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00:00Bienvenue dans les récits extraordinaires de Pierre Belmar, un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:10La vérité n'existe pas. La vérité est unique et lorsqu'un seul homme la possède et ne veut pas
00:19la dire, elle n'existe pas. Lorsqu'une seule femme la possède et meurt sans la dire, elle n'existe
00:29pas non plus. Oh le sérum de vérité, ça n'existe pas à force d'être décrié par les uns et prôné
00:37par les autres, ça n'existe pas. La notion de sérum de vérité est née, paraît-il, d'une expérience
00:43de narco-analyse sur des soldats américains déserteurs pendant la guerre de Corée. On
00:48voulait savoir si leur fuite était due à la lâcheté ou à la peur. Leur condamnation ou
00:55leur libération auraient dépendu de ce diagnostic. Il paraît qu'on ment aussi sous l'effet du sérum
01:02et que rien n'est jamais concluant. De plus, c'est immoral cette violation de la conscience humaine,
01:08donc illégale. La vérité n'existe pas. Il y a trop de vérité pour en trouver une bonne et c'est
01:16énervant. C'est énervant de se trouver devant un homme qui déclare vous ne pourrez jamais prouver
01:23que je suis coupable et moi je ne pourrai jamais prouver que je suis innocent. C'est énervant,
01:32extraordinairement énervant.
01:53Je suis sûr que si je vous montrais maintenant la photographie de cet homme, la moitié d'entre
01:59vous dirait il a une bonne tête et l'autre moitié dirait il a une tête d'assassin. Nous sommes ainsi
02:05faits qu'en regardant le visage d'un homme soupçonné de meurtre, il nous est difficile de ne pas
02:10l'estimer subjectivement. Cet homme a 50 ans passé en 1956, époque de ce dossier bizarre. Il porte
02:18ses 50 ans largement. Son visage creusé de riz, donné large et droit, au front un peu dégarni est
02:25un visage anonyme, un visage que l'on ne reconnaît pas forcément dans la rue. Il faut se défendre de
02:30lui trouver l'air énigmatique. Ça n'a pas de sens. N'importe qui peut avoir l'air énigmatique sur
02:36une photographie. Sa femme c'est autre chose. Elle a un peu plus de 30 ans, elle est jeune,
02:40belle, bien faite, avec un sourire tendre. Ça ne veut rien dire non plus. Sur le document que j'ai
02:47sous les yeux, elle tient dans ses bras un jeune chien attendrissant et sur une autre, elle a le
02:52sourire tendre et charmeur d'une photographie d'identité réussie, ce qui est rare. Vous avez
02:58déjà, je le sens, fait un rapide calcul. 50 moins 30, la différence d'âge. Ah, il y a souvent, pensez-vous,
03:06des raisons particulières à ces mariages-là. Il y en a parfois, c'est vrai, et parfois pas du tout.
03:12Dans le cas qui nous occupe, et sans trahir les faits, on peut toutefois affirmer que cette jeune
03:18femme a presque fait un mariage de raison il y a quatre ans. Et pourtant, leur rencontre était
03:24digne d'une séquence de cinéma. Une jeune femme traverse la rue en courant. Un automobiliste manque
03:29de l'écraser avec sa voiture. Il s'excuse, elle s'énerve, il ne se revoit plus. Puis, il se
03:35retrouve par hasard chez des amis communs. Elle vient, elle, de rompre avec un amant qui ne se
03:41décide pas à l'épouser. Elle est triste, désabusée. Lui se penche avec attendrissement sur une femme
03:47jeune qui l'ose à peine imaginer à son bras. Elle est célibataire, il est veuf, deux fois veuf. Elle
03:53est vendeuse, il est ingénieur. Elle ne connaît que la France, il a fait la Drouchine. Il se marie.
03:59Elle, par sécurité, mêlée de résignation. Lui, un peu par folie, en se disant que de toute façon,
04:05c'est la dernière fois. Ça, c'est vrai. C'est la dernière fois. Lui, c'est Jean. Elle, c'est
04:14Martine. Pas de nom, pas de lieu, si vous le voulez bien, car Martine va mourir et Jean,
04:21qui sera soupçonné, accusé, mis en prison, retrouvera sa liberté qu'il a peut-être encore
04:26actuellement. C'est dans une petite maison isolée que le couple vit depuis quatre ans et s'ils ont
04:33des problèmes, personne n'est au courant. La rumeur des voisins et des proches dit simplement,
04:38ils s'entendent bien. Le 12 mars 1956, il est 13h15. Lui, Jean, vient de terminer de déjeuner. Il lit
04:47le journal. Elle, elle est assise dans un fauteuil. C'est leur dernière conversation à deux. C'est
04:54leur dernière petite querelle. Même pas une vraie querelle, d'ailleurs, si les termes et le sujet
05:00de cette querelle rapporté par Jean Pluta sont exacts. C'est Martine qui parle. « Je voudrais
05:06que tu remplisses la feuille de sécurité sociale. J'ai deux ordonnances, une pour les crèmes et
05:10l'autre pour les médicaments. Voyant, c'est pour ton eczéma. Montre-moi ça, je vais le faire. » Il
05:16est 13h20. Jean examine les deux ordonnances. L'une des deux concerne des produits de beauté
05:21analergiques, mais sûrement pas remboursés par la sécurité sociale. Il la rend à sa femme. « Mais ça,
05:26ça ne marchera pas. Garde-là. » Martine se met en colère. « Et pourquoi ? Mais tu n'as qu'à
05:31t'arranger pour que ça passe quand même. » « Ah non, non, non. J'ai horreur de ce genre de
05:34petite mesquinerie. » Martine boude. Elle disparaît dans la salle de bain. Il est 13h30. Jean remplit
05:42les papiers. « Rappelle-moi ta date de naissance exacte, s'il te plaît. » Pas de réponse. Martine
05:49boude toujours. Il est 13h40. Jean abandonne les papiers, s'apprête à partir et sur le pas de la
05:54porte, il lance « Au revoir, Martine. Au revoir. » Toujours pas de réponse. Estimant qu'il s'agit
06:00d'une petite boudrie sans importance, Jean ne s'inquiète pas. Il monte dans sa voiture pour
06:04se rendre à l'usine. Il aperçoit un de ses collègues sur le chemin. Il s'arrête pour le
06:08prendre avec lui. Il est à son bureau à 14h. On ne fait rien de plus anodin comme dernière
06:13rencontre. Les autres faits les plus saillants étant que Jean s'est arrêté pour acheter un paquet de
06:18cigarettes et a passé l'après-midi à son bureau sans que quoi que ce soit laisse supposer une
06:23nervosité quelconque. En rentrant chez lui le soir, Jean rencontre son chien dans le jardin qu'il
06:29accueille en frétillant comme d'habitude. Il ouvre la porte d'entrée, traverse le couloir et aperçoit
06:35la porte de la cuisine entreverte. Sur le seuil, une paire de mules roses. Et le mystère commence.
06:44Martine est étendue sur le sol de la cuisine, les bras repliés vers la tête. Elle est morte.
06:54Une seule blessure est apparente dans la position du corps sous le sein gauche. Près de la tête,
07:02le revolver de Jean. Une arme qu'il a chez lui depuis son retour d'Indochine et dont il ne se
07:09sert jamais. Martine est presque nue, vêtue seulement d'un slip et d'une paire de bas.
07:17Le chat de la maison est assis près d'elle. Voici ce que fait Jean d'après ses déclarations.
07:27Mon premier réflexe est de vérifier si elle est morte. J'essaie de lui faire des mouvements
07:33respiratoires avec les bras qui sont encore tièdes. Je prends le revolver et je le pose sur
07:40la table de la cuisine de peur que le chat joue avec. Ensuite, je prends ma voiture pour aller à
07:45la gendarmerie. La porte est fermée et je ne pense pas une seconde à passer par la porte de derrière.
07:51Je cours à la mairie et pendant qu'on prévient un médecin, je fais un saut chez la tente de
07:56ma femme pour la mettre au courant. Là, j'apprends que ma femme devait justement rejoindre sa tente
08:02vers deux heures et demie de l'après-midi et qu'elle n'est pas venue. Lorsque les policiers
08:08examinent le corps, ils découvrent d'autres choses. Tout d'abord, une seconde blessure à la
08:14tempe. Ensuite, le soutien-gorge de la jeune femme par terre, dissimulée sous elle, légèrement
08:21déchirée et tachée de sang. Puis, roulée en boule et dissimulée derrière le pied du buffet de la
08:29cuisine, la combinaison de la jeune femme, légèrement déchirée elle aussi et portant aussi
08:35une petite tache de sang. Viennent ensuite les constatations des experts. La première balle
08:44tirée du revolver 7.65 appartenant à Jean était logée sous le sein gauche, à proximité du foie.
08:50Elle a provoqué une hémorragie interne et un coma. La seconde balle a été tirée dans la
08:57tempe droite et a traversé la boîte crânienne. Elle est allée se loger dans la cuisinière après
09:02une trajectoire d'environ 12 centimètres au-dessus du sol. 12 centimètres, cela suppose que la victime
09:09était couchée sur le sol. Il y a une troisième balle, plus exactement une troisième douille
09:17vide mais pas de balle nulle part. Cette douille présente la même oxydation que les autres et a
09:25pu être tirée en même temps que les deux autres. Voyons maintenant comment se comporte le mari.
09:32Il est calme, extrêmement calme bien qu'affecté par la mort de sa femme. Il pense qu'elle s'est
09:39suicidée. Martine était d'une sensibilité excessive et un peu déprimée ces derniers
09:45temps. Elle s'occupait de la SPA, des chats, des chiens perdus. Chaque fois qu'on lui parlait de
09:49les piquer, elle se mettait à pleurer. Elle pleurait facilement, surtout à propos des
09:53animaux. Je pense, dit-il, qu'elle avait les nerfs malades. Dans un premier temps, la police accepte
09:59cette version du suicide d'autant plus que rien dans la maison ne permet de supposer que quelqu'un
10:03s'y est introduit. Rien non plus dans la vie de Martine, rien non plus dans la vie de Jean.
10:08Quant à la tante, elle dit avoir reçu des confidences de sa nièce huit mois avant le
10:14drame et cette dernière lui aurait dit la vie est trop cruelle, je ne la supporte plus, parfois je
10:20voudrais mourir. Alors admettons et imaginons la scène. Disons que la discussion entre les époux
10:29à propos de cette histoire de sécurité sociale a mis Martine à bout de nez. Lorsque le mari la
10:34quitte, elle est dans la salle de bain en combinaison. Elle se prépare à aller chez sa tante. Et là,
10:41elle décide de se suicider. Elle va chercher le revolver, se rend dans la cuisine, elle hôte
10:50sa combinaison, la jette en boule sous le buffet, elle arrache son soutien-gorge, le jette par terre,
10:57puis elle se tire une première balle sous le sein gauche à la place du coeur. Elle ne meurt pas,
11:03la balle s'est logée trop bas et atteint le foie. Elle s'évanouit à moitié, tombe par terre et
11:10tire une seconde balle dans la tombe droite. Cette fois-ci, elle meurt. Quant à la troisième balle,
11:17dont on a retrouvé que la douille vide, deux solutions. Elle la tirait avant les deux autres,
11:21par une fenêtre par exemple, pour voir si le revolver fonctionnait, et on n'a pas retrouvé
11:25la balle. Elle la tirait après les deux autres, sans se viser, dans un geste incontrôlé, et la
11:31balle s'est perdue. Si vous m'avez bien suivi dans cette première hypothèse, vous constatez comme
11:38moi que deux choses au moins ne vont pas. Le soutien-gorge était légèrement taché de sang,
11:45donc elle la tirait avant de l'ôter. Ensuite, la fenêtre de la cuisine était fermée, donc la
11:53troisième balle aurait dû être retrouvée. Reprenons la scène d'une autre manière. Martine
12:00est en combinaison, elle tire la première balle en glissant l'arme dessous. Ensuite,
12:07elle ôte sa combinaison pour voir la blessure, la roule et la jette sous le buffet. Elle arrache
12:12son soutien-gorge qui tombe par terre, elle s'écroule à son tour et tire la seconde balle.
12:17Là non plus, quelque chose ne va pas sans parler de l'étrangeté de la scène. La tâche de sang
12:24que l'on a retrouvée sur le soutien-gorge est à l'envers de celui-ci et ne correspond pas à la
12:30blessure. Bon, admettons encore tout cela, examinons l'heure de la mort. Au plus tôt,
12:3713h30, au plus tard, 14h30 selon l'examen digestif. Alors, si l'on choisit le plus tôt,
12:44c'est-à-dire 13h30, il faut admettre que Martine s'est tuée dans la cuisine pendant que son mari
12:51était dans la salle à manger et qu'il n'ait rien entendu. Inutile de vous dire ce qui ne colle pas
12:58dans cette version. Les récits extraordinaires de Pierre Bellemare, un podcast européen. J'en
13:11n'ai pas arrêté immédiatement. Il reçoit d'abord l'assaut des journalistes et des photographes
13:16que le mystère de ce suicide attire comme des papillons sur une lampe électrique. Et les
13:21journalistes découvrent en lui un personnage extrêmement énigmatique. C'est la troisième
13:27fois qu'il éveufle. Ses deux premières femmes sont mortes, l'une en Allemagne, l'autre en
13:32sanatorium. Pendant quelques années, il a mené en Indochine une vie aventureuse, exerçant un
13:37métier difficile dans les plantations d'Eva sous les balles des Vietnamiens. Puis, rentré en France,
13:44il s'est lancé dans une autre aventure. Dans la maison qu'il s'est fait construire, une trappe
13:49donne accès sous les combles et Jean montre avec fierté aux journalistes son laboratoire secret.
13:56Des pendules, de radiesthésistes, un émetteur d'ondes courtes, des fichiers multicolores couverts
14:04d'annotations de chiffres, de dessins bizarres, cet ingénieur de 53 ans fait de la recherche
14:10scientifique. Il cherche à découvrir les radiations émises par les corps vivants. C'est
14:16sa passion. Alors que la police le soupçonne du meurtre de sa femme, que les théories les
14:21plus graves pour lui s'échafaudent dans le bureau du juge d'instruction, il fait tourner devant les
14:26journalistes un petit pendule sur une photo de sa femme. Il a posé cette photo sur un grand
14:32cercle gradué, puis la recouverte de deux disques de métal. Regardez, le pendule va s'immobiliser
14:40sur le chiffre 14 qui correspond à ma fiche de calcul sur le sexuel. En effet, le pendule
14:46s'arrête sur le chiffre 14. Le journaliste demande « Et alors, quelles conclusions tirez-vous ? »
14:52« Aucune pour l'instant. » « La mort tragique de ma femme pose une énigme qui m'échappe encore ? »
14:58« Je cherche. » « Vous faites une enquête vous-même ? » « Pour l'instant, j'ai posé les données du
15:06problème, mais j'ai besoin de réflexion. » Il montre au journaliste sa façon d'étudier le
15:11problème. Avec une minutie incroyable, il a fait le relevé du plan de son appartement, tout y est
15:17reproduit jusqu'au tapis de l'entrée. Dans la cuisine, une petite silhouette de femme, c'est le
15:22corps de sa femme telle qu'on l'a retrouvée, avec l'emplacement de la combinaison, du soutien-gorge,
15:27du revolver, il y a même le chat. « Le chat pourrait expliquer beaucoup de choses, » dit-il
15:33au journaliste. « Je cherche à savoir s'il a pu jouer avec la combinaison de ma femme et
15:39l'entraîner sous le buffet de la cuisine. » Et pour mettre sa théorie en pratique, il fait
15:46un lassablement des expériences avec une pièce de lingerie qu'il pose par terre devant le chat.
15:51Muni d'un appareil photographique, il guette l'instant où l'animal va peut-être entraîner
15:56le linge avec ses pattes. Étrange reconstitution qui ne donne rien de concluant, on s'en doute.
16:03L'ingénieur soupire. « Tout est contre moi. La science et les experts sont contre moi. Mais
16:09ils se trompent. Ma femme s'est suicidée dans une crise de dépression. Il n'y a pas d'autre
16:14explication. Je sais qu'on me soupçonne. Mais je n'ai pas de mobile. Je n'étais pas jaloux. J'adorais
16:22ma femme. Elle était belle. Beaucoup plus jeune que moi, c'est vrai. Mais j'ai tout fait pour elle.
16:26Je ne me suis pas rendu compte que c'était si grave. Je vivais près d'elle sans savoir qu'elle
16:32était malheureuse. Ça, c'est de ma faute. Si j'avais su. Mais elle ne me disait rien. En tout
16:41cas, plus rien d'important. Elle ne voulait pas sortir. Elle n'aimait pas le cinéma. Elle n'aimait
16:45pas le sport ni la danse. Elle ne voulait que ses livres et sa musique. On dit que je la séquestrais,
16:52que j'étais jaloux, que je l'isolais du monde. Mais c'est faux. Maintenant, il faut que je prouve
17:00l'improuvable. Il faut que je prouve qu'elle s'est tuée. » Le non-lieu est retardé. Le juge
17:10d'instruction déclare « Le suicide est impossible. L'enquête continue. » Jean, pendant ce temps,
17:17continue ses petits calculs et ses théories. Il étudie tous les traités de criminologie qu'il
17:23trouve, se penche sur le problème ardu des blessures par balle, photographie son chat
17:28pendant des heures, bourses et cahiers de notes et de chiffres cabalistiques. Le juge
17:33d'instruction, de son côté, tente l'expérience du moulage des mains dans le but de découvrir sur
17:39les mains du mari suspect numéro un des traces de poudre. On en trouve. Par contre, le même
17:47moulage effectué sur la main de Martine ne donne rien. Jean, de son côté, épluche les lectures
17:55de sa femme, espérant y trouver un indice sur sa façon de se suicider. En avril 1956, alors
18:03qu'il épluche Balzac, on l'arrête. Il ferme son laboratoire, fait clouer les portes de sa maison,
18:10prend sa petite valise et déclare à la presse « J'attends que la justice prouve ma culpabilité.
18:18Je voudrais bien savoir comment elle s'y prendra pour démontrer que j'ai pu commettre le crime en
18:22un quart d'heure. Je connais les charges qui pèsent contre moi. On affirme que ma femme a fait la
18:28vaisselle et qu'elle était en train de s'habiller quand la première balle l'a frappée. C'est pour
18:33cela que l'on n'accepte pas le suicide. En d'autres traces de poudre sur ma main, il paraît que ce
18:39test du moulage est pratiqué pour la première fois en France. Je ne suis pas convaincu de sa
18:45valeur scientifique. On ne pourra jamais prouver que je suis coupable, mais moi, je ne pourrais
18:52jamais prouver que je suis innocent. Au bout de 51 jours de détention à la prison de Clermont,
19:02une preuve en tout cas est faite, la seule possible. L'instruction n'a pas pu prouver
19:11la culpabilité. Le suspect n'a pas pu prouver son innocence. C'est la mise en liberté provisoire.
19:21Les résultats du test sont remis en question. Toutes les polices du monde s'en méfient,
19:26même Scotland Yard. Que reste-t-il pour justifier les soupçons qui pèsent sur cet homme ? Sur quoi
19:33baser une accusation devant les assises ? Et si ce n'est pas sur le mari, sur quoi ? L'enquête
19:39n'a rien trouvé d'autre, rien d'autre que le mystère de cette combinaison roulée en boules
19:45et tachées de sang, le mystère de cette troisième balle, le mystère de ce suicide bizarre s'il s'en
19:51éteint. Lorsque le non-lieu est prononcé, Jean, déclaré vif officiellement pour la troisième fois,
20:01fait cette réflexion curieuse. Je me demande si elle n'a pas combiné cette façon de se
20:09suicider pour me mettre en difficulté après sa mort. Une carte mentienne lui avait prédit un
20:15drame mortel avant ses 35 ans. Je le lui rappelais souvent pour m'amuser. Cette façon de mourir,
20:23c'est peut-être une vengeance posthume. Le dernier épisode de cet étrange dossier n'est
20:32pas moins étrange. Un jour de novembre 1956, neuf mois après la mort de sa femme,
20:37Jean préside une séance de médium inquiétante. Le médium, c'est Germaine Goyard. L'hypnotiseur,
20:46c'est Roland Domergue. La séance est destinée à reconstituer sous hypnose la scène de la mort
20:53de Martine. Médium et hypnotiseur ont l'habitude. Ils ont, paraît-il, découvert à eux deux des
20:59maladies inconnues, trouvé des trésors cachés, reconstitué des crimes, élucidé des disparitions,
21:05etc. Alors, l'hypnotiseur pose ses mains sur la tête du médium et en 30 secondes, Germaine Goyard
21:11est endormie. Avec des mots hachés et une voix lointaine, elle entame une litanie reconstituant
21:19un scénario que je vous résume, chers amis, car cela dura plusieurs heures. Une femme est venue
21:26voir Martine. Le médium l'appelle la visiteuse. Les deux femmes discutent âprement. C'est la
21:35visiteuse qui fait la vaisselle. Martine est prostrée sur une chaise et parle peu. Puis la
21:42visiteuse s'en va. La jeune femme est seule. Elle va chercher quelque chose, le revolver sûrement.
21:50Elle revient dans la cuisine. Elle est en combinaison. Elle tire. Elle tombe. Elle souffre.
21:57Elle tire sur sa combinaison comme pour l'arracher, puis retombe. Il est à signaler qu'à ce moment de
22:03l'action, le médium s'écroule par terre et mime tous les gestes qu'elle décrit. La fenêtre s'ouvre.
22:10Un homme entre. Il n'a pas de cravate ni de chapeau. Il est bien bâti, un peu plus grand que la moyenne.
22:17Il enjambe le corps. Il prend le revolver. Il enlève la combinaison. Il la jette et tire à bout
22:23portant au même endroit, c'est-à-dire au cœur. Le médium ne voit pas de blessure à la tête. C'est
22:29que, probablement, il n'y a plus de contact. La victime est morte. L'homme est supposé disparaître
22:36dans la forêt toute proche et le médium le perd de vue, si j'ose dire. D'après les journalistes,
22:44cette séance était si insoutenable que tout le monde fut soulagé lorsque l'hypnotiseur éveilla
22:50son médium. Voilà. Vous en savez autant que tout le monde, ni plus ni moins. Qui sait la vérité ?
23:00Il n'y a pas de vérité. Si cet homme la connaît, il ne l'a pas dite, donc il n'y en a pas. Si Martine
23:11seule la connaissait, elle est morte. On ne le saura jamais. Vingt ans ont déjà passé sans rien
23:18apporter de neuf. Restait le sérum de vérité. Un journaliste proposa au veuf énigmatique de
23:27s'y soumettre en public. Une station de radio lui proposa de s'en faire l'écho au cours d'une
23:33émission spéciale intitulée « La vérité sur l'affaire X ». Le veuf énigmatique accepta,
23:39puis réfléchit et fit une dernière déclaration à la presse. « Je préfère le soupçon, même s'il
23:50me rend la vie impossible. Je ne voudrais pas, sous l'effet du sérum de vérité, dire des choses
23:56qui n'ont rien à voir avec la mort de ma femme, qu'on m'estime coupable ou innocent. Je renonce à la
24:06vérité. » Eh bien, voyez-vous, chers amis, je ne sais pas ce que vous en pensez, mais finalement,
24:17moi aussi j'y renonce. Vous venez d'écouter les récits extraordinaires de Pierre Belmar,
24:42un podcast issu des archives d'Europe 1 et produit par Europe 1 Studio. Réalisation et
24:48composition musicale, Julien Taro. Production, Raphaël Mariat. Patrimoine sonore, Sylvaine
24:56Denis, Laetitia Casanova, Antoine Reclus. Remerciements à Roselyne Belmar. Les récits
25:03extraordinaires sont disponibles sur le site et l'appli Europe 1. Écoutez aussi le prochain épisode
25:09en vous abonnant gratuitement sur votre plateforme d'écoute préférée.

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