Séverine Vermard a publié le livre "Lucas, symbole malgré lui", dans lequel elle revient sur le suicide de son fils de 13 ans, victime de harcèlement scolaire en raison de son homosexualité.
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00:00Bonsoir Séverine Wermar, merci beaucoup d'être avec nous. Je le disais juste avant la pause, ce livre que vous publiez, c'est le témoignage le plus fort et le plus puissant que j'ai lu depuis très longtemps.
00:11On va donc parler ensemble de Lucas, votre fils, harcelé pendant des mois parce qu'il était homosexuel. Il s'est suicidé en janvier 2023, Lucas avait 13 ans.
00:21On va parler de lui, de ces harceleurs, relaxés par la justice, ça fait partie de votre combat, combat contre le harcèlement, on va y revenir.
00:28Mais juste avant, j'aurais commencé par la fin du livre, parce qu'à la fin du livre, vous dites à qui, pourquoi et pour qui vous avez écrit ce livre.
00:37Vous dites, j'ai écrit ce livre pour tous les parents, pour tous les enfants, pour les harceleurs, pour les harcelés, pour tous les Lucas, pour les profs, les CPE, les ministres.
00:45Pourquoi, Séverine Wermar, est-ce que tout le monde devrait lire ce livre ?
00:48Parce que tout le monde est concerné par ce fléau, tout le monde soit l'a subi, soit le subit, soit le fait subir.
00:55Donc, il faut, c'est une manière pour moi de les aider à sortir de cet engrenage.
01:02Et voilà, c'est un outil qui sert, il y a beaucoup d'astuces.
01:07Donc, je ne veux plus qu'il y ait de Lucas, je ne veux plus qu'il y ait de Lincey, de Nicolas.
01:14Il y en a tellement, malheureusement, il y en a trop et je ne veux plus qu'il y ait tous ces enfants qui mettent fin à leur jour.
01:22Qui mettent fin à leur jour. L'histoire de Lucas, votre fils, c'est d'abord l'histoire d'un petit garçon, vous le dites, vous comprenez assez vite, qu'il est différent.
01:28C'est-à-dire ?
01:30Pour moi, il n'est pas différent, parce que voilà, c'est un petit garçon qui a plein de rêves dans la tête, il est différent aux yeux des autres, malheureusement.
01:39Donc voilà, par son homosexualité, ses bons résultats scolaires, sa tenue vestimentaire qui peut interloquer, alors que pas du tout, c'est basique.
01:53Vous racontez cette scène qui est absolument déchirante, Lucas demande à vous parler, dans la salle de bain, il a 11 ans, il demande à ce que la lumière soit éteinte.
02:05Que vous puissiez le voir, quand il va vous expliquer quelque chose, qu'est-ce qu'il vous explique ce jour-là ? Il a 11 ans.
02:11Il a peur déjà, il veut être dans le noir, parce qu'il a peur de mon regard, il a peur que je sois dégoûté, que je sois écoeuré de ce qu'il pourrait me dire.
02:19Donc il me fait son coming out.
02:23Il vous dit à 11 ans, j'aime les garçons.
02:25Voilà, il me dit, maman, j'ai quelque chose à te dire, j'aime pas les filles, je préfère les garçons.
02:30J'ai rallumé la lumière et je lui ai dit, sois heureux mon fils, je t'aime, fille, garçon, peu importe, tant que t'es heureux, c'est tout ce qui compte.
02:40Et je le savais, ça n'a jamais posé de problème, il n'avait pas besoin de faire son coming out.
02:46Il serait venu en me disant, maman, j'ai un chéri, c'était, t'as un chéri, sois heureux, tant qu'il te fait pas de mal, c'est le plus important.
02:52Il a 11 ans, 12 ans, 13 ans, il grandit.
02:56Avec ça, vous racontez les balades dans la rue, vous vous marrez quand il commence à regarder les garçons dans la rue, etc.
03:02Et vous faites sourire avec ça dans le livre, ce qui est très très fort.
03:06Mais en même temps, vous expliquez que dans le même temps, au collège, c'est l'enfer.
03:10Voilà, on se promène dans la rue, il regarde les garçons, il me demande s'il a des beaux yeux ou quoi que ce soit.
03:16Parce que pour moi, c'était une discussion entre copines, entre mère et fille.
03:20J'aurais fait exactement la même chose avec mes deux autres enfants.
03:24Mais au collège, oui, dès qu'il est arrivé dans ce collège, ça a été la descente aux enfers.
03:30Ça a été la destruction de mon fils.
03:32Il reçoit une pluie d'un jour homophobe.
03:34Exactement, il se fait insulter à longueur de journée par quatre élèves qu'il m'a désignés.
03:40Et c'est compliqué parce que moi, je l'écoute, je l'entends et je suis là pour l'aider.
03:47Mais l'établissement, non.
03:50Donc c'est compliqué pour un petit garçon de 13 ans qui est en pleine construction.
03:55Vous dites, il m'a donné des noms, des noms qui me hantent.
03:58Vous parlez des quatre abrutis.
04:00C'est le terme que vous employez pour désigner les quatre élèves qui harcèlent votre fils.
04:04Que fait le collège, justement, à ce moment-là ?
04:06Le collège est prévenu.
04:09En réunion par un professeur, j'alerte le professeur principal.
04:13Mais lui a envoyé un mail tout de suite à l'équipe.
04:16Lui a fait très bien son travail, était attentif à Lucas.
04:21J'appelle la CPE à plusieurs reprises qui me dit, ce sont des chamailleries.
04:25On va régler ça.
04:27Et arrivé là, j'apprends que non, rien n'a été fait.
04:30Aucune convocation, aucune sanction.
04:32Que ce soit une convocation des parents ou des élèves, de Lucas ou de moi-même,
04:36il n'y a pas eu de table ronde, il n'y a pas eu d'explication ou d'excuse.
04:40C'est pour ça aussi que vous écrivez ce livre.
04:42Voilà, c'est ça, je veux alerter.
04:44Il faut prendre en considération le mal-être des élèves.
04:47Il faut prendre en considération les appels au secours des parents.
04:52On leur confie nos enfants pour apprendre.
04:57Ils sont censés être en sécurité.
04:59Donc, prenez soin de nos enfants.
05:01D'un côté, la CPE qui explique de simples chamailleries.
05:04Et on en vient à ce jour de janvier 2023 où vous partez au travail
05:08avec un mauvais pressentiment ce jour-là.
05:10Vous l'expliquez dans le livre.
05:11On vous appelle à 11h30.
05:13Vous rentrez précipitamment parce que votre fils s'est suicidé.
05:17Lucas, 13 ans, s'est suicidé.
05:19Et il y a une question qui revient dans votre livre.
05:23Une question que vous posez notamment en regardant les cartons
05:26où il y a les affaires de Lucas qui sont enfermées.
05:28Vous les déballez.
05:29Vous reprenez son t-shirt.
05:30Vous sentez son odeur.
05:31Honnêtement, ces pages sont absolument bouleversantes.
05:34Mais il y a cette question qui revient.
05:36Vous espérez que ces cartons, ces affaires, vous aident à comprendre
05:39comment un garçon de 13 ans peut décider que la vie ne vaut plus la peine
05:42d'être vécue.
05:43Cette question-là, vous vivez encore avec elle.
05:45Actuellement, oui.
05:47En faisant ces cartons, je cherchais un indice, une lettre, une phrase,
05:54quoi que ce soit, un signe qui m'aide à comprendre.
05:58Je ne l'ai toujours pas.
06:00Pourtant, j'ai vraiment fouillé.
06:03Mais comment on en arrive là ?
06:05Comment il en est arrivé là ?
06:07Pourquoi ?
06:08Je ne me le pardonnerai pas parce que je n'ai pas pu l'aider.
06:12Je n'ai pas réussi à l'aider correctement.
06:15Le titre de votre ouvrage, c'est Lucas, symbole malgré lui.
06:19Finalement, c'est vous qui êtes un symbole.
06:22Un symbole, c'est votre combat aujourd'hui.
06:24Oui.
06:25Lucas, c'est le symbole du harcèlement.
06:27C'est devenu, malgré lui, parce qu'il n'est plus là.
06:32Mais maintenant, il brille comme il aurait voulu briller
06:35par son métier de rêve.
06:38Je suis là pour combattre ce fléau du harcèlement.
06:44Je continuerai à le faire.
06:47Lucas, oui, ça restera le symbole du harcèlement.
06:49On s'en souviendra et on ne veut plus de Lucas.
06:51Qu'est-ce que vous nous dites à ceux qui sont parents ?
06:54Qu'est-ce que vous dites aux parents ce soir ?
06:56Qu'est-ce qu'il faut voir ? Qu'est-ce qu'on ne voit pas ?
06:59Qu'est-ce que vous nous dites à tous ?
07:01Le moindre changement, il faut le regarder.
07:03Il faut discuter avec ses enfants, il faut être attentif à ses besoins.
07:07Il faut vraiment tout regarder.
07:09Le moindre petit changement qui paraît anodin, il faut l'analyser,
07:12il faut discuter avec et faire appel tout de suite à des professionnels,
07:17à des associations, à des avocats, au commissariat, à des psychologues.
07:22Même si ça nous paraît anodin, rien n'est anodin dans la vie d'un adolescent.
07:28Rien.
07:29Et avec leur petit âge, tout est décuplé, leurs sentiments sont décuplés.
07:34Et ça a à prendre en considération aussi.
07:36Il y a ce combat que vous menez contre le harcèlement avec une association
07:40que vous lancez, qui a été lancée avec votre avocate notamment.
07:44Et puis il y a le combat judiciaire.
07:46Le combat judiciaire face à ces quatre enfants, quatre adolescents
07:52qui ont harcelé votre fils, qui ont harcelé Lucas,
07:54ils ont d'abord été condamnés en première instance,
07:56puis relaxés en seconde instance.
07:58Ce qui vous a révoltés, c'est leur comportement au tribunal.
08:01Oui, c'était honteux pour moi.
08:03Ça rigolait, ça regardait les chaussures,
08:06ça n'a aucune empathie, aucun mot d'excuse.
08:11Ça sort du tribunal, ça rigole, ça court.
08:15Leur vie continue, ça ne les a pas touchés.
08:19Ils ne prennent pas conscience du mal qu'ils ont fait
08:22et qu'ils peuvent peut-être faire encore actuellement.
08:24Donc j'aimerais qu'ils réalisent que ça a détruit Lucas
08:29et que ça a détruit une famille derrière,
08:31qui a un grand frère, une petite soeur, une maman, des oncles.
08:34Enfin voilà, on est tous endeuillés, on est tous dans le mal.
08:37Vous racontez cet échange glaçant au tribunal
08:40où votre avocate leur demande,
08:42mais quand même, quand vous êtes revenus en classe,
08:44que la chaise de Lucas était vide, comment vous avez réagi ?
08:47Il y a un des quatre qui répond qu'il s'est assis sur cette chaise.
08:49Voilà, exactement.
08:51Aucune empathie, il n'est pas choqué du départ de Lucas.
08:54La chaise vide ne le choque pas.
08:57Pour moi, c'est une honte.
09:00Et en même temps, ce sont des enfants.
09:03Ça reste des enfants.
09:05Et c'est aussi pour eux que vous écrivez ce livre.
09:07Exactement, parce que les harceleurs ont besoin d'aide.
09:10Ils ne harcèlent pas sans raison.
09:13On ne harcèle pas quelqu'un pour le plaisir.
09:15Il y a un mal-être.
09:17N'importe quel mal-être il y a, il faut le traiter, il faut en parler.
09:21On n'est pas là pour les pointer du doigt, on est là pour les aider aussi.
09:24On aide les enfants harcelés, mais les harceleurs.
09:27Parce que sans harceleurs, il n'y a pas de harcèlement.
09:29Donc on est là pour les aider, pas pour les pointer du doigt.
09:32Les cours d'empathie en classe de primaire, c'est une solution ?
09:37Vous avez beaucoup parlé d'empathie, c'est pour ça que je vous en parle.
09:40C'est une des solutions, oui.
09:42Il faut leur apprendre à être empathique,
09:44à comprendre beaucoup de choses qui font que ça peut blesser.
09:48Le mal-être des gens, ça prend en considération.
09:53Il faut leur apprendre, parce que ça ne s'apprend pas tout seul.
09:57On n'a pas forcément les clés pour leur apprendre, nous en tant que parents.
10:00Mais on doit le faire aussi,
10:03parce que ce n'est pas seulement à l'école qu'il faut leur apprendre les choses.
10:07L'éducation se fait déjà à la maison.
10:10Après, c'est juste la continuité.
10:14Séverine Wehrmacht, Lucas Symbol malgré lui, chez HarperCollins.
10:17Merci beaucoup d'avoir été notre invitée ce soir.
10:20On voulait vous donner la parole.
10:22Relayez aussi votre combat ce soir avec cette association.
10:25Merci de m'être présentée.
10:27Merci beaucoup d'avoir été avec nous ce soir.