La chronique économique d'Emmanuel Lechypre, éditorialiste BFM Business, du mercredi 11 décembre.
Category
🗞
NewsTranscription
00:00Emmanuel, on va parler d'un homme qui nous a à la fois amusé et effrayé en même temps, l'an dernier, quand il a été élu président en Argentine,
00:07Javier Milei. Alors ça fait un an qu'il est là, il avait promis de tailler à la tronçonneuse les dépenses publiques, ça donne quoi un an après ?
00:16Alors Javier Milei, c'est un économiste de formation au départ, on peut le qualifier d'ultra-libéral, effectivement, il prend les rênes du pays
00:25dans un contexte de récession forte et d'inflation galopante, et il promet effectivement de réduire drastiquement la taille de l'État. Alors vous savez
00:35ce qui est très excitant à observer, et notamment pour les économistes, c'est qu'en économie, il n'y a pas de laboratoire, c'est une science sociale.
00:41Et donc, quand on a la chance d'avoir quelqu'un qui s'engage aussi loin dans une voie, c'est intéressant de voir les effets que ça produit.
00:48Et là, on se rend compte que finalement, les effets de la politique de Milei, c'est exactement les effets attendus d'une politique libérale.
00:57Alors le premier effet, par exemple, et avec plutôt des effets positifs, vous allez voir, il y a trois effets positifs, deux effets négatifs.
01:06Premier effet positif, c'est d'abord une thérapie de choc au niveau de la politique monétaire pour ramener l'inflation. On n'est plus qu'à 3% par mois,
01:14alors pour nous, ça nous paraît beaucoup, mais on était quasiment à 20% par mois il y a un an. Donc ça, c'est plutôt positif.
01:21Le deuxième effet positif, c'est qu'il a quand même réussi le rétablissement des comptes publics. Alors il y est allé effectivement à la tronçonneuse,
01:28mais que l'Argentine n'est plus un pays qui a des déficits publics, alors qu'on avait 6% de déficit l'an dernier. Et puis il a redressé aussi la balance
01:37commerciale grâce à une dévaluation massive de sa monnaie, le PSO, et donc il a rendu l'Argentine à nouveau compétitive. Alors deux effets négatifs,
01:45mais ça, c'est l'effet traditionnel négatif des politiques libérales. D'abord, dans un premier temps, une récession cette année, et puis une augmentation massive
01:54de la pauvreté, puisque la pauvreté touchait presque 42% de la population il y a un an. Elle touche aujourd'hui 53%. 5 millions d'Argentins ont basculé
02:05dans la pauvreté en 6 mois en raison de la baisse des salaires et des prestations sociales. L'Argentine va mieux, les Argentins vont moins bien.
02:12Ils vont pouvoir rester combien de temps comme ça ? Alors c'est toute la différence qu'il y a et qu'il faut méditer en France entre les sacrifices et les efforts.
02:20Les efforts, c'est finalement... Les sacrifices, c'est des efforts qui ne payent pas. Là, on leur demande des efforts, mais pour que ça aille mieux demain.
02:28Et d'ores et déjà, toutes les prévisions montrent que l'Argentine va sortir rapidement de la récession, que la croissance sera très forte. En 2025, autour de 3%,
02:38on voit que du côté de l'activité industrielle, des ventes au détail, ça va mieux. Et puis, il y a un point, c'est qu'avec cette thérapie de choc qui montre
02:46une certaine rigueur dans la gestion des finances publiques, l'Argentine est soutenue par le FMI, et ça, c'est quand même très important.
02:53L'Argentine bénéficie d'un prêt massif de 44 milliards de dollars, et le FMI a dit, vous êtes un bon élève, et bien hop, on vous réduit vos conditions d'emprunt
03:02pour que vous ayez encore plus de marge demain d'avant.
03:05Est-ce qu'on pourrait, est-ce qu'on devrait s'inspirer de la méthode argentine ?
03:09Alors, l'Argentine, c'est pas la France. Il y avait un taux de pauvreté plus important, des politiques sociales déjà moins importantes, mais il y a quand même
03:16quelques leçons à tirer. L'Argentine souffrait un peu des mêmes maux que la France, c'est-à-dire manque de compétitivité, déficit public chronique.
03:24Ce que montre Milley, c'est que quand on a la volonté politique de s'attaquer au déficit public, eh bien, ça marche.
03:31Alors, il n'y est pas allé, il a réduit le nombre de ministères par deux, donc imaginez en France ce que ça donnerait.
03:36C'est quand même assez violent. Il a supprimé tout un tas de fonds où on se dit, qu'est-ce que l'État a à faire là-dedans ?
03:43Il a supprimé, par exemple, toutes les aides au cinéma. Bon, chez nous, c'est pas que ça représente beaucoup d'argent, mais on se dit, pourquoi l'État aide autant le cinéma ?
03:51Et on se dit que si on faisait ne serait-ce que la moitié du chemin en matière de réduction des déficits publics, ce serait très bien.
03:58Et puis, l'autre point qu'il faut retenir, c'est que quand on prend des mesures aussi difficiles, vous avez vu l'évolution du taux de pauvreté, eh bien, il reste populaire, Milley.
04:07Ça, c'est surprenant.
04:08Eh oui, parce qu'encore une fois, c'est la différence entre les efforts et les sacrifices. Le budget Barnier, c'est des sacrifices, parce que dans un an, on en sera au même point.
04:15Quand on vous dit, il faut faire des efforts parce que demain, ça ira mieux, eh bien, les gens ne le prennent pas de la même façon.
04:20Donc ça, c'est une leçon à méditer aussi. Les Français peuvent accepter des efforts, pas des sacrifices.
04:25Merci Emmanuel.