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00:00Europe 1. Pascal Prohev, de 11h à 13h, sur Europe 1 Pascal.
00:04Il est 12h19, les personnalités doivent-elles parler publiquement de leur maladie ?
00:08C'est une bonne chose en quelque sorte de banaliser le cancer.
00:11Vous avez entendu hier dans l'émission l'animateur Pascal Bataille,
00:14il a révélé d'être atteint d'un cancer du poumon depuis 2-3 mois.
00:18Je suis sûr que je vais gagner ce combat, dit-il.
00:20J'ai un moral du tonnerre, j'y crois dur comme fer.
00:22Je vous propose d'écouter Pascal Bataille, c'était hier.
00:27Quand on anime, il n'y a qu'la vérité qui compte.
00:28C'est difficile de ne pas être celui qui, le premier,
00:31donne l'exemple de la vérité, de la transparence.
00:34Ce n'est pas une maladie honteuse.
00:36C'est une maladie qui touche, hélas, beaucoup, beaucoup de gens.
00:38Le cancer, aujourd'hui, il y a des cancers plus ou moins graves.
00:41Et j'ai envie d'en parler parce que je pense qu'il faut porter un message d'optimisme,
00:47de positivité par rapport à des gens qui traversent cette maladie
00:51dans des conditions beaucoup plus difficiles que moi.
00:53Moi, j'ai la chance d'être très entouré, d'avoir un moral du tonnerre,
00:58de supporter bien le traitement.
00:59Vous avez l'air d'aller bien. Comment ça va, d'ailleurs ?
01:00Très bien. Moi, ça ne me fait pas peur, étrangement.
01:03Et ça fait peur aux gens.
01:04Je suis obligé, parfois, de rassurer les gens à qui je le dis,
01:07en disant, mais t'inquiète, ça va aller.
01:08Moi, j'en suis sûr que ça va aller.
01:09Mais oui, ça fait peur, d'abord, parce qu'il y a des formes de cancer
01:12encore très agressives et, malheureusement, avec un pronostic dramatique.
01:16Mais oui, ça fait peur et ça fait peur.
01:19Par exemple, j'ai eu des pressions dans mon entourage,
01:22y compris professionnels, en disant, t'es sûr, ça ne va pas te nuire,
01:25ça ne va pas nous nuire, etc.
01:27Et puis, Guillaume Durand, qui également avait été très balade
01:31et il avait raconté sur France 5 son parcours.
01:33Je suis tombé très malade alors que je n'avais aucun signe,
01:36aucune addiction, rien.
01:38J'ai eu le cancer de la mâchoire,
01:40je n'avais jamais fumé,
01:42pas de drogue, sauf des pétards à l'époque de l'exipline,
01:44et je ne bois pas.
01:45Donc, vous pensez que c'est à cause du métier, en fait ?
01:46Oui, parce que forcément, 5h du matin,
01:48pendant un an, deux ans, trois ans, quinze ans, vingt-cinq ans,
01:51il y a un moment où le corps futile, sportif et magnifique en caisse.
01:55Et donc, voilà, on se réveille un matin, on ne sait pas pourquoi,
01:58de toute façon, on n'a qu'une seule vie, il faut en profiter.
02:00Non, non, je ne regrette pas du tout.
02:02C'est intéressant ce que dit Guillaume Durand,
02:04et je vais interroger le professeur Kayat, que vous connaissez.
02:07Bonjour, M. Kayat.
02:09Bonjour, M. Pront.
02:10Et merci d'être avec nous, vous êtes oncologue,
02:11et puis, vous connaissez à chaque fois, je le rappelle,
02:14mais vous avez commencé dans les années 70, finalement.
02:17Vous avez pris quasiment 50 ans de recul sur le cancer.
02:2050 ans de recul.
02:21Quand Guillaume dit « je suis tombé à cause de mon métier », est-ce qu'il a raison ?
02:27On ne peut pas trancher.
02:29Toutes les études sont un petit peu contradictoires sur le lien entre le stress et le cancer.
02:34Certains cancérologues y croient, dont moi.
02:37Il existe un certain nombre d'expériences chez l'animal
02:41qui semblent montrer que quand on provoque des stress
02:43sur lequel l'individu sent qu'il ne peut pas s'en sortir, si vous voulez,
02:47que ce stress est trop fort, qu'il est sans fin, qu'on n'a plus les moyens de le supporter,
02:52là, ce stress-là, pas n'importe quel stress,
02:55ce stress-là peut augmenter le risque de cancer, d'après un certain nombre d'expériences.
02:59Par contre, le travail nocturne, donc ça se rapproche un peu de ce 5h du matin,
03:04est considéré par l'OMS, l'Organisation Mondiale de la Santé,
03:08comme un facteur de risque du cancer.
03:10C'est connu, ça, le dérèglement des hormones
03:12qui suivent un rythme circadien, c'est-à-dire la nuit, le jour.
03:15On n'a pas les mêmes taux de cortisol dans le sang, etc.
03:18Cette inversion du rythme chez des gens qui travaillent la nuit,
03:21ça augmente un petit peu leur risque de cancer.
03:23Donc, en partie, oui, mais sans une certitude totale,
03:27et il y a aussi la faute à pas de chance.
03:29Il n'y a pas que le travail à 5h du matin.
03:31Et donc, ça peut être parfois aussi génétique.
03:33Et pour Pascal Bataille, le cancer du poumon,
03:35est-ce que le cancer du poumon est toujours,
03:37ou dans une grande majorité, le cancer du fumeur ?
03:41Alors, il y a plusieurs types de cancers du poumon.
03:44Il y en a un qu'on appelle la petite cellule.
03:47C'est un peu bizarre, mais quand on regarde les cellules au microscope,
03:49elles sont toutes petites.
03:50Ce cancer-là ne vient que chez les fumeurs.
03:52Ensuite, vous avez les autres cancers du poumon.
03:54Il y en a d'autres, plusieurs,
03:56qui viennent plus chez le fumeur que chez le non-fumeur.
04:00Mais ils existent aussi chez le non-fumeur,
04:03et notamment chez les femmes non-fumeuses.
04:08J'entends ce que vous dites.
04:10La part, évidemment, du moral à la fois lorsqu'on a le cancer
04:14et lorsqu'on contracte le cancer,
04:19donc est-ce que le stress, vous en parliez,
04:21mais une fois que la maladie est déclarée,
04:24la part du moral pour s'en sortir,
04:27là aussi j'imagine que c'est extrêmement difficile à examiner, à évaluer.
04:33Elle est totalement fondamentale à mon avis,
04:35bien qu'elle soit effectivement difficile à évaluer,
04:37mais si vous voulez, si la médecine aujourd'hui
04:39encore plus aujourd'hui peut vous donner une chance de guérir,
04:42parce qu'il y a des nouveaux traitements, notamment dans le cancer du poumon,
04:45cette chance, vous ne pouvez la prendre et en bénéficier
04:49que si vous avez la force de caractère,
04:51le moral suffisant pour vous engager dans ce combat
04:54qui est un combat pour la vie,
04:56c'est le combat le plus important qui soit,
04:59puisque si vous ne vous battez pas, vous allez mourir.
05:02C'est vrai que les épreuves,
05:04même si les traitements sont plus faciles à supporter aujourd'hui
05:06qu'ils me l'étaient quand j'ai commencé,
05:08ça reste quand même une épreuve,
05:10ça reste une épreuve dans la longueur, dans la distance,
05:12ce n'est pas une course de 100 mètres,
05:14c'est plutôt un marathon,
05:16et les gens peuvent sentir des moments de relâchement,
05:19de désespoir, de ne plus y croire,
05:21et c'est dommage.
05:23Donc le rôle du cancérologue, le rôle de l'entourage,
05:25c'est fondamental, et de ce point de vue,
05:27le fait que des personnalités comme Guillaume Durand ou M. Bataille
05:31s'expriment et parlent de leur cancer,
05:33ou comme Florent Panique, il l'a fait aussi,
05:35c'est très important parce que ça enlève
05:37ces stigmates qui sont associés en France
05:39et dans les pays latins,
05:41uniquement, pas dans les pays anglo-saxons,
05:43les stigmates qui sont associés à cette maladie
05:45qui n'arrive pas à être considéré comme une maladie
05:47comme les autres, comme une maladie cardiaque
05:49ou je ne sais quoi,
05:51ça reste toujours associé à des stigmates
05:53de noirceur, de fatalisme,
05:55vous avez vu ce qu'a dit Bataille
05:57à propos des gens autour de lui,
05:59donc je pense que ce sont,
06:01puisque vous m'avez posé la question,
06:03c'est important, c'est très très important,
06:05ça participe à la banalisation
06:07de cette maladie, qui est la meilleure
06:09chose qui puisse arriver pour tous ceux qui se battent
06:11et Dieu sait qu'ils sont nombreux,
06:13le cancer c'est pratiquement un demi-million
06:15de familles touchées chaque année en France.
06:17Alors est-ce qu'il faut le dire ou pas,
06:19c'est toujours la même chose, parce qu'après on va te regarder
06:21qu'à travers le prisme du cancer, notamment
06:23dans l'univers professionnel, moi j'ai l'impression
06:25que les personnalités qui parlent de leur cancer,
06:27j'ai l'impression que ça les aide
06:29aussi pour eux,
06:31parce qu'ils reçoivent peut-être des témoignages d'affection
06:33et qu'ils ont l'impression
06:35d'être moins seuls avec cette maladie,
06:37est-ce que c'est vrai ?
06:39Vous avez 100% raison, et c'est très important pour eux aussi
06:41parce qu'à partir du moment où ils se sont engagés
06:43dans cette mise en lumière
06:45de ce qui leur arrive,
06:47ils ne peuvent plus renoncer, ils ne peuvent plus reculer,
06:49donc c'est une façon de, quelque part,
06:51dire, voilà, je vais me battre,
06:53puisque je vous ai dit que je vais me battre, vous allez voir,
06:55je vais me battre, et je pense que,
06:57comme on l'a dit tout à l'heure, comme le moral,
06:59c'est de se battre, c'est très important,
07:01je pense que ça contribue à les rendre plus forts.
07:03Dernière question, est-ce que vous pensez que dans 50 ans,
07:0550 ans, je n'ai pas dit 100 ans,
07:0750 ans, tous les cancers seront vaincus ?
07:11Je pense que
07:13une grande partie d'entre eux,
07:15si ce n'est la totalité, la totalité, j'y crois pas,
07:17parce que c'est d'une telle complexité,
07:19cette maladie, ça touche au phénomène
07:21qui détermine la vie, c'est-à-dire que
07:23ce qui fait qu'un bébé va naître dans le ventre d'une femme,
07:25c'est exactement la même chose qui fait
07:27le cancer un jour, et la puissance de la vie
07:29est fantastique, regardez ce que l'homme
07:31avec sa vie a réussi à faire dans le monde,
07:33et bien, cette même force, elle est là
07:35au travail dans le cancer, donc on est face
07:37à l'ennemi le plus puissant qui n'a jamais
07:39été opposé à l'humanité, mais
07:41la science, l'effort de tous,
07:43le fait que ce soit une maladie
07:45qui ne soit pas qu'une maladie, mais aussi un enjeu
07:47politique, c'est pour ça que Chirac avait
07:49fait le plan cancer, fait que finalement,
07:51on relève le défi, et moi, je suis
07:53quand même très optimiste, je ne le verrai pas,
07:55mais un jour, ça arrivera.
07:57Qui sait ? Merci en tout cas,
07:59David Cayat, c'est toujours un plaisir d'être avec vous,
08:01parce que vous êtes
08:03d'abord un grand spécialiste,
08:05mais également un formidable
08:07pédagogue pour nous,
08:09et on arrive à bien
08:11saisir les enjeux, et bien
08:13comprendre parfois cette maladie.
08:15Il est 12h27, on va marquer une pause,
08:17on va recevoir Henri d'Anselme,
08:19le héros du sac à dos
08:21sur le chemin des cathédrales,
08:23et comme chacun sait, il est venu,
08:25le temps des cathédrales !
08:27À tout de suite !