• hier
Peu prioritaire politiquement, le football est devenu depuis le début de la guerre en Syrie un enjeu de premier ordre pour toutes les parties.

Symbole de "normalisation" et d'unité pour l'Etat, avec un président, Bachar al-Assad, qui posait avec les joueurs de l'équipe nationale, le Beautiful Game était aussi une manière d'exprimer sa voix pour d'autres.

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--- TIMELINE ---
00:00 Introduction
02:24 Mon expérience sur la "liberté d'expression" des footballeurs syriens
04:25 La Syrie, un beau pays de football (derby, passion...)
05:15 Stade Al-Assad, trafic d'âge et corruption des clubs
06:36 Anecdotes sur le sport syrien (basket et équitation)
08:23 Le football devient un enjeu pour Assad avec la guerre
10:35 Exil, rejoindre l'opposition ou des milices, la mort par torture : le destin de certains joueurs
11:30 Décapitations et exactions de groupes djihadistes ou armés contre des joueurs
12:00 Les succès de l'équipe nationale, porte-voix de l'Etat syrien
12:55 Intégration des binationaux d'Amérique du Sud
14:04 Guerre économique visible aussi dans le foot
14:30 Conclusion

#Syrie #Assad #Football

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Sport
Transcription
00:00Bonjour à tous et bienvenue. Il y a un peu plus d'une semaine, Bachar el-Assad s'enfuyait en compagnie de sa famille, direction Moscou.
00:06Il abandonnait donc le pouvoir et la Syrie disait adieu à la dynastie Assad et également au parti bassiste à la tête de l'État.
00:13Et au fur et à mesure que les groupes composant la dite opposition syrienne, que ce soit des groupuscules armés ou politiques,
00:20plus elle avançait, plus elle gagnait du territoire, plus le football syrien réagissait, avant même la capitulation et la fuite d'Assad.
00:29C'est-à-dire que dès le 4 décembre, la fédération avait fait interdire toutes les rencontres footballistiques à travers le pays.
00:36Et alors que les dits rebelles, comme les médias les appellent, s'approchaient de Damas, ils n'étaient pas encore dans la capitale,
00:42notamment le fameux groupe HTS d'Al-Jawlani, la fédération syrienne de football avait troqué son logo, changeant le rouge habituel pour passer au vert.
00:50D'ailleurs, c'est une véritable question, est-ce que la fédération syrienne de football n'a pas été la première institution nationale à changer de logo de la sorte ?
00:58Avec évidemment l'importance que cela peut avoir, parce que vous imaginez bien que, comme dans tous les autres pays arabes,
01:02le football revêt une importance très particulière et très importante dans le quotidien de millions de Syriens.
01:07Et immédiatement après la prise de Damas, on a eu les réactions notamment du vice-président de la fédération, qui avait été dit tyrannique.
01:14Certains joueurs ont également partagé sur leurs réseaux sociaux leur joie de ce qui venait d'arriver.
01:18Bien évidemment, le président de la fédération, très proche de l'ancien gouvernement, il est d'ailleurs membre du parlement,
01:23M. Ramadan, qui avait déjà été aux affaires il y a quelques années, là c'était son deuxième passage, il était revenu il y a quelques années.
01:29Lui se tairait dans le silence, parce que c'est bien simple.
01:32On lit depuis des années et des années que le football est un peu la chasse gardée d'Assad.
01:35Et rappelez-vous lors de cette fameuse épopée des qualifications à la coupe du monde 2018,
01:41où la Syrie a été si près de voir le mondial, on se rappelle ce fameux poteau contre l'Australie à la 90e minute,
01:47qui aurait pu permettre aux aigles d'avoir le dernier barrage afin de voir la Russie en 2018.
01:52Quand la Syrie était si proche de cela, jamais le football syrien n'avait été aussi politisé.
01:57Et des deux côtés, vous aviez évidemment l'état et principalement son président, Bachar el-Assad,
02:01qui s'affichait copieusement avec l'équipe et tous les entraîneurs et officiels rappelaient à quel point ils aimaient Bachar el-Assad,
02:08à quel point ils étaient fiers de Bachar el-Assad, puisqu'il se dressait contre les terroristes et qu'il était l'homme pour sauver la Syrie.
02:13Et de l'autre côté, vous aviez une opposition, notamment celle qui s'exprimait depuis la Turquie,
02:18qui expliquait que c'était l'équipe du dictateur et qu'ils ne se reconnaissaient pas dans ces aigles-là.
02:24Donc le décor est planté, maintenant on va rentrer un peu dans le détail, parce que l'angle footballistique me paraît fascinant.
02:29Pourquoi je me permets de parler du football syrien ? Parce que déjà c'est un sujet que j'ai abordé sur la chaîne,
02:33notamment lors du WAF, c'est le championnat d'Asie du Sud-Ouest que la Syrie avait gagné en 2012,
02:38donc après le début de la guerre, et d'ailleurs Assad avait reçu l'équipe nationale dans un de ses palais
02:44et avait donné quelques gratifications financières, notamment même si les sommes étaient très petites vu la performance.
02:50Je rappelle que la Syrie n'avait jamais gagné ce tournoi, qui est certes un peu mineur dans les compétitions arabes.
02:54Et puis surtout, à la suite de The Beautiful Game que j'ai fait, FootGear et Politic, j'avais dans l'idée de faire un numéro 2.
03:00Et donc je me suis dit que la Syrie me sentait absolument parfaite.
03:03Et je commence à contacter plein de gens, notamment ceux de Sierra Pro Players.
03:07Et je n'ai jamais autant de difficultés à faire parler les gens.
03:10Autant les mecs de Sierra Pro Players étaient sympas, ils me connectaient avec des joueurs,
03:13après je me débrouillais pour avoir d'autres contacts.
03:14Et dès que t'arrivais par exemple des Gabriel Somi qui avait joué en Europe,
03:18la famille Madrigane, je dois peut-être mal le prononcer,
03:20parce que le père a joué pour l'équipe nationale, le fils aussi, c'est vraiment une famille footballistique.
03:24Et donc tu écrivais, et d'autres joueurs, et même pas de réponse, même pas un bonjour, etc.
03:28C'est très étonnant, parce que je ne vais pas rappeler l'hospitalité syrienne,
03:31puis même dans les pays arabes c'est super facile de travailler footballistiquement.
03:34L'Irak, vous le savez, je l'ai fait, mais c'était ultra facile.
03:37Je parle même pas de tous les pays un peu plus loin, on peut dire même en guerre.
03:39La Somalie, c'est d'une facilité incroyable.
03:41L'Afghanistan, j'en parle même pas, il te passe toujours un contact et tout.
03:44J'ai jamais eu de problème.
03:45J'avais eu un petit peu à Cuba, au début il y avait une certaine méfiance, etc.
03:49Et l'Erythrée, mais l'Erythrée en même temps, c'est très très compliqué.
03:52Et donc j'avais senti qu'il y avait beaucoup de réticence.
03:54J'avais réussi à parler quand même à quelques joueurs et entraîneurs, notamment Dorian Marine,
03:57un coach roumain qui avait été là-bas, Ruy Almeida,
04:00mais des joueurs syriens-syriens, c'était très dur.
04:03Et là, depuis une semaine, quand je contacte, c'est beaucoup plus facile.
04:07Donc à mon maigre niveau, et ça montre quand même quelque chose d'important,
04:10c'est qu'on sentait que la liberté de parole, principalement,
04:13a fortiori en temps de guerre, elle est compliquée,
04:16mais alors a fortiori en Syrie.
04:17Je n'avais jamais connu ça et pourtant ça fait plus de 10 ans,
04:20et j'en ai fait des enquêtes à travers le monde entier.
04:22Là c'était même pour écouter les joueurs, simplement connaître un petit peu leurs histoires.
04:25Parce que la Syrie est un magnifique pays de football.
04:27Laissez-moi vous conter un peu ça, parce que vous avez évidemment les clubs de Damas,
04:30notamment Al-Jayesh qui est assez connu,
04:32mais vous avez également une grande scène footballistique à Alep, aussi à Homs,
04:35et vous avez aussi à Latakia.
04:36Latakia c'est évidemment la grande ville et province méditerranéenne,
04:39un peu bastion historique de la communauté halawite et donc des hassades,
04:42où c'est vrai que depuis la guerre, on a l'un des clubs, Tichrin,
04:45qui a été champion, je crois, deux ou trois fois de suite,
04:48sachant qu'en effet c'était soit les clubs de Damas ou de Latakia
04:50qui ont récupéré, on va dire, les titres durant ces moments-là.
04:53Rendez-vous compte que malgré la guerre,
04:55le championnat syrien ne s'est pas joué une seule fois.
04:57Sinon il est toujours allé au bout.
04:58Alors on s'est débrouillé, il y a une année on l'a fait que dans la capitale,
05:00et après les matchs se jouaient entre Damas et Latakia.
05:03D'ailleurs c'est curieux parce que Houthi vs Tichrin, c'est le grand derby,
05:06et attention, moi on m'a envoyé les photos et les vidéos, c'est un délire.
05:09C'est comme le basket en Syrie, il y a une passion absolument incroyable.
05:12Et donc pour ce derby-là, il se joue au stade Al-Assad,
05:15qui avait été inauguré, je crois, dans les années 70,
05:17et surtout qui avait accueilli la finale des Jeux de la Méditerranée en 1987.
05:21Il avait été rénové dans les années 2000, il fait quasiment 30 000 places,
05:24c'est l'un des plus beaux stades de Syrie, qui porte le nom de la dynastie, j'ai envie de dire, Assad.
05:29Dans le même temps, pas très très loin, je crois à Jablé, je dois peut-être mal le prononcer,
05:32on a un stade qui est le stade Bass, c'est-à-dire en hommage aux partis en place en Syrie.
05:38Donc on avait beaucoup de symboles là, mais derrière ça il n'y en avait pas tellement.
05:41Le papa Afaz al-Assad lui avait créé une entité générale du sport,
05:44un peu comme ce qui se faisait en Irak, mais c'était quand même légèrement différent.
05:47C'était un espèce de fourre-tout, pas tellement compréhensible, c'était un peu une chienlit,
05:50et c'est vrai que les différentes fédérations syriennes ont souvent été marquées par une grande corruption.
05:54J'en parlais récemment avec Dorian Marine, qui a coaché plusieurs clubs en Syrie,
05:57il me disait le problème en Syrie, c'est pas les joueurs, c'est pas le public, c'est les dirigeants,
06:00parce qu'en fait ils veulent tous faire des transferts, etc.,
06:02donc ils veulent surtout pas que des jeunes ou des inconnus jouent,
06:05en fait ils veulent en mettre certains pour ensuite le transférer là, et derrière récupérer l'argent pour eux.
06:09Mais j'ai envie de vous dire, les magouilles dans les transferts, ce n'est pas propre qu'à la Syrie.
06:12Et donc, réellement, le football, oui, le gouvernement, quand ça gagnait, il venait,
06:17surtout il s'était intéressé pour que les jeunes gagnent, donc on truquait les âges.
06:21Comme en Irak d'ailleurs, l'Irak et la Syrie sont deux grands pays de trafic d'âge et d'identité,
06:25notamment chez les jeunes, il y a une excellente enquête qui a été sortie il n'y a pas longtemps,
06:28donc ça, c'était monnaie courante.
06:30Il n'y a pas qu'en Afrique qu'on truque les âges, en Asie également, et principalement au Moyen-Orient,
06:34on a même changé des identités, enfin bref.
06:35Mais à part ça, avant la guerre honnêtement, des fois on voyait Assad un petit peu dans le football,
06:39c'est vrai qu'il y a eu des investissements supérieurs mis dans le football depuis la prise de Bachar,
06:43mais ce n'était pas non plus Byzance.
06:45Sachant qu'on rappelle que sportivement en Syrie, on a le foot, on a aussi le basket, je le rappelle,
06:49c'est très important, d'ailleurs petite ironie, il faut me montrer quand même, ça s'imprime,
06:53les Syriens donnent un passeport à un joueur américain quasiment à chaque compétition.
06:57C'est quand même exceptionnel quand tu connais la géopolitique, la relation entre les deux pays,
07:01mais il y a eu plusieurs Américains qui ont obtenu le passeport pour jouer avec la Syrie.
07:05Bien évidemment, quand on parle de sport, de politisation, on est obligé de parler de Bassel,
07:09qui était donc le frère aîné de Bachar el-Assad, celui qui était le dit successeur avant de mourir,
07:13et il était un cavalier. L'anecdote est assez connue, puisque je crois que c'était aussi pour des jeux
07:17de la Méditerranée, ça se passait en France, il va là-bas, sauf que sa compétition en ligne
07:21ne se passe pas très bien, et en équipe, la Syrie va glaner une médaille parce qu'il y avait un exceptionnel
07:25cavalier syrien, et quelques mois après, il sera emprisonné officiellement pour une tentative
07:29d'assassinat sur Bassel, sauf qu'il n'y a pas eu de procès, rien, c'était un simulacre,
07:33et beaucoup expliquaient qu'en fait, Bassel el-Assad n'a jamais accepté de se faire presque
07:37humilier de la sorte par un cavalier bien meilleur que lui. Il restera 21 ans en prison,
07:41et je crois qu'il sera libéré en 2014 par une grâce ou un pardon présidentiel,
07:45sachant que lorsque Bachar el-Assad avait repris, il ne s'était absolument pas mêlé
07:49de ce dossier-là. Donc, on sait très bien que des fois, il y a eu des choses
07:53innommables, mais quand même, on va tout de suite tempérer, ça n'a rien à voir avec l'Irak.
07:57Moi, j'avais interrogé des joueurs qui avaient été torturés, qui avaient été emprunés suite à des défaites
08:01sous Saddam Hussein, mais c'était pas Saddam, qui est comme les Assad. Honnêtement, le sport,
08:05c'était pas non plus sa priorité. Par contre, Saddam, il avait son fils aîné, Oudaï, celui qui était
08:09en charge du comité national olympique irakien, et de la fédération de football irakienne.
08:13C'est-à-dire que c'était un dingue de sport, et notamment de football. Et il y a eu des dérives absolument pas possibles,
08:17ça, je l'ai largement raconté dans ce livre-là pour tous ceux qui l'ont lu, donc la Syrie,
08:21ce n'était pas du tout pareil. Maintenant, vous allez me dire, qu'est-ce qui s'est passé depuis la guerre ?
08:25Au moment où il y a la guerre, là, le football devient un enjeu étatique. Déjà, pour l'équipe nationale,
08:29parce qu'elle commence à s'améliorer. Déjà, ils commencent, dans les qualifs de coupe du monde, ils ne sont jamais allés,
08:33mais c'était de mieux en mieux. Et puis, il y a 2012, il y a le WAF, et puis il y a une génération incroyable.
08:37Firass Al-Ratib, capitaine, meilleur buteur de l'histoire, puis il y a deux autres joueurs,
08:41il y a Khirbine, et il y a surtout Omar Al-Soma. Les deux, notamment Omar Al-Soma,
08:45c'est peut-être dans le Moyen-Orient et dans le Levant, le meilleur attaquant depuis 10-15 ans.
08:49Il a éboulé en Arabie Saoudite avec Al-Ali, et Khirbine, je crois qu'il a été élu parmi les meilleurs joueurs asiatiques,
08:54voire, je ne sais même pas s'il ne gagne pas un trophée de meilleur joueur asiatique,
08:57et c'est lui qui va emmener Al-Hilal en finale, à l'époque, de ligue des champions asiatiques.
09:01Dans le même temps, les clubs syriens, bon, tu avais un club de Alep, Karama, je crois,
09:05je crois que c'est ça, qui avait fait un peu de la ligue des champions asiatiques, je crois qu'ils avaient fait
09:09plutôt un bon parcours, mais globalement, c'était assez compliqué, parce que les clubs souhaitaient de moyens
09:13et de structures très moyennes, parce que même si l'État se servait du football lors des temps de victoire,
09:17il ne donnait pas forcément les moyens nécessaires au développement footballistique,
09:21mais au développement sportif en général, c'est un peu un décontraste.
09:24Sauf que la guerre arrive, et là, le football, il va servir, non pas d'unité, mais de normalisation.
09:30C'est-à-dire que lorsque le gouvernement récupère la ville d'Alep, on va rapidement réorganiser des matchs à Alep,
09:35le derby et tout, et donc il y a des médias, il y avait aussi des campagnes médiatiques à ce niveau-là,
09:39par les réseaux syriens, du lobbying, etc., pour dire, regardez, dans un pays en guerre,
09:43la vie reprend son cours, le football revient. Et ça, c'est là où on voit à quel point le foot
09:47est une arme politique, il a été utilisé comme ça. Et plus l'équipe nationale brillait,
09:51notamment dans ce fameux run pour les qualifs 2018, plus Bachar el-Assad s'affichait avec cette équipe.
09:56Sachant qu'il y avait des doutes, des doutes, parce que... C'est Khirbine ou c'est... Moi j'ai un doute.
09:59Je crois que c'est Khirbine. Au début, à un moment donné, il renaît pas en équipe nationale,
10:02puis après il est revenu. Mais il était surtout Firas al-Khatib, le meilleur buteur de l'histoire des aigles.
10:05Et lui, il a fait une grande carrière dans le golf, c'était un buteur un petit peu à l'ancienne,
10:08comme plein de pays arabes en fond, mais c'était un très bon joueur.
10:11Lui, à un moment donné, il ne voulait plus revenir en sélection, il disait qu'il avait rejoint le rang de l'opposition.
10:15Et puis quelques années après, il va revenir de manière triomphale, Bachar va poser avec lui, etc.
10:19Et c'était pas la première fois qu'on avait vu ça. On se rappelle qu'il y avait un gardien,
10:23et j'ai perdu son nom, qui a été très longtemps en équipe nationale.
10:25Lui, il avait été plus ou moins emprisonné, il avait commencé à être arrêté pour diverses choses.
10:29Je crois que c'est juste un petit peu avant la guerre, et puis il était revenu, il n'y avait pas eu de soucis.
10:33Parce que là où en fait il y a un clivage, c'est que certains joueurs, eux, ont quitté les équipes nationales.
10:38On peut penser à ce jeune, des moins de 16 ans, qui avait fui le pays, qui est parti en Allemagne, etc.
10:42C'était le capitaine des U16 et U17 de l'équipe nationale syrienne.
10:46Et on pense surtout à ce jeune gardien de Homs, qui était international, moins de 17 et moins de 20 ans,
10:50qui deviendra un des porte-voix de l'opposition. Il était connu un peu comme l'un des chanteurs de Homs.
10:55Et puis vous avez surtout en 2016 une nouvelle assez tragique, puisqu'un ancien grand joueur de l'équipe nationale,
10:59qui avait même été capitaine parfois, il faisait partie de cette fameuse génération dont je vous ai expliqué,
11:03ce fameux club qui avait fait la Ligue des Champions asiatique à Alep.
11:07Et bien ce joueur-là, il sera mort, torturé, en prison, parce qu'on lui reprochait des charges.
11:12D'abord, justement, rejoint les manifestations, les protestations, etc. avec quelques dommages.
11:17Il y a beaucoup de joueurs, alors c'est difficile à quantifier, qui ont rejoint, évidemment, l'autre rang.
11:21D'autres qui ont immigré, qui sont partis de manière complètement anonyme dans d'autres pays pour tenter de faire autre chose.
11:26Et certains, en effet, sont morts dans des geôles.
11:28Maintenant, c'est très dur, encore une fois, je le répète, de quantifier cela.
11:31Également, de l'autre côté, on a des exactions sur des footballeurs.
11:34Il y a des bombardements à Damas qui ont tué un jeune attaquant de 19 ans,
11:37qui faisait partie d'un club de première division.
11:39Ce sont des bombardements dits de l'opposition syrienne à l'époque.
11:42Et surtout dans la ville de Raqqa, à l'époque, les djihadistes ont décapité 4 joueurs
11:47en les accusant d'avoir fait de l'espionnage.
11:50Donc la violence, elle était là, et la politisation, un petit peu, des deux côtés.
11:54Parce que, comme je vous le disais, quand il y a ce magnifique run, dans les tribunes, qu'est-ce qu'on voit ?
11:57Notamment lors d'un match à Téhéran, on voit le portrait de Bachar el-Assad.
12:01Et d'un coup, à chaque conférence de presse, les entraîneurs...
12:03Et là, d'un coup, il n'y avait que des Syriens, quasiment.
12:05Il y a un Allemand, si je ne me trompe pas, on dit Bernstein.
12:07Mais après, ce n'était que des Syriens, notamment Fahd Ibrahim.
12:09Et bien, on répétait quoi ? On est là grâce à Bachar el-Assad.
12:11C'est lui qui s'oppose en opposant des terroristes, etc.
12:15Et là, le football était devenu, d'un coup, le porte-voix de l'État syrien.
12:19Alors qu'auparavant, je vous dis, quand ça gagnait, il allait faire les photos, etc.
12:23Mais ça n'a jamais été une priorité.
12:25Et d'un coup, en temps de guerre, on voit que le football revint un intérêt tout particulier.
12:29Et pour dire à quel point ça va loin,
12:31c'est qu'il y a quelques chansons que vous pouvez d'ailleurs écouter sur YouTube, un peu de pop syrienne,
12:35et où il y a plein d'influenceurs, d'acteurs, de chanteurs, et tout.
12:39Et en fait, ça a servi, lors de la campagne, pour encourager justement les aigles.
12:43Et donc, en fait, on avait toute cette confluence pour dire, regardez, c'est un symbole d'unité.
12:48Et puis derrière, il va encore avoir d'autres exploits, puisque, malgré une petite période de vache mergue,
12:52qualification pour la Coupe d'Asie, première fois que la Syrie va passer le premier tour, va gagner un match.
12:57C'était un technicien argentin sur le banc, Hector Cuper, qui lui avait fait le pari, avec la Fédération,
13:01d'aller puiser dans la diaspora syrienne, notamment issue d'Amérique latine.
13:04On a eu des Syriens nés en Argentine, je crois au Chili, peut-être même en Colombie,
13:09qui sont venus rejoindre l'équipe nationale, qui ont été convaincus également par le président, M. Ramadan,
13:13qui des fois a dû payer de sa poche certaines choses.
13:15Et donc, même en termes bureaucratiques, ça n'a pas été facile, parce que ces gens-là,
13:19ils avaient soit un parent, soit un grand-parent, qui était syrien,
13:22mais on a tout fait au niveau administratif, ce qui montre que quand l'État voulait, il pouvait.
13:25Ils avaient garni, justement, les rangs de l'équipe nationale.
13:27Et ça, c'est vrai, toujours dans l'État, on te disait que l'équipe nationale,
13:30c'est une composante de toute la mosaïque syrienne,
13:32puisque tu trouves des gens d'origine arménienne, de multiples confessions.
13:35Ça, c'est une réalité. L'Irak, d'ailleurs, aussi, était un petit peu pareil.
13:39Mais ce qu'on remarque surtout, c'est que là, la Syrie, elle est un petit peu mal,
13:42qu'en temps de guerre, ce sont notamment les clubs de l'Attaqué, donc du FIEF,
13:45quelque part Assad, qui ont réussi un petit peu à prospérer,
13:48notamment Tichring, qui fait deux ou trois titres de suite,
13:50et d'autres de Damas, même si ces dernières années,
13:52le double champion de titre, il vient de Deir el-Sor,
13:54alors c'est absolument lunaire, parce que Deir el-Sor,
13:56c'est quand même pas la ville la plus développée de Syrie,
13:58c'est une ville importante, mais c'est à l'Est du pays,
14:00c'est complètement isolé presque, et là, Al Futuwa, champion les deux dernières années.
14:04Ce qui est dingue, évidemment, c'est que même en temps de guerre,
14:07le foot était très populaire, notamment les clubs.
14:09Sauf qu'il y a un problème, c'est l'argent.
14:11Parce qu'avec une monnaie complètement dévaluée,
14:13qui ne valait plus rien, et toutes les sanctions,
14:15comment tu faisais pour attirer des joueurs étrangers,
14:17comme on l'a vu au tournoi USA 2000, avec tellement beaucoup de techniciens étrangers ?
14:19Donc tout ça pour dire quoi ? C'est que ce championnat
14:21était amputé financièrement, comme toute la série,
14:23qui a vécu une véritable guerre financière,
14:25avec des sanctions terribles, qui ont mis le peuple
14:27littéralement à genoux, qui devait faire des queues
14:29de 2-3 heures juste pour du pain. Là,
14:31qu'est-ce qui va devenir aujourd'hui ? Et il y a d'autres questions.
14:33Comment était le football à Iblid ?
14:35L'enclave détenue, on va dire,
14:37gouvernée à l'époque par Al Joulani et tous les autres.
14:39Actuellement, je n'ai pas assez
14:41de renseignements solides et crédibles,
14:43et d'informations sûres et vérifiées pour pouvoir le dire.
14:45Mais ça va être intéressant.
14:47De même, certains sont en train de s'inquiéter vis-à-vis
14:49de cette équipe multi-confessionnelle.
14:51Comment elle va pouvoir se conjuguer
14:53avec les désidératats de certains ? Et surtout,
14:55que va-t-il se passer de la série lorsque les caméras
14:57ne seront plus là ? Mais ça, ce n'est pas mon domaine.
14:59Moi, je voulais vous donner des histoires.
15:01Certes, il y en a d'autres, certaines qui sont tragiques,
15:03d'autres qui sont magnifiques, parce que je le répète avant tout,
15:05le football, que vous soyez en France, au Laos,
15:07en Irak ou en Syrie, c'est avant tout quelque chose
15:09qui vient du cœur et d'amour. Et le football syrien,
15:11il en a plein. Donc, rien que pour ça,
15:13je n'ai qu'un mot. Keep the faith.

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