Le procès des viols de Mazan doit faire changer les mentalités, c’est l'espoir de Juliette Lamy, porte-parole de l’association “Osez le féminisme !” dans le Calvados. Pour elle, le courage de Gisèle Pélicot aura mis en lumière la soumission chimique et permis à la honte de changer de camp.
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00:0045, Didier Charpin, bonjour. Bonjour François, bonjour à tous. Notre invitée d'ici matin, Juliette Lamy, porte-parole de l'association Osée le Féminisme 14.
00:07Bonjour Juliette Lamy. Bonjour.
00:09Le verdict tombera cette semaine dans l'affaire des viols de Mazan, procès qui a mis en lumière la soumission chimique.
00:15Est-ce que le courage de Gisèle Pellicot, qui a accepté un procès public, peut alerter la société française sur cette réalité
00:23des violences subies, y compris dans un cadre
00:25familial, puisque tout part finalement du cadre familial ? Oui, bien sûr.
00:30Elle a eu un courage immense, et en effet, elle a réussi à faire changer la honte de camp.
00:34Ça fait quand même beaucoup de bien.
00:37Et puis,
00:40ça enlève l'idée que le violeur est un inconnu au camp de la rue ou au fond d'un bar.
00:45Il faut savoir, quand on regarde les chiffres, selon les différentes études, entre 75 et 90 %
00:51des violences sexuelles subies sont dans un cadre
00:55familial, professionnel ou amical.
00:57Donc, en effet, en règle générale, les victimes connaissent leur agresseur, et c'est
01:02le cas de Gisèle Pellicot, qui connaît son agresseur principal, à savoir son
01:07ex-mari. Mais en effet, c'est lui qui a tout organisé, même si elle connaissait pas, hélas,
01:15les autres personnes qui sont tellement nombreuses que c'en est vertigineux.
01:18Le fait que l'agresseur vienne très majoritairement du cadre proche, est-ce que ça rend plus difficile la démarche
01:24d'aller porter plainte ? Oui, tout à fait, parce que les violeurs ne sont pas des monstres, en fait. C'est des gens qu'on connaît,
01:29qu'on aime malgré tout.
01:31C'est très très difficile.
01:34On ne peut pas vraiment
01:37leur mettre cette tête de monstre, et ça reste très compliqué, ça reste très ambivalent.
01:45La charge de la preuve est très difficile à établir, tellement difficile à établir que 99 %
01:51des plaintes sont placées sans suite, ou aboutissent à des non-lieux. 99% ? C'est même 99,4.
02:00Voilà, selon les études. Donc, c'est vrai que c'est un véritable parcours, le parcours judiciaire est très compliqué.
02:07Émotionnellement, c'est très difficile.
02:10C'est très difficile de mettre en cause quelqu'un à qui on a fait confiance à un moment,
02:14et qui a abusé de cette confiance. Est-ce que la justice répond correctement
02:18autant de non-lieux, de procès qui n'ont pas lieu,
02:21faute de preuves ? Est-ce qu'on ne sait pas aller chercher ces preuves ? Est-ce qu'on ne sait pas écouter la victime ?
02:26Oui, alors, en effet, la justice arrive après tout ce qui est enquête de police ou de gendarmerie.
02:33Il y a énormément
02:36d'affaires, et les moyens ne sont pas forcément complètement mis en oeuvre pour avoir des enquêtes qui permettent à la justice de pouvoir acter.
02:44Et le viol, par essence, se fait porte-close.
02:48Ça reste très très compliqué.
02:51J'ai entendu Adèle Haenel hier matin sur sur France Inter, où elle expliquait quand même que, en effet,
02:56la base de ces agressions et de ces crimes, c'est la porte-close. Et en effet, il n'y a personne qui rentre dedans pour
03:03voir ce qui se passe. Et donc, en fait, ce qui se passe aussi, on bat dans la culture du viol, où
03:08on a tellement banalisé les agressions sexuelles,
03:11on les excuse même, et finalement, on met tout le temps en doute la parole des victimes, et on excuse presque les agresseurs.
03:17Quand on voit ce qui s'est passé au début de l'affaire Gérard Depardieu,
03:23au début, il y a beaucoup de gens qui ont dit « non, c'est pas possible, en fait, c'est quelqu'un qu'on aime,
03:28on ne peut pas ».
03:30Il y a eu des images, effectivement, qui ont accrédité, on va dire,
03:36cette image de Gérard Depardieu qui ne respecte pas les femmes.
03:41La soumission chimique, c'est également ce qui a marqué ce procès Pellicot.
03:46Est-ce que c'est un phénomène
03:49ancré dans la société, d'après les témoignages que vous avez, vous, à l'association Oser le féminisme ?
03:56On n'a pas eu de témoignage spécifique. Ce que le procès peut mettre en lumière aussi, c'est l'errance médicale à laquelle a fait face
04:04Gisèle Pellicot, où il va peut-être falloir regarder aussi un petit peu du côté
04:09médecin qui, là, se sont retrouvés dans...
04:11Et l'errance médicale, on n'a pas su diagnostiquer qu'elle avait été régulièrement droguée ?
04:15Non, on n'a pas su, en fait, elle a eu une errance médicale, elle ne comprenait pas pourquoi elle avait des trous noirs, elle a consulté des tas de médecins,
04:21et ils ne comprenaient pas ce qu'elle avait. Et en fait, ce qu'elle avait, c'est que
04:25elle avait eu beaucoup trop de... Elle a été tellement droguée qu'en effet, elle avait des trous de mémoire et des fatigues
04:32que personne ne comprenait. Donc déjà, il va y avoir... Peut-être que cette recherche va être un peu plus
04:38systématique.
04:40Ça va alerter tout le monde, finalement, les médecins, mais peut-être les femmes qui ressentent ces symptômes et ne savent pas les expliquer ?
04:46Exactement, c'est aussi pour ça qu'elle a fait ce combat-là, et qu'elle a voulu le faire
04:53de façon publique. C'est pour alerter tout le monde sur ces phénomènes-là.
04:58C'est ce qui peut rester, après ce procès, le courage qu'elle a eu de tenir des audiences publiques ?
05:04Oui, ce courage-là, et puis vraiment de dire que les violeurs ne sont pas des monstres, c'est des gens qu'on connaît.
05:10Là, il y a Félix Lemaitre, qui est un journaliste qui a écrit un livre sur la soumission chimique qui s'appelle
05:15« La nuit des hommes », qui révèle que 42% se font dans un cadre familier.
05:20Donc, c'est ce que je vous dis, des collègues de travail, des amis ou la famille.
05:24On se rappelle du cas de Joël Guerriot, qui est toujours sénateur aujourd'hui,
05:28qui a tenté de droguer Sandrine Jossot.
05:32Comme quoi, c'est très banal, et que ça atteint toutes les couches de la société, puisqu'on a vu, dans le procès Pellicot,
05:40qu'il y avait toutes les professions qui étaient représentées.
05:43Et ça va jusque à nos sénateurs.
05:47Il n'y a pas de sénateur dans l'affaire Pellicot, mais c'est un peu, effectivement.
05:51Merci Juliette Hamid, porte-parole de l'association Osée le Féminisme 14, invitée donc ce matin pour évoquer ce procès Pellicot,
05:58qui s'achèvera cette semaine. Bonne journée.
06:00Bonne journée, au revoir.