Le consultant international sur l’Afrique et les migrations, Jean-Paul Gourévitch, était l’invité de La Matinale week-end, ce samedi 14 décembre, sur CNEWS. Il s’est exprimé sur les demandes d’asile des réfugiés syriens en France : «Un Syrien sur deux est dans la situation d’être soit réfugié, soit déplacé. Un certain nombre a envie de revenir dans leur pays d’origine. Ce qui domine, c’est que la situation n’est pas claire et qu’il faut se donner du temps. Nous risquons d’avoir une deuxième vague d’immigration en provenance de Syrie, anciens collaborateurs de Bachar al-Assad, que nous ne connaissons pas bien».
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00:00Jean-Paul Gourevitch, bonjour et merci d'être avec nous.
00:03Vous êtes consultant international sur l'Afrique et les migrations.
00:07Tout d'abord, comment vous analysez le résultat de ce sondage ?
00:11Alors, il faut toujours prendre les sondages avec un certain recul scientifique.
00:17Ce n'est pas parce que l'opinion majoritaire des gens serait pour geler les demandes d'asile
00:25que cette solution est la plus pertinente.
00:28Pourtant, d'autres pays l'ont fait pour l'instant.
00:31Reprendre le contexte, il y a environ 23 millions de Syriens.
00:37Sur ces 23 millions de Syriens, il y a 6 600 000 réfugiés qui sont partis de Syrie pour fuir ce pays.
00:48Une partie s'est installée dans les pays voisins, notamment en Turquie, qui en héberge près de 3 millions.
00:57Et une partie est venue en Europe, notamment en Allemagne, qui en héberge environ 1 million.
01:05Ça, c'était sur la période 2014-2015, où il y a eu une vague d'arrivées.
01:09Mais en plus de ces 6,6 millions de réfugiés, il y a 7 millions de déplacés à l'intérieur du pays.
01:17Ce qui veut dire qu'un Syrien sur deux est dans la situation d'être soit réfugié, soit déplacé.
01:27Alors un certain nombre de ces Syriens ont envie de revenir, bien entendu, dans leur pays d'origine.
01:35Et ils en ont parfaitement le droit. Et là, il n'y aura pas de problème d'OQTF pour deux raisons.
01:40Premièrement, ces Syriens qui ont fait une demande de droit d'asile,
01:46ils ont eu à 80% une satisfaction, soit par l'OFBRA, soit parce qu'ils avaient fait un appel à la Cour nationale du droit d'asile.
01:56Donc certains vont vouloir rester dans les pays où ils se sont installés, où ils ont parfois trouvé du travail.
02:05D'autres voudraient retourner dans leur pays d'origine. Alors comme vous l'avez dit, un certain nombre de pays européens
02:13s'interrogent pour savoir... – En tout cas, ont déjà décidé de suspendre l'étude des demandes d'asile de Syrie.
02:21– Alors, il y a deux réactions complètement différentes. Il y a ceux qui veulent suspendre par prudence les demandes d'asile,
02:29tant que la situation ne sera pas normalisée et claire. Et il y a ceux qui veulent expulser très directement les Syriens.
02:39Les Allemands ont même parlé d'une expulsion avec une aide de retour au pays.
02:45– Je vous interromps un instant. Qu'est-ce qui préside à ce type de décision aujourd'hui ?
02:49Est-ce que c'est la crainte de voir parmi les gens qui arrivent de Syrie aujourd'hui,
02:54des djihadistes qui commettraient des attentats sur le sol européen ?
02:57C'est ça la crainte aujourd'hui de ces pays ?
02:59– Non, je crois que ce qui domine dans les quelques dix pays européens qui s'interrogent,
03:07c'est le fait que la situation n'est pas claire du tout pour l'instant,
03:12qu'il faut se donner du temps avant de prendre une décision définitive.
03:17Mais il y a quelque chose qu'on oublie, c'est que ça, c'était la première vague.
03:23On risque de voir arriver une deuxième vague de Syriens qui sera totalement opposée à la précédente.
03:31Car ceux qui avaient collaboré plus ou moins avec Bachar el-Assad,
03:37ils sont en but maintenant aux persécutions des nouveaux maîtres de la Syrie,
03:45et donc ils risquent eux aussi, par peur de vouloir partir,
03:52nous risquons donc d'avoir une deuxième immigration en provenance de Syrie
03:59qui ne sera pas du tout la même que celle…
04:01– Est-ce qu'elle présente un danger majeur pour les Européens ou pas ?
04:03– Alors, cette nouvelle immigration, nous ne la connaissons pas bien.
04:11Dans les gens qui ont collaboré avec Bachar el-Assad,
04:15il y a probablement un certain nombre de gens qui se sont rendus coupables d'exaction
04:21sous la présidence de Bachar el-Assad.
04:25Il y a aussi peut-être des gens qui ont tout simplement peur,
04:28et dans une situation aussi fragile qu'est ce nouveau gouvernement syrien,
04:36on peut se dire que la peur peut être bonne ou mauvaise conseillère,
04:42c'est-à-dire qu'un certain nombre de familles ne veulent pas risquer la vie et la vie de leurs enfants,
04:50et donc envisagent de quitter la Syrie pour retrouver soit un pays proche,
04:58soit un pays européen.