• il y a 9 heures
C'est un numéro de « Au bonheur des livres » très féminin que propose Claire Chazal cette semaine, puisque sont invitées sur le plateau de l'émission littéraire deux autrices formidables, Mazarine M. Pingeot et Louise Chennevière, dont les livres traitent de façon très personnelle de la question des femmes aujourd'hui.
La première le fait d'une façon qu'on peut dire intime, en racontant dans « 11 quai Branly » (Ed. Flammarion) ce que fut son adolescence si particulière de fille « cachée » du président François Mitterrand... L'évocation de l'appartement étatique et impersonnel où elle vivait avec sa mère, pour des raisons de sécurité, sert ainsi de point de départ à un authentique récit d'initiation : comment, en tant que femme, acquérir son identité propre lorsqu'on a été soumise d'abord au secret, puis à la violence des médias ?

C'est aussi une question que pose Louise Chennevière, jeune écrivaine de 30 ans, dans son troisième et très beau livre, « Pour Britney » (Ed. P.O.L). D'une plume très originale, elle y dresse les portraits croisés de deux femmes, la chanteuse Britney Spears, dont on connaît le destin d'adolescente-star et jeune femme brisée, mais aussi de Nelly Arcan, l'autrice canadienne du best-seller « Putain », qui s'est suicidée à 36 ans, en 2009.

C'est son propre parcours, et ses possibles traumatismes de jeune femme d'aujourd'hui, que Louise Chennevière interroge de la sorte, et nul doute que ses échanges avec Mazarine M. Pingeot et Claire Chazal permettront de confronter des points de vue également précieux, de générations différentes, sur des questions qui touchent profondément notre société, après l'onde de choc de #MeToo.
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Transcription
00:00Retrouvez « Au bonheur des livres » avec le Centre National du Livre.
00:06♫ Générique de fin ♫
00:24Bienvenue dans l'émission littéraire de Public Sénat.
00:26Je suis ravie de vous retrouver pour un nouveau numéro d'« Au bonheur des livres ».
00:30Vous le savez, chaque semaine, nous essayons de vous donner envie de lire des livres,
00:34de découvrir, de mieux connaître leurs auteurs.
00:36Nos deux invités aujourd'hui sont deux romancières
00:38qui, chacune dans leur livre ici, reviennent sur l'enfance et l'adolescence,
00:43qui en démontrent plutôt les vestiges sombres, en tout cas pas très joyeux,
00:48et nous offrent chacune une écriture bien particulière, un peu âpre, très personnelle.
00:54Elles disent aussi l'une et l'autre « je ».
00:56C'est Mazarine M. Pinjot qui a écrit dans sa vie une vingtaine d'ouvrages
01:00et qui revient sur son séjour en famille à l'ALMA, de façon un peu floue.
01:05Le livre s'appelle « Onze quais-Branly ».
01:07C'était l'adresse exacte où elle a passé à peu près sept ans,
01:12entre sa mère Anne Pinjot et son père François Mitterrand.
01:15Et puis vous, Louise Chenvière, vous signez votre troisième roman
01:19et vous vous faites aussi narratrice dans « Britney »,
01:22c'est le récit personnel d'une jeune femme de 30 ans, que vous êtes aujourd'hui,
01:25et qui se souvient de son admiration pour une certaine Britney Spears,
01:29cette chanteuse américaine, que vous étiez petite, ou en tout cas avant l'adolescence.
01:33Et vous allez vous interroger, bien sûr, à la lumière de cette personnalité,
01:38sur ce que peuvent vivre ces femmes adulées qui ont un corps ultra-féminin
01:43qui peut être l'objet de fantasmes masculins et qui devient finalement ce corps une prison.
01:48D'ailleurs, vous allez croiser aussi une autre femme victime de cet enfermement,
01:51elle est canadienne, Nellie Arcand, elle prostitue, elle écrit et elle va finir par se suicider.
01:57C'est un livre, bien sûr, qui est sous-tendu par la question des violences faites aux femmes.
02:01Alors, Mazarine M. Pinjot, je rappelle que vous êtes professeure engagée de philosophie
02:05et vous écrivez depuis environ l'âge de 25 ans, c'est-à-dire il y a eu une vingtaine d'ouvrages.
02:08Donc voici « On se québre en lit », dans lequel vous faites jaillir les souvenirs
02:13d'une fillette et d'une adolescente qui a dû vivre dans le secret,
02:16parce que fille de François Mitterrand.
02:19Précisons d'abord que dans ce livre, vous inaugurez une collection nouvelle chez Flammarion
02:23qui a porté très… retour chez soi et on vous a proposé de retourner
02:27dans un lieu un peu emblématique de cette jeunesse, de cette adolescence
02:30et vous avez choisi donc ce lieu à l'ALMA où vous avez passé de 9 à 16 ans accompagné de vos parents.
02:38Alors, j'ai compris qu'au début, l'adresse restait un peu floue, Mazarine Pinjot.
02:42C'était l'ALMA, avant de devenir le « On se québre en lit ».
02:45Oui, parce qu'en fait, je ne la connaissais pas.
02:48Je ne la connaissais pas alors que j'y ai vécu, en effet, 7-8 ans.
02:53J'ai du mal à me souvenir exactement.
02:56Parce qu'on vous y a emmené en voiture, de toute façon.
02:58On m'y a emmené, je ne l'ai jamais donné.
03:01Je n'ai jamais invité quelqu'un au « On se québre en lit ».
03:03Je n'ai jamais donné mon adresse pour qu'on m'écrive des cartes postales.
03:06Et donc, tout simplement, je ne la connaissais pas.
03:08Donc effectivement, j'ai mis du temps à retrouver l'endroit.
03:12Ça, je pouvais très bien, évidemment,
03:14pas totalement amnésique, je pouvais y aller et savoir où c'était.
03:18Mais l'adresse en elle-même, je l'ignorais.
03:20L'écriture d'ailleurs, de l'une et de l'autre, est très intéressante.
03:22Et vous, ça commence très fort, Mazarine Pinjot,
03:24parce que, si je cite une phrase du début,
03:27ce lieu, c'était le décor et le tombeau de mon adolescence.
03:31Oui, parce que c'est à la fois un lieu que j'ai donc habité,
03:37sans vraiment l'habiter, puisque d'abord, c'était un logement de fonction.
03:42Et ensuite, c'était un lieu où on n'était pas censé vivre.
03:45Et d'ailleurs, on n'était pas non plus censé exister,
03:49en tout cas, d'un point de vue officiel.
03:51Et donc, il y avait une sorte de double effacement, comme ça,
03:53à la fois dans notre existence, dans ce lieu.
03:57Donc, je n'ai jamais réussi à l'incarner, à l'habiter,
04:00à le décorer, à m'y sentir chez moi.
04:03Il est resté très impersonnel.
04:06Il est resté complètement impersonnel.
04:07Et en même temps, c'est là où j'ai vécu mon adolescence.
04:11Un moment où on a plutôt envie, justement, de déborder un petit peu.
04:14Et donc, d'une certaine façon, ça a un petit peu empêché mon adolescence.
04:20Enfin, ce n'est pas juste le lieu,
04:21mais il incarne une forme comme ça d'enfermement et surtout de vide.
04:26– Vous racontez cette vie cachée.
04:27On savait bien que vous ne deviez pas parler de ce père
04:30qui était le président de la République,
04:32et qui avait cette deuxième famille qu'on a découverte après.
04:34Et c'est là qu'on sent que ce logement était comme une espèce de…
04:40le tombeau que vous dites.
04:42Mais personne n'y venait,
04:44puisqu'on ne vous n'invitait personne dans ce lieu, ou peu de gens.
04:48– Oui, les quelques très rares intimes qui partageaient le secret.
04:52Mais c'est vrai que c'était un endroit, c'est une sorte d'abri.
04:56Alors, c'est toujours ambivalent, les abris,
04:57parce que c'est à la fois, ça vous abrite du danger,
05:00mais en même temps, ça vous enferme.
05:02Et donc, ça avait vraiment cette double fonction.
05:05C'était un lieu sécurisé.
05:08C'est pour ça aussi qu'on y arrivait, par le Grand Portail.
05:12Moi, j'y arrivais en voiture, avec des gardes du corps,
05:15dans une voiture banalisée, absolument pas repérable.
05:18C'était des petites voitures.
05:20Et à peine arrivée, j'allais directement dans cet appartement.
05:24Donc, j'avais l'impression d'être, comment dire,
05:27oui, d'être dans un château fort,
05:32mais où, en effet, il n'y avait pas de possibilité d'ouverture
05:37vers quoi que ce soit, y compris vers l'intérieur,
05:39parce qu'à l'intérieur, il y avait des enfants qui habitaient.
05:41Après tout, il y avait d'autres familles.
05:43Comme c'est des logements de fonction, en fait,
05:44pour tous les gens qui travaillaient à l'usine.
05:46Oui, c'est resté encore le cas, d'ailleurs.
05:48De la ferme de ménage à l'aide de camps.
05:50Et donc, c'est une fourmilière.
05:51Il aurait pu y avoir des rencontres, y compris de la mixité sociale.
05:55Ce qu'on ne peut pas forcément imaginer.
05:57Et en réalité, je ne descendais pas dans la cour non plus.
06:00Et donc, voilà. Mais je me suis un petit peu auto-censurée.
06:04En réalité, je pense que j'aurais pu m'aventurer un petit peu plus.
06:08Le secret, c'est comme une sorte de carapace et de seconde nature
06:11qui fait que ça empêche beaucoup d'expériences.
06:14En réalité, c'est en ça que c'est très contraignant.
06:18Et d'ailleurs, quand vous y retournez, à l'occasion de cette collection,
06:21de ce livre qu'on vous propose d'écrire, d'ailleurs.
06:24D'abord, vous y allez à pied pour une fois, bien sûr.
06:26Vous découvrez comment on rentre.
06:28Et puis, il y a quand même un malaise.
06:29Enfin, c'est ce qu'on perçoit dans tout le livre,
06:31au point que même vous allez fuir d'une certaine façon
06:34avec votre compagnon qui vient vous chercher.
06:37Et on sent qu'il faut que vous vous extraignez de ce lieu à un moment.
06:40Oui, c'est-à-dire que comme j'y suis restée un certain nombre d'heures,
06:44c'est ça qui était vraiment intéressant, parce que c'est là où on voit que Pouce
06:48avait raison, que le corps se souvient plus que l'esprit,
06:51puisque moi, je n'avais pas beaucoup d'images en réalité.
06:55Mais de revenir sur les lieux, c'est vraiment...
06:57J'ai retrouvé des sensations, des habitudes, sans même pouvoir les formaliser.
07:02Mais voilà, il y avait quelque chose d'évident.
07:05Et puis aussi, avec les heures qui passent et donc la nuit qui arrive,
07:08et là, c'est ce moment de bascule, lors duquel j'étais très souvent...
07:12Enfin, c'est un moment un peu angoissant, toujours.
07:14Oui, vous avez eu des peurs en enfance.
07:17Oui, jusqu'à l'âge adulte.
07:19Et donc, à ce moment-là, effectivement, tout à coup, ça s'est resserré, resserré, resserré.
07:22Et j'ai commencé à paniquer un petit peu.
07:25Vous vous souvenez, vous, Louise Schönbier, de la vie que pouvait avoir eue
07:31Mazarine Pinjou à ce moment-là, de petite fille cachée,
07:35ou en tout cas, dans ses lieux impersonnels ?
07:37En tout cas, ce que ça dit très beau, je trouve, de l'enfance plus généralement,
07:40parce que c'est un peu une enfance extrême.
07:42Mais finalement, c'est la manière dont l'enfant est soumis comme ça
07:45à la vie des parents aussi, un peu complètement aliénée, en fait,
07:49et ne peut pas parler.
07:50C'est-à-dire, c'est déjà le statut de l'enfant en général,
07:53et là, à l'extrême, parce que vous étiez du coup complètement gardé.
07:55Mais je trouve ça très beau et en même temps très terrifiant,
07:58parce que c'est vrai que je pense que l'enfance, pour beaucoup de gens,
08:02n'est pas ce lieu un peu magnifique qu'on nous raconte.
08:04Pour beaucoup de gens, oui.
08:05Et donc, on n'a pas forcément envie de se retrouver ré-enfermée.
08:09Et c'est vrai que je pense que c'est aussi,
08:12ça sera des livres, puisqu'il y en a d'autres qui vont arriver
08:15dans cette collection, sur la question de l'enfance.
08:17Et je pense qu'il y aura des invariants.
08:18On va retrouver des choses très communes chez les auteurs.
08:21Les terreurs, la cafard, la solitude, les nudes, les angoisses.
08:27Et c'est très beau, d'ailleurs, ce qu'on retrouve là.
08:29Vous disiez, c'est un lieu très protégé.
08:31Eh bien, bien sûr, parce qu'il y a quand même l'idée
08:32que vous vivez en famille et que ça, ça nous réconforte,
08:35d'une certaine façon, dans le livre.
08:36Enfin, ça contrebalance un peu ce côté impersonnel.
08:41Oui, parce qu'il y a le père et la mère chaque soir.
08:44Oui, c'était la condition de possibilité d'une vie de famille.
08:49Elle existe, cette vie de famille.
08:51Elle existe, bien sûr, elle existe.
08:53Avec la cuisine, on regarde le journal, on dîne ensemble.
08:57Oui, avec la vie très quotidienne, très simple et très normale d'une famille,
09:02avec les mêmes rites, les repas, les élevés.
09:07Oui, tout à fait.
09:08Au fond, ce qui peut être, c'est ce qui reste, d'une certaine façon.
09:10C'est l'amour de deux parents pour un enfant, pour une enfant.
09:13Oui, c'est ce qui reste aussi.
09:14Et comment on sort de l'écriture de ça, de ces souvenirs ?
09:18Vous en aviez parlé encore une fois, bien sûr, mais là, en situant les choses,
09:22est-ce que ça vous a, je ne sais pas, apaisé
09:24ou vous n'aviez pas besoin d'être apaisée ?
09:26Mais qu'est-ce que ça a fait naître ?
09:27Non, mais ce qui était vraiment intéressant, c'était doublement
09:32une expérience enrichissante, d'abord parce que c'était un projet, quand même,
09:35d'écriture et que d'écrire, pour moi, c'est toujours une gageure
09:40très, très fondamentale que d'arriver à dire et à mettre en mots
09:45des choses qui sont tellement filandreuses, elles sont tellement disparues.
09:48J'ai une mémoire qui est tellement fragmentaire,
09:50qui est tellement éparse que d'arriver à la créer, en fait, à travers la langue,
09:56c'est toujours ce qui motive mon écriture, que ce soit dans les récits intimes,
10:00mais même dans les romans sous d'autres formes.
10:05Et donc ça, pour le travail de la langue, c'est ce qu'il y a de plus intéressant,
10:08parce qu'il s'agit de dire, en fait, quelque chose qui échappe précisément au langage.
10:12Ensuite, de faire l'expérience, de retourner sur un lieu, c'est formidable
10:16parce qu'il soit traumatique ou joyeux.
10:19Et je pense d'ailleurs, s'il était joyeux, ça ne serait pas forcément plus simple.
10:24Eh bien, il y a la possibilité quand même de dire au revoir,
10:27de refermer la porte, de savoir pourquoi on la referme
10:32et puis d'avoir fait un petit peu le tour de cette...
10:35Je ne sais pas, réconcilier peut-être avec des souvenirs ou des non-souvenirs
10:38et d'avoir pu refermer, alors pas complètement,
10:43ce n'est pas étanche, mais quand même d'avoir pu mettre en mots
10:46et donc mettre en forme quelque chose qui échappait.
10:49– Et mettre en mots, et vous avez vraiment raison de le souligner,
10:51parce que l'écriture, quand l'on la retrouve chaque fois chez vous, depuis le début,
10:54elle est vraiment belle et très particulière.
10:57Enfin, c'est votre écriture, incontestablement.
11:00Et c'est d'ailleurs aussi votre cas, Louise Chenvière,
11:02parce que l'écriture est très particulière dans Britney,
11:04avec même une absence, enfin un surgissement des virgules à certains moments.
11:09Je ne sais pas si ça vous a frappé, Mazarine,
11:11mais on ne sait pas pourquoi parfois vos virgules, elles vous échappent, Louise.
11:18– Oui, oui. – On va parler du fond, mais c'est…
11:20– Non, non, bien sûr, on peut parler de ça.
11:22C'est vrai qu'il y a beaucoup de gens que ça étonne aujourd'hui,
11:24enfin, dès que ça fâche même, et ça, ça m'étonne moi,
11:26parce que, enfin, je veux dire, voilà,
11:28Duras a fait ça bien avant moi, de travailler sur la ponctuation.
11:31Donc, je pense que ces virgules,
11:33ma ponctuation change en fonction de chaque livre
11:35et je pense que c'est lié au sujet que j'essaie d'exprimer.
11:38Et là, il y avait vraiment une forme d'urgence pour moi,
11:41donc une manière aussi de trébucher parfois sur ce que je veux dire,
11:45de me dépêcher avant que ça échappe.
11:46Et donc, je crois vraiment que ce livre-là,
11:49en tout cas la ponctuation, résulte de cette urgence-là.
11:51– L'urgence-là, oui.
11:53Parce que j'ai lu, enfin, vous racontez comment vous êtes petite,
11:56avant l'adolescence même, fascinée par cette chanteuse américaine,
12:00très populaire, physiquement attirante, évidemment.
12:06Et vous dites que si vous avez eu cette urgence à écrire,
12:10c'est parce que vous avez lu ses mémoires.
12:12– Oui, oui.
12:13– Et que vous êtes revenue donc sur cette enfance…
12:15– Bien sûr, un peu comme une collusion, comme celle que vous racontez,
12:18Mazarine, en fait, je me retrouve face à ses mémoires,
12:21par hasard, dans la gare, et d'un seul coup,
12:23c'est comme si le temps s'était vraiment réouvert.
12:25Et je me retrouvais face à cette petite fille que j'avais été,
12:29et donc face à cet amour que j'avais pour Britney Spears.
12:31Moi aussi, j'étais fille unique, donc voilà, en tout cas élevée comme ça.
12:34Et donc, j'avais cet amour pour cette femme,
12:38qu'en fait, aujourd'hui, à posteriori, je me rends compte,
12:40était une forme de sororité.
12:42C'est-à-dire que je m'identifiais à elle, et je l'aimais, vraiment.
12:46Et que très vite, au début de l'adolescence,
12:48j'ai senti qu'il y avait quelque chose de dangereux là-dedans,
12:50et donc je m'en suis détournée, et je l'ai, comme je le dis dans le livre,
12:53comme le reste du monde, méprisée.
12:56– Mais parce que votre père aussi vous a…
12:58On a vu qu'il avait fait des réflexions, c'est vulgaire.
13:01– Ma mère disait que c'était vulgaire, beaucoup,
13:03mais les gens autour de nous, j'ai parlé à la mère d'une amie
13:05qui disait, mais tu ne te rends pas compte,
13:07d'un seul coup, toutes les petites filles s'habillaient
13:08avec des crop tops au-dessus d'une nombrile, on était hyper fâchées.
13:12Et en fait, j'ai voulu y réfléchir et me dire,
13:14moi, ce que je percevais à l'époque dans cette femme-là,
13:17ce n'était pas de la sexualité, ce n'était rien de sexuel,
13:19ce n'était rien de dangereux, c'était une forme de liberté,
13:22et d'être dans son corps, et elle m'apportait beaucoup,
13:24et c'est pour ça que j'ai voulu lui rendre hommage.
13:26– Mais vous allez plutôt décrire après l'enfermement
13:28que ce corps représentait. – Bien sûr.
13:29– Puisque prisonnière de son image, prisonnière de sa beauté, de sa jeunesse.
13:33– Je pense qu'on lui a fait payer ce corps très fort,
13:35comme on le fait payer, je pense, à beaucoup de femmes qui ont,
13:38on va dire, l'audace de ne pas être que des objets, finalement,
13:41mais aussi, parce qu'à 20 ans, elle est quand même élue
13:43femme la plus puissante du monde, c'est quand même quelque chose.
13:47Et de se dire que même cette femme-là, on a réussi à la mettre en pièce,
13:51en dépit de ça, en dépit du fait que c'était quand même
13:53une très grande artiste, une très grande chanteuse,
13:55une très grande athlète, parce qu'elle dansait 9 heures par jour
13:58depuis toute petite, et qu'elle aimait ça.
14:00Et donc, moi, je voyais finalement une femme qui…
14:03En tout cas, au moment où je la rencontre, au début de sa carrière,
14:06est heureuse, elle a tout ce qu'elle veut, en fait.
14:08– Vous aimeriez même lui ressembler, vous chantez, d'ailleurs.
14:11Vous avez souvenir, vous, Mazarine Pinjot, d'avoir été fan
14:15d'une artiste ou d'avoir admiré quelqu'un dans l'enfance ?
14:19– Ce que je trouvais hyper intéressant, oui, bien sûr,
14:22mais c'est le moment du désamour, ce moment où on veut faire
14:24comme les autres, en se disant, tiens, parce qu'en fait,
14:27on déteste les gens qu'on a aimés, et surtout, on déteste les gens puissants.
14:30Ceux qui ont été tellement adulés, on les casse,
14:32ils se sont d'abord cassés eux-mêmes par la presse, par les médias.
14:36Il y a comme un truc comme ça de…
14:39S'ils vont trop haut, il faut qu'ils chutent, quoi.
14:43Et cette violence-là, moi, ça m'avait toujours sidéré.
14:46Et moi, je me souviens, c'était pas l'époque britannique,
14:48parce que je suis plus âgée.
14:51J'ai fait plus de… Bon, j'allais dire Madonna,
14:53mais Madonna, elle a fait toutes les générations.
14:56Il y a eu Madonna, mais moi, j'étais un peu de la même période
15:00que Vanessa Paradis. – Oui, c'est vrai.
15:02– Et je me souviens de la violence, au début, tout le monde était foudel, etc.
15:09Et puis ensuite, elle est tombée dans une forme de…
15:12Pas de discrédit, parce qu'elle est restée une grande star, etc.
15:15Mais il y a quand même eu une violence.
15:16– Oui, il y a eu un moment où elle en a souffert,
15:18de cette notoriété, de cette scie jeune, absolument.
15:21– Et on s'aperçoit, c'est ce que vous racontez,
15:23à demi-mot d'ailleurs, qu'elle va avoir un destin vraiment triste,
15:27Britney Spears, puisque le père de ses enfants, elle s'en sépare,
15:31et elle est considérée à un moment comme…
15:33– Il l'abandonne. – Oui, enfin, voilà.
15:35Mais elle ne pourra pas avoir la garde de ses enfants,
15:38parce qu'elle est considérée comme bizarre, comme…
15:40– Une mauvaise mère, en fait.
15:41Elle le dit dans le livre qu'elle fait une dépression post-partum,
15:43mais qu'à l'époque, on n'a pas les mots pour le dire.
15:46Et en fait, c'est vrai que moi, à l'âge de 31 ans,
15:48aujourd'hui, quand je lis son livre,
15:49je comprends tellement, en fait, ce par quoi elle est passée.
15:52Et je vois qu'en fait, elle a eu des expériences de femme,
15:55sauf qu'elle les a vécues sous les yeux de paparazzi
15:58avec des objectifs de 40 cm de long.
16:00Donc, elle a vécu tout ça, et elle a vraiment été incarnée,
16:04malgré elle, tous les rôles, c'est-à-dire la jeune ingénue,
16:07la jeune putain, la mauvaise mère.
16:10Vraiment, elle a incarné toutes ces espèces d'archétypes féminins
16:13de manière assez impressionnante.
16:15Et elle a quand même survécu, parce que c'est presque fou.
16:18En fait, elle l'a exploité depuis qu'elle a 8 ans.
16:21Moi, j'ai beaucoup réfléchi à ce qui serait advenu d'elle
16:23si ses parents n'avaient pas voulu en faire une star,
16:24parce que c'est ce qui s'est passé.
16:25– Parce qu'il y a souvent la volonté des parents.
16:27– Bien sûr, complètement.
16:28Je pense qu'elle aurait quand même été artiste,
16:30enfin, c'était une femme qui voulait chanter et danser,
16:31donc elle l'aurait quand même été.
16:33Mais elle a été exploitée par un système, depuis le début,
16:36qui, je dis, c'est peut-être un des corps de femmes
16:39qui a généré le plus de profits au monde, dans l'histoire mondiale.
16:42Il y a toute une économie qui tournait autour de son corps,
16:45qu'on a exploitée.
16:47Donc, pour moi, c'est vraiment une survivante,
16:48et je voulais lui rendre cet hommage-là.
16:50– Et vous rendez hommage aussi à une autre femme,
16:52qui, elle aussi, a subi cet enfermement-là,
16:55puisqu'elle s'appelle Nelly Arcan, qu'elle est québécoise, prostituée.
16:58Elle écrit, et elle va finir par se suicider.
17:02Et elle souffre beaucoup du fait qu'étant…
17:05Vous l'en parlez de son livre, on l'apprécie plus pour son physique.
17:09– Oui, c'est vrai.
17:10– Et c'est peut-être ce que vous avez ressenti, vous aussi,
17:12enfin, ce que peut-être une femme peut ressentir quand on écrit,
17:15quand on va parler de sa littérature.
17:19– Moi, à moindre échelle, parce que, justement, ma stratégie,
17:21je pense, ça a été, comme beaucoup de jeunes femmes aussi,
17:23c'était de m'éloigner le plus possible de la féminité,
17:26parce que je voulais exister en tant qu'artiste,
17:28et je voulais être prise au sérieux.
17:30Donc, j'ai essayé de bien faire en sorte qu'on ne puisse pas me prendre,
17:33même si c'est toujours arrivé, c'est-à-dire, on m'a quand même dit des choses,
17:35comme, ah, mais je n'imaginais pas que vous étiez blonde,
17:37voilà, c'est le genre de choses que des hommes sérieux m'ont dit,
17:39quand même, après avoir lu mes livres.
17:40– En ayant écrit des récits assez radicaux, bien sûr, il faut le dire.
17:45– Donc, voilà, ou, ah, je n'imaginais pas que c'était une frêle jeune femme,
17:47donc, toutes ces choses, voilà.
17:49Mais, effectivement, Nelly Arcan, qui expose très bien,
17:52qui est prisonnière, en fait, de l'aliénation de son corps,
17:55qui va faire de la chirurgie esthétique,
17:57mais, en fait, qui, en même temps, a conscience
17:58qu'elle est complètement aliénée et qu'elle en souffre.
18:01Donc, ce physique de bimbo, là, n'a jamais été pris au sérieux
18:05sur les plateaux télé, où, vraiment, elle s'acharne à dire
18:09qu'elle parle de sexe, mais qu'elle ne sexualise pas,
18:13qu'elle essaye d'en dire la violence.
18:14Et des hommes autour qui, vraiment, en sont à dire,
18:17oui, mais c'est quand même bandant.
18:18Enfin, je veux dire, on a dans une sorte de…
18:19vraiment, et c'est de ça qu'elle est morte, je pense,
18:21du fait qu'on n'a pas voulu entendre ce qu'elle avait à dire,
18:24parce qu'elle avait un corps de jeune femme, vraiment.
18:26– Est-ce que vous, vous avez ressenti ça en tant que femme,
18:29écrivain, professeure ?
18:31Est-ce qu'il y avait aussi, parfois, ce petit soupçon de…
18:35oui, mais on l'aime bien parce qu'elle est belle, ou…
18:39Enfin… Non, mais parce que votre physique a été…
18:44– Moi, j'ai un autre problème qui cache celui-ci avant.
18:47Donc, moi, j'ai…
18:50Déjà, une image publique suffit à soi-même,
18:54et ça phagocyte le reste, d'une certaine façon.
18:56Et donc, bien sûr qu'on ne m'a pas entendue,
18:59qu'on ne m'a pas écoutée, parce que j'ai représenté,
19:02d'abord, autre chose que ce que je pouvais être.
19:03Bien sûr que j'ai eu mon visage qui a été affiché
19:07dans toutes les rues de France,
19:09et que, tout à coup, j'avais plus le droit à une identité propre.
19:11Donc, j'entends tout à fait ce que vous écrivez.
19:14– Oui, c'est un peu les mêmes problématiques.
19:16– Bien sûr. Après, ce n'est pas du fait que j'étais une femme,
19:20enfin, une fille, ou… Voilà, mais…
19:22– Vous ne pensez pas, quand même, que vous avez été un fils caché ?
19:25– Je ne pensais pas que dans le traitement médiatique,
19:27et dans la certaine…
19:29– C'est tout à fait possible,
19:30mais je pense que ça n'aurait pas été plus simple.
19:32– Il y a quand même une vision, enfin, pour vous, Louise Chenevière,
19:35il y a une vision noire, bien sûr, dans ce livre,
19:39ces deux personnages que vous décrivez,
19:41mais aussi, globalement, des rapports hommes-femmes,
19:43ou, en tout cas, de la place de la femme jeune dans la société,
19:46on sent qu'il y a vraiment un pessimisme sur ces questions-là.
19:50– Moi, je ne dirais pas un pessimisme, je pense qu'il y a un réalisme.
19:53Enfin, je pense que je suis réaliste et que je suis en colère sur plein de choses,
19:56mais je veux dire, aujourd'hui, on m'écoute,
19:58enfin, je veux dire, c'est quand même, on est dans une situation,
20:00on est dans une époque qui fait que je suis une jeune femme de 30 ans,
20:03que je suis quand même entendue,
20:04même s'il y a des gens qui ne veulent encore pas m'entendre
20:06et qui, encore, ne me prennent pas au sérieux.
20:07Il y a encore une lutte, mais je veux dire, moi, je suis quand même…
20:11Non, au contraire, très optimiste, et justement, à l'inverse de tout,
20:15je pense beaucoup d'écrivains ou de penseurs qui nous rabâchent
20:18que, voilà, c'est la fin du monde.
20:20En fait, oui, c'est une époque très étrange,
20:22mais c'est aussi une époque dans laquelle beaucoup d'individualités,
20:25de subjectivités peuvent commencer à naître et à s'exprimer.
20:28– Qu'elles soient féminines ou masculines.
20:30– Bien sûr.
20:30Donc, moi, je suis en colère de voir qu'encore aujourd'hui,
20:33une femme comme Britney Spears peut se faire retirer toute sa liberté
20:37et qu'elle est mise aux mains d'un homme, son père, qu'elle détestait.
20:40Donc, c'est quand même, je veux dire, une réduction à l'enfance, voilà.
20:46Mais je pense que la lucidité n'empêche pas du tout, au contraire,
20:50une forme de joie et d'optimisme et de volonté aussi
20:54de continuer à dire les choses pour que ça change.
20:57– Alors, parce que, de toute façon,
20:59elle est sous-jacente à la question du féminisme, évidemment, dans ce livre.
21:02Vous, Mazarine Pajot, je crois, enfin, je ne l'ai pas retrouvée,
21:05la tribune, c'était en 2020, cette tribune intitulée
21:08« Les mortels ennuis », où, je ne me trompe pas,
21:12vous preniez position sur le nouveau féminisme.
21:15– Oui, je prenais position sur la question de l'art,
21:18sur la politisation et la moralisation de l'art.
21:21– Oui, alors vous disiez, ah oui, parce que vous disiez
21:23il y a trop de morale ou trop d'extrémisme.
21:26Comment vous avez réfléchi sur cette question-là ?
21:30– Moi, ce qui me pose problème, en général,
21:33c'est, que ce soit n'importe quelle forme de militantisme,
21:37mais en même temps, j'ai une position un peu particulière,
21:39parce qu'à la fois, je pense qu'il faut du militantisme extrême
21:41pour faire bouger les lignes, et en même temps...
21:43– Y compris, donc, sur cette question des rapports entre femmes.
21:45– Bien sûr, ça ne bouge pas, et en même temps,
21:47il faut aussi tenir une question plus politique,
21:50qui serait comment faire avancer les droits, etc.
21:54Mais bon, la tribune, elle n'était pas là-dessus,
21:55elle était sur la question de l'art et de la création, essentiellement.
21:57Sur comment, aujourd'hui, je vois même dans la création théâtrale,
22:03par exemple, il faut cocher les cases de l'écologie, du féminisme,
22:06pour avoir des subventions, et ça, moi, je trouve que c'est dangereux
22:09pour la création, voilà, mais c'est très spécifique
22:13à la question de la création, y compris littéraire,
22:16c'est-à-dire qu'on peut être un salaud et écrire de la bonne littérature,
22:20enfin, moi, c'est ce que je pense, mais après, on peut en discuter.
22:23– Moi, j'ai quand même l'impression qu'aujourd'hui,
22:26les salauds n'écrivent pas beaucoup de bonne littérature,
22:28il y en a dans le passé, en tout cas, aujourd'hui, bien sûr, il y en a eu,
22:31mais après, c'est sûr que, moi, c'était très compliqué au début,
22:35parce qu'on voulait toujours m'entrer dans la case féministe,
22:37je pense que, comme beaucoup de femmes artistes, je l'ai refusé,
22:39parce que je voulais d'abord être prise au sérieux en tant qu'artiste,
22:42c'est-à-dire que je voulais d'abord qu'on me considère,
22:44mais en même temps, je ne peux pas dire non plus,
22:46enfin, je suis bloquée, en fait, je ne peux pas dire,
22:47non, je ne suis pas féministe, parce que, de toute évidence, je le suis,
22:51en même temps, j'ai le sentiment de n'appartenir, aussi,
22:54à aucun courant particulier, et de ne pas me reconnaître,
22:57mais de toute façon, je ne fais pas de militantisme,
22:59je fais de la littérature, donc…
23:01En fait, c'est exactement ça,
23:02c'est comment distinguer la littérature du militantisme,
23:04mais quel qu'il soit, même si on est d'accord avec la cause qui est défendue,
23:07ce n'est pas le problème.
23:08Pour moi, le problème, c'est être artiste,
23:10ne pas être un féodé à une cause qui serait plus grande que celle-ci.
23:13Ou appartenir à une communauté, ou à quelle que soit leur cause communautaire.
23:15En tout cas, ce n'est pas un féodé son art à autre chose.
23:18Après, moi aussi, je me sens féministe, enfin, je veux dire, ce n'est pas…
23:21Mais votre vie l'a démontré, enfin, je veux dire, dès lors qu'on fait quelque chose.
23:25Bien sûr, et puis, je suis très profondément convaincue,
23:29mais bon, voilà, après, la question, c'est une question de curseur, quoi.
23:31À quel moment… Est-ce que nos engagements phagocytent notre création ou pas ?
23:35Enfin, c'est à soi-même, je pense, de trouver le juste…
23:39– Et même, et au-delà de ça, est-ce qu'aujourd'hui, sur ce féminisme-là,
23:42enfin, ça nous concerne, et puis, il y a eu, bien sûr,
23:45une libération de cette parole depuis quelques années,
23:47est-ce que ça n'a pas été assorti d'excès,
23:52ou de choses un peu injustes, ou sans nuances ? Voilà.
23:56– Alors, moi, sur la question des excès,
23:58étant donné qu'il y a tellement de femmes qui sont mortes…
24:01– Qui importe pour vous, c'est de toute façon…
24:04– Je veux dire, qui est des ratées, bon, ben, voilà,
24:06mais décider de mettre la lumière, comme le fait, par exemple,
24:08Caroline Fourest, sur les ratées, c'est vraiment aller contre, en fait…
24:13Oui, il y a des ratées, on est humains, évidemment,
24:14il peut y avoir des emportements, néanmoins, je veux dire,
24:17on est tellement loin d'être au bout.
24:19– Elle a beaucoup milité aussi contre les violences faites aux femmes.
24:24– Bien sûr, je veux dire, c'est…
24:25Dans tous les aspects de la vie humaine, il y a des ratées,
24:28il y a toujours des ratées, on ne peut pas discréditer une cause,
24:30parce que, voilà, il y a aussi tellement de belles choses qui arrivent,
24:34en fait, et qui font que, je veux dire, moi, autour de moi,
24:38voilà, on arrive à commencer à pouvoir vivre sa vie en tant qu'individu,
24:42mais le chemin est encore long, les jeunes femmes, aujourd'hui,
24:45enfin, moi, je trouve que, j'enseigne, à Paris 8,
24:48je donne des cours de création littéraire,
24:50j'ai des jeunes femmes qui arrivent dans mon cours,
24:52et quand je leur demande si elles ont lu des femmes pendant leur scolarité,
24:56elles peinent à me répondre,
24:58et je veux dire, alors que je suis quittée le lycée il y a longtemps,
25:01donc, les choses avancent, c'est merveilleux,
25:03mais voilà, moi, je trouve que…
25:05– Pourtant, il y a une littérature, pas du tout, je ne parle pas féminine,
25:07mais de femmes, exceptionnelle, chaque rentrée littéraire,
25:11nous avons des très magnifiques livres qui parlent des femmes.
25:14– Après, c'est des catégories très différentes,
25:16c'est-à-dire que je pense qu'on est toutes féministes ici,
25:19après, ça dépend de quelle forme de famille on veut.
25:21– Des générations, Mazarine, aussi, il y a quelque chose de générationnel,
25:25après, moi, je n'ai peut-être pas la même façon d'envisager,
25:28parce que j'ai mon âge, Louis, qui est beaucoup plus jeune,
25:32et Mazarine, vous êtes encore entre les deux,
25:34mais on n'a forcément pas tout à fait vécu de la même façon.
25:37– Bien sûr, mais après, on bouge, on est toujours stimulés aussi,
25:42moi, j'ai des étudiantes, beaucoup, qui ont toujours le même âge,
25:45parce que moi, je vieillis, mais elles ont toujours le même âge,
25:47parce que c'est de les mêmes années.
25:49Donc, c'est toujours hyper intéressant de discuter avec elles,
25:53avec eux aussi, parce que les garçons sont hyper impliqués aussi.
25:56– Bien sûr, oui, beaucoup.
25:58– Et donc, je trouve que c'est vraiment super intéressant,
26:02l'espèce de cheminement, comme ça, de la question féministe,
26:05après, sur la question des excès,
26:08bien sûr, toute révolution a des excès,
26:10mais par ailleurs, moi, je suis d'accord avec vous
26:15pour dire que forcément, il y en a,
26:18après, ce n'est pas une raison pour ne pas les critiquer.
26:20La difficulté, c'est toujours d'aller dans le mouvement,
26:25et il faut qu'il y ait, encore une fois, de la radicalité
26:29pour que les choses bougent, mais en même temps,
26:31la radicalité peut aussi être contre-productive à certains moments.
26:35– Il faut rester vigilant sur cette radicalité.
26:38– Moi, je ne me sens pas du tout radicale, par ailleurs,
26:40c'est ça aussi qui est étonnant,
26:42en fait, je vois tellement de femmes autour de moi
26:44qui ont souffert de févêtres de femmes,
26:46mais de femmes que j'aime, même sans parler de…
26:49donc voilà, ma colère, elle vient de là,
26:51des femmes que j'ai autour de moi aussi,
26:54et elle vient aussi du fait de voir que certains hommes
26:57peuvent demeurer indifférents à cette colère,
26:59même de femmes intimes, proches d'eux,
27:01c'est ça qui me met en colère.
27:02– Voilà, mais c'est pour ça que, pour le dialogue,
27:04parfois, la radicalité empêche ce dialogue,
27:05mais c'est ça la difficulté.
27:09– Il faut entendre aussi l'autre qui n'a pas le même âge que vous,
27:11qui n'a pas eu la même expérience de femme, etc.
27:13– Mais c'est pour ça que la littérature est importante pour moi,
27:16et c'est comme ça que je m'exprime,
27:17et non pas dans un discours militant,
27:18parce que la littérature me permet, en fait,
27:20aussi de parler de mon expérience,
27:21et je sais que ce livre-là, il y a beaucoup d'hommes
27:23qui l'ont lu, en fait, et qui me font des retours très beaux,
27:29et donc j'ai l'impression qu'un dialogue peut s'instaurer
27:31quand on parle comme ça, en fait.
27:33– Alors, merci d'être venue parler de littérature l'une et l'autre,
27:35évidemment, ça fait très plaisir,
27:36mais aussi de féminisme, et c'est bien normal.
27:39Le 11 quai Branly, ça c'est pour vous,
27:41Mazarine M. Pinjot, et pour Brittany, c'est Louise Chenvière.
27:45Merci beaucoup.
27:46Quelques petits coups de cœur, d'abord, mon reliquaire,
27:48ça c'est de Jérôme Prieur, publié aux éditions Fariaud.
27:52Alors Prieur, c'est l'auteur, avec Gérard Mordillat,
27:54de grandes séries documentaires sur l'histoire des religions.
27:57Bien sûr, on peut toujours offrir aussi à Noël l'Iliade,
28:01il y a une nouvelle traduction dans chez votre éditeur.
28:05– C'est nous. – P-O-L.
28:07Et puis, pour ma part, puisqu'on vient de rouvrir Notre-Dame,
28:13le livre de Sylvain Tesson qui adorait gravir les façades,
28:16puisqu'il est toiturophile et qu'il avait, à main nue,
28:20très souvent gravi Notre-Dame,
28:22et qu'il a regardé avec effroi, bien sûr, comme beaucoup de gens,
28:25s'effondrait la flèche de Notre-Dame en avril 2019.
28:30Voilà, merci beaucoup à tous de nous avoir suivis,
28:33merci à vous deux d'être venus, à très vite pour Bonheur des livres.
28:37– Sous-titrage Société Radio-Canada
28:42
28:55C'était Au bonheur des livres avec le Centre national du livre.

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