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"Sarah Bernhardt, La Divine" en salles le 18 décembre 2024
Transcription
00:00C'est-à-dire que pour moi, Sarah Bernhardt, c'était la tragédienne.
00:03Je la limitais un peu à ça, tragédienne qui déclame et qui est un peu démodée.
00:07Or, c'est, je pense, maintenant que j'en ai fait le tour, enfin à ma façon et à la
00:12façon de Guillaume Niclou, c'est peut-être la femme la plus moderne et la plus inspirante
00:16que j'ai rencontrée, j'allais dire.
00:20C'est une femme qui était plus moderne il y a 100 ans que nous, aujourd'hui.
00:23Elle aborde des thèmes qui sont le féminisme, la peine de mort, où elle était contre.
00:29Enfin, tous les thèmes dont on n'ose même pas nous affranchir, elle osait le faire il y a plus de 100 ans.
00:35Musée a eu ses caprices et j'ai les miens.
00:37Aucun personnage féminin ne m'a permis d'accéder à un tel paroxysme de douleur humaine.
00:42À part Phèdre, peut-être.
00:44Parce que la plupart des pièces sont écrites par des hommes.
00:46Eh ben, je le déplore, car les femmes ont autant de talent qu'eux.
00:48Encore faudrait-il les laisser s'exprimer.
00:51Heureusement qu'elles suivent pas notre exemple.
00:53Ah, pourquoi tu ne les aimes que soumises et obéissantes ?
00:55Peut-être.
00:57Mais au moins, je les aime comme elles sont.
00:59Engrossées tous les ans, c'est ça ?
01:01Et alors ? C'est leur fonction, il n'y a rien de plus noble.
01:03Elles ont le plus important, l'enfantement.
01:05Mais elles n'ont pas de compte en banque, elles n'ont pas le droit de travailler, de choisir un mari, de voter.
01:10Avec l'adjectif extravagance, moi, je peux faire plein de choses.
01:14Ce n'est pas plus difficile que ça.
01:16Si vous voulez, je n'ai pas anticipé.
01:19Je ne me suis pas dit, je joue Sarah Bernhardt.
01:22Non, je me suis dit, je joue une femme hors norme.
01:25Dont les sentiments sont démesurés.
01:29Qui est exubérante, qui est singulière.
01:32Et sa singularité, j'ai appris à la connaître, je l'ai imaginée.
01:35À travers aussi les costumes qu'on m'a mis sur moi.
01:38À travers ma coiffure, l'époque, les décors.
01:42Mes partenaires.
01:43Un ensemble de choses qui vous nourrit, qui nourrit l'imaginaire.
01:47Évidemment, le scénario qui est truffé de répliques d'ailes.
01:50Qui sont, pour la plupart, tellement fines et tellement drôles.
01:53Sa douleur aussi, sa douleur qu'elle trimballe depuis l'enfance.
01:57Qu'on ne voit pas dans le film.
01:58Parce qu'on est dans un film qui ne retrace que deux périodes de sa vie.
02:02C'est sa journée de consécration que lui fêtent ses amis.
02:06Et puis, sa journée où elle se retrouve à l'hôpital.
02:10Parce qu'elle réclame qu'on lui coupe la jambe.
02:13Parce qu'elle souffrait trop.
02:14Reculez !
02:14J'ai un wagon avec six chambres, une cuisine, trois salons.
02:19Un train qui est à nuit, qui s'arrête quand nous voulons.
02:23Mais deux ans, c'est long.
02:24Mais non, c'est juste une parenthèse.
02:26Je vais faire la moitié du tour du monde.
02:28J'irai jusqu'en Australie.
02:30Je passerai aux îles Sandwich.
02:32Et je jouerai à Honolulu devant la reine Pomarée.
02:35N'est-ce pas extraordinaire ?
02:37Même dans les coins les plus reculés, les gens connaîtront mon nom.
02:41Si ce n'est pas déjà fait, d'ailleurs.
02:43Ah ! Mais enfin !
02:45Pas les cheveux, enfin !
02:46Elle était extrêmement, extrêmement aimée.
02:48Extrêmement célébrée.
02:50Mais qu'en même temps, elle vit une histoire d'amour
02:52qui va la ramener au pire de son enfance.
02:56Enfin, la petite fille qu'elle était, abandonnée.
02:59Et finalement, ça ne nous quitte jamais, j'imagine.
03:02Et puis, le deuxième moment où on lui coupe la jambe sur ses ordres.
03:08Où elle dit qu'on la coupe bien à des soldats mineurs et pourquoi pas à elle.
03:11Et puis, elle souffre tellement qu'elle part en chantant la Marseillaise,
03:14se faire couper la jambe.
03:15Ça dit aussi qu'elle n'a peur de rien.
03:18C'est-à-dire qu'elle n'a même pas peur d'une panthère.
03:20Avec qui elle vivait au bout d'une laisse.
03:22Elle n'a pas peur de répéter dans un cercueil.
03:26Elle n'a pas peur, visiblement, de la mort avec laquelle elle joue en permanence
03:30puisqu'elle a été championne de l'agonie.
03:32Et c'est comme si elle mettait un point d'honneur à faire de sa vie une multiple vie.
03:36Donc, pour moi, Actrice, c'est un personnage et c'est ça que j'adore dans le film.
03:40C'est comme un tourbillon, ce film, d'elle qui s'accorde mille vies en une.
03:45Parce qu'elle n'a que des amis, que des fêtes.
03:48Ça n'en finit jamais.
03:49Je ne sais même pas si elle dort la nuit.
03:51Elle est tout le temps en permanence dans l'exigence.
03:56Elle dirige tout.
03:59Les autres, son théâtre, enfin tout.
04:01Idiot maudit !
04:02Assassin !
04:04Tu cherches à imiter Mounet, ce génial imbécile ?
04:06Ce régisseur ?
04:07Cet abruti m'a foulé les poignets
04:09en me prenant les mains un soir que nous jouions Britannicus.
04:11Il m'a tiré les cheveux, il me pincait, c'était un fou dangereux !
04:15Mais alors, quelle beauté et quel génie !
04:19Mais vous, mes enfants, comme vous n'avez aucun génie,
04:21si vous l'imitez, vous êtes foutus !
04:24Alors jouez avec votre âme, mon Dieu !
04:26Et croyez-y si vous voulez qu'on y croit !
04:28À toi !
04:29Je suis très reconnaissante qu'il m'ait confié ce rôle.
04:33C'est comme dix rôles en un, c'est me faire confiance sur dix registres en un seul film.
04:37Ça ne m'est jamais arrivé.
04:39J'ai vite cessé d'être intimidée, sinon je n'aurais pas pu le jouer,
04:41mais j'étais très flattée.
04:43Je ne vais pas vous le cacher, quand on vous donne à jouer ça,
04:46on se dit « bon, il y croit, alors je vais y croire ».
04:49Peut-être que les gens y croiront.
04:50J'ai adoré rencontrer Guillaume sur un film d'une telle envergure,
04:55avec un tel parti pris artistique.
04:57C'est un peintre aussi, Guillaume, il a une vision du cinéma.
05:00Le film est très majestueux dans ses décors, dans ses costumes.
05:04C'est un vrai dépaysement, on plonge vraiment dans la fin du XIXe,
05:08avec le souci justement de rendre la vérité de ce siècle,
05:14et puis des libertés qui s'accordent avec des anachronismes de tableaux,
05:17des choses qui rendent aussi hommage à l'anachronisme même de Sarah Bernard,
05:25dans son époque, elle était en avance sur tout,
05:27donc il s'est mis un peu d'avance aussi sur le temps dans le film.
05:30Et j'adore que ce soit le regard de ce cinéaste-là,
05:35et d'avoir rencontré Guillaume avec ce personnage,
05:38parce que je crois qu'il aime les portraits de femmes,
05:41il l'a prouvé plusieurs fois avec Monica Bellucci,
05:46Isabelle Huppert, dans « Valley of Love ».
05:48C'est quand même une mise en abyme, parce que je joue une actrice,
05:52et je suis moi-même actrice, et il me filme très près comme ça tout le temps.
05:56Et ça aussi, j'en avais un peu conscience quand même,
05:59que ça allait être un film qui racontait aussi ça.
06:03Et ça, il aime bien ça, je crois, Guillaume,
06:05d'être toujours dans la double perception de l'acteur.
06:11Je veux de la lumière !
06:13De la lumière, mon Dieu !
06:15Lumière ! Lumière !
06:17Lumière !
06:19Voilà !
06:21C'était pas si compliqué !

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