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Transcription
00:00À partir du moment où on ne prévient pas une jeune femme, qu'on la bascule au sol,
00:04qu'on lui baisse son pantalon et qu'on lui met du beurre entre les fesses
00:07et que pendant toute la scène elle dit non, c'est un véritable non,
00:10et que ses larmes sont des vraies larmes, d'une certaine manière c'est un viol.
00:14Scandaleux, pornographique, du génie, voilà les réactions provoquées
00:18par le dernier tango à Paris de Bernardo Bertolucci en 1972.
00:22Mais c'est surtout un film qui a détruit son actrice, Maria Schneider, 19 ans,
00:27jouant aux côtés de Marlon Brando, 48 ans.
00:29À cause d'une scène de sodomie simulée avec du beurre qui n'était pas prévue au tournage,
00:34les deux hommes se mettant d'accord pour le faire par surprise, pour filmer le réel.
00:39Dans Maria, Jessica Pallu revient sur le parcours de l'actrice,
00:42évoluant dans un milieu emprunt de violence patriarcale qu'elle a toujours dénoncée.
00:47Tu voulais être actrice, tu voulais être connue.
00:48Pas comme ça.
00:49Maria, comment vous avez abordé justement cette scène ?
00:52C'était dur parce que nous on était prévenus,
00:55personnellement j'ai quand même une réalisatrice derrière,
00:59que j'aime beaucoup, avec qui j'aime travailler, avec qui je me sens bien dans le travail.
01:04Madeline était quand même un partenaire très précautionneux.
01:09J'ai quand même ressenti une violence inouïe, parce que c'est dur et c'est terrifiant de se dire que
01:17la pauvre, elle, n'aura pas été prévenue.
01:19Ce qui était censé être au départ une scène dans un scénario, c'est-à-dire du travail.
01:26On ne se lève pas le matin en se disant, peut-être que je vais rentrer chez moi
01:30avec un trauma qui me suivra toute ma vie.
01:34Ces choses-là étaient qualifiées de tout à fait normales, au nom de l'art.
01:37C'est un film qu'on a eu du mal à monter parce qu'il y a encore quelques années,
01:42on va dire il y a trois ans, même deux ans, on nous disait encore,
01:45mais pourquoi parler de cette jeune femme, pourquoi avoir ce point de vue-là ?
01:48On déboulonne d'une certaine manière limite, c'est-à-dire un réalisateur honoré.
01:55Un des grands acteurs au monde, et de se dire qu'ils ont été trop loin.
02:00Moi, j'ai commencé ma carrière à 19 ans, j'étais stagiaire sur The Dreamers de Bernardo Bertolucci.
02:06Donc j'ai commencé avec Bertolucci, comme Maria, au même âge.
02:11J'étais forcément admirative du travail de ce réalisateur,
02:15et puis je me suis toujours demandé un peu ce qui s'était réellement passé.
02:17J'ai travaillé sur beaucoup de films et j'ai vu une manière de fonctionner,
02:21un dysfonctionnement sur les plateaux.
02:23Quand je suis tombée sur ce livre, du livre de Vanessa Schneider,
02:27Tu t'appelais Maria, finalement j'ai eu un écho,
02:29et je me sentais vraiment capable et légitime pour raconter cette histoire.
02:35Il y a des gens qui me disent, on dirait des phrases de 2024,
02:37mais ce sont les phrases de Maria Schneider en 1972, 1974, 1976, 1980.
02:44Maria lui dit, dans une interview,
02:48les scénarios sont le plus souvent écrits par des hommes pour des hommes,
02:51les agents sont des hommes,
02:53mais à part de la presse, ça reste quand même des hommes.
02:55Je ne reçois que des rôles de folles, perverses.
02:58On associe la femme à cette image hystérique.
03:00A l'époque, on n'avait pas envie de lui offrir plus qu'un physique,
03:04et que quand les femmes s'exprimaient, elles étaient souvent mises à l'écart.
03:06Voilà le cas de Maria.
03:08Quand j'écumais un peu les articles pour préparer Maria,
03:11je me rendais compte que Bertolucci et Brando étaient interrogés de manière très artistique,
03:15et que Maria était quand même réduite à son tour de poitrine et à son corps nu.
03:20Une petite actrice qui débute, petite entre guillemets,
03:23mais qui débute face à deux icônes du cinéma,
03:25forcément, c'est elle à qui on s'en prendra plus facilement,
03:30et qu'on essaiera de faire tomber parce qu'elle est plus fragile.
03:33Et parce qu'à l'époque, on avait...
03:35Et c'est ce que le film montre, on ne pouvait pas dire non.
03:37Ce n'est pas un biopic, c'est un portrait.
03:39C'est presque un témoignage, en fait.
03:41C'est une façon de la mettre en avant et de l'entendre,
03:44de la regarder qu'elle,
03:45et j'espère qu'elle sera enfin entendue,
03:49et qu'on sera touchés par son regard.
03:51Et puis, l'idée que Maria,
03:55qui aura été dirigée par des hommes la plupart de sa vie,
04:00soit justement que son histoire soit réappropriée par un regard féminin,
04:04oui, je trouve que c'est ce qu'il y a de plus juste.

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