Pour le deuxième tome de leur enquête "Successions", aux éditions Albin Michel, les journalistes dévoilent les secrets de famille des grandes fortunes françaises : Dassault, Saadé, Rothschild, Ricard, Leclerc, Wertheimer, Barrière...
Regardez L'invité de 9h40 avec Amandine Bégot du 16 décembre 2024.
Regardez L'invité de 9h40 avec Amandine Bégot du 16 décembre 2024.
Category
🗞
NewsTranscription
00:00L'invité du 9-10
00:02Deux invités ce matin qu'on est ravis de recevoir. Raphaël Baké et Vanessa Schneider, bonjour à toutes les deux et bienvenue
00:08sur RTL, grands reporters au journal Le Monde. Vous signez le deuxième volet de votre best-seller
00:14Succession Secrets de Famille. Il s'est publié chez Albin Michel. Alors vous y dévoilé une nouvelle fois les secrets de famille
00:20des grandes fortunes françaises. Cette fois ce sont les Ricard, les Dassault, les Sade,
00:25Routchide, Leclerc et Barrière. S'il y avait un point commun entre toutes ces familles, au-delà du fait qu'elles sont riches et puissantes, ce serait lequel ?
00:32Vanessa.
00:33C'est que dans chaque famille, mais bon j'ai envie de dire pas que chez les puissants, il y a beaucoup de
00:37névroses, il y a beaucoup de secrets, il y a beaucoup de non-dits, il y a beaucoup de souffrances et que
00:43les successions c'est souvent le catalyseur de tout ça, de tout ce qui
00:47déraille un peu dans les familles, de tout ce qui est un peu mis sous le tapis et au moment de la succession
00:52ben voilà, ça ressort et ça fait beaucoup de dégâts souvent.
00:55Raphaël Bacquet, on vous lit, on a quand même un petit peu l'impression que l'abolition des privilèges n'est pas arrivé chez tout le monde.
01:01Oui en tout cas, ce qui est difficile c'est que
01:05l'ampleur de la fortune
01:06décuple les difficultés. Mais à vrai dire ce qui est difficile c'est de transmettre, c'est de
01:12pouvoir laisser la place à d'autres.
01:15Vous écrivez transmettre est sans doute la chose la plus difficile.
01:19Vraiment, et on le voit bien, la transmission du pouvoir surtout quand on a créé une entreprise,
01:23c'est comme si on transmettait son bébé à ses enfants justement.
01:27Et donc là se jouent les préférences, les enfants favoris, ceux qui ne le sont pas, les rivalités dans les fratries,
01:35la volonté de voir son fils souvent, le plus souvent,
01:39lui se ressembler absolument.
01:41Son fils parce que les filles n'ont quasiment pas voix au chapitre.
01:44Les filles n'ont pas encore voix au chapitre, elles viendront je pense dans quelques années mais pour l'instant
01:48effectivement c'est un milieu très conservateur.
01:50Oui mais d'ailleurs ils le reconnaissent eux-mêmes.
01:52François Pinault nous l'avait dit
01:54quand on l'avait rencontré, il nous avait dit c'est vrai que j'ai pas pensé une seconde à ma fille en fait mais c'était...
01:59On n'y a pas pensé.
02:01Et là vous parliez de la famille Saadet
02:04qu'on a traité dans ce...
02:06Donc Saadet c'est CMA, CGM, voilà, géant des transports maritimes et maintenant des médias.
02:10Maintenant dans les médias.
02:13Pareil, son père n'a pas pensé du tout.
02:15Il avait une fille aînée qui d'ailleurs a un poste très important dans le groupe
02:19qui serait aussi capable de gérer ce groupe
02:22mais on pense immédiatement aux garçons.
02:24Donc on a rencontré très très peu de femmes dans ces familles-là.
02:27Jacques Saadet il a même mis énormément de temps à accepter que son fils Rodolphe
02:30qui dirige le groupe aujourd'hui le fasse.
02:32Pourtant transmettre quand on est un père ou une mère à ses enfants
02:36c'est ce qu'il ne faut pas avoir le plus envie de faire.
02:38S'assurer qu'il soit bien. Alors ils n'ont pas de problème d'argent on est d'accord mais
02:41pourquoi ça devient tellement compliqué, presque psychiatrique parfois non ?
02:46C'est ambivalent oui, c'est très ambivalent parce qu'à la fois on a envie évidemment
02:50surtout quand on a fondé un empire, on a envie qu'il reste dans la famille
02:54qu'il continue à porter le nom, qu'il soit représenté
02:57et en même temps il y a quelque chose de...
02:59Il y a de la rivalité.
03:00Je te donne, je te reprends oui.
03:02Et très souvent nous on a vu des patriarches qui ont énormément de mal à lâcher
03:08et même à des âges très très avancés, même parfois quand ils sont malades
03:12ou ils savent qu'ils n'ont plus toutes leurs capacités.
03:14C'était le cas en effet de Jacques Saadé mais ça a été aussi le cas dans le groupe Barrière
03:20le géant des hôtels de luxe et des restaurants
03:25où là on a un père qui a énormément de mal à passer la main à son fils.
03:30Les pères estiment souvent que les fils ne sont pas à leur hauteur
03:34et qu'ils ne sont pas aussi bien qu'eux.
03:37Et puis il y a des fils qui essayent de pousser, de tuer le père.
03:41Raphaël Baquet, vous les avez tous rencontrés, au moins des représentants de chacune de ces familles ?
03:48Ils le reconnaissent mais ils vous l'avouent qu'ils ont du mal à fonder ?
03:54Quand on écoute Vanessa on a l'impression qu'ils le reconnaissent un peu, non ?
04:00Non, c'est difficile, on le voit bien d'ailleurs, on le voit à mille petits signes.
04:03Même quand ils veulent bien, par exemple David de Rothschild, il veut que son fils lui succède
04:08mais son premier réflexe c'est de s'installer juste au-dessus, le bureau juste au-dessus.
04:13Donc il faut que sa femme lui dise écoute je crois que ce n'est pas une bonne idée, tu dois justement le laisser faire.
04:17C'est ça qui est difficile.
04:19Et Jacques Saadé, il veut que son fils lui succède parce que c'est un prolongement de lui-même, c'est un petit moi.
04:26Le problème c'est que quand son fils est en place, il n'arrive pas à lui donner.
04:30A chaque fois il lui reprend ce qu'il lui a donné et il faut qu'il soit vraiment malade,
04:35atteint par la maladie d'Alzheimer, pour enfin, à vrai dire, son fils l'a gentiment écarté.
04:43Enfin il lui a laissé jusqu'au bout l'illusion du pouvoir.
04:47Très souvent ces patriarches-là ne peuvent pas décrocher parce qu'ils ont eu tous les appannages du pouvoir aussi.
04:54Être sollicités, respectés, demandés, craints.
04:58Vous parlez de la famille Saadé, donc Jacques a transmis à Rodolphe qui est déjà en train de préparer la transmission à son fils
05:02et pourtant vous parlez d'une sorte de malédiction de la troisième génération.
05:06Comment vous l'expliquez ça Vanessa Schneider ?
05:08La première crée, la seconde gère et la troisième tue.
05:12Et la troisième tue parce que c'est très difficile quand depuis sa naissance on sait qu'on a énormément d'argent,
05:19qu'on a de l'argent à ne plus savoir qu'en faire, qu'on pourra le transmettre à ses enfants même si on en dépense beaucoup,
05:26de trouver la motivation pour avoir envie de continuer à travailler, de développer, de reprendre les rênes d'une entreprise.
05:35Donc c'est très souvent ce qui menace.
05:37Et là on a vu dans toutes nos familles, c'était fascinant y compris pour nous-mêmes,
05:42la façon dont chacun éduque ses enfants, à quel point l'éducation est vraiment primordiale.
05:47Et comment donner le goût du travail, de l'effort, comment transmettre sa passion pour une entreprise.
05:53Parce qu'il y a des entreprises qui sont plus glamour que d'autres.
05:56Et là vous parliez des SAAD, c'est vrai que les transports maritimes, on peut comprendre que ça ne fasse pas rêver un jeune de 15 ans.
06:05Donc c'est toute une éducation à faire.
06:07Éducation à faire, vous évoquez en introduction le cas de la famille Lagardère,
06:12où là pour le coup il n'a pas été préparé suffisamment sans doute.
06:18Est-ce qu'il explique ?
06:20Oui, c'est l'exemple repoussoir on va dire.
06:22Le cauchemar de tous les grands patrons.
06:24C'est-à-dire avoir effectivement un successeur qui n'est pas à la hauteur, qui n'a pas envie de travailler.
06:29Et c'est vrai que la tentation...
06:31C'est Jean-Luc le père et Arnaud le fils.
06:33Jean-Luc le père et Arnaud le fils.
06:35Et il n'est pas préparé, son père est écrasant.
06:38Et il meurt soudainement, ce n'était pas du tout attendu.
06:42Et le fils n'est pas prêt, il n'a pas envie.
06:45Il n'a pas envie, oui.
06:47Il n'a pas forcément les compétences.
06:49Mais il n'a pas non plus l'intelligence de laisser la place à un directeur général après tout.
06:55Ça pourrait être un bon choix.
06:57Ça c'est difficile aussi de décevoir le père.
07:00C'est le poids qui l'empêche peut-être de faire ça.
07:04Et en fait il y a beaucoup de psychologie dans tout ça.
07:06Essentiellement de la psychologie.
07:08Alors qu'on parle d'argent, d'entreprise, mais il y a beaucoup plus d'humains que d'enjeux.
07:15Moi j'ai quand même une question à vous poser, encore une.
07:17C'est que nous on voit, quand on essaie d'inviter à Camandine, ses grands patrons, c'est hyper compliqué.
07:22Il y a des communicants partout autour.
07:24Ils veulent quasiment les questions avant.
07:26Souvent il faut enregistrer parce qu'ils ont peur.
07:28Quand ils font des interviews en presse écrite, ils exigent de relire, sinon ils ne parlent pas, etc.
07:31Comment vous avez fait pour enquêter, pour intégrer ces familles ?
07:33Parce qu'elles ont vu venir.
07:34C'est le numéro 2 de succession de familles.
07:36Donc elles ont déjà lu le numéro 1.
07:38Comment vous avez fait ça ?
07:40Vous les avez mises en confiance ?
07:42Non, on a mis du temps.
07:44C'est très long.
07:46Justement, elles avaient lu le numéro 1.
07:48A vrai dire, nos meilleurs lecteurs, ce sont eux.
07:50Evidemment, ils savent bien qu'ils sont les mieux à même d'abord d'expliquer l'intimité de leur vie privée.
07:59Parce que c'est ça aussi.
08:01On rentre à l'intérieur des familles.
08:03Souvent, ils préfèrent nous recevoir.
08:05Puis on enquête pas seulement auprès d'eux.
08:07Auprès de tous ceux qui les connaissent.
08:09Leurs hauts cadres sont de très bons observateurs de la vie de famille.
08:13Puisque justement, ils sont confrontés aux pères et aux enfants.
08:17On a eu beaucoup d'informations comme ça aussi.
08:21Il y a des histoires incroyables.
08:22Il y a la famille Chanel dans un style très différent.
08:24Les Wertheimer.
08:25Tellement discrets que vous racontez, page 148,
08:27que l'un des frères, Alain Wertheimer,
08:29fut refoulé à l'entrée lors d'un défilé haute couture à New York.
08:32Il avait oublié son invitation.
08:34Et personne ne connaissait son visage.
08:36Ni même son nom.
08:38C'est-à-dire que Wertheimer,
08:40personne ne sait que ce sont les propriétaires de Chanel.
08:42C'est Chanel qui est connu.
08:44Il y a un autre élément troublant,
08:46c'est qu'on a l'impression qu'il n'y a pas d'amour.
08:49On n'en a pas rencontré souvent.
08:52Mais c'est vrai.
08:54Je ne sais pas, nous tous, quand on parle de nos enfants,
08:56on en parle avec...
08:57Bien sûr.
08:58On a vu des choses terribles au sein de ces familles.
09:01Vraiment des choses très très dures.
09:03Après, comme vous le disiez,
09:05les grands patrons, ce n'est pas des gens qui sont très expansifs.
09:07C'est des gens qui travaillent beaucoup.
09:10Qui ont souvent un égo surdimensionné.
09:12Donc qui s'aiment eux-mêmes avant tout.
09:14Avant d'aimer leurs enfants.
09:16Mais c'est vrai qu'on a été très surpris.
09:18C'était quand on a rencontré la famille Rothschild.
09:20Où le père David de Rothschild nous a dit ces mots.
09:22Il nous a dit, j'aime mon fils.
09:24Et on est ressortis.
09:26On s'est dit, mais c'est la première fois.
09:28Il est bizarre lui.
09:29Ça fait 15 grands familles qu'on rencontre.
09:31C'est le premier qui nous a dit, j'aime mon fils.
09:33Et c'était très surprenant.
09:35C'était plus froid chez les Dassault.
09:37Encore une petite phrase.
09:38Il commence par monsieur.
09:40Comme s'il s'adressait à un étranger.
09:42Il y aura une saison 3 avec les politiques.
09:44Chez les Sarkozy.
09:45Vous pensez que c'est jouable ou pas la dynastie ?
09:47Il y a des dynasties politiques.
09:49Il y en a plutôt moins que par le passé.
09:51Je pense que les électeurs en ont assez.
09:55D'élire des députés de père en fils.
09:57Mais il y a eu des belles dynasties politiques.
09:59Mais surtout les Français s'en mêlent.
10:01Vous ne vous transmettez pas tout à fait la même chose.
10:04La fortune c'est la vôtre.
10:06C'est l'entreprise.
10:08Il y a un tiers qui s'appelle l'électeur.
10:10Le poids des électeurs ça change tout.