Didier Migaud, ministre démissionnaire de la Justice, cède sa place à Gérald Darmanin, le nouveau garde des Sceaux. Il a été nommé par le Premier ministre, François Bayrou, ce lundi 23 décembre.
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00:00Mesdames, Messieurs, tout d'abord, excusez-nous. Notre entretien était dense, mais nous n'avions pas oublié que vous étiez presque sous la pluie et transit de froid, donc excusez-nous pour cette attente.
00:23Le 23 septembre dernier, il y a trois mois presque jour pour jour, je me tenais ici devant vous, sur ce perron de l'hôtel de Bourg-Vallée, et je ne savais pas encore que j'allais y passer l'une des périodes à la fois les plus courtes et les plus heureuses de ma vie professionnelle.
00:41Je vous dis cela en conscience et du fond du cœur en m'adressant à vous, magistrats, greffiers, assistants de justice, agents pénitentiaires, personnels d'insertion et de probation, agents de la protection judiciaire de la jeunesse, personnels administratifs présents aujourd'hui ou à distance ou qui liront ce discours dans les jours qui viennent, j'ai aimé ce ministère et je le quitte à regret.
01:07J'ai aimé me plonger dans vos métiers, vos attentes, vos enjeux. Lors de tous mes déplacements dans les tribunaux, dans les prisons comme dans nos écoles, partout où je suis allé, j'ai ressenti l'envie de bien faire, le sens du service public, la passion de vous engager et de servir la cause de la justice, même dans les conditions les plus difficiles.
01:30J'ai aimé vous écouter et retisser avec vous des liens de confiance qui avaient pu parfois être distendus par le passé et je salue notamment l'ensemble des conférences et des organisations syndicales avec lesquelles j'ai pu m'entretenir, mais aussi tous les professionnels du droit si importants pour l'exercice de nos fonctions avec lesquelles j'ai pu échanger au cours de ces douze semaines.
01:55J'ai aimé défendre l'institution judiciaire auprès de nos concitoyens à la recherche de leur confiance perdue, pourtant indispensable en rappelant en toutes circonstances que la justice est là pour protéger, sanctionner et réparer et qu'il n'est pas de démocratie viable sans une justice solide et respectée.
02:18J'ai aimé me battre avec ardeur pour que ce ministère regagne une grande partie des moyens budgétaires qui lui avaient été enlevés cet été avant que la motion de censure emporte tout dans et sur son passage.
02:34Ensemble, en si peu de temps, nous avons, je crois, fait de grandes choses et posé les jalons indispensables qui contribueront, je l'espère et je le dis en confiance à Gérald Darmanin, mon successeur, à améliorer le fonctionnement de la justice au service des citoyens.
02:50Je pense aux plans de lutte contre la criminalité organisée, urgences absolues et mâles endémiques qui nécessitaient des décisions immédiates que nous avons prises et des engagements forts pour demain.
03:01Et l'examen de la proposition de loi du Sénat fin janvier sera, je pense, monsieur le ministre d'État, l'occasion d'y revenir et de consolider le dispositif existant que nous avons déjà substantiellement amélioré.
03:16Je pense à l'immobilier pénitentiaire. Nous en avons parlé, enjeu crucial à la fois pour nos personnels dont les conditions de travail sont souvent rudes et pour les détenus dont les conditions de détention sont parfois indignes, il faut le dire.
03:30J'ai mené une opération vérité, difficile mais nécessaire pour dire que l'objectif de construire 15 000 places de prison nettes d'ici 2027 ne serait pas tenu en dépit des engagements pris par mes prédécesseurs et qu'il fallait donc trouver les voies et moyens pour améliorer rapidement la situation dans les années qui viennent.
03:50Elles existent. Nous avons commencé à les identifier et j'ai confié à Laurent Rydel la mission de les explorer avec l'appui des services du ministère. Il vous conviendra de confirmer ou non cette mission.
04:04Je pense naturellement aussi aux trois missions d'urgence structurantes pour l'avenir de la justice que j'ai annoncées et installées qui doivent normalement vous rendre leurs travaux le 15 février prochain.
04:14Il s'agit d'accélérer le temps judiciaire, de mieux exécuter les peines et de recentrer la justice sur ses missions les plus essentielles et ces trois missions vont de pair avec le chantier de l'immobilier pénitentiaire que j'évoquais précédemment.
04:27Elles forment un tout qui n'est ni plus ni moins la recherche des solutions les plus opérationnelles pour construire la justice de demain laquelle, je l'ai dit plusieurs fois, n'est pas, monsieur le ministre d'Etat, encore réparée.
04:40Mais je sais aussi que la justice peut compter sur de grands talents individuels, sur l'investissement de tous et toutes, sur des idées de transformation qui fourmillent et ne demandent qu'à germer et c'est l'objet de ces missions d'urgence que de les faire fructifier.
04:54Je pense également aux violences aides aux femmes, à l'importance de cet enjeu pour notre société, aux récits glaçants qui m'ont été faits de l'acharnement dont leurs corps sont l'objet dans le cadre des féminicides.
05:05Je pense au débat auquel j'ai pu moi-même contribuer en relançant la question de la nécessaire prise en compte du consentement, même si cette question est sensible, difficile, voire périlleuse juridiquement parlant.
05:17Mais je le redis, car j'y crois, les temps ont changé et le XXIe siècle ne peut plus, ne doit plus être celui de la domination des hommes sur les femmes.
05:26En ce lendemain de deuil national, je pense enfin à Mayotte, à ses habitants, aux 400 magistrats et personnels de justice qui y travaillent et ont subi ce cyclone dévastateur.
05:39Nous ne les oublions pas, et dans cette période particulière qu'a vécue un gouvernement démissionnaire réduit à l'exécution des affaires courantes, la situation dramatique de ce département a été l'objet, ces derniers jours, de tous nos soins, de toute notre attention, à mon niveau comme à celui de mes équipes et des services du ministère.
05:57Et cet engagement ne s'arrête pas aujourd'hui et se poursuivra demain.
06:02Être garde des Sceaux, vous vous en devrez compter rapidement par vous-même, monsieur le ministre d'État, même si vous avez déjà pu connaître cela en tant que ministre de l'Intérieur, c'est être ainsi la vigie des dysfonctionnements et des drames de notre société,
06:20de la violence extrême qui peut être à l'oeuvre sur tout notre territoire, dans la rue, dans les maisons, au sein des familles.
06:27C'est voir et apprendre des choses dont on préférerait qu'elles n'existent pas.
06:31C'est savoir que les gens de justice, quelle que soit leur mission ou leur position hiérarchique, sont souvent menacés dans l'exercice de leurs fonctions.
06:39C'est avoir à appeler régulièrement des magistrats et des agents blessés ou en souffrance pour les soutenir, les rassurer, les protéger.
06:48Être garde des Sceaux, c'est aussi ne pas pouvoir s'exprimer publiquement.
06:52Dans un grand nombre de cas, contrairement à d'autres membres du gouvernement qui, plus éloignés de la justice, peuvent s'y sentir davantage autorisés.
07:00Et donc garder pour soi ses opinions, ses réactions, ses émotions, car la neutralité, l'impartialité et l'indépendance de la justice doivent primer par-dessus tout.
07:13Être garde des Sceaux, c'est enfin être garant de l'état de droit, protecteur des libertés publiques, ministre des victimes aussi.
07:21C'est définir la politique pénale de la nation sans la moindre intervention dans les affaires individuelles.
07:27Des tâches nobles et fondamentales lorsqu'on croit, comme vous et moi, aux valeurs de la République et aux vertus de la démocratie.
07:36Et j'ai été fier de les défendre jour après jour, y compris lorsque l'émotion submergeait notre société.
07:43Être garde des Sceaux, en définitive, c'est occuper l'un des plus beaux et des plus exigeants postes qui soit.
07:52L'un de ceux auxquels je repenserai avec émotion et nostalgie au sein d'une institution et auprès d'une communauté d'hommes et de femmes auxquelles je suis profondément reconnaissant et je resterai toujours attaché.
08:04Je veux d'ailleurs saluer ici et les en remercier l'appui constant que m'ont apporté les directeurs d'administration centrale, l'ensemble des personnels,
08:14mais aussi et surtout le concours inestimable des membres de mon cabinet dont l'investissement, la solidarité, l'équanimité sous l'autorité à la fois rigoureuse,
08:25bienveillante et éclairée de Charles Touboul-Moraki, directeur de cabinet, ont été tout bonnement exceptionnels. Je leur dis, je vous dis un immense merci.
08:35Comme je dis aussi un immense merci à mon assistante, Ismaël, aux secrétariats et aux personnels de l'office aussi dévoués,
08:44l'ensemble aussi des services pénitentiaires qui gardent ce ministère, des équipes aussi dévouées, vous le verrez monsieur le ministre d'État,
08:53que professionnels et en même temps adorables de simplicité et de gentillesse. Monsieur le ministre d'État, vous le comprenez, je ne quitte pas ses fonctions sans un passement au cœur,
09:04mais je vous souhaite plein succès à la tête de ce ministère. Je ne doute pas que vous y réussirez et que vous prolongerez et amplifierez ce que nous avons initié à votre manière
09:15et avec votre propre sensibilité, bien sûr, pour continuer à transformer et réparer l'institution judiciaire dans la concorde et avec la bienveillance dont elle a besoin.
09:26Dans un instant, je vous remettrai solennellement les sceaux de la République dont vous aurez la garde après moi. Je vous souhaite de les conserver le plus longtemps possible,
09:38plus longtemps que moi en tout cas, et je dis cela pour vous-même, mais aussi pour la justice de notre pays, car elle mérite que l'on poursuive durablement nos efforts à son service. Je vous remercie.
10:08Applaudissements
10:27Monsieur le ministre, cher Didier Migaud, merci de votre accueil républicain, de votre accueil chaleureux. J'ai pour vous et pour vos équipes évidemment une pensée émue,
10:49et je veux vous adresser mon respect. Nous nous connaissons depuis un certain temps, depuis que vous avez vu arriver ce jeune ministre des Comptes publics dans votre bureau de président de la Cour des Comptes.
10:59Je veux à travers vous, si vous me permettez, avoir une pensée aussi particulière pour votre prédécesseur, Éric Dupond-Moretti, avec qui j'ai travaillé pendant plus de 4 ans, je crois pour le bien des Français.
11:11Mesdames et messieurs les parlementaires, mesdames et messieurs les directeurs, mesdames et messieurs, dans un moment si difficile pour notre démocratie, je mesure pleinement l'importance de la mission qui m'est confiée.
11:27Être à la tête de la chancellerie, vous l'avez dit, monsieur le ministre, est une grande responsabilité. Comme tous ici, au ministère de la Justice, je connais l'importance, l'envie, la soif de justice de notre peuple.
11:45Quand on aime la France, quand on respecte ses institutions, quand on sait l'importance de l'institution judiciaire dans le quotidien des Français, est son point immense pour la bonne marche de la République.
11:59Il était de mon devoir d'accepter cette mission si exigeante et, je le sais, si difficile que me proposait monsieur le Premier ministre et le président de la République.
12:11Je veux en premier lieu dire aux magistrats, aux greffiers, aux agents pénitentiaires, à ceux du service public de la protection de la jeunesse et de l'enfance, aux auxiliaires de justice, à l'ensemble des agents du ministère de la Justice, que je veux contribuer à redonner toute la noblesse à leur fonction.
12:35Leur rôle est si essentiel dans notre société. Dans des conditions que je sais très difficiles, ils exercent leur grand rôle français. Je veux leur dire que je les respecte, je veux dire comme élu local que je les admire et que je les défendrai.
13:01Ils sont attendus par les Français, même s'ils se sentent déconsidérés et parfois même malmenés. Je serai celui qui les réconciliera, qui réconciliera la justice et nos concitoyens. Je veux leur dire que je suis parmi eux.
13:25Pour cela, je crois que nous ne devons jamais perdre de vue l'essentiel. Nous sommes là pour les Français au nom du peuple français. Nous sommes là pour les Français et c'est pourquoi nous allons travailler main dans la main avec le ministère de l'Intérieur pour la sécurité et le respect des libertés de nos compatriotes. Et je sais d'expérience, monsieur le ministre, de quoi je parle.
13:53Nous sommes là pour les Français et c'est pourquoi je veux dire que je serai toujours comme vous l'avez été, du côté des victimes et de ceux qui les aident, et jamais du côté des délinquants et des criminels définitivement condamnés.
14:09Nous sommes là pour les Français et c'est pourquoi je veux répondre à l'incompréhension grandissante de nos concitoyens qui voient des actes de violence du quotidien pourrir leur vie et douter dans notre démocratie.
14:25Aussi, dans les tous prochains jours, les procureurs dont je connais le rôle primordial et essentiel et que je remercie pour leur action quotidienne recevront des instructions générales de politique pénale très claires et très fermes pour engager systématiquement des poursuites contre les violences faites aux personnes et singulièrement contre les femmes et les enfants,
14:49contre le séparatisme islamiste et les extrémismes violents qui veulent atteindre notre démocratie et notre République, contre le narcobanditisme et le trafic de drogue qui sera la priorité absolue de mon mandat au ministère de la Justice.
15:09Comme élu à Tourcoing, comme Français, comme chacun d'entre vous, je sais que la drogue pourrit tout, menace jusqu'aux magistrats du parquet et du siège, aux agents pénitentiaires dont je veux avoir une pensée pour les familles endeuillées.
15:25Je sais qu'ils font tous très courageusement leur travail. Je veux leur dire que je les défendrai et les soutiendrai jusqu'au bout.
15:35Nous sommes là pour les Français qui, en un mot, chérissent l'indépendance des magistrats et réclament en même temps leur célérité et leur fermeté. Nous sommes là pour les Français parce que nous croyons à la réinsertion et à la prévention d'une récidive qui, malheureusement, c'est la récidive responsable de bien nos maux.
15:59Nous sommes là pour les Français et c'est pour cela que je serai aussi particulièrement attentif à la justice civile qui doit enfin soulager nos concitoyens, à la protection des mineurs que nous devons renforcer pour l'intérêt supérieur de l'enfant, à la justice sociale en aidant les prud'hommes et les tribunaux de commerce à faire fonctionner notre économie en respectant chacun des individus.
16:23Mesdames, Messieurs, nous sommes là pour les Français et pour tous ceux qui professionnaient du droit, les avocats, les huissiers, les notaires, les commissaires de justice, sans qui rien ne serait possible et dont je serai aussi pleinement le ministre pour les défendre et pour les écouter.
16:43Monsieur le ministre, comme vous, je crois qu'une France sans justice ne peut fonctionner. Notre tâche est immense dans la rapidité et l'exécution des décisions de justice, dans la fermeté demandée par les Français, dans le respect des victimes, dans l'efficacité du plus beau service public qui soit, du plus difficile et du plus noble, être juge, être fonctionnaire de ce ministère.
17:11La tâche est immense. Vous aurez compris quels sont mes objectifs, les mêmes que ceux du peuple français et même que ceux des fonctionnaires du ministère de la justice. Détermination, célérité et fermeté. Les Français nous attendent. Je vous remercie.