Après la censure du gouvernement de Michel Barnier et l'impossibilité de faire adopter le budget 2025, une loi spéciale va être votée dans les prochains jours afin d'assurer la continuité des services publics et de la vie du pays. Face à Benjamin Duhamel, Pierre Moscovici explique les enjeux et risques de cette loi spéciale.
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00:00Et aujourd'hui, nous avons une dette publique qui est à 112% du PIB, c'est 17% au-dessus de la moyenne de la zone euro.
00:07Nous avons des déficits à 6,1% et l'année 2024...
00:11Quels sont les risques pour les Français ? Parce que c'est des chiffres et je ne suis pas sûr que les Français comprennent ce que ça peut provoquer.
00:16Si ils comprennent bien, je pense qu'il y a deux chiffres qu'il faut donner.
00:18D'abord, la dérive 2024, on a voté le déficit à 128 milliards d'euros, ça s'exécute à 180.
00:23Et deuxième chose, c'est la charge de la dette, c'est-à-dire le remboursement annuel de la dette.
00:27Il était de 25 milliards d'euros en 2021, c'est le budget du logement. Il est de 53 milliards d'euros cette année, c'est le budget de la défense.
00:34Il sera de 70 milliards l'année prochaine, c'est le budget d'éducation nationale ou presque. Il sera à 100 en 2027.
00:42Et qu'est-ce que ça veut dire ? C'est-à-dire que la dette publique, c'est la dépense publique la plus stupide qui soit.
00:47Chaque euro qu'on consacre au remboursement de la dette, c'est un euro en moins pour justement l'éducation, la recherche, l'innovation, l'écologie.
00:54Et un pays qui est aussi endetté est un pays paralysé.
00:57Alors, il y a un problème de crédibilité à l'égard de nos partenaires.
00:59Et donc, qu'est-ce qu'on fait ?
01:01Alors, première chose, moi, je ne sais pas qui sera Premier ministre demain ou plus tard.
01:04La seule chose que je voudrais rappeler comme président de la Cour des comptes, c'est qu'il ne faut pas oublier cette question de la dette.
01:10Ça fait 40 ans que je suis dans la vie publique, comme haut fonctionnaire, comme homme politique.
01:14Il y a une chose que j'ai apprise, c'est qu'on ne peut pas faire de bonne politique publique sans bonne finance publique.
01:19C'est la condition sine qua non.
01:21Et je ne voudrais pas qu'on soit en train d'additionner des choux et des carottes et qu'on reste sur des niveaux de déficit incroyables.
01:28Deuxième chose, la loi spéciale qui va être votée, tant mieux.
01:31Oui, tous les groupes sont d'accord.
01:33Tant mieux, mais c'est la moindre des choses.
01:34On n'aura pas de shutdown.
01:36Les fonctionnaires seront payés.
01:37Les prestations sociales seront assurées et les dépenses seront votées.
01:40Mais ensuite, le vrai budget qu'on construira en janvier ?
01:45Alors, il peut arriver.
01:46Première chose, personne ne l'évoque, c'est qu'on vive pendant longtemps avec cette loi spéciale.
01:51L'Espagne n'a pas de budget, je n'y crois pas.
01:53Moi non plus.
01:54Mais ça veut dire qu'il faut faire voter un projet de loi de finances pour 2025 à partir de janvier.
02:00Et ça peut prendre un certain temps parce que soit on reprend le même et on le modifie, soit on le change complètement et le compteur repart.
02:07Plus on attend, plus ça se complique.
02:08Celui de Barnier a été censuré, donc ça ne peut pas être le même.
02:12Non, mais de toute façon, on pourrait, mais techniquement, ça ne poserait pas de problème.
02:18Il n'y a rien d'interdit, mais ce n'est pas ça qui se produira.
02:21Un nouveau Premier ministre avec un nouveau ministre des Finances et un nouveau ministre des Comptes publics,
02:27il va vouloir essayer de mettre sa marque, de démontrer un certain nombre de priorités,
02:32d'avoir l'air d'être justement plus vertueux que ses prédécesseurs.
02:37Et je lui souhaite beaucoup de courage.
02:39Moi aussi, mais néanmoins, c'est un courage nécessaire parce que, en France, qu'est-ce que nous risquons ?
02:44Vous posez la question.
02:45Oui, pour les Français, pour qu'ils comprennent bien.
02:47On risque d'abord d'avoir cette charge de la dette qui continue d'augmenter,
02:50les marges de manœuvre de l'État qui sont réduites à rien, donc les services publics qui finalement s'appauvrissent.
02:56On risque un enfoncement de notre économie doucement.
02:59Le ralentissement de la croissance, des investissements, de l'attractivité et l'anticipation,
03:05et les chefs d'entreprise et les consommateurs qui seront des anticipations négatives.
03:10On est dans une triple incertitude, une incertitude économique, une incertitude financière, une incertitude politique.
03:14Et ce que je dis, c'est que le nœud, il est politique.
03:17C'est la défiance à l'égard du politique qui fait que, effectivement, les investisseurs diffèrent les investissements,
03:22que les consommateurs épargnent alors qu'ils devraient consommer.
03:25C'est ce qui explique aussi qu'on ait cette formidable montée de la dette.
03:29Et moi, ce que je crains, c'est un pays qui, petit à petit, sort de l'écran.