François-Noël Buffet, ministre démissionnaire des Outre-mer, cède sa place à Manuel Valls, ancien Premier ministre et ministre entrant. Il a été nommé par le Premier ministre, François Bayrou, ce lundi 23 décembre.
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00:00Trois mois de contact, aussi, avec de très nombreux acteurs des Outre-mer, ici, à Odino, comme il est d'usage de le dire,
00:10comme sur les territoires, et notamment avec les élus très engagés au service de leur territoire et de leurs concitoyens.
00:18Trois mois de combats intenses pour redresser la barre budgétaire.
00:24Trois mois, enfin, pour engager des chantiers structurants, en vue de la tenue du futur Sium.
00:30Des marches autour du pouvoir d'achat et de la vie chère, souveraineté alimentaire, économie bleue.
00:36Sentiment, évidemment, d'une tâche inachevée, mais certitude que ces sujets continueront d'être traités.
00:47Je retire de ces trois mois, au-delà des urgences et des crises, avec plusieurs convictions.
00:55La présence, d'abord, dans chacun des Outre-mer, de pépites et de talents qui doivent être absolument valorisés.
01:05La nécessité, aussi, de mieux montrer à l'ensemble de nos concitoyens l'apport des Outre-mer, à l'ensemble national,
01:14au-delà de nos sportifs, c'est tout un ensemble de chercheurs, de chefs d'entreprise, de talents qu'il faut valoriser,
01:21de même que l'apport des Outre-mer pour le rayonnement politique, culturel et économique sur les océans où ils sont situés.
01:28N'oublions pas que la France est présente sur trois océans du monde, naturellement.
01:34Enfin, la nécessité, pardon, de revoir les modèles. Modèles économiques encore trop basés sur l'importation,
01:41un facteur de coût, modèle social pour donner des perspectives à nos jeunes, modèle institutionnel avec davantage de pouvoir d'adaptation
01:48au service de projets de territoire.
01:52On dit souvent, Monsieur le Premier ministre, que vous avez, bien sûr, que vous avez connu Matignon.
02:00Eh bien, on dit qu'ici, c'est un petit Matignon. Alors, évidemment, on tente à s'occuper de tout,
02:07tous les sujets arrivent réaudinos, mais cette palette de sujets est tellement passionnante
02:14qu'elle va être aussi, malgré les difficultés, un moment de bonheur.
02:20Je vous souhaite, bien sûr, que tous les moyens vous soient donnés pour continuer de porter ces enjeux,
02:26d'apporter, bien sûr, votre propre personnalité, votre propre manière de faire ceci bien normal.
02:33Mais à cet instant, je voudrais aussi remercier toutes celles et tous ceux avec qui j'ai eu le plaisir de travailler pendant ces trois mois.
02:42Je peux témoigner, Monsieur le ministre de l'État, qu'ils sont tous mobilisés et qu'on ne vient pas au ministère des Outre-mer par hasard.
02:52On y vient parce qu'on est passionné, parce qu'on a envie que les 3 millions de compatriotes qui vivent en Outre-mer soient servis
03:01et puissent vivre comme dans l'Hexagone.
03:05Et des gens passionnés, des gens passionnants, des découvertes, des rencontres extraordinaires.
03:10Et je voudrais témoigner aussi de la présence du RSMA à Mayotte aujourd'hui,
03:16qui s'est lui-même mobilisé, plus de 150 personnels sur le territoire pour apporter secours,
03:22après avoir eu lui-même quelques dégâts sur ces bâtiments.
03:28Voilà, Monsieur le Premier ministre, Monsieur le ministre, vous avez la clé maintenant.
03:34Je suis arrivé ici en disant à mon prédécesseur, Madame Guevenoux,
03:39j'imagine le sentiment que vous devez avoir au moment de partir.
03:46Eh bien, je le vis trois mois plus tard. Je savais que je pouvais le vivre à n'importe quel moment.
03:51Mais je le vis maintenant.
03:55La force de la vie tout court, c'est que les choses évoluent, se passent, les pages se tournent.
04:03Mais en tous les cas, le fond reste et on continuera de travailler pour les Outre-mer,
04:07y compris dans la mission qui m'a été confiée depuis hier par le président de la République et par le Premier ministre.
04:14Ça restera un point d'attention majeur et j'espère que nous aurons, bien sûr, à travailler ensemble.
04:21Je le souhaite en tous les cas au service de tous nos compatriotes.
04:25Merci à vous et merci à vous toutes et tous qui avez aidé à ce travail.
04:30Il n'y a pas de victoire individuelle, il n'y a que des victoires collectives.
04:35Chacun a été mobilisé. Je vous dois vous adresser publiquement un grand remerciement. Merci à vous.
04:42Monsieur le ministre, cher François-Noël Buffet, mesdames, messieurs,
04:57mes premiers mots sont, et vous le comprendrez, pour Mayotte et pour les Mahorais.
05:07Au lendemain de la journée de communion nationale dans ce deuil,
05:14évidemment nous pensons aux victimes, aux morts et aux blessés nombreux.
05:22C'est l'urgence et c'est notre priorité.
05:26Tout le gouvernement est engagé depuis plusieurs jours pour répondre à la détresse que vivent ceux et celles
05:36qui ont subi la violence de ce cyclone.
05:40Et je n'ignore rien et nous n'ignorons rien de la colère, de la peur, du sentiment d'abandon,
05:50en tout cas de l'angoisse de nos compatriotes Mahorais, des familles, des enfants.
05:58Il fallait y répondre, il faut toujours y répondre.
06:05L'État est en train d'y répondre, que ce soit sur les questions de ravitaillement, de nourriture, d'eau, d'électricité,
06:12d'infrastructures, d'habitats, de préparation de la rentrée scolaire.
06:18Nous l'évoquions, c'est long, difficile, complexe, mais l'engagement du Président de la République et du Premier ministre est clair.
06:29C'est d'ailleurs l'engagement de la nation pour reconstruire Mayotte mieux et différemment.
06:37Et c'est aussi le sens de la loi de reconstruction qui, nous l'espérons, sera adoptée très vite par le Conseil des ministres.
06:45Et au fond, pour que les Mahorais se sentent vraiment entourés par le pays tout entier.
06:55Et je veux saluer l'engagement des services de l'État, des élus, des ONG, de tous les volontaires, vous l'avez constaté vous-même sur le terrain.
07:12C'est ça l'urgence.
07:15Urgence d'ailleurs, défi, sont souvent les mots que l'on utilise pour évoquer les départements, les régions et les territoires ultramarins.
07:29Et je mesure la tâche qui m'est donnée, la responsabilité qui est la mienne.
07:39Je veux d'ailleurs penser également, puisque nous évoquons l'urgence, à la Nouvelle-Calédonie.
07:47Nous l'évoquions, Monsieur le ministre, ce territoire que je connais bien et qui est meurtri par les émeutes, les violences du printemps dernier.
07:57Avec son cortège de morts et de blessés, ses fractures, ses divisions et une économie exsangue.
08:06Vous avez beaucoup travaillé, Monsieur le ministre.
08:10L'État soutient, doit soutenir ces territoires.
08:15C'est pour cela que nous avons besoin d'un budget.
08:18Sinon, il risque d'y avoir davantage de difficultés, et pas seulement en Nouvelle-Calédonie.
08:24Et puis, il nous faudra construire avec tout le monde un chemin, un destin commun.
08:31Il va falloir être inventif, respectueux de chacun, et j'ose dire, responsable.
08:40Et de ce point de vue-là, la Nouvelle-Calédonie a besoin d'un gouvernement le plus vite possible.
08:47Difficile de construire l'avenir sans un gouvernement pour l'archipel.
08:54Mayotte, la Nouvelle-Calédonie, partout où nous vivons, l'attente est forte.
09:02Il y a des problèmes structurels, pensons à la vie chère,
09:06qui sont lourds dans des sociétés fragiles, fracturées et déstabilisées, à l'intérieur ou à l'extérieur.
09:16Chaque territoire, c'est ce qui rend passionnant ce ministère,
09:20et spécifique, différent avec ses défis et ses atouts,
09:25avec une histoire souvent tourmentée, marquée par la colonisation, l'esclavage, le bagne, les discriminations, mais aussi belle.
09:34Je pense évidemment à celle de la France libre, celle de Félix Héboué,
09:41avec une langue des cultures, des valeurs, universelle, celle de la République qui nous rassemble.
09:49J'ai hâte vraiment de m'engager, de me rendre sur place, même si je n'ignore pas, vous parliez du temps,
09:57et je mesure la part de frustration, monsieur le ministre,
10:01je n'ignore pas que la situation politique, paraît-il, dans l'Hexagone, je me suis renseigné,
10:07est instable, difficile et périlleuse.
10:10Raison de plus pour avoir accepté cette belle mission que m'a proposée il y a quelques jours le chef du gouvernement.
10:19Vous savez, peu de personnes, sauf ici, sauf ici, mesurent ce que sont réellement nos Outre-mer, vous en avez parlé très bien.
10:31C'est vrai que c'est là, ou là-bas, que les cris sont les plus durs,
10:37que les vulnérabilités de tout ordre sont les plus présentes,
10:42et que les relations sont les plus complexes à construire,
10:48avec ce sentiment que j'évoquais déjà, qu'on ne s'occupe pas d'eux, et qu'ils sont abandonnés.
10:55Quand éclatent les émeutes, en Guadeloupe, en Martinique, en Nouvelle-Calédonie,
11:01quand s'abattent des cyclones ou des tempêtes, ces territoires se rappellent à l'Hexagone, à Paris.
11:09Mais quand se calme la fièvre, quand passent les tornades, ils retombent dans l'oubli.
11:16Et cela doit changer, et d'abord et essentiellement pour les près de 3 millions de nos compatriotes qui vivent dans ces territoires.
11:28Et pour ceux originaires des Outre-mer, près d'un million qui vivent dans l'Hexagone,
11:35et c'est l'ancien maire d'Evry qui vous parle, et qui connaît bien aussi ses compatriotes.
11:42Je dois rappeler, mais vous l'avez fait, que ces territoires nous permettent d'être présents sur 5 continents et les 3 océans.
11:51Ils représentent le deuxième domaine maritime mondial.
11:5611 millions de kilomètres carrés, 10% de la biodiversité de la planète et 20% des atolls, c'est l'économie bleue.
12:05C'est évidemment un atout considérable que nous devons préserver et qui est convoité.
12:14C'est pour cela qu'il nous faut bien définir ou redéfinir la relation entre l'Hexagone et ses territoires.
12:25S'ils sont un atout, s'ils sont une force, eh bien ils doivent avoir notre soutien.
12:32Je mesure donc l'honneur et la responsabilité qui me sont confiés par le Président de la République et le Premier ministre.
12:41Et vous en doutez, sur ce perron si familier, l'émotion est immense, intense.
12:50Femmes et hommes se bousculent dans mon propre panthéon personnel à l'heure où je cherche les mots à même de retranscrire cette émotion
13:01en rejoignant la rue Oudinot dans cette belle et nouvelle mission.
13:08Dans ma vie, à chaque fois que je me suis assis dans un conseil municipal, dans l'hémicycle ou au conseil des ministres, je n'ai jamais été blasé.
13:17Et c'est toujours pour moi un immense honneur. C'est ça, être patriote.
13:24Je pense aussi à ces femmes et ces hommes d'État qui, dans cet hôtel de Montmorin, ont su écouter et comprendre les Outre-mer dans leur pleine et entière diversité.
13:35Je pense à eux, ces femmes et ces hommes d'État, qui ont su réinventer les relations entre l'Hexagone et les territoires ultramarins et malins,
13:45dans leur respect et leur spécificité.
13:49Je pense à ces femmes et ces hommes d'État, enfin, qui ont mis les Outre-mer à leur juste place au sein de notre République.
13:59Ils ont leur portrait en noir et blanc face à la superbe Maria Noire.
14:08Ils furent les relayeurs d'une course au long cours dont le bâton m'échoua à présent. J'espère que ça va durer.
14:17De Louis Lepinsec à Georges Polangevin. De François Baroin à Victorien Lurel. Jusqu'à vous-même, cher François-Noël Buffet.
14:28Vous avez été les garants de l'esprit Oudinot, qu'il me revient désormais de faire vivre, humble mais résolu, je m'appliquerai à mon tour, ici,
14:40à faire de cet hôtel de Montmorin une maison ouverte, un lieu de rencontre et de vie.
14:47Je mesure, je l'ai dit, les urgences. Je connais les attentes et je comprends les besoins.
14:54Il faut y répondre, en mettant évidemment place à une méthode, en multipliant les visites, en rencontrant et en écoutant l'ensemble des acteurs,
15:01en prenant un appui sur les maires, les élus, les présidents des collectivités, les députés, les sénateurs, les forces économiques, sociales, culturelles,
15:08les associations et évidemment, d'abord et avant tout, les citoyens.
15:14Mais je n'oublie pas le temps long nécessaire à la considération des Outre-mer.
15:20Vous aviez parfaitement raison en disant que nous sommes les éléments d'une lignée et d'une relation exceptionnelle.
15:31Et plus largement, nous devons penser à ce qu'est l'élaboration de toute politique digne de ce nom.
15:36A Matignon, le vrai, pas si loin d'ici, Michel Rocard et Lionel Jospin, que j'ai servi pour ne citer qu'eux,
15:45ont illustré avec éclat ce qu'une telle méthode concertée, sous l'égide du dialogue et du respect,
15:51avec la prise en compte des moyens et du long terme, entraînait comme résultat positif pour les territoires.
15:59Il faut parfois changer de méthode, bien sûr. Il faut se rappeler cela.
16:04Et permettez-moi aussi de convoquer, en cette heure de passation, où surgissent les espoirs et les doutes du nouvel entrant,
16:12vous l'avez fait, des artistes, des militants, des sportifs, l'ultramarin, qui peuplent notre imaginaire comme autant de boussoles qui permettent de naviguer.
16:25Et en effet, comment ne pas penser parmi d'autres, Aimé Césaire ou Maryse Condé, dont les textes sublimes me bouleversent,
16:32comment ne pas être inspiré au plus profond de son âme par les performances exceptionnelles des athlètes ultramarins, des Jeux Olympiques et Paralympiques.
16:42D'ailleurs, on se rappelle souvent uniquement à l'occasion de ces grands événements sportifs des ultramarins,
16:48d'Althea Lorrain à Teddy Riner, en passant par Colivaste, dont les vagues de sa Polynésie furent au centre de toutes les attentions pendant les Jeux, parmi les plus belles images.
16:58Comment ne pas évoquer ces réunionnais de la Creuse aussi, dans le combat pour la vérité est indissociable de notre République.
17:07Croyez-moi, l'ampleur de la tâche très concrète qui nous attend, mais tout sauf inconnue, tout de suite, dans un instant,
17:17il sera question d'eau, d'infrastructures, d'identité, d'accès au travail, aux soins et aux logements, d'agriculture, de transition énergétique, d'économie bleue.
17:27C'est du sujet sur lequel les Outre-mer sont en avance par rapport à l'Hexagone, d'éducation des jeunes, la jeunesse, incroyable atout,
17:35de transport, de lutte contre les inégalités, de pouvoir d'achat, de sécurité et d'immigration illégale, des sujets lourds pour Mayotte,
17:45comme pour la Guyane, nous en parlions il y a un instant, et je serai heureux de poursuivre ce travail avec vous, là où vous allez dans un instant.
17:57Donc rien qui ne soit urgent, nécessaire, indissociable de notre pacte républicain, qui a besoin d'argent, qui a besoin d'un budget, je le répète.
18:09Vous ne l'avez pas cité, mais celui qui parlait du petit Matignon, c'était un certain Jacques Chirac.
18:16C'est un grand ministère de l'État, et je veux tous vous saluer.
18:22Et c'est pour cela que le Premier ministre a souhaité que le ministère des Outre-mer soit un ministre d'État, incarné par un ancien Premier ministre.
18:38Je ne sais pas si c'est un plus, mais en tout cas, ça m'oblige.
18:42Et pour ma part, dévoué corps et âme à l'intérêt général, je mettrai toute mon énergie, toute mon énergie au service des ultramarins,
18:54partageant leurs envies, leurs craintes, leurs ambitions, pour faire aussi de la rue Audino leur maison à Paris,
19:02aussi bien qu'un phare ultramarin rayonnant pour des hexagonaux qui, pour une large part, ont encore beaucoup à découvrir à propos de ces territoires
19:12qui sont, sans le savoir, une partie d'elles et d'eux-mêmes.
19:19Un dernier mot. Quand on parle Outre-mer, je l'ai fait, vous l'avez fait, et c'est incontournable.
19:28On parle donc puissance, influence, rayonnement, défis, vies chères ou catastrophes naturelles.
19:36Mais on oublie trop souvent d'évoquer un des mots de la devise républicaine, la fraternité.
19:47Elle apparaît trois fois dans notre constitution. Une fois, c'est évidemment pour la devise.
19:55Les deux autres fois, dans le préambule et à l'article 72.3, c'est pour parler précisément de nos Outre-mer.
20:05La République reconnaît au sein du peuple français les populations d'Outre-mer dans un idéal commun de liberté, d'égalité et de fraternité.
20:17C'est ma feuille de route et je ne l'oublierai jamais. Merci beaucoup.