l'histoire d'un dessinateur industriel roumain

00:54:15qui franchit le rideau de fer pour rejoindre la France.

00:54:19C'est une histoire assez formidable.

00:54:21Également avec nous, Martin Boudot. Bienvenue à vous.

00:54:24Vous êtes journaliste et réalisateur de documentaires,

00:54:27dont les séries documentaires Verde Rage et Planète Killers,

00:54:30la traque mondiale de criminels environnementaux,

00:54:33dont le premier épisode était justement consacré

00:54:37à l'affaire qui nous concerne aujourd'hui.

00:54:39Christophe Péruault est enfin avec nous.

00:54:41Vous êtes magistrat et directeur de l'ONAF,

00:54:43l'Office national anti-fraude.

00:54:46Il a été créé tout récemment, c'était le 1er mai 2024,

00:54:49par Gabriel Attal, d'ailleurs,

00:54:51qui compte aujourd'hui quelques 340 agents.

00:54:55Il en comptait 320 à sa création, il y en a déjà 20 de plus.

00:54:59Je ne sais pas si c'est un très bon signe pour la fraude en France.

00:55:02On en parlera, en tout cas.

00:55:03La fraude aux aides publiques, qui prend une ampleur

00:55:06assez considérable dans notre pays.

00:55:08Fabrice Arfi, pour compléter ce documentaire,

00:55:11qui date, c'est vrai, de 2013, il a maintenant plus de 10 ans.

00:55:15La première question que j'ai envie de vous poser,

00:55:17c'est de savoir quelles ont été les suites judiciaires.

00:55:20Il y a eu plusieurs procès, j'ai noté 2011, 2016, 2018.

00:55:23Suite à cette gigantesque arnaque,

00:55:26tous les fraudeurs ont-ils été identifiés, jugés ?

00:55:29Ce sont seulement les grands noms de cette affaire

00:55:32qui ont été jugés, ou alors les lampistes.

00:55:35Et puis, par ailleurs, de nombreux fraudeurs

00:55:38sont encore en Israël, on l'a compris,

00:55:40dans ce documentaire, au nom du fameux droit au retour.

00:55:43Israël n'extraite pas, en réalité, ces personnalités.

00:55:47Alors, justice est-elle passée ?

00:55:50Et pour qui, dans cette affaire ?

00:55:51Oui, la justice est passée,

00:55:54après le travail, je crois qu'il faut le dire,

00:55:56acharné de la douane judiciaire,

00:55:58c'est le service de la douane judiciaire.

00:56:00C'est pas la police qui a enquêté, c'est la douane judiciaire.

00:56:04C'était un jeune service, à l'époque.

00:56:06Les magistrats du parquet et des juges d'instruction,

00:56:09parmi les meilleurs du pôle financier de Paris,

00:56:12qui, pendant plusieurs années, ont réussi à tirer le fil

00:56:16de cette escroquerie absolument monumentale,

00:56:19d'identifier, pas simplement des lampistes,

00:56:21mais de vrais protagonistes tout en haut de la pyramide.

00:56:26Il y a eu un certain nombre de grands procès

00:56:28qui ont peuplé la chronique judiciaire,

00:56:31qui, de ce qu'on peut appeler la filière belle-villoise,

00:56:35c'est des personnages qui sont devenus, aujourd'hui,

00:56:38des personnages publics, comme Marco Mouli,

00:56:40Arnaud Mimran, Samy Souillette,

00:56:42qui est évoqué dans le documentaire,

00:56:44puisqu'il va mourir dans un assassinat sur lequel on reviendra.

00:56:47Cette seule filière, c'est quasiment 300 millions d'euros,

00:56:50285 millions d'euros qui ont été détournés.

00:56:53Il y a eu un grand procès sur la filière dite marseillaise,

00:56:56un personnage, Christine Malgrani,

00:56:58ça, c'est près de 400 millions d'euros,

00:57:00385 millions d'euros qui ont été détournés.

00:57:03Des condamnations sévères, puisqu'il y a eu des condamnations

00:57:06à 8, parfois 10 ans de prison.

00:57:08Certains sont allés à l'ombre, d'autres ont réussi à s'enfuir.

00:57:11Il y a aujourd'hui plus d'une vingtaine de protagonistes

00:57:14de toutes les filières cumulées.

00:57:16Il y avait quasiment plus d'une quinzaine d'instructions judiciaires

00:57:20qui ont été ouvertes.

00:57:21Plus d'une vingtaine qui sont réputées

00:57:23être pas en France, à l'étranger,

00:57:25dit-on pour beaucoup d'entre eux en Israël.

00:57:28Vous diriez que la justice est passée.

00:57:30Oui, bien sûr, la justice est passée,

00:57:32mais ce qui est très intéressant, c'est que si on fait le cumul

00:57:36de tout l'argent qui a été détourné

00:57:39par toutes les filières qui ont été jugées,

00:57:42nous n'atteignons pas le chiffre de 1,6 milliard d'euros

00:57:46volé au nez et à la barbe de l'Etat,

00:57:49qui est indiqué par la Cour des comptes.

00:57:52Ca veut dire qu'il y a forcément des filières,

00:57:55des protagonistes et de l'argent

00:57:57qu'on n'a pas pu identifier et retrouver.

00:58:00Mais mine de rien, ce qui a été fait est tout sauf négligeable

00:58:03du point de vue de la justice.

00:58:05A qui a-t-on affaire, en réalité, dans cette affaire ?

00:58:08C'est pas toujours très clair,

00:58:10y compris pour ceux qui ont peut-être vu ce film à l'instant,

00:58:14de différentes bandes d'escrocs de Belleville,

00:58:16vous les avez évoquées, à Paris, à Marseille,

00:58:19issues de communautés séfarades tunisiennes,

00:58:22pour la plupart d'entre eux, qui se connaissaient bien,

00:58:25qui se refilaient le tuyau entre eux.

00:58:27Ou alors, est-ce qu'on a affaire à un réseau international

00:58:30d'escrocs dans cette affaire ?

00:58:32En fait, on a affaire à différentes personnalités

00:58:36et différents réseaux.

00:58:38Il y en a qui étaient habitués au fraud TVA.

00:58:42C'est une autre fraude TVA, c'est une opportunité,

00:58:45la fraude au carbone.

00:58:47Avant, ils faisaient des fraudes à la TVA

00:58:49sur les téléphones portables, sur d'autres pratiques,

00:58:54mais il y en a aussi pour qui ça va être

00:58:56une grande découverte.

00:58:59On parle notamment du réseau marseillais.

00:59:01Parmi les prévenus, on a une institutrice.

00:59:04Donc, c'est quand même assez rare

00:59:07de voir ce genre de personnalités.

00:59:10Et c'est vrai qu'on va avoir différentes personnalités,

00:59:14différents profils,

00:59:16mais très souvent, des réseaux qui sont déjà bien habitués

00:59:20à ce genre de fraude à la TVA.

00:59:23C'est notamment le cas du réseau de Belleville.

00:59:27Alors, fraude en France, en Grande-Bretagne,

00:59:29au Danemark, aux Pays-Bas, en Espagne, en Italie...

00:59:33Et ces fraudeurs vont profiter, justement, de ces frontières,

00:59:37de différents dysfonctionnements en termes de communication

00:59:40entre différentes autorités allemandes,

00:59:44françaises, anglaises.

00:59:46Ca prend du temps, les commissions regatoires,

00:59:49pour aussi profiter de ce genre de...

00:59:52Est-ce qu'elle est sous-estimée, pour l'heure,

00:59:56cette fraude, vu les chiffres que j'ai recités ?

00:59:59Au bas mot, 1,6 milliard d'euros en France,

01:00:016 milliards en Europe.

01:00:03On a sous-estimé ces chiffres, c'est ce que j'ai lu.

01:00:05En fait, moi, pour le livre

01:00:07d'argent et de sang que j'ai écrit et les enquêtes

01:00:10pour le journal Mediapart, j'avais rencontré

01:00:13un ancien directeur des enquêtes fiscales de Bercy,

01:00:16M. Roland Vaillepot, très connu dans ce milieu-là,

01:00:19qui a la retraite, et qui m'avait dit qu'eux, de leur côté,

01:00:22ils avaient évalué à entre 2 et 3 milliards d'euros

01:00:26ce qui a été probablement détourné en France,

01:00:29donc plus que ce que dit la Cour des comptes,

01:00:31mais c'est très dur d'identifier, en réalité,

01:00:36avec une précision scientifique, la totalité de ce qui s'est passé,

01:00:40mais c'est en lien direct avec la question précédente.

01:00:43Ce qu'il faut comprendre d'absolument extraordinaire

01:00:46avec cette fraude, au-delà de la magnitude

01:00:48de l'argent détourné, c'est que ça a permis la fusion

01:00:51du milieu des escrocs et des milieux criminels,

01:00:54qui ont vu un magot sur lequel ils ont décidé de se jeter,

01:00:58et c'est pour ça qu'après l'arnaque financière,

01:01:02il y a eu une épidémie d'assassinats,

01:01:04de crimes de sang, dans Paris, directement liés à cette affaire.

01:01:08Parce que le grand banditisme, évidemment,

01:01:10a sonti l'odeur de l'argent.

01:01:12Il y a de l'argent à se faire,

01:01:14on peut raqueter les gens qui en ont beaucoup,

01:01:17on est dans un milieu où on ne s'envoie pas

01:01:19des gentils courriers d'avocats pour récupérer des sous.

01:01:22C'était une opportunité phénoménale.

01:01:24La police judiciaire, à partir de l'année 2011 à peu près,

01:01:27a compris tout ça en faisant beaucoup de renseignements criminels

01:01:31et s'est dit qu'on a eu une fusion

01:01:33de plein de milieux différents

01:01:35et on a un nouveau monstre criminel devant nous.

01:01:37Dernière question, à ton dénouvelle de Cyril Astruc.

01:01:40Vous l'avez rencontré, mais il court toujours,

01:01:43et on le surnommait le prince du carbone,

01:01:45le rastignac de Menthe-la-Jolie.

01:01:48A ton dénouvelle.

01:01:49Je n'ai pas de nouvelles personnellement.

01:01:51Vous avez compris ses motivations à l'époque.

01:01:54Il avait quel profil, lui ?

01:01:55Cyril Astruc, il a déjà été condamné

01:01:59dans l'affaire de fraude.

01:02:02Il est réputé dans ce milieu.

01:02:05C'est une bonne question de savoir quel est son profil.

01:02:08On le voit en photo, il a ce côté très flambeur,

01:02:13vouloir être aussi très médiatique.

01:02:16C'est l'un des seuls à s'exprimer à ce moment-là dans la presse,

01:02:20alors que les autres font plutôt profil bas.

01:02:23Aux dernières nouvelles, il était toujours en Israël.

01:02:26Aux dernières nouvelles, il est toujours condamné

01:02:28par la justice française,

01:02:30qui l'a condamné en première instance,

01:02:32en deuxième instance et également en troisième instance.

01:02:36Il n'y a plus de doutes possibles quant à sa culpabilité.

01:02:41Simplement, il a également la nationalité israélienne

01:02:45et donc, comme vous le disiez en introduction,

01:02:48pour l'instant, la justice israélienne ne l'extrade pas.

01:02:52Ce n'est pas tout à fait vrai

01:02:54qu'Israël ne peut pas extrader.

01:02:56En fait, en réalité, Israël peut extrader.

01:02:59C'est rarissime, mais ça arrive.

01:03:01La question est de savoir pourquoi il n'est pas extradé.

01:03:04Même question qu'à Fabrice Arfi.

01:03:06Est-ce qu'on connaît, aujourd'hui,

01:03:09la somme exacte détournée en France, en Europe ?

01:03:12Lorsqu'on parle de chiffres noirs,

01:03:14c'est qu'en matière de stupéfiants, de cambriolages,

01:03:17à partir du moment où on n'a pas identifié les auteurs

01:03:20ou constaté les infractions, c'est difficile de se dire

01:03:23que le produit s'est de temps ou le montant.

01:03:26Les chiffres sont astronomiques.

01:03:28Est-ce que vous aviez déjà vu ça dans votre carrière ?

01:03:31Le fait de parler du casse du siècle,

01:03:33alors que c'est un siècle qui commence...

01:03:35Rires

01:03:36Vous avez vu quelques-uns des casses du siècle ?

01:03:39Compte tenu de l'ampleur de cette fraude.

01:03:41Basique.

01:03:43Fraude à la TVA.

01:03:44C'est une fraude qui existe depuis la création de la TVA.

01:03:47Ca date, maintenant.

01:03:48Vous avez raison.

01:03:49Les schémas sont assez basiques, assez classiques.

01:03:52Ca date, pour certains, de plusieurs dizaines d'années.

01:03:56Ce qui a favorisé, en espèce, la fraude,

01:03:59c'est d'abord la numérisation,

01:04:00c'est-à-dire le fait qu'on dématérialise les échanges.

01:04:03Ca supprime les vérifications basiques,

01:04:06j'ai envie de dire, qu'il y avait par le passé.

01:04:08Et puis, le côté très international.

01:04:11Là aussi, c'est un autre facteur d'aggravation des faits,

01:04:14puisque, comme ça a été dit, c'est très difficile,

01:04:17plus difficile d'échanger d'informations

01:04:19dès l'instant où on franchit une frontière.

01:04:21La rapidité des échanges, en plus de systèmes

01:04:24qui étaient, pour le moins, pas très prudents,

01:04:27puisqu'on reversait la TVA dont il se prétendait créditeur à tort

01:04:30immédiatement.

01:04:31Pour le coup, on leur a donné une opportunité.

01:04:34Je suis pas d'accord, à un moment, dans le reportage,

01:04:37il a dit qu'on nous avait ouvert les portes de la banque

01:04:40et qu'on est rentrés.

01:04:41C'est pas tout à fait vrai.

01:04:43Ils étaient pas obligés de rentrer, d'abord.

01:04:45On renverse un peu leur leitmotiv en disant

01:04:48que c'est tellement facile qu'il faudrait pas nous reprocher.

01:04:51Je suis pas d'accord.

01:04:52C'est pas parce qu'une voiture est ouverte

01:04:54que vous allez chercher à la voler.

01:04:56Il y a quand même cet esprit

01:04:58qu'il convient de condamner,

01:05:00parce que ces politiques qui sont mises en place

01:05:03sont quand même destinées à aider les plus démunis,

01:05:06les aides publiques.

01:05:07La TVA, c'est fait pour que l'Etat puisse avoir de l'argent

01:05:11et payer des instituteurs, des infirmières.

01:05:13Il faut ramener les choses à la réalité

01:05:15de ce que c'est en termes de conséquences

01:05:18pour nos concitoyens, qui sont victimes de ces gens-là.

01:05:21Quand vous dites qu'on n'était pas obligés de pousser la porte,

01:05:24la tentation était peut-être trop forte.

01:05:27Oui, oui, non.

01:05:28Moi, je suis assez d'accord pour considérer

01:05:30qu'il convient de mettre en place des contrôles supplémentaires.

01:05:35Mais plus vous mettez des contrôles,

01:05:37plus vous ralentissez les flux commerciaux.

01:05:39C'est un choix politique qu'il convient d'assumer.

01:05:42Est-ce qu'on contrôle tous les conteneurs

01:05:44qui arrivent au port du Havre ou est-ce qu'on en contrôle

01:05:48puisqu'on suspect que ceux-ci peuvent contenir de la drogue ?

01:05:51C'est un peu le même principe.

01:05:53Lorsque, pour revenir à un débat plus actuel aujourd'hui,

01:05:56lorsqu'on met en place un système d'aide publique

01:05:59pour rénover l'habitat, et qu'on dit qu'il faut aller vite,

01:06:02qu'il faut que les dossiers soient simplifiés au maximum

01:06:05pour qu'un maximum de gens en profitent,

01:06:07là, vous réduisez les contrôles.

01:06:09Mais parce que vous voulez avoir un effet plus important

01:06:12de la politique publique.

01:06:14C'est un peu le même système.

01:06:15Je voudrais apporter une précision sur l'ONAF,

01:06:18dont vous disiez, le service que je dirige,

01:06:20qui compte, effectivement, 345 agents.

01:06:23Il existe depuis un certain nombre d'années,

01:06:25mais il y avait un autre nom, c'était la douane judiciaire

01:06:28dont M. Harfi vient de parler.

01:06:30La douane judiciaire qui a été la première à résoudre cette affaire.

01:06:34Ce sont les mêmes agents qui constituent le coeur

01:06:37de ce service que j'ai l'honneur de diriger.

01:06:39Finalement, cet office, il doit peut-être quelque chose

01:06:43à cette fameuse arnaque ?

01:06:45Ou l'inverse.

01:06:46-"Ou l'inverse", non, je n'oserais pas dire ça.

01:06:49On existe aussi sur une quantité d'autres frontes

01:06:52que celle qui a justifié à la fois le livre de M. Harfi

01:06:56et la série. Voilà.

01:06:57On a parlé des escrocs.

01:06:58On va voir un extrait sur ce fameux carousel

01:07:01que vous évoquiez tout à l'heure, ce carousel à la TVA,

01:07:04et ensuite, on parlera peut-être des pare-feux

01:07:07qu'on aurait pu mettre en place.

01:07:08La plupart des escrocs français ont effectivement monté des sociétés

01:07:13dans plusieurs pays d'Europe.

01:07:15Cela leur permettait de faire tourner les stocks de CO2

01:07:18en circuit fermé.

01:07:19Ils s'achetaient et se revendaient le gaz carbonique à eux-mêmes.

01:07:24Et à chaque fois qu'ils passaient par la France,

01:07:26ils détournaient la TVA.

01:07:28C'est ce qu'on appelle le système du carousel.

01:07:31Il permet de multiplier les gains à toute vitesse

01:07:33et de façon gigantesque.

01:07:35On a parlé des escrocs, donc on va parler des instances

01:07:40qui auraient peut-être pu avoir un lieu de pare-feu, d'alerte,

01:07:43je ne sais pas comment on peut dire les choses.

01:07:46Dans ce documentaire, il évoque la caisse des dépôts.

01:07:49C'est elle qui décaisse cet argent, cette fraude,

01:07:52au nom de l'Etat, bien entendu.

01:07:54Tracfins, c'est la cellule anti-blanchiment

01:07:56du ministère des Finances, pour le dire assez simplement.

01:07:59Eux sont mis en cause dans cette affaire.

01:08:02Auraient-ils pu tirer la sonnette d'alarme plus tôt ?

01:08:05L'ont-ils fait dans les temps ? Qu'est-ce qui n'a pas fonctionné ?

01:08:08C'est pendant ces six mois que la fraude aurait été

01:08:11la plus importante, entre octobre 2008 et juin 2009.

01:08:15Il y a des éléments factuels qui permettent de répondre.

01:08:18D'abord, ça a été dit tout à l'heure,

01:08:20c'était un lieu commun des escrocs de dire

01:08:23que l'Etat était un peu complice de tout ça.

01:08:25C'est pas vrai, l'Etat n'a pas été complice,

01:08:28mais ça ne veut pas dire qu'il n'y a pas eu des problèmes.

01:08:31Ces problèmes ont été très bien notifiés par la Cour des comptes,

01:08:35qui a fait un rapport en 2012 extrêmement dur

01:08:37sur ce que l'Etat, quand je dis l'Etat,

01:08:39c'est plusieurs institutions étatiques,

01:08:42auraient pu faire pour empêcher ou être alertés plus vite

01:08:45et plus diligents vis-à-vis de l'arnaque.

01:08:48Je rappelle que, dès le mois de novembre 2008,

01:08:52il y a eu une réunion au ministère du Budget,

01:08:55dans le bureau du ministre du Budget de l'époque,

01:08:58où la question est déjà posée, en novembre 2008,

01:09:02de retirer la TVA du marché,

01:09:05parce qu'on suspecte un système de fraude massif en cours.

01:09:09Il y a des documents qui le montrent.

01:09:11Ca n'aura lieu, la suspension, que six mois plus tard,

01:09:14au mois de juin 2009.

01:09:16Entre novembre 2008 et juin 2009, c'est le moment,

01:09:18on le voit dans le documentaire,

01:09:20où l'escroquerie explose.

01:09:22Quant au rôle de Tracfins,

01:09:24la cellule de renseignement financier de Bercy,

01:09:28en fait, il faut voir,

01:09:30c'est toujours dur de juger a posteriori.

01:09:32Eux, ils repèrent qu'il y a un problème,

01:09:34que c'est plutôt du blanchiment d'argent sale

01:09:37et pas une fraude.

01:09:38Le travail du parquet de Paris et de la douane judiciaire

01:09:41va permettre de remettre l'église au milieu du village.

01:09:44Ce qui est le nez au milieu de la figure,

01:09:47c'est le rôle de la Caisse des dépôts et consignations de l'Etat,

01:09:50qui est une sorte de bras armé de la République et de l'Etat,

01:09:54d'un point de vue financier, si on veut,

01:09:56qui se retrouve au coeur de cette histoire

01:09:59et sur laquelle la Cour des comptes dit que,

01:10:01oui, il y a eu très peu de surveillance,

01:10:03énormément de laxisme, je dirais pas de complaisance,

01:10:08mais de laxisme.

01:10:09N'importe qui pouvait commercer

01:10:11sur ce petit Wall Street environnemental

01:10:13avec des gens qui vendaient...

01:10:15On a oublié un autre acteur, c'était Blueneck,

01:10:18une agence de cotation créée par l'Etat français.

01:10:20L'Etat français était propriétaire à 40 %.

01:10:23C'était aussi la Bourse de New York qui était propriétaire.

01:10:26En fait, moi, je pense qu'il y a une forme

01:10:29de cupidité, d'arrogance

01:10:33entre guillemets de la puissance publique.

01:10:36Ce que je veux dire par là, l'arrogance,

01:10:38c'est qu'au fond, c'est pas possible

01:10:41qu'on se fasse plumer par des gens

01:10:43qui ont arrêté l'école à 10 ans,

01:10:45de quoi on est en train de nous parler.

01:10:47Les premières auditions des responsables

01:10:49de la Caisse des dépôts dès 2009 par la douane judiciaire

01:10:52sont éloquentes, en disant qu'il n'y avait pas pensé.

01:10:55Il y a une sorte de légèreté étatique.

01:10:58C'est ce qui a été dit, la volonté d'être efficace

01:11:00et donc d'être dans la guerre

01:11:02contre les bourses carbone en Europe,

01:11:04la France d'être le premier sur le podium

01:11:06avec celui qui a le plus de volume.

01:11:08Quand on voit les volumes de commerce

01:11:10sur les quotas carbone, on est très contents.

01:11:13Par ailleurs, on est un peu intéressés financièrement.

01:11:16Mais ça fait pas du tout une complexité.

01:11:18En revanche, quand, après, le temps a passé

01:11:21et on regarde cette escroquerie,

01:11:23les quotas carbone, c'est l'illusion de la marchandise,

01:11:26un quota en face des sociétés fictives.

01:11:29Donc, on a du vent et du faux.

01:11:31Le faux plus le vent, ça fait des vrais milliards

01:11:33qui sont détournés et même des gens qui sont tués.

01:11:36Là, il y a quelque chose d'assez fascinant.

01:11:39Même constat du côté des pouvoirs publics

01:11:41dans cette affaire ? Vous nuancez,

01:11:43vous voulez rajouter quelque chose ?

01:11:45Non, simplement préciser...

01:11:46Qu'est-ce qui vous a frappé ?

01:11:48...de naïveté environnementale.

01:11:50On arrive à un moment où l'environnement

01:11:52commence à apporter de l'argent pour de bon.

01:11:55Le crime environnemental, c'est 300 milliards de dollars par an.

01:11:59Là, on...

01:12:00300 milliards par an, vous êtes en train de nous dire.

01:12:03C'est énorme, la fraude et le crime environnemental.

01:12:06On se rend compte, à travers cette fraude,

01:12:08qu'il y a peut-être une naïveté de la part des autorités

01:12:11qui n'ont pas l'habitude de gérer de la fraude

01:12:14avec de l'environnement.

01:12:16Là, on se rend compte à quel point,

01:12:18finalement, il y avait une sorte de naïveté

01:12:20de ces autorités de penser que ces fraudeurs

01:12:23n'iraient pas forcément sur ces terrains-là,

01:12:25ils resteront sur leurs terrains classiques,

01:12:28sur la fraude, à la TVA, sur les téléphones portables,

01:12:31sur d'autres produits qui sont bien physiques.

01:12:33Là, ils se rendent compte que non.

01:12:35L'environnement, c'est aussi une opportunité

01:12:38pour les fraudeurs.

01:12:39Il faut se rendre compte qu'aujourd'hui,

01:12:42Interpol estime que 30 % des revenus

01:12:45de certains groupes criminels, mafieux,

01:12:48voire même terroristes,

01:12:49proviennent de la fraude environnementale

01:12:52ou du crime environnemental.

01:12:54Donc, c'est devenu une opportunité formidable.

01:12:56Interpol appelle ça, d'ailleurs, le crime environnemental,

01:13:00le crime presque parfait.

01:13:02Énormément d'argent,

01:13:04très peu de risques, très peu de condamnations.

01:13:07Donc, c'est aussi...

01:13:09Et très peu de contrôles, peut-être, pour aller jusqu'au bout.

01:13:12Oui, et puis, on y revient, quelque chose de transfrontalier.

01:13:16C'est pas uniquement français,

01:13:17c'est pas uniquement nos petites frontières à nous,

01:13:20c'est bien plus grand.

01:13:21Là-dessus, on a encore du travail à faire

01:13:24pour la communication, la collaboration.

01:13:26Interpol, dans cette affaire, a pleinement joué son rôle.

01:13:29Interpol, dans cette affaire...

01:13:31Aux côtés des instances françaises...

01:13:33En réalité, Interpol, là-dessus, est prévenu très tard.

01:13:37Surtout sur les notices rouges.

01:13:39Interpol va avoir du sens, à partir du moment

01:13:41où les autorités françaises, notamment,

01:13:43vont émettre des mandats d'arrêt.

01:13:45Interpol se retrouve avec ces notices rouges,

01:13:48qui sont, pour le coup, assez efficaces,

01:13:50qui, comme, il faut le rappeler,

01:13:52ne vous permettent pas de voyager dans le monde entier,

01:13:56et donc, quand même, vous complexifient

01:13:59vos opérations frauduleuses, potentiellement.

01:14:02Mais Interpol, un peu à l'image des autorités françaises,

01:14:05on parlait de la Banque des dépôts tout à l'heure,

01:14:08la Caisse des dépôts, pardon,

01:14:10va se retrouver un peu, aussi, en queue de wagon,

01:14:13sur cette histoire.

01:14:14Elle ne va pas pouvoir...

01:14:16Elle ne va intervenir, finalement, qu'après la fraude, en réalité.

01:14:20Par rapport aux acteurs mis en cause,

01:14:22dans ce fameux rapport de la Cour des comptes,

01:14:24notamment, Bluenext, la Caisse des dépôts, bien sûr,

01:14:27et Trakfim, là encore, avec un peu de recul,

01:14:30qu'est-ce qui n'a pas fonctionné,

01:14:32qu'est-ce qui aurait pu mieux fonctionner

01:14:34et qu'est-ce qui, peut-être, a été mis en place

01:14:37face à ce même type d'affaires,

01:14:39depuis cette affaire,

01:14:41pour, un temps soit peu, arranger les choses ?

01:14:44J'ai toujours beaucoup de scrupules,

01:14:46comme ça a été dit, de refaire l'histoire.

01:14:48Une fois qu'on a compris ce qui s'était passé,

01:14:51on aurait dû faire ceci ou cela.

01:14:53Il y a une tête, on ne va plus le refaire.

01:14:55Je suis assez partisan pour qu'on soit plus prudent

01:14:58et qu'on résiste à cette double tentation

01:15:00de vouloir faire vite et bien.

01:15:02Je crois qu'on peut faire bien,

01:15:04mais si on fait bien, si on contrôle un minimum,

01:15:07ça prend un peu de temps.

01:15:08Il n'est pas illégitime, à partir du moment

01:15:10où on sort de l'argent public, le vôtre, le nôtre,

01:15:13celui de nos concitoyens,

01:15:15qu'on procède à des vérifications.

01:15:17Si vous voulez acheter un véhicule,

01:15:19il va vous proposer un crédit,

01:15:21si jamais vous souhaitez bénéficier d'un crédit.

01:15:23La boîte de crédit va regarder

01:15:25les éléments que vous avez donnés,

01:15:27si votre revenu correspond à peu près

01:15:29à la profession que vous déclarez.

01:15:31Ca, on le fait peu ou pas encore, en France.

01:15:34Ca s'appelle le fraud scoring, vérifier un peu cela,

01:15:37s'assurer de ce qu'on ne donne pas à n'importe qui.

01:15:39En particulier, les sociétés qui n'existent pas,

01:15:42qui ont qu'une activité.

01:15:44J'ai vu ça, et c'est, pour une part,

01:15:46la création de l'ONAF, la transformation du SNDJ-SEGF

01:15:48en ONAF, c'est la période de Covid,

01:15:51où on a distribué énormément d'argent public,

01:15:54parce qu'il fallait faire vite, je l'entends,

01:15:57mais sans procéder, quelquefois, au moindre contrôle,

01:16:00sur le chômage partiel des sociétés

01:16:02qui n'avaient pas un salarié,

01:16:03qui n'avaient jamais déclaré un salarié,

01:16:06et qui, du jour au lendemain,

01:16:07prétendaient avoir 100, 200 salariés,

01:16:09et qui, 48 heures après, voyaient sur leur compte,

01:16:12qui était un compte de néobanques,

01:16:15se voir verser de l'argent public

01:16:17à hauteur du traitement, du salaire

01:16:19de ces 100 ou 120 salariés.

01:16:21Je vous le dis avec beaucoup de franchise,

01:16:24l'espoir de pouvoir retrouver cet argent,

01:16:27il est extrêmement mince,

01:16:29parce que les réseaux de blanchiment

01:16:31qui sont utilisés par ces organisations

01:16:33sont extrêmement performants.

01:16:35L'argent est à peine déposé,

01:16:36qu'il est déjà sur un contrebon, puis vers des destinations.

01:16:40J'ai oublié de vous poser la question tout à l'heure,

01:16:43l'Etat français a réussi à recouvrir

01:16:45combien d'argent par rapport à cette fraude,

01:16:47avec cet argent, souvent sur des comptes offshore,

01:16:50difficile à retrouver ?

01:16:51Assez peu, il y a des gens qui sont condamnés à rembourser

01:16:55ce dont ils ont bénéficié, en tout cas,

01:16:58mais je sais, pour ma part, je pense, assez peu.

01:17:01Et pour répondre à l'autre question,

01:17:03est-ce qu'on s'améliore ?

01:17:04Je pense qu'on prend conscience,

01:17:06parce qu'aujourd'hui, ce que vous disiez tout à l'heure,

01:17:09c'est que ça a fait prendre conscience

01:17:11qu'ils pouvaient aussi s'attaquer à ces aides publiques.

01:17:14On voit aujourd'hui que, d'une manière systémique,

01:17:17toutes les aides publiques, les subventions,

01:17:20les financements publics, sont l'objet d'attaques.

01:17:22Je dis bien toutes, et dans des proportions sidérantes.

01:17:25On va y revenir tout de suite, simplement.

01:17:28Cette fameuse fraude à la TVA.

01:17:29La TVA, je crois que c'est la première entrée fiscale

01:17:32en France.

01:17:34C'est une révolution française,

01:17:35copiée dans le monde entier.

01:17:37On partit, je crois, à Valérie Giscardet.

01:17:39C'est un ancien haut fonctionnaire de Valérie Giscardet,

01:17:42au Trésor, qui a inventé la TVA.

01:17:44Sur cette fraude à la TVA, classique, s'il en est,

01:17:47aujourd'hui, plus globalement, est-ce qu'on a fait des progrès ?

01:17:50Sur ce type de fraude, je pense qu'on a fait des progrès,

01:17:54mais on constate encore sur la TVA des fraudes très importantes,

01:17:57intra-communautaires, classiquement,

01:18:01des réseaux qui achètent des voitures de luxe en Allemagne

01:18:04et qui, à l'aide de fausses factures,

01:18:06prétendent avoir acquitté la TVA.

01:18:09En fait, c'est assez classique,

01:18:10mais peut-être le plus important, c'est aussi les importations chinoises.

01:18:14C'est ces containers qui arrivent dans des ports européens

01:18:18et à destination, soi-disant, de la France,

01:18:20où on déclare 10 alors qu'il y a 100 dans le container,

01:18:23donc on paye la TVA sur 10.

01:18:25Ou mieux, on ne paye pas de la TVA,

01:18:26puisqu'il y a un régime, au sein de l'Union européenne,

01:18:30qui permet de ne payer la TVA que dans le pays de destination.

01:18:33Or, entre l'arrivée du container dans le port du Piret,

01:18:36qui est destiné, soi-disant, à une entreprise d'Orléans,

01:18:39eh bien, le container va se perdre.

01:18:41Il va s'y paraître,

01:18:42parce que la société Orléans n'existe pas,

01:18:45la société qui a importé le container,

01:18:47et que le container n'est pas perdu pour tout le monde.

01:18:50Il va se retrouver, notamment, au chiffre A d'Aubervilliers,

01:18:53à certains endroits, où ça va inonder le marché français

01:18:57en fraude de tout droit,

01:18:58droits de douane, droits de TVA,

01:19:00et donc ça, ce sont des sommes considérables.

01:19:03Vous parliez des fraudes aux aides publiques.

01:19:05C'est vrai que certains magistrats, aujourd'hui,

01:19:08parlent d'une industrialisation de cette fraude,

01:19:11le terme est fort.

01:19:12C'est aussi ce que vous constatez.

01:19:14C'est une véritable industrialisation,

01:19:16cette fraude aux aides publiques, aujourd'hui, en France,

01:19:20et si oui, dans quel domaine en particulier ?

01:19:22L'argent public est, en soi,

01:19:25une géographie qui attire beaucoup de désirs noirs,

01:19:29pas que de fraudeurs.

01:19:31Nous avons, dans notre pays,

01:19:32de très hauts responsables politiques

01:19:34qui ont été condamnés par la justice

01:19:36pour avoir détourné de l'argent public.

01:19:39Ce que je veux dire par là, c'est qu'il y a, en effet,

01:19:42l'idée que l'argent public et les aides publiques,

01:19:45on peut en devenir propriétaire et que payer ses impôts,

01:19:48d'une certaine manière, ce serait voler sa famille.

01:19:51Et donc, cet état d'esprit-là fait qu'en effet,

01:19:55il y a toute une camarilla d'escrocs

01:19:57qui, depuis des décennies,

01:19:59regardent le journal officiel,

01:20:01suivent les débats politiques à l'Assemblée,

01:20:04à la Commission européenne,

01:20:05et partout où ils voient un nouveau régime d'aides publiques,

01:20:09les certificats d'économie d'énergie,

01:20:11on l'a évoqué sur d'autres,

01:20:13et bien, en fait, le principe d'un escroc,

01:20:15c'est la séduction.

01:20:17Mettre en place des systèmes de séduction,

01:20:20malins, quand bien même la plupart d'entre eux

01:20:23ont arrêté l'école très tôt et ça n'est pas le débat,

01:20:26c'est là où il y a quelque chose de conceptuel

01:20:29qui est quand même accepté,

01:20:30arrivent à s'infiltrer dans les interstices

01:20:33des législations,

01:20:35de la réglementation monumentale entre l'Europe et la France

01:20:40et à jouer, ils sont forts, de la faiblesse

01:20:43de la législation pour récupérer des millions,

01:20:47des dizaines de millions, parfois des centaines d'euros

01:20:50sur des arnaques.

01:20:51Est-ce que nous sommes plus forts en matière de fraude

01:20:55à l'argent public et aux aides publiques en France

01:20:57qu'ailleurs en Europe ?

01:20:59On a des points de référence ?

01:21:00Je ne suis pas arbitre des élégances européennes,

01:21:03mais je pense que ça a été très bien dit tout à l'heure,

01:21:06c'est qu'il y a quand même des prises de conscience étatiques

01:21:09qui permettent de se dire, wow, en fait, dans une époque...

01:21:13L'histoire du carbone, c'est une très belle,

01:21:15très grande histoire sur la vitesse.

01:21:17C'est une histoire sur la vitesse.

01:21:19Les virements se faisaient minute.

01:21:21L'Etat faisait des virements minute à des escrocs

01:21:24dans ce qu'ils appelaient des pays fatigués,

01:21:27et en face, quand la justice décide d'enquêter,

01:21:30faire une commission regatoire à l'international,

01:21:32ça prend des mois, parfois des années.

01:21:34Il faut voir ce que ça veut dire.

01:21:36Il y a des gens qui volent de l'argent en quelques secondes

01:21:40grâce au numérique, et il y a des policiers, des douaniers,

01:21:43des magistrats pour lesquels ça prend des années

01:21:45pour essayer de documenter tout ça.

01:21:47Je crois que pour éviter de se retrouver

01:21:50dans ce type de situation, la puissance publique essaye,

01:21:53je ne dis pas qu'elle y arrive,

01:21:55d'éviter que cela n'ait lieu plutôt que d'intervenir après.

01:21:59Quand on regarde de plus près

01:22:01concernant les aides de l'Etat qui font l'objet de fraudes,

01:22:04ce sont lesquelles, en priorité, en France,

01:22:06pour qu'on comprenne bien ?

01:22:08On en a parlé tout à l'heure.

01:22:10Vous l'avez évoqué assez rapidement,

01:22:12la question de la modernisation de l'habitat.

01:22:16Donc, la Prive-Rhénof, par exemple.

01:22:18Voilà, ce genre de choses.

01:22:20Ca a été assez bien documenté.

01:22:22Tout ce qui est en lien, évidemment, avec l'énergie,

01:22:25c'est déjà le genre de choses sur lesquelles les fraudeurs,

01:22:29parfois, c'est des petites fraudes,

01:22:31mais qui, en fait, cumuler, ça va être assez important.

01:22:34Encore une fois, il y a toujours cette idée

01:22:36que, finalement, c'est de l'argent public,

01:22:38donc, c'est pas vraiment volé.

01:22:40Vous voyez, c'est ce côté un petit peu flou

01:22:43derrière lequel les fraudeurs se cachent assez facilement.

01:22:46C'est chouette de se dire, j'ai pas volé X ou Y,

01:22:48mais c'est l'Etat, donc c'est pas quelqu'un.

01:22:51En réalité, c'est nous tous qui sommes touchés,

01:22:53et en particulier les plus précaires.

01:22:56Donc, c'est vrai qu'en ce moment, les fraudes,

01:22:58elles vont beaucoup sur ces questions

01:23:01de modernisation de l'habitat.

01:23:03On a tous eu des textos, des coups de téléphone

01:23:07de ces fraudeurs qui nous disent

01:23:09vous êtes éligible à X, vous êtes éligible à Y.

01:23:11Il faut particulièrement être vigilant sur ces questions-là.

01:23:15À l'ONAF, aujourd'hui,

01:23:16sans révéler les secrets de l'Etat, évidemment, j'imagine,

01:23:19quelles sont les fraudes qui méritent le plus d'attention

01:23:23et de travail de la part de votre office ?

01:23:25Au-delà de la TVA, c'est ce qui a été dit,

01:23:27MaPrimeRénov', les certificats d'économie d'énergie,

01:23:30les CPF, compte de formation.

01:23:32Il faut préciser ce que c'est.

01:23:34Compte professionnel de formation, non ?

01:23:36Professionnel de formation, qui sont beaucoup attaqués.

01:23:39Pour vous donner juste deux chiffres,

01:23:41on a une trentaine d'enquêtes qui nous ont été confiées

01:23:44de ces chefs, alors que pour escroquerie,

01:23:47le CPF et MaPrimeRénov'.

01:23:49On a caractérisé, d'ores et déjà,

01:23:52250 millions d'euros d'argent

01:23:56qui ont été donnés à des agressions criminelles

01:23:58du chef de ces 30 enquêtes, simplement.

01:24:01250 millions d'euros ont été donnés.

01:24:04Il y a encore du travail à faire.

01:24:06C'est qu'une petite partie du phénomène.

01:24:08Nous ne sommes saisis que des faits qui sont remontés,

01:24:11et très peu.

01:24:1230 enquêtes, 250 millions d'euros.

01:24:14Il est nécessaire de continuer à se protéger.

01:24:17Il y a une proposition de loi du député Cazenave,

01:24:20qui doit être discutée publiquement lundi à l'Assemblée.

01:24:25Je crois que tous les groupes sont d'accord

01:24:27pour que soient votées des mesures de prudence,

01:24:30de suspension des aides dès qu'on a un doute.

01:24:32Sur cette fameuse fraude au CPF,

01:24:35ceux qui réalisent ces fraudes

01:24:37sont surnommés petits frères du carbone.

01:24:40Cette affaire continue.

01:24:41Elle a quelque chose...

01:24:43Dans ces milieux-là, elle a quelque chose de légendaire.

01:24:46En plus, on est face à des gens qui ont décidé

01:24:49d'être à la fois les acteurs, les scénaristes

01:24:52et les réalisateurs de leur propre vie,

01:24:55et qu'il y a cette médiatisation,

01:24:57y compris des documentaires, des séries, etc.

01:25:00Evidemment, ils impriment l'imaginaire populaire,

01:25:03et c'est pour ça qu'il est très important de dire

01:25:06que ce ne sont pas des robins des bois.

01:25:08Il y a peut-être quelque chose de fascinant

01:25:11dans la manière d'avoir dupé les cerveaux

01:25:14les mieux construits de la haute administration,

01:25:17très bien, mais il n'y a pas de romantisation à avoir,

01:25:21parce qu'il y a beaucoup de malheurs,

01:25:23il y a beaucoup de vols autour de ces gens,

01:25:26et il y a même de la mort.

01:25:27Je rappelle qu'il y a quand même une affaire

01:25:30qui est toujours à l'instruction, en fin d'instruction,

01:25:33où trois assassinats et meurtres en bande organisée

01:25:36directement liés à l'affaire du carbone

01:25:38valent à un des responsables de la filière belle-villoise

01:25:42d'être mis en examen et peut-être d'être renvoyé, on verra.

01:25:46Il est évidemment présumé innocent,

01:25:48mais ce que je veux dire par là, c'est que ça ne rigole pas.

01:25:51Et donc, l'aspect un peu fantaisie, fantasque

01:25:56d'un Marco Moli ou je ne sais quoi, derrière, c'est très sombre.

01:26:00Ce sera le mot de la fin. Merci à tous les trois

01:26:02d'être venus nous parler de cette fameuse fraude carbone.

01:26:06Ce casse-du-siècle, on verra s'il sera battu

01:26:09dans le reste du siècle qu'il nous reste à vivre.

01:26:12Vos réactions, ça sera sur hashtag débadoc.

01:26:14Nos invités seront là pour réagir à ce que seront vos réactions.

01:26:18À mon avis, elles risquent d'être nombreuses.

01:26:20Merci à Victoria Bellé qui m'a aidé à préparer cette émission.

01:26:24Mention spéciale à Félicité Gavalda.

01:26:26Elle s'est passionnée pour cette affaire.

01:26:28Je vous donne rendez-vous pour un prochain débadoc,

01:26:31à la même place, la même heure,

01:26:33avec son documentaire et son débat.

01:26:35À très bientôt.

DébatDoc - Quotas carbone : après la fraude, quelles leçons ?

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