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Mardi 10 décembre 2024, SMART TECH reçoit Jean Cattan (Secrétaire général, Conseil National du Numérique)

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00:00Jean Catan, secrétaire général du Conseil National du Numérique, est mon grand invité aujourd'hui. Bonjour Jean.
00:10Bonjour.
00:11Alors on va peut-être préciser, le Conseil National du Numérique, c'est une instance consultative.
00:16Indépendante.
00:17Indépendante, mais quand même dont les membres sont désignés par le Premier Ministre.
00:20Exactement.
00:21Et aussi avec l'intégration de quelques parlementaires désignés par l'Assemblée Nationale et le Sénat.
00:27Votre mission de manière générale, c'est d'éclairer sur ces débats, ces grands enjeux autour du numérique et de l'IA aujourd'hui ?
00:34Oui, d'assurer la circulation des idées dans la population, en relation avec les autorités publiques, avec les entités privées,
00:40le monde associatif qui est très dynamique sur ces questions-là en France.
00:43Et il nous faut absolument valoriser toute cette richesse et assurer donc la circulation de tout ce qui se pense, de tout ce qui se dit, de tout ce qui se fait au sein du pays.
00:51Faire circuler les idées, d'accord, auprès des citoyens, mais c'est quand même aussi déclarer les décisions de politiques publiques.
00:57Oui.
00:58Comment vous faites là, en ce moment ? Motion de censure, qu'est-ce qui se passe ?
01:01En ce moment, on remet toujours sur le métier notre ouvrage, évidemment, puisqu'on est là dans un rôle d'accompagnement de l'entièreté du pays, finalement.
01:09Et à notre place, on sait très bien quelle est notre place, il y a beaucoup d'autres acteurs qui ont un rôle dans la société et qui sont à écouter aussi.
01:18Et notre rôle est de participer à ce mouvement collectif.
01:22Maintenant, les ressorts d'action sont très nombreux.
01:25C'est-à-dire qu'on peut parler à une autorité publique et se focaliser dessus.
01:29On peut aussi parler à des entités privées, nouer un dialogue avec elles, essayer de faire comprendre, par exemple, à certains réseaux sociaux,
01:36qu'un réseau social n'a pas forcément à ressembler à ça, mais qu'il peut ressembler aussi à d'autres choses.
01:42Peut-être qu'on reviendra sur ces questions-là.
01:44Oui, on va en parler.
01:45Et aussi permettre aux citoyens de se doter d'une capacité à agir.
01:50Et on croit beaucoup en cela, en notre capacité collective aussi à agir.
01:55Alors, moi j'ai lu sur le site du CNUM, c'est le petit nom pour le Conseil National du Numérique,
02:00pour mener à bien ses missions, le Conseil s'appuie sur son secrétariat général.
02:03Donc vous avez vraiment un rôle clé.
02:05Vous allez pouvoir m'expliquer certaines choses.
02:07Aujourd'hui, le CNUM est sous la tutelle du secrétariat d'État au numérique et à l'intelligence artificielle.
02:12Pour autant, vous êtes toujours du côté de Bercy, installé à Bercy.
02:16Comment ça s'articule aujourd'hui ?
02:18Ces sujets du numérique sont tellement transverses, multiples.
02:21Comment est-ce que vous jonglez entre vos différentes tutelles ?
02:26Avec qui vous travaillez ?
02:28Avec tout le monde, et c'est justement ça l'intérêt finalement.
02:31C'est-à-dire que traditionnellement, en effet, tout ce que vous évoquez là est cité dans un décret.
02:36Donc qui est un décret de 2017, et qui instaure ce positionnement du Conseil.
02:41Et en réalité, si on se dote un petit peu de cette souplesse,
02:45c'est très avantageux de pouvoir arpenter ce réseau du numérique dans l'État.
02:50D'être à la fois en relation avec les personnes qui vont penser les politiques de la régulation,
02:55avec le monde de la recherche, avec le monde de la santé, avec le monde de l'éducation.
02:59Avec l'industrie aussi ?
03:01Tout à fait. Notre emplacement même dans nos bureaux, vraiment physiquement étant à Bercy,
03:05il est assez simple finalement pour nous d'être en lien avec ce monde-là.
03:10Et donc ça ne veut pas dire que l'on peut mettre nos forces absolument partout.
03:13Mais cela veut dire que l'on peut faire vivre cette richesse qui circule aussi au sein de l'État.
03:19Quelle influence aujourd'hui elle s'énume justement au sein du gouvernement ?
03:23Parce que vous avez publié une lettre,
03:25« Musk n'est pas notre projet ».
03:27C'est une sorte d'incitation à faire autrement.
03:32Cette lettre est arrivée à peu près en même temps que le Président de la République
03:37a invité justement Donald Trump et Elon Musk à venir se joindre à cette grande réunion
03:42qui va être le sommet d'action pour l'IA à Paris en février 2025.
03:46Comment est-ce que vous estimez votre rôle de conseil,
03:49mais aussi votre influence au sein du gouvernement des décideurs publics ?
03:53L'influence sur les décideurs publics, nous on est dans une position qui est très modeste,
03:58qui est très humble et on n'a pas nécessairement cette prétention aujourd'hui
04:02d'être un organe d'influence qui va dire
04:04« oui la décision publique elle est influencée à 75% par nous ».
04:07Ça n'a pas tellement de sens.
04:09On s'inscrit beaucoup plus sur la structure du débat finalement
04:12et la capacité à tout un chacun de s'y retrouver.
04:16Et ça c'est très important pour nous.
04:18Quand on écrit que Musk n'est pas notre projet,
04:20c'est pour mettre en avant tous les autres modèles qui sont possiblement déployables
04:24en réalité en Europe et en France.
04:26Et là-dessus, notre rôle finalement, il est beaucoup plus de mettre en valeur l'existant,
04:31les initiatives par exemple de la direction interministérielle sur le numérique,
04:35les initiatives de la délégation numérique dans l'éducation par exemple
04:39qui font des choses absolument formidables
04:41et qu'on a besoin de connaître en tant que citoyen pour se rendre compte de notre capacité à agir.
04:46Donc nous on est beaucoup plus dans ce rôle d'intermédiation finalement
04:50entre des actions et la population
04:53et de se dire « non en réalité demain quand on aura un choix politique à faire en matière de numérique,
04:57sachons cela, sachons que nous sommes capables de déployer des solutions alternatives
05:02fondées sur d'autres modèles par exemple que l'économie de l'attention.
05:05Alors c'est quoi notre projet aujourd'hui ?
05:07Je pense qu'il y a un projet pour l'État qui est un magnifique projet
05:11et en réalité qui s'inscrit dans la continuité de beaucoup d'actions entreprises ces dix dernières années.
05:16C'est l'idée de construire, ça je pense que c'est absolument fondamental.
05:21Inscrire l'État comme bâtisseur, bâtisseur d'un marché déjà,
05:25parce qu'il faut le reconnaître finalement et on est lié à cette dépendance au chemin finalement.
05:30Construire un marché ça veut dire reconnaître la capacité de l'État à dire finalement
05:34qu'une entreprise ne peut pas faire certaines choses,
05:37qu'une entreprise doit s'ouvrir à d'autres entités tierces.
05:40On peut revenir sur les détails si vous le souhaitez
05:42et cela s'applique particulièrement en matière de réseaux sociaux.
05:45Cela veut dire aussi construire des solutions alternatives.
05:48Je vais le citer par exemple, si vous allez sur le site de Tchap,
05:52qui est la messagerie sécurisée qu'emploient les agents publics
05:55et sur laquelle nous pouvons désormais inviter des extérieurs.
05:58Open source.
05:59Et vous voyez, toutes ces briques logicielles déployées par l'État en réalité sont ouvertes.
06:03Ça c'est fondamental.
06:04Et de se dire qu'on a cette capacité de déployer une messagerie qui marche franchement très très bien
06:09pour deux millions d'euros, ça fait réfléchir d'une certaine manière.
06:12Elle marche bien mais enfin tout le monde ne l'utilise pas,
06:14tous les parlementaires ne l'utilisent pas, tous les agents publics ne l'utilisent pas.
06:18C'est comme la démocratie finalement.
06:19Les déploiements techniques, c'est un combat de tous les jours.
06:21Si on se dit, il va y avoir un moment comme ça qui va être un grand soir et il y a un moment de bascule
06:26et s'il n'y a pas ce moment de bascule, alors à ce moment-là, il n'y a rien qui vaille.
06:29Non, je pense qu'on ne peut raisonnablement pas penser comme ça.
06:32C'est normal qu'il y ait aussi une forme de concurrence d'initiative.
06:35C'est-à-dire quand on accepte l'idée qu'il y a un marché, par exemple le service numérique.
06:39On peut aussi accepter l'idée que l'État fasse l'effort de déployer d'autres choses aussi
06:45et entre finalement en concurrence avec d'autres solutions.
06:48Ça, je pense qu'il faut tout à fait l'accepter.
06:50Et ça vaut par exemple aussi en matière de réseaux sociaux.
06:52L'éducation nationale héberge des instances qui relèvent de ce que l'on appelle le fait divers
06:58pour les réseaux sociaux que sont, par exemple, Mastodon ou Peertube pour l'hébergement de vidéos.
07:03Et nous, au Conseil National du Numérique, on est très fièrement hébergés sur ces instances-là
07:07et nos vidéos sont sur ces instances, par exemple.
07:10Il y a la question de l'autonomie qui revient.
07:12On peut l'appeler souveraineté, maîtrise technologique, je ne sais pas,
07:15mais on va dire une autonomie politique dans ce monde du numérique.
07:19Et on l'a évoqué, l'open source, la science ouverte, les communs numériques,
07:24semblent être une voie.
07:26Quelle est votre opinion là-dessus ?
07:27Tout à fait.
07:28Et je pense qu'il faut absolument se sentir en capacité de construire un environnement numérique autonome.
07:36Et ça ne veut pas dire jouer la course du gigantisme.
07:39Ça ne veut pas dire singer les big tech.
07:41Je dirais presque au contraire.
07:43Le projet européen, c'est un projet de réseau, de mise en partage, de solidarité, d'ouverture.
07:48Si on oublie cet ADN et qu'on essaie de singer autre chose, alors on risque d'aller dans le mur.
07:55Je ne veux pas...
07:56Et comment le soutient aujourd'hui cet écosystème européen alternatif ?
08:00Alors, en contribuant déjà.
08:02Je pense qu'on a montré depuis l'État qu'on avait une capacité à contribuer à cet environnement-là,
08:07en nouant des liens, en valorisant les acteurs justement du logiciel libre, du logiciel open source,
08:13en tissant finalement des liens de communauté et en agissant ensemble.
08:17Je pense que cette logique de fédération, elle est très importante.
08:21Et finalement, on retrouve vraiment les racines du projet politique européen quelque part.
08:25L'arrivée d'OpenAI à Paris pour vous, c'est un signe positif ou un problème ?
08:30C'est toujours une occasion d'avoir un dialogue.
08:33Donc ça, c'est très important.
08:34C'est une occasion aussi de les avoir à portée de main et c'est une occasion de matérialiser un interlocuteur.
08:38Ça, c'est très important.
08:39Il y a beaucoup de pays dans le monde où les plateformes sont comme des fantômes.
08:43C'est des termes qui m'ont été employés par certains interlocuteurs.
08:46Et je pense qu'on doit se saisir, on a cette responsabilité de se saisir de leur implantation dans nos États
08:52pour avoir un dialogue renforcé avec elles.
08:54Et aussi, c'est l'occasion de dire quelque chose quand même.
08:56C'est-à-dire qu'on sait très bien, depuis des décennies, en matière de politique de concurrence,
09:01en matière de politique de numérique ou quoi, aller par exemple faire des perquisitions chez des gens.
09:05Quand ils ne nous donnent pas les informations que l'on demande, par exemple.
09:08On sait très bien faire ces choses-là.
09:09En droit de la concurrence, ça s'appelle des down rates.
09:11Des sorties un peu à l'aube, comme ça, de la journée.
09:14On va saisir des serveurs.
09:16On sait faire toutes ces choses-là.
09:17Il faut se rendre compte un petit peu de notre capacité à agir sur ces entreprises.
09:20C'est pas parce que c'est les plus grandes entreprises du monde qu'on est dépossédé de tout moyen d'action.
09:24Alors, vous êtes aussi chargé d'enseignement en régulation à Sciences Po Paris et pour Théon Assas.
09:29Est-ce que l'Union Européenne régule trop ?
09:31Alors, il y a régulation et régulation, comme d'habitude.
09:35Ou règlement trop, je devrais dire, pour parler correctement du sujet.
09:39Ces dernières années, et je crois que vous évoquiez précédemment tout ce paquet de législation qui a été adopté ces cinq dernières années,
09:46a suivi une approche de régulation par les risques.
09:48C'est-à-dire que l'on identifie les risques et finalement on va imposer des règles aux entreprises pour se prémunir de ces risques-là.
09:54Cette logique, elle peut être nécessaire un temps, disons.
09:57Mais ce n'est pas une logique de construction d'un marché.
09:59Or, la régulation, avant tout comme on l'a connu par exemple dans le secteur des télécoms,
10:03permet de construire un marché et permet finalement d'exprimer l'intérêt général sur un marché
10:10où des entreprises vont exercer et prester leurs services ou fournir leurs biens.
10:14Ça, c'est absolument important d'un point de vue même démocratique de bien comprendre qu'on a cette capacité de construire.
10:22On n'a pas à laisser aux entreprises le service.
10:26On n'a pas à leur laisser les pions blancs sur les chiquets.
10:29On peut tout à fait donner nos conditions à l'exercice d'une activité de nature concurrentielle même.
10:36Cette philosophie qui a parfois été peut-être un petit peu mal comprise,
10:40qui est l'ordolibéralisme, consiste à dire que c'est avant tout l'État qui construit le marché.
10:45Et ça ne veut pas dire qu'on construit le marché pour laisser les entreprises faire ce qu'elles veulent.
10:49Pas du tout.
10:50Ça veut dire qu'on peut leur imposer des obligations de services publics.
10:52Ça veut dire qu'on peut leur imposer des principes d'ouverture à d'autres entreprises.
10:56On a fait le dégroupage.
10:57Vous vous rendez compte de ce que c'est le dégroupage ?
10:59Le dégroupage, c'est dire à une entreprise, en réalité, alors tu es propriétaire de ton réseau,
11:03mais je vais t'obliger à donner accès à ce réseau à des tiers qui vont te concurrencer et qui vont te prendre tes clients.
11:10Associer libéralisme et droit absolu de propriété ne fonctionne pas.
11:15Le libéralisme exige l'intervention de l'État sur le marché.
11:19Alors justement, parce qu'on a un nouveau rapport qui sort de l'OPEX,
11:25donc l'office qui évalue les choix scientifiques et technologiques,
11:29dans lequel on retrouve des parlementaires du côté de l'Assemblée nationale et du Sénat.
11:33On a trois rapporteurs sénateurs qui ont finalement analysé, décortiqué cette stratégie nationale française sur l'IA,
11:43fait des recommandations, comparé aussi à ce qui se faisait par ailleurs à l'étranger.
11:48Alors je voulais réagir sur ce que vous disiez, sur le fait qu'en fait, aujourd'hui, on a une approche par les risques.
11:55Et c'est un peu ce que je retiens des nombreuses propositions et de l'analyse de ce rapport,
12:00c'est qu'il faut passer à autre chose, ça ne suffit pas. Aujourd'hui, il faut construire.
12:04Exactement. Construire, je pense que ça doit être le mot d'ordre, finalement, de notre action en matière de numérique.
12:10Tout à fait. Et est-ce que ce sera le mot d'ordre de ce sommet d'action pour l'IA ?
12:13Alors, je pense qu'en ajoutant le terme d'action, il y a bien cette idée d'aller de l'avant et d'être vraiment proactif dans un secteur
12:20où on a peut-être laissé trop de champ, finalement, à des acteurs qui n'étaient pas garants de l'intérêt général.
12:26Donc ça, je pense que c'est une dynamique positive qu'il faut encourager et accompagner.
12:30Et surtout qu'il doit être un appel à la mobilisation collective, voire, je dirais même, à la mobilisation populaire sur ces sujets.
12:36D'accord ? Il ne s'agit pas de dire à la population, vous devez faire de l'IA, etc.
12:40Non, par contre, je pense que s'assurer qu'on est en capacité d'échanger, d'avoir un dialogue démocratique sur ces sujets est de première importance.
12:48Et ça, c'est finalement la première des mises en action que l'on promeut au Conseil national du numérique.
12:52Et puis, impliquer les politiques aussi, parce que ce que fait remarquer ce rapport, c'est que le Parlement, aujourd'hui,
12:58ni Assemblée nationale ni Sénat, n'est impliqué dans l'organisation de ce sommet.
13:01Oui. Alors, ça, c'est des choses qui sont de l'ordre de la cuisine du sommet.
13:05Donc, ça, c'est vrai que ce n'est pas quelque chose sur lequel j'agis directement, très loin de là.
13:09De quelle manière vous êtes impliqué, vous ?
13:11Alors, nous, on est impliqué par des échanges réguliers entre instances publiques sur les différentes, qu'on appelle, verticales du sommet.
13:17C'est-à-dire, il y a plusieurs dimensions à ce sommet, intérêt général, évolution du travail, innovation, sécurité, etc.
13:24Il y a une filière, par exemple, sur l'environnement qui a été ouverte,
13:27où, donc, il y a tout un champ d'action, où les autorités publiques sont particulièrement mobilisées sur ce champ.
13:32Et il faut le rappeler, encore une fois, je veux dire, la France, justement, à l'initiative de certains parlementaires,
13:36de certains sénateurs, comme Patrick Chez, par exemple, qui est également membre du Conseil national du numérique,
13:41ont permis, finalement, de par leur action, de par leur proactivité, finalement, de placer la France au premier rang des acteurs sur le champ du numérique et de l'environnement.
13:51Alors, on peut toujours dire que ce n'est pas assez, et que c'est très insuffisant.
13:55Ça, c'est tout à fait possible de le dire. Par contre, croire qu'on est dépossédé de moyens d'action, ça, ce serait faux.
14:01Alors, il y a aussi les thèmes qui sont choisis pour ce sommet d'action pour l'IA.
14:05Et là, à ce coup, on s'aperçoit qu'évidemment, il n'y a pas l'éducation. C'est incroyable.
14:11Alors, c'est un sommet international, donc, qui a vocation à réunir des grands dirigeants.
14:16Et il est tout à fait possible de mettre sur la table de ces discussions-là entre dirigeants l'outillage, par exemple, éducatif.
14:23Mais je dirais plus qu'éducatif, finalement, c'est le partage de connaissances vers et dans l'ensemble de la population.
14:29C'est la contribution qu'on entend faire avec le Conseil national du numérique.
14:33Vous savez que nous a été confié, donc, la structuration d'un mouvement, d'une démarche qui s'appelle Café-IA,
14:39qui vise justement à rassembler des citoyens dans des moments d'échange de taille micro, vraiment.
14:44L'idée, c'est de ne pas être beaucoup pour que tout le monde ait la capacité de parler et non seulement d'écouter,
14:50mais bien de s'exprimer, d'exprimer ses émotions, d'exprimer ses incompréhensions, d'exprimer son enthousiasme, ses craintes, ses envies, etc.
14:57Et finalement, on ressort de ces temps d'échange avec une capacité à agir.
15:01Si on est en entreprise, c'est la capacité, finalement, peut-être, à formuler nos conditions d'utilisation.
15:06Un moratoire, pourquoi pas ? Il y a certaines collectivités territoriales qui peuvent décider de ne pas adopter du tout de solutions de cet ordre-là.
15:13Ce n'est pas à nous de décider. La démocratie, elle doit se construire en proximité.
15:17Ces CAFEIA, ils vont faire partie du dispositif ? Ils vont être présents, très concrètement, autour de ce sommet ?
15:23C'est là où je voulais en venir. C'est-à-dire que la direction que nous prenons au Conseil national du numérique,
15:29c'est de fournir cet outillage, justement, pour organiser ces temps d'échange qui sont avant tout, et donc c'est là où je réponds à votre question,
15:35des temps d'échange apprenants au sein de l'entièreté de la population, à l'entièreté, finalement, des pays représentés.
15:41Aujourd'hui, je pense que nous avons la capacité de mettre ces outils à disposition, cet outillage.
15:46Nous avons déjà un site internet, d'ailleurs, CAFEIA.org. Vous pouvez retrouver, depuis le début de la semaine, la recette inratable pour un CAFEIA réussi.
15:53Nous avons vocation à mettre à disposition, comme tout ce que fait l'État, finalement, à disposition tout un chacun,
15:58ces outils pour animer ces discussions collectives qui sont avant tout des discussions qui mettent en capacité les uns les autres d'agir et de comprendre.
16:08Oui, parce que quand on dit éducation, quand je dis éducation, derrière, ça recouvre tout.
16:11Ça recouvre comprendre cette transformation de la société par l'intelligence artificielle, ça comprend aussi accompagner la transformation profonde du travail,
16:21la question de la formation permanente, l'accompagnement sur ces nouveaux métiers.
16:25L'accompagnement au changement aussi.
16:26Au changement, oui.
16:27C'est-à-dire qu'on dit souvent que c'est une révolution qui va impacter les écoles blancs, etc.
16:31Mais je pense que la première des mutations qui est observée, au-delà des débats sur les pertes d'emplois,
16:35auxquels vraiment les chiffres nous donnent à voir un petit peu dans tous les sens,
16:38je pense qu'il y a avant tout cet accompagnement, par exemple des managers de proximité,
16:42mais on peut prendre juste cet exemple, mais c'est un tout petit exemple parmi plein d'autres,
16:45qui est finalement d'accompagner leurs équipes dans ces transitions-là et d'ouvrir la discussion.
16:51Et d'être en capacité d'ouvrir la discussion face à l'émergence de technologies comme celle-là, c'est pas rien.
16:57Il faut entendre aussi ces difficultés, il faut donner les capacités à animer ces discussions,
17:03et c'est précisément ce que l'on vise à encourager.
17:06De quelle manière vous vous impliquez sur la stratégie nationale française sur l'IA ?
17:11Parce que là aussi, il y a quand même un constat très sévère qui est fait dans ce rapport,
17:15on nous parle en demi-teinte, ça c'est pas le plus sévère.
17:17Ce qui est quand même très sévère, c'est le constat d'une défaillance sur le pilotage de la stratégie nationale aujourd'hui.
17:23Non, non, alors là il y a vraiment un pilotage qui est assuré depuis Bercy...
17:27Coordination interministérielle insuffisante, pas d'autorité réelle...
17:31Non, non, ça il y a vraiment une personne qui est en charge justement de cette coordination,
17:36et elle travaille ardemment tous les jours justement à assurer...
17:40Mais est-ce qu'elle aujourd'hui a le pouvoir justement sur des événements qui se construisent comme ce sommet ?
17:45Est-ce qu'elle a le pouvoir interministériel nécessaire pour faire avancer cette stratégie ?
17:49Oui, je pense qu'en fait on est victime d'une sorte de persistance rétinienne
17:54qui nous amène à considérer le pouvoir de manière centralisée.
17:57Et donc à considérer que si on n'a pas la citadelle qui est en capacité de dire
18:01« toi tu vas faire ci, toi tu vas faire ça, etc. », alors on va arriver à quelque chose.
18:04Non, je pense qu'il faut clairement acter que si Internet nous a apporté quelque chose,
18:08avec tout plein de problèmes considérables, c'est quand même cette capacité à penser l'exercice de la démocratie
18:14de manière un peu plus réticulaire j'oserais dire, c'est-à-dire en réseau,
18:18c'est-à-dire de manière un petit peu plus horizontale et diffuse.
18:21Et c'est le pari que nous faisons aussi, c'est d'arpenter ce réseau,
18:25et finalement d'assurer la circulation de l'information.
18:28Et c'est comme ça je pense que s'exerce le pouvoir dans une démocratie réelle.
18:32Et du côté du financement ? Parce que là aussi le constat est assez violent,
18:36parce qu'en fait le rapport nous dit qu'en gros il ne croit pas du tout à cet investissement
18:40promis et très massif de 27 milliards d'euros sur 5 ans.
18:44Il trouverait plus judicieux de reconduire le programme confiance.ai,
18:47qui coûte pas cher mais qui s'est arrêté là en 2024, c'est la fin.
18:51Je pense qu'on peut faire beaucoup de choses en effet sans penser l'Etat comme un portefeuille.
18:55Il y a des secteurs qui sont prioritaires dans la société et qui emportent des enjeux sociétaux majeurs
18:59sur lesquels vraiment les investissements doivent être fournis en premier lieu.
19:03Quand on pense au bien-être des travailleurs, quand on pense aux catégories précaires,
19:06quand on pense au public vulnérable, là il y a des priorités financières qui seront à mettre
19:10et je pense que tout le monde sera d'accord en réalité sur ces questions-là.
19:13On ne peut pas faire une société qui soit vraiment une société pleine de cohésion
19:17si on abandonne sur le bord de chemin toute une partie de la population.
19:20C'est absolument impossible.
19:21Donc je pense que dans les secteurs comme le numérique,
19:24il faut arriver à faire sans aussi dans une certaine manière.
19:27Et c'est notre pari aussi, c'est de trouver les synergies qui permettent à l'ensemble des entreprises
19:32de respecter aussi cette identité européenne dont je parlais tout à l'heure.
19:36C'est-à-dire notre rôle en Europe, c'est pas de construire nécessairement des géants.
19:40C'est peut-être au contraire d'éviter que des géants se polient
19:44et prennent toutes les ressources dans certains pays du globe.
19:46C'est peut-être ça notre responsabilité finalement.
19:48C'est de mettre en partage certaines richesses.
19:50Aujourd'hui, certains nous disent que l'IA dans le numérique,
19:53pour la première fois, ça va être une technologie qui va faire
19:55qu'en réalité tout le monde sur la planète ne pourra pas l'utiliser.
19:59Est-ce qu'on a envie de ça ?
20:00Parce qu'on va prendre des ressources dans les pays du sud finalement
20:03et qu'on va avoir les capacités de calcul dans les pays du nord.
20:05Est-ce que nous voulons de ça ?
20:06Est-ce que nous voulons investir 27 milliards par exemple
20:09dans une technologie qui crée ces distorsions à l'échelle mondiale ?
20:12Je pense qu'il est très important de nous poser ces questions avant tout investissement.
20:16On termine rapidement avec les réseaux sociaux.
20:18Vous êtes l'auteur avec Serge Habitboul de Nous sommes les réseaux sociaux
20:22qui est paru chez Audi Jacob en 2022.
20:24On n'est pas encore les réseaux sociaux Jean ?
20:27Alors, c'est peut-être une direction qui est en train d'être suivie
20:31par une dynamique collective.
20:33Déjà, nous sommes les réseaux sociaux, c'est dire que c'est nous qui décidons.
20:36Aussi de ceux que doivent être les réseaux sociaux.
20:38On a des preuves de contraire.
20:39Elon Musk qui vient d'affirmer par exemple le fait qu'il était propriétaire des comptes
20:44puisqu'il refuse qu'on fasse suivre des comptes au moment d'un rachat.
20:47Je vais vous faire référence à Infowars et The Onion.
20:49Bien sûr, mais ce qui est une erreur totale d'appréciation
20:52et de qualification juridique de ce qu'est un compte.
20:54Et justement, ces entreprises-là n'arrivent pas à accepter l'idée
20:57qu'un réseau social n'est pas un tout mais au contraire une somme de fonctionnalités.
21:01C'est-à-dire un compte par exemple n'est pas du tout un tout.
21:04C'est une somme de données personnelles sur lesquelles vous avez des droits d'accès.
21:07C'est peut-être votre photo, c'est peut-être votre marque,
21:09c'est peut-être le lien vers votre site internet, c'est vos contenus.
21:11Jamais d'ailleurs dans les conditions d'utilisation,
21:13il n'est remis en cause le fait que vos contenus vous appartiennent complètement.
21:16Donc cette appréciation qui est holistique finalement d'un compte est complètement erronée.
21:21Et c'est la même chose sur les réseaux sociaux.
21:23C'est-à-dire que des personnes comme Elon Musk,
21:25et c'est pour ça qu'on dit que ce n'est pas notre projet,
21:27et je vais y revenir sur pourquoi est-ce que nous sommes plutôt optimistes sur l'avenir,
21:30considèrent que leur réseau social est à eux finalement.
21:32Et que c'est un tout monolithique et que nous n'avons aucune capacité de choisir quoi que ce soit,
21:36sur quelconque fonctionnalité.
21:38Et vous voyez finalement le déport, il se fait vers quoi ?
21:40Vers un réseau par exemple comme Blue Sky.
21:42Alors nous, on va plutôt porter notre attention sur d'autres modes de création des réseaux sociaux,
21:46mais prenons cet exemple par exemple.
21:48Blue Sky, c'est un réseau dont nous étions parmi les premiers à parler au Conseil National du Numérique.
21:53Donc vous voyez, on a plutôt cette lame de fond qui est intéressante.
21:57C'est un réseau social qui permet aux personnes de configurer leur flux algorithmique,
22:01de rajouter des fonctionnalités par-dessus de modération, par des tiers.
22:05Ça veut dire qu'on est plus dépendant d'Elon Musk pour savoir s'il y a 52 personnes qui vont modérer la langue française.
22:09Non, vous pouvez très bien avoir recours à un autre service de modération.
22:13Donc vous nous dites qu'un autre modèle est possible.
22:15Merci beaucoup d'avoir été notre grand invité aujourd'hui,
22:18Jean Catan, secrétaire général du Conseil National du Numérique.
22:21Merci à tous de nous suivre avec une grande fidélité sur la chaîne Bismarck for Change.
22:25Vous nous suivez aussi en podcast.
22:27A bientôt pour de nouvelles histoires sur la tech.
22:29Merci.

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