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"Tous les habitants de Mazan ne sont pas des violeurs."

Aujourd’hui, Mazan, c’est la ville des viols dont a été victime Gisèle Pelicot pendant près de 10 ans sous soumission chimique. Avant que ce petit village du Vaucluse ne fasse la une des médias du monde entier, Mazan était un petit coin tranquille. Brut s’y est rendu pour comprendre comment ce procès historique a transformé le village et ses habitants, mais a aussi éveillé les consciences sur la question du viol.

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Transcription
00:00C'est un village qui est très calme en temps normal et malheureusement cette histoire,
00:04cette affaire Pellicot a eu des retombées assez négatives autour de moi.
00:08Quand je dis que je viens de Mazan, on me dit « Ah Mazan, effectivement, on connaît quoi ».
00:11Parfois j'hésite en fait à dire que j'habite Mazan, ouais, réellement.
00:15Tous les habitants de Mazan ne sont pas forcément des violeurs,
00:16c'est comme ça qu'on laisse transparaître un peu la chose et c'est vrai que nous c'est un peu dérangeant.
00:19Et puis globalement le sujet est embarrassant parce qu'on est tous plus ou moins un peu concernés
00:26et que parler ça peut être délicat.
00:28Ils ont peur qu'il y ait un amalgame entre Mazanais égal maltraiteurs ou violeurs, enfin voilà.
00:35Ça fait bizarre de se dire que le nom du procès soit « Viole de Mazan » en fait.
00:40Ça fait bizarre parce qu'il y a un nom derrière ça,
00:44il y a une vraie victime qui a un nom aussi derrière.
00:46Ce n'est pas le « Viole de Mazan », c'est le « Viole de Gisèle Pellicot ».
00:51Je suis habité Mazan, je suis né à Carpentras, j'ai vécu Mazan depuis toujours
00:55et c'est vrai que depuis ce procès-là, ça met Mazan en avant très très vite,
01:01mais sur des mauvais points alors qu'en soi c'est une ville touristique,
01:03il y a des beaux paysages, c'est très touristique, il y a le château de Mazan,
01:08des villages autour, le monde en tout.
01:09C'est un village tranquille, paisible, on est de 6000 habitants,
01:13on n'est pas connu et d'un coup de voir des caméras partout,
01:16un procès hors normes, hors du commun, ça part dans le monde entier,
01:19c'est vrai que c'est un petit peu embêtant.
01:20Après bon, on fait avec.
01:22J'habite Mazan depuis peu, j'ai emménagé le 1er septembre
01:26et le procès a commencé le 2 septembre.
01:28Je ne pense pas que ça ait changé la vie du village.
01:30Les premiers jours, c'est vrai qu'on avait tendance,
01:33moi en tout cas j'avais tendance à dévisager un peu les hommes dans le village,
01:38mais après en sachant, en ayant plus d'informations quand même au fil du procès,
01:45on sait que ce n'est pas forcément les gens qui habitent vraiment le village
01:50qui sont concernés et donc je pense que la vie après a repris son cours,
01:55aussi douloureux que ça puisse être, parce que ça reste un choc.
01:58Après moi, je n'ai pas été de ce genre de personne qui avait ce vise
02:03d'aller voir où est-ce qu'ils habitaient ou des choses comme ça.
02:05Je trouve ça vraiment très très glauque en fait.
02:08Donc il y a toujours ce poids quand on se balade dans le village,
02:12on se dit mais donc il s'est passé vraiment ça ici quoi.
02:15Je sais que j'ai des amis qui me disent,
02:17tiens ça m'est arrivé de voir un nom sur la liste et que j'étais à l'école avec lui en fait.
02:23Il y a un peu ce questionnement de savoir qui était dedans, qui n'était pas dedans,
02:26donc ça met un petit peu le doute dans le village,
02:28ça a mis un petit peu une pression aussi au niveau des habitants entre eux,
02:33je trouve ça un peu dommage.
02:34En général, je pense qu'il y a plus de suspicions mais pas que à Mazan.
02:38On se rend compte en fait, moi j'ai toujours dit cette phrase autour de moi,
02:42on connaît tous une victime, au moins une, et on connaît tous au moins un agresseur.
02:48Et je pense qu'on a pris conscience de ça parce que quand on voit le profil des accusés
02:52qui sont des messieurs tout le monde, des bons pères de famille,
02:56il n'y a rien en fait qui peut suggérer que cette personne-là est complètement déviante.
03:03Il y a 30 personnes sur les vidéos qui n'ont toujours pas été reconnues.
03:08Qu'est-ce que ça vous fait ?
03:10On se dit que ça peut être notre voisin, quelqu'un de notre famille,
03:12on se dit qu'on ne connaît pas forcément les gens non plus malheureusement,
03:18et que ça serait bien qu'ils retrouvent ces personnes aussi pour mettre un visage,
03:22un nom sur ces personnes qui ont fait des choses horribles.
03:29Est-ce que vous, vous avez suivi le procès ?
03:31Oui, sur les réseaux, à la télévision.
03:35Et l'histoire, on la connaît depuis le début, ça s'est su assez rapidement.
03:40Je pense que Mazan, c'est un exemple.
03:44Des affaires comme ça, je suis certain que ça se passe partout.
03:47Je pense que justement ça a sensibilisé,
03:49et quelque part aussi les gens devront être plus méfiants,
03:52je pense, avec les gens qui peuvent côtoyer.
03:55Par rapport à ce qui s'est passé, oui, il y aura un avant et un après.
03:58Je trouve qu'elle a un courage formidable, cette dame.
04:01Dire qu'il n'y a pas d'après, ça serait mentir.
04:04Je ne sais pas si c'est très français de le dire,
04:06mais au traitement globalement de la femme, de la dignité humaine,
04:11forcément, c'est quelque chose en France qui restera une date assez noire.
04:15J'espère que c'est la fin de l'impunité.
04:17Est-ce que maintenant, les choses vont changer ?
04:19Est-ce que les victimes vont être mieux prises en charge ?
04:22Ça, on n'en sait rien.
04:23Mais en tout cas, je pense que c'est Gisèle Pellicot,
04:27à travers son courage et d'avoir ouvert la porte aussi du procès,
04:32a changé quelque chose dans la mentalité des gens.
04:34Cette phrase, elle m'a marquée et elle me marquera,
04:36je pense pour toujours, la honte doit changer de camp.
04:40Et c'est tellement fort, c'est tellement vrai.
04:43Ce n'est plus aux victimes de baisser les yeux et d'avoir peur, d'avoir honte.
04:48Elles ont le droit de pousser la porte d'un commissariat.
04:51J'espère qu'avec ça, les victimes vont pouvoir enfin être mieux prises en charge
04:56et mieux entendues aussi, qu'elles ne soient pas repoussées,
05:01qu'elles ne se disent pas que pour pouvoir porter plainte,
05:02il faut avoir des preuves.
05:04Ce n'est pas à elles de faire des enquêtes.

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