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Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Jeudi 9 janvier 2025 : la comédienne, Camille Cottin. Elle est sur la scène du Théâtre des Bouffes du Nord à Paris, jusqu’au 25 janvier, avec la pièce "Le Rendez-vous".

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Transcription
00:00Bonjour Camille Cotin. Bonjour Elodie. Il y a quelques jours, le journal Le Monde titrait le portrait qui vous était consacré le talent insolent de Camille Cotin.
00:09C'est vrai que de l'insolence, vous en avez et il en faut pour réussir à se faire un nom et donc à percer en commençant par être une connasse à l'écran,
00:16à la fois dans une série de sketch, puis dans un long métrage qui vous ont aussi permis d'être récompensé et remarqué.
00:22Et puis il y a eu la série 10% sur France Télé, il y a eu le mystère Henri Pic, telle mère telle fille, les éblouis.
00:29Sur le plan international, il y a eu House of Gucci de Hailey Scott, Stillwater de Tom McCarty ou encore Mystère à Venise.
00:36Cette pub avec Jean Dujardin et Georges Clooney qui a évidemment fait le tour du monde pour une célèbre marque de café.
00:42Pour beaucoup, vous incarnez la réussite, la classe à la française, vous, l'aîné de la fratrie Cotin, Yafi, l'ex-prof d'anglais,
00:49devenue l'une des actrices françaises les plus aimées et demandées en France et à l'étranger.
00:53C'est le théâtre qui vous a montré la voie, qui vous a convaincu.
00:57Vous étiez faite pour jouer et à juste titre, vous êtes d'ailleurs actuellement sur scène au Théâtre des Bouffes du Nord avec la pièce Rendez-vous
01:04et ce jusqu'au 25 janvier prochain.
01:06Donc je vais déjà me mettre des gens à dos, mais tout est plein.
01:09Il n'y a plus de place, même la tournée est pleine.
01:12C'est un monologue tiré du livre de Katharina Volkmer avec beaucoup d'humour noir, de la poésie, de l'espoir.
01:18L'histoire d'une femme d'origine allemande en rendez-vous avec son gynécologue.
01:22Pas de grossesse en vue, pas de frottis à faire, mais une volonté, celle de se faire greffer un pénis circoncis.
01:29C'est explosif, avec au centre de cette performance d'actrice la culpabilité allemande, la question du genre,
01:35l'emprisonnement physique et psychologique aussi, engendré par notre relation au corps.
01:42Est-ce que ce n'est pas tout d'abord une délicieuse déclaration d'amour homo-liberté, Camille ?
01:48Absolument, vous en parlez tellement bien, c'est moi qui vais vous interviewer parce que je trouve que c'est vraiment parfait.
01:54C'est vraiment une ode à un plaidoyer, même un cri, une inspiration, une prise d'oxygène, un appel à la liberté, à la résistance,
02:11au courage aussi, mais avec beaucoup d'humilité qui convoque et qui met à l'honneur tout le courage dont on peut faire preuve
02:24quand on essaye d'être au plus près de soi-même, y compris quand on est perpétuellement en mouvement
02:30quand on ne sait pas forcément qui on est et qu'on se heurte à toutes les choses extérieures qui voudraient nous définir,
02:42que ce soit du méta au plus petit, la société, la famille, toutes les institutions, le corps,
02:50qui sont des éléments qui nous assignent un endroit.
02:55Et ce que j'aime beaucoup dans ce texte, c'est sa langue, c'est-à-dire que le style littéraire, c'est très cru, il y a beaucoup de gros mots,
03:06on pourrait penser qu'il y a un endroit de vulgarité, mais quelque part c'est comme si c'était une énergie à faire péter les tabous,
03:17c'est frontal, mais pas dans l'idée de briser, mais dans l'idée d'exploser pour déborder, pour être, pour exister en fait.
03:30De voir cette évolution, on vous sent indestructible, et au final pas du tout, vous êtes tout le temps et souvent dans le doute.
03:37Qu'est-ce qui vous fait douter alors ?
03:40Parce que je ne vois pas ce qui pourrait ne pas me faire douter.
03:47Non, mais parce qu'on est... Est-ce qu'on est légitime ?
03:53Rien que ce texte, par exemple, il me touche, je le trouve passionnant, je l'ai fait lire à des gens dont j'admire la sensibilité,
04:03donc j'écoute, j'entends, je me dis, ouais, ok, on y va, on le porte, mais on ne sait pas, est-ce que je suis la bonne personne pour le raconter,
04:13est-ce que mon histoire personnelle, qui est pourtant très éloignée de celle de l'auteur ou du propos même,
04:19parce qu'elle-même s'approprie des choses qui ne sont pas forcément ce qu'elle a vécu telle qu'elle, c'est ce que j'aime dans le texte.
04:25Elle fait partie d'un héritage.
04:26Oui, et que finalement, même sur la transidentité, elle va en parler, mais c'est le vecteur de quelque chose,
04:33et donc ce n'est pas un récit sur la transidentité, mais c'est évoquer des choses qui ont attrait à la transidentité,
04:41qui peuvent résonner aussi dans un besoin de transformation, de liberté, d'aller contre un ordre établi,
04:51ce que ça peut engendrer comme questionnement, comme souffrance, comme survie aussi.
04:57Mais tout ça, c'est des choses, c'est nouveau, donc à chaque fois, on questionne son aptitude aussi à faire les choses,
05:09et puis quand on se lance, on ne connaît pas le résultat.
05:13Je dirais qu'on parle justement de la transidentité.
05:17Vous avez toujours soutenu, notamment, vous êtes féministe totalement assumée.
05:23C'est important de le préciser, vous avez signé le manifeste Maintenant on Agit, lancé après l'affaire Weinstein,
05:31qui a été quand même assez violente, pour demander à soutenir les associations luttant contre les violences faites aux femmes.
05:37Vous avez salué le mouvement MeToo, aussi Balance Ton Port, qui est équivalent en France.
05:42Vous avez rejoint le Collectif 50-50, qui vise à promouvoir l'égalité entre femmes, la diversité dans le cinéma et l'audiovisuel.
05:47Vous avez fondé une société de production féministe.
05:50Vous soutenez la cause LGBTQIA+.
05:56Quand on a vu que c'était une des premières prises de position de Trump, en disant qu'il allait faire obstacle,
06:03pour moi, c'est assez incompréhensible.
06:11C'est même hallucinant.
06:14Après, c'est des instrumentalisations politiques aussi.
06:18Mais j'espère que, je pense que dans certains milieux, oui,
06:26mais qu'il y a encore beaucoup à faire pour que ce soit acquis.
06:33Votre mère, elle a quitté l'Algérie dans les années 70, à l'âge de 15 ans.
06:3762, après la guerre.
06:40C'est vrai, c'est un commun accord avec votre maman.
06:42Ça a été un schéma familial très rigolo, parce qu'en fait, ils avaient un étage d'écart,
06:46ils vous avaient suivis, puis ensuite, voilà, il y a eu des choses qui se sont passées.
06:51On a le sentiment, justement, que vous avez beaucoup pris à la fois de votre père et à la fois de votre maman.
06:56Qu'est-ce que vous gardez d'eux ? Qu'est-ce qu'ils vous ont transmis ?
07:00C'est très intime, tout ça.
07:04Qu'est-ce qu'ils m'ont transmis ?
07:10Ils ont été très exigeants.
07:16Et en même temps, des rêveurs, des esthètes, des passionnés de littérature, de peinture, de musique,
07:27donc de voyage aussi.
07:35Et une certaine exigence par rapport, justement, au travail.
07:43Et après, en même temps, voilà, ma mère, elle me dit toujours, fais de ton mieux, reste détachée du résultat.
07:50Donc c'est une certaine philosophie aussi qui permet de supporter certaines choses, mais un humanisme aussi.
07:57Un rendez-vous, c'est une pièce qui est extrêmement forte.
08:00Est-ce qu'il y a un avant et un après ? Est-ce que cette pièce va changer votre façon de travailler,
08:05de regarder, de jouer, d'appréhender le monde aussi ?
08:09Il y a tellement de choses à l'intérieur de cette pièce de théâtre.
08:15Déjà, je ne peux pas trop dire ce qu'il en sera à la fin. Je ne sais pas, je n'en suis qu'au début.
08:22Mais en tout cas, chaque soir, je me requestionne sur ce qui anime ce personnage,
08:33ce qu'il est important, ce qu'il doit le charger avant d'entrer en scène pour pouvoir le partager au mieux.
08:41Parce que comme il est très complexe, sinueux et en même temps, pour moi, absolu dans ce qu'il revendique.
08:50Mais voilà, je ne sais pas ce qu'il en sera à la fin.
08:54Mais en tout cas, sur le chemin, je continue à me questionner beaucoup.
09:00À la fin, elle dit, quittons cet endroit avant qu'il ne soit envahi par des clowns.
09:05Tenons-nous la main, soyons des guerriers. Je voudrais que vous m'interprétiez cette phrase.
09:10En tout cas, que vous me disiez ce qu'elle évoque, parce qu'il y a un côté guerrière extraordinaire.
09:17Alors, quittons cet endroit avant qu'il ne soit envahi par les clowns.
09:23Bon, maintenant, on a un beau clown à la tête des Etats-Unis.
09:29Il a toute la panoplie, en plus, qui va avec.
09:31Mais ce qui m'émeut, moi, à chaque fois, tous les soirs, c'est « tenons-nous la main, soyons des guerriers ».
09:41Ces deux phrases, justement, pour moi, elles sont importantes côte à côte.
09:47Et quelque part, le guerrier, c'est le guerrier de sa propre existence, déjà.
09:53Et tenons-nous la main, parce que c'est ensemble qu'on pourra résister, avancer.

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