Bernard Phelan, détenu en Iran en 2022, raconte les horreurs des exécutions dans la prison de Mashad. Libéré en 2023 après des efforts diplomatiques.
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00:00...
00:30Renard Phelan, merci beaucoup d'être venu dans cette conversation sur l'Europe.
00:35Dans votre livre, vous décrivez l'imaginable cruelité de l'Iran, dans les prisons, etc.
00:40Et on va en arriver là.
00:41En particulier, le nom de votre livre, « Vous mourrez en prison »,
00:44c'est ce que le juge vous a dit quand il vous a donné 6,5 ans.
00:48Commençons par le début.
00:50Vous êtes un consultant de voyage à Paris.
00:53Vous avez deux nationalités françaises et irlandaises.
00:56C'était ma quatrième visite à l'Iran.
00:58J'étais là depuis trois semaines.
01:02J'ai traversé la frontière de la Turquie avec mon ami et client.
01:08Il s'appelle Mike.
01:10On a voyagé dans le nord de l'Iran,
01:12explorant un projet pour la route Silke par train.
01:17J'ai connu l'Iran assez bien à ce stade.
01:24On est arrivé à Mashhad, la deuxième ville de l'Iran, la ville sainte.
01:32On a passé la nuit à sa maison.
01:35Le lendemain, on a déjeuné dans le centre.
01:38On est retournés prendre des photos de la mosquée.
01:42On a dormi la nuit.
01:44Deux hommes nous ont appelés et nous ont dit de nous suivre.
01:48On a gardé un carton et des vêtements.
01:50On s'est assis sur un mur.
01:52Ils ont demandé nos passports.
01:54C'est là que tout s'est commencé.
01:56Ils étaient des policiers sous couverture.
01:59Ils t'ont demandé tes passports.
02:01C'est une zone délicate.
02:03C'est près d'un site religieux très important.
02:06Votre interprétation était que c'était un problème mineur.
02:10Mon ami avait une grande caméra Canon.
02:15Il n'y avait pas beaucoup de touristes étrangers à Mashhad.
02:18Je pensais que c'était une detention.
02:20Je pense qu'ils ont commencé en se demandant.
02:25Quand ils ont réalisé qu'il y avait un national français sur leurs mains,
02:29ça a l'air intéressant.
02:32Les Iraniens ont une liste d'hostages.
02:37J'étais le mauvais homme au mauvais endroit à la mauvaise heure.
02:40Vous avez dit dans le livre qu'ils voulaient des hostages français, belges et suèdes
02:45car les Iraniens ont beaucoup d'hostages dans ces pays.
02:48Exactement.
02:49Parlons de ce soir.
02:51Ils ont décidé de vérifier quelques choses ici.
02:55Qu'est-ce qu'il s'est passé à l'arrivée à la prison ?
02:58Quand nous avons dit que vous étiez en grave danger,
03:01qu'on allait vous accuser de quelque chose,
03:03vous avez eu 6,5 ans.
03:05La première fois que j'ai été interrogé,
03:07je suis allé dans une salle de prière près de la mosquée.
03:10Ça a duré 2-3 heures de questions.
03:12Pourquoi vous êtes là ? Qu'avez-vous vu ?
03:14Est-ce que vous avez participé à des protestations ?
03:17J'ai été transferté dans un véhicule,
03:21j'ai été blindé, j'ai été emprisonné,
03:24j'ai été emprisonné dans un centre d'interrogation.
03:28J'ai été emprisonné dans la première salle,
03:30il y avait un autre homme dans la salle,
03:32j'ai été emprisonné, je n'ai pas pu lui dire bonjour.
03:34J'ai été emprisonné dans l'autre salle, il y avait deux hommes.
03:36J'ai demandé à eux pourquoi j'étais là, ils m'ont mis les doigts.
03:38Ils étaient des protestants.
03:40Ils m'ont emprisonné.
03:43Ce soir, j'étais au sol,
03:45je n'avais pas de lit,
03:47j'ai entendu l'ouverture d'une autre salle
03:50et quelqu'un avait été battu.
03:52Je savais que j'étais en trouble.
03:54C'était une situation sérieuse.
03:56J'ai été emprisonné dans un autre centre d'interrogation.
03:58C'est là que j'ai été emprisonné.
04:03Chaque jour, j'ai été emprisonné,
04:05j'ai été blindé, j'ai été emprisonné.
04:07J'ai été interrogé par les Iraniens.
04:09Ça a duré presque un mois.
04:11Vous êtes un homme gay.
04:13Votre mari, Roland Bonello, est en Paris.
04:16Vous vivez avec un HIV.
04:18Est-ce que quelqu'un pourrait imaginer
04:20que cela vous ferait de la vie extrêmement difficile
04:23dans un pays qui banne l'homosexualité ?
04:26Non.
04:27Ça a surpris tout le monde.
04:29J'ai été deux fois avec Roland.
04:32Il n'y avait jamais eu de problème dans un hôtel
04:34en demandant une deuxième salle.
04:35Personne ne se battait les yeux.
04:37Les gens étaient extrêmement tolérants.
04:39Je sais comment ils traitent la communauté iranienne.
04:41C'est horrible.
04:42Ils les hangent.
04:44C'est une torture incroyable pour eux.
04:46Mais le fait que vous avez besoin d'un hôtel en bonne santé,
04:50je savais que rien ne m'arriverait physiquement.
04:53Il n'y aurait pas de torture.
04:54Ils ne me battraient pas.
04:55Mais n'est-ce pas que la réponse
04:57n'était pas trop choquante pour vous
04:59quand vous avez dit que vous étiez gay,
05:00ou que Roland était votre mari, par exemple ?
05:02Ils vous ont dit
05:04« Pourquoi n'avez-vous pas d'enfants ? »
05:05Oui, j'étais flippant.
05:08« Vous êtes marié à qui ? »
05:11« Roland Bernalot, c'est le nom d'un homme. »
05:13« Avez-vous d'enfants ? »
05:15« Non. »
05:16« Pourquoi n'avez-vous pas d'enfants ? »
05:18C'était une conversation étrange
05:20d'être dans un pays comme ça.
05:21Encore une fois, vous avez été envoyé
05:24pendant 6,5 ans.
05:25Dites-nous ce que le juge vous a dit.
05:27Le premier juge que j'ai rencontré
05:29quand je suis allé au courant,
05:31le courant révolutionnaire,
05:33habillé en prison, en uniforme,
05:35avec des sacs sur les pieds,
05:37des trucs de bois, des escaliers,
05:39très doux sur les jambes.
05:41Il m'a emmené devant le juge.
05:42Il m'a demandé de signer des papiers.
05:43Je n'ai refusé.
05:45Je lui ai dit « Signez-vous des papiers
05:46en anglais, ou en persan,
05:48ou en irlandais, ou en français ? »
05:50Ils m'ont juste regardé.
05:51Ils m'ont emmené en garde.
05:52J'ai essayé d'empêcher lui de me persuader
05:54de signer.
05:55Je lui ai dit « Non, je ne signerai pas. »
05:56C'était essentiellement une confession ?
05:57Oui.
05:58Je ne savais pas ce que c'était.
05:59Et je lui ai dit « Je ne signerai pas ça. »
06:01J'ai mis mes bras comme ça.
06:03Et le juge m'a dit « Sortez. »
06:05Jusqu'à ce que j'arrive,
06:07je lui ai dit « Vous allez mourir en prison. »
06:09Et ensuite, dans le cas principal,
06:11ils ont commencé à dire
06:13« Vous avez envoyé des informations
06:15aux étrangers, aux gardiens, etc. »
06:17Parce que j'avais écrit un article il y a longtemps,
06:19il y a des années,
06:20sur les gardiens,
06:21sur la compétition,
06:22sur le voyage,
06:23sur l'Iran,
06:24et sur l'ironie de l'Iran.
06:25C'est une destination de vacances.
06:27Et ils m'ont dit
06:28que j'envoyais des informations
06:29aux gardiens.
06:30C'est fou.
06:31Qu'est-ce que ça sentait,
06:33quand un juge d'Iran
06:35vous sentence
06:36sur des preuves fausses
06:38en vous disant
06:39que vous allez mourir en prison ?
06:41C'est un horrible choc.
06:43Je pensais que je ne survivrais pas
06:46physiquement.
06:47Parce que Benjamin était là
06:48pendant trois ans et demi.
06:50Et j'étais juste là
06:51pendant presque six mois.
06:53Et j'ai dit « Je ne vais pas le faire. »
06:55Je ne peux pas voir moi-même
06:57vivre ici pendant six ans.
07:00Mon père avait 97 ans à l'époque.
07:03Il était en bonne santé.
07:05Je ne pourrai jamais le revoir.
07:07Si il est mort,
07:08ma famille me le dirait.
07:09Je ne sais pas.
07:10C'est une situation
07:11très, très horrible.
07:13Ici, en Europe,
07:14les prisonniers savent
07:15quand il va sortir.
07:16Il a été condamné
07:17pendant cinq ans,
07:18dix ans, six mois.
07:19Nous ne savons pas
07:20quand il va sortir.
07:21Il y avait des prisonniers politiques
07:22qui étaient condamnés
07:23pendant deux ou trois ans.
07:24Ils sont là encore
07:25cinq ans plus tard.
07:26On ne sait pas.
07:27Parce que votre bloc
07:28à Mshad
07:29était appelé
07:30le bloc de Satan.
07:31Exactement.
07:32C'est là que les gens
07:33qui étaient condamnés
07:34à la mort étaient.
07:35Une des choses
07:36que vous avez mentionnées,
07:37et que j'ai trouvé
07:38vraiment heurteuse,
07:39c'est que vous aviez
07:40à écouter
07:41les hommes qui pleuraient.
07:43Ils étaient
07:44en train d'être exécutés.
07:45Ou que vous aviez l'impression
07:46qu'ils allaient être exécutés.
07:47Oui.
07:48Le lendemain,
07:49les prisonniers
07:50dans notre prison
07:51qui allaient être exécutés
07:52étaient amenés
07:53à notre bloc
07:54la nuit précédente.
07:55Et puis,
07:56pendant la soirée,
07:57on écoutait les hommes pleurant
07:58dans leur cellule
07:59avec leurs chaussures
08:00devant la porte.
08:01C'était très heurteux.
08:03L'idée que quelqu'un,
08:05à côté de quelqu'un,
08:07allait être encerclé
08:08le lendemain,
08:09après les prières.
08:10C'est vraiment étrange.
08:12Je veux dire,
08:13ils ne s'exécutent pas
08:14pendant le Ramadan.
08:15Donc, après le Ramadan
08:16s'est terminé,
08:17il y a eu
08:18une continuité
08:19d'hommes
08:20dans cette cellule.
08:21Je veux dire,
08:22l'Iran est le deuxième
08:23après la Chine
08:24en termes d'exécutions.
08:25Mais ce niveau
08:26de cruelité psychologique
08:27de ces gens
08:28c'est juste
08:29une torture ajoutée.
08:30Oui, absolument.
08:31Donc,
08:32d'un point de vue diplomatique,
08:33avez-vous donné
08:34de l'espoir
08:35aux Français et aux Iraniens ?
08:36Ont-ils travaillé ensemble ?
08:37Quel niveau de détails
08:38avez-vous donné
08:39au cours du processus
08:40pour dire
08:41à Bernard
08:42qu'il y a de l'espoir ?
08:43On n'a pas donné...
08:44Tout le temps,
08:45ils disaient
08:46qu'on négociait,
08:47qu'on négociait,
08:48qu'on parlait
08:49avec les Iraniens,
08:50qu'on parlait
08:51avec les Iraniens.
08:52S'il vous plaît,
08:53ne faites pas de bruit,
08:54ce qui n'est pas
08:55ce que vous devez faire.
08:56On doit dire au monde
08:57que les Iraniens
08:58font cela
08:59aux citoyens européens.
09:00Comme l'a dit Roland,
09:01l'espoir
09:02doit changer de camp.
09:03Dites aux Iraniens
09:04qu'ils nous traitent mal.
09:05Dites-leurs
09:06qu'on est
09:07en confinement solitaire.
09:08Dites-leurs.
09:09Tous les diplomates
09:10ont dit,
09:11en particulier les Français,
09:12non, ne dites rien,
09:13ne dites rien,
09:14ne dites rien.
09:15Et je ne pouvais
09:16plus
09:17m'en occuper.
09:18Et quand j'ai rencontré
09:19Sonia McGuinness,
09:20l'ambassadeuse irlandaise
09:21à Ankara,
09:22j'ai dit
09:24le 1er mai.
09:25Je ne me souviens plus
09:26de cette rencontre.
09:28Je suis entré dans la salle
09:29et elle m'a accroché
09:30et m'a embrassé.
09:31Je pouvais voir
09:32que la garde était agacée.
09:33Les hommes et les femmes
09:34ne peuvent pas se toucher
09:35à l'un l'autre
09:36sauf qu'ils sont mariés
09:37ou filles.
09:38Et Sonia
09:39était une femme
09:40très féminine.
09:42Elle se dresse très bien.
09:45On s'est assis
09:46et on a parlé.
09:47Et j'ai dit à Sonia,
09:48je ne peux pas
09:49prendre plus de ça.
09:50Elle est arrivée,
09:51malheureusement,
09:52et elle a dit
09:53je ne peux pas
09:54prendre plus de ça.
09:55Parce qu'elle n'a pas
09:56le droit.
09:58J'ai dit,
09:59c'est ça que je veux dire.
10:00C'est ce que je veux dire.
10:01Et elle m'a raconté
10:02et je lui ai dit,
10:03je ne peux pas.
10:04Je n'ai pas le droit
10:05de prendre plus de ça.
10:07Donc,
10:08on a parlé
10:09et elle m'a dit
10:10je peux pas,
10:11je peux pas m'embrasser
10:12et j'ai dit
10:13je peux pas,
10:14je peux pas.
10:16Et elle a dit
10:17je peux pas,
10:18je peux pas,
10:19je peux pas,
10:20je peux pas.
10:21Les téléphones avaient été totalement retirés du mur. Rien. Silence.
10:25C'était vraiment étrange. On est allé au bureau du président de la sécurité du Jihadisme.
10:29Personne n'était là. Il y avait toujours trois ou quatre personnes.
10:32On s'est assis et il nous a dit qu'on allait être libérés aujourd'hui.
10:35Il nous a dit que d'abord il fallait signer une lettre, écrire une lettre, en anglais ou en français,
10:39en disant que vous n'alliez pas attaquer la prison ou l'État iranien de son traitement.
10:43Sans même parler avec l'un l'autre, nous avons tous dit non simultanément.
10:47Il nous a dit de revenir à nous-mêmes.
10:50Je suis revenu, mais il y avait une atmosphère étrange dans le bloc.
10:55Quelque chose allait se passer ce jour-là.
10:57Une heure plus tard, le prisonnier est revenu et m'a dit de prendre mon matériel et de partir.
11:00En tout cas, vous êtes sorti maintenant.
11:02Vous avez été libéré en mai 2023 et heureusement, vous avez pu voir votre père,
11:06qui a malheureusement passé à la fin octobre.
11:09Au moins, vous avez eu un certain temps avec lui, plus d'un an, et vous avez pu le revoir.
11:14C'était très émotionnel. Il était tellement heureux de me voir.
11:19Je n'avais pas réalisé combien il m'avait invité à sortir et à parler pour moi.
11:27J'ai fait un vidéo avec lui devant l'ambassade iranienne à Dublin.
11:31Il a fait un visuel extrêmement touchant quand il parle de son fils.
11:35J'avais déjà perdu mon autre frère à cause d'une maladie il y a longtemps.
11:39L'idée d'avoir perdu un autre fils pour lui, c'était incroyable.
11:45C'était un moment si merveilleux de le voir et d'être en mesure de le toucher.
11:50Bernard Phelan, merci beaucoup de nous avoir accueillis.
11:54Merci.