Un avion s'est écrasé près d'Aktaou avec 67 personnes à bord. Plusieurs experts et politiques, restés anonymes, assure que l'avion de ligne a été visé par un missile russe. Une enquête est en cours pour déterminer les causes de l'accident, tandis que le Kremlin et le Kazakhstan appellent à la prudence face aux spéculations.
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00:00Et avec nous pour en parler, le général Jérôme Pellistrandi, spécialiste défense BFM TV et Jean Serrat, consultant aéronautique BFM TV.
00:07Jean, première question, mais qui va conduire l'enquête ? Que dit le droit international dans tout ça ?
00:12Alors, ce sont des règles très strictes qui existent au niveau de l'OACI, au niveau international.
00:18Premier pays concerné, c'est bien sûr le pays d'où est parti l'avion. Deuxième pays concerné, c'est celui où s'est crashé l'avion.
00:27Donc là, on a déjà Azerbaïdjan et Kazakhstan. Deuxième point important, font toujours partie de l'enquête le propriétaire de la compagnie concernée
00:39et également très important, le fabricant de l'avion. Là, il s'agit d'un Embraer 190, qui est un avion d'origine brésilienne.
00:47Donc eux aussi feront partie de l'enquête. Et ça permet, si vous voulez, de lever un peu le doute sur la crainte que certaines personnes ont
00:56qu'on fasse une enquête en cachant certaines choses. Il y a quand même une obligation au niveau de l'OACI d'avoir une certaine transparence.
01:06— Ça exige quand même un minimum de coopération à tout le moins des acteurs. À ce sujet, Jérôme Pélistrand dit, quand on entend la Russie,
01:13qui est un voisin de l'opération, va-t-on dire, que la Russie dit d'entrée de jeu que c'est sans doute une collision avec des oiseaux,
01:19on se dit que c'est pas gagné ? — Oui, tout à fait, parce que les éléments qui ont été recueillis démontrent tout le contraire.
01:28Mais toute la stratégie de Moscou va être en quelque sorte d'une part d'essayer – excusez-moi du terme – de noyer le poisson,
01:36en quelque sorte de retarder au maximum l'établissement des responsabilités, trouver plein de circonstances atténuantes,
01:44parce que visiblement, la responsabilité russe est clairement engagée dans cette affaire. Donc là aussi, il va falloir être très prudent,
01:54comme le dit Jean. Le seul aspect positif, c'est que le constructeur brésilien est impliqué. Donc lui, il a tout intérêt à avoir un maximum d'éléments
02:04pour démontrer que son avion est fiable, parce qu'il y a des intérêts commerciaux. Mais pour Moscou, eh bien il va falloir au maximum
02:11essayer de retarder donc l'enquête et d'établir les faits tels qu'ils se sont passés réellement.
02:19— Oui, Jean. — Oui. Par exemple, pour soutenir ce qui vient d'être dit, rappelons-nous qu'avant-hier soir, lorsqu'on a appris cet accident
02:28était là, on se posait la question « Mais comment ça se fait que cet avion est à 300 km à l'est de sa route ? ».
02:35On se posait ces questions-là jusqu'à hier matin. Hier matin, on a eu les premières images de la partie arrière de l'avion, où là,
02:44on voit très clairement que cette partie de l'avion est totalement criblée par des impacts extrêmement forts qui ont percé la cellule de l'avion,
02:54sont même entrées à l'intérieur de l'avion avec une dépressurisation de la cabine. Donc là, il n'y a pas de doute à avoir.
03:00Il y a bien quelque chose qui a explosé à côté de cet avion et qui a impacté cet avion. Je vais même aller plus loin.
03:07On est nombreux comme pilotes à dire qu'une partie de la gouverne arrière qui permet de descendre et de monter a probablement été impactée,
03:16parce qu'on voit vraiment que les pilotes essayent de maintenir l'axe longitudinal de l'avion avec les moteurs. Un coup, ils descendent.
03:25Un coup, ils remontent. Vraiment, il faut un pilotage, comme on a appris aux simulateurs, à le faire, qui est extrêmement délicat.
03:32Donc pour nous, il n'y a pas de doute. Il y a bien quelque chose qui a explosé et qui a impacté cet avion.
03:38– Jérôme Brilis-Randy, ce qui compte aussi, du coup, je rebondis sur ce que dit Jean, c'est l'intentionnalité.
03:44Une unité de défense anti-aérienne peut-elle confondre un embraer civil avec un drone ou un avion de chasse ?
03:52– En théorie, non. Parce que d'abord, l'avion civil obéit à des règles de navigation très strictes.
03:59Il émet un signal, que l'on peut suivre d'ailleurs sur des applications internet.
04:04Donc là, ça démontre en fait la fébrilité des militaires russes, en particulier autour de Grosveny,
04:12avec le fait qu'ils ont détecté quelque chose et puis en quelque sorte, ils ont tiré sans même avoir identifié.
04:18Donc c'est, au-delà de la tragédie humaine, c'est au minimum une faute professionnelle extrêmement grave.
04:25Et ça démontre donc cette fébrilité dont les russes font preuve, hélas, depuis très longtemps.
04:33N'oubliez pas, il y a eu en 2014 le crash de la Malaysian Airlines, un avion MH17 qui faisait Amsterdam-Kuala Lumpur
04:46et qui avait été abattu par les défenses russes.
04:48Donc on a la démonstration, une fois de plus, de cette fébrilité de l'armée russe, qui là, visiblement, a commis une erreur dramatique.
04:57– Alors il y avait une enquête pour le MH17, Général Pélistrandi, on s'en souvient, il y avait même eu un procès,
05:02il y avait eu des condamnations très lourdes, mais des condamnations par comptes humains,
05:05parce que la Russie n'a jamais livré ses ressortissants, ils n'ont jamais fait un jour de prison.
05:12– Oui, bien sûr, et c'est bien ça ce qui est absolument dramatique,
05:15c'est que même la Russie, en quelque sorte, n'a jamais reconnu sa responsabilité dans cette affaire.
05:22Donc là, on risque d'avoir le même processus, d'autant plus que l'Azerbaïdjan,
05:26donc propriétaire de la compagnie Azerbaijan Airlines, est un allié de Moscou.
05:32Donc en fait, ils vont essayer de noyer, là encore, de noyer le poisson,
05:36parce que c'est très gênant pour les deux parties, l'Azerbaïdjan allié de la Russie,
05:42dont un avion civil se fait détruire, et pour les Russes,
05:45parce que ça démontre effectivement cette fibrilité et cette incapacité
05:49à être professionnels dans le contrôle aérien de leur territoire.
05:54– Alors ces missiles, Jean, sont faits pour abattre des avions de chasse ou des missiles,
05:59ça veut dire qu'un avion, un appareil civil n'avait vraiment aucune chance en fait ?
06:04– Oui, en fait, ce sont des armes qui ne sont là pas particulièrement pour un avion de chasse,
06:10ils sont là pour viser un objectif qui se trouve à haute altitude,
06:15ce missile va partir, va exploser juste à côté de sa cible
06:21et envoyer toute une série d'impacts sur l'avion, sur la partie ciblée,
06:29de manière à le détruire en vol.
06:31Là, on voit que dans le cas qui nous intéresse avec les photos
06:34que l'on a vues depuis hier matin, effectivement l'avion a été criblé d'impact
06:40et d'impact très fort puisqu'ils ont carrément traversé la cellule de l'avion, voilà.
06:44– Si on s'éloigne un peu de l'enquête pour revenir à ce qui s'est passé précisément,
06:47Jean, je voudrais qu'on regarde ensemble la carte Flight Radar,
06:50c'est tous les appareils volants qui sont identifiés, on va la regarder ensemble
06:53et vous allez voir qu'au-dessus de la Russie, il n'y a plus que les appareils russes
06:57qui survolent ce pays, les appareils étrangers ne survolent plus la Russie,
07:00est-ce que ce qui s'est passé va obliger les compagnies aériennes à être encore plus prudentes ?
07:04– Tout à fait, déjà la zone de toute la Sibérie, la Russie,
07:09est interdite de vol pour toutes les compagnies aériennes,
07:12je vous rappelle qu'avant, lorsqu'Air France faisait un Paris-Tokyo,
07:16on passait au-dessus de la Sibérie, c'est terminé, maintenant on fait le tour,
07:20on passe par l'Inde, on fait tout le tour,
07:23ça rallonge de pratiquement 3 à 4 heures de vol,
07:26là effectivement, il y a une zone extrêmement dangereuse dans tout le Moyen-Orient,
07:32toute cette partie de la mer Caspienne qui fait que les compagnies vont effectivement
07:36devoir se déplacer beaucoup plus au sud pour être éloignées de cette zone.