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Avec Jacques Sapir, économiste, spécialiste de la Russie et des questions monétaires à l’EHESS, auteur du livre "La fin de l'Ordre Occidental" éd. Perspectives Libres

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00:00...
00:13Sud Radio Bercoff dans tous ses états.
00:17Dans son face-à-face aujourd'hui, André Bercoff reçoit l'économiste Jacques Sapir,
00:22auteur du livre « La fin de l'ordre occidental » aux éditions Perspectives Libres.
00:27Jacques Sapir, bonjour. Heureux de toujours être content de vous accueillir.
00:32Vous venez de sortir justement « La fin de l'ordre occidental » avec un point d'interrogation.
00:37Vous n'avez pas tort, il faut toujours quand même être prudent.
00:41On n'est pas là dans une émission sur la voyance, on est dans une émission sur l'économie,
00:46la géopolitique, la géostratégie et l'ordre monétaire.
00:50Et c'est un livre tout à fait passionnant qui vient de paraître aux éditions Perspectives Libres
00:54de notre ami Pierre-Yves Rougeron, sur justement ce qui est en train de se passer.
01:01On avait commencé derrière les voix « Est-ce qu'il s'essaie ? » il y a quelques mois,
01:05mais là, effectivement, on sent quelque chose, on voit, on constate quelque chose qui est là
01:11et qui apparaît comme vraiment un bouleversement du monde.
01:17Mais justement, il ne faut l'aborder pas avec des idées manichéennes,
01:20ce n'est pas les Blancs et Noirs, ce n'est pas les bons contre les méchants,
01:23mais justement, revenons à ça et vous parlez de, vous commencez d'ailleurs Bretton Woods,
01:28il y a 80 ans, comment l'ordre occidental, monétaire, économique, international s'est installé,
01:33et vous parlez de cette espèce de lutte, et quel genre de lutte sera entre l'Occident collectif
01:41et ce qu'on appelle le Sud global aujourd'hui.
01:43Alors expliquez-nous un peu ces notions, ça correspond à quoi cet Occident collectif
01:48et ce Sud global, parce que c'est très complexe, ce n'est pas Noir et Blanc,
01:51mais ce n'est pas l'un contre l'autre, ce n'est pas monolithique.
01:54Oui tout à fait, alors l'expression Occident collectif, c'est une expression des Russes,
01:59on peut aussi parler d'Occident global, qu'est-ce que ça veut dire ?
02:01C'est grosso modo les Etats-Unis, l'Amérique du Nord, les Etats-Unis, le Canada, l'Europe,
02:09l'Union Européenne et les pays qui ne font pas partie de l'Union Européenne,
02:12et puis des pays qui sont en Extrême-Orient mais qui sont très clairement inclus dans cette sphère,
02:18le Japon, évidemment l'Australie, la Nouvelle-Zélande, alors la Corée,
02:25normalement, maintenant, vu ce qui se passe actuellement en Corée du Sud,
02:30on peut se dire, est-ce que ça ne va pas changer des choses ?
02:34Donc c'est grosso modo ce bloc de pays.
02:36Et puis il y a les pays que l'on désigne du Sud global, là aussi c'est une expression,
02:42je dirais, bon, à prendre quand même...
02:45On fait un peu de schématique mais c'est obligatoire là.
02:47Bon, alors grosso modo, une manière de concevoir le Sud global,
02:51c'est tous les pays qui ne font pas partie de l'Ouest global, voilà, c'est tout le reste.
02:56Bon, après, on voit bien qu'il y a une différence entre des pays qui, en fait,
03:01ont acquis une certaine puissance industrielle depuis maintenant assez longtemps,
03:06bon, la Chine, la Russie, évidemment.
03:09L'Inde ?
03:10Alors l'Inde est encore intermédiaire.
03:13Elle a malgré tout des caractéristiques de pays en voie de développement aussi.
03:17L'Inde, il y a au moins deux Indes, peut-être même trois.
03:21Il y a une Inde qui est très développée, une Inde qui est en plein dans les technologies de pointe.
03:26L'Inde de Bangalore, l'endroit où il y a toutes les industries électroniques.
03:30L'Inde de Bombay, qui est Mumbai, qui est l'un des principaux marchés financiers au monde.
03:36Et puis il y a une Inde rurale, une Inde agraire, certes qui progresse, bon, donc voilà.
03:42C'est un continent l'Inde aussi.
03:43Bien sûr, cet incontinent, c'est désormais le pays le plus peuplé du monde.
03:46Ils sont passés devant la Chine.
03:47C'est 1,5 milliard d'habitants.
03:50Donc voilà, c'est un monde en tant que tel.
03:53Mais ils font partie, alors justement, ils font partie des BRICS.
03:57Alors parlons un peu de ces fameux BRICS.
03:59On en a déjà beaucoup parlé et on va parler de ce que vous dites,
04:02parce que vous incitez beaucoup dans votre livre sur cette nouvelle banque du développement
04:06qui va jouer un rôle non négligeable pour le reste.
04:08Alors qu'est-ce que représentent aujourd'hui les BRICS ?
04:11Ça fait une dizaine d'années qu'ils existent, une quinzaine d'années.
04:14Qu'est-ce qu'aujourd'hui, en 2024, fin 2024, c'est quoi les BRICS ?
04:20Alors c'est déjà plus que le G7 au niveau de l'économie mondiale.
04:24On peut le dire aujourd'hui ?
04:25Aujourd'hui et même pratiquement depuis 2018.
04:30La bascule s'est faite en 2017-2018, donc ça c'est une chose.
04:35Ensuite les BRICS, qui au départ étaient simplement un regroupement de pays
04:39qui demandaient à être reconnus à leur taille normale.
04:43Et qui pensaient rester dans le système occidental.
04:48Aujourd'hui se présentent en fait comme une alternative.
04:52Alors soit une alternative pour améliorer le système global,
04:57soit une alternative pour remplacer le système global d'origine occidentale.
05:04Ils jouent sur cette ambiguïté.
05:06Très clairement les Chinois et les Russes sont plutôt pour dire
05:09« Bon, on va le remplacer. »
05:10Oui, enfin on entend ça, c'est l'alternative.
05:12« On va créer un nouvel ordre mondial, un ordre économique. »
05:15L'Inde, le Brésil sont plutôt sur la position qui commencent à se dire
05:20« Non, nous pouvons l'améliorer. »
05:23Mais quand vous regardez les choses concrètes,
05:26cette amélioration n'est pas si différente d'un remplacement.
05:30Donc on voit bien qu'à force de vouloir changer des choses pour les améliorer,
05:37en fait on les remplace.
05:38Est-ce qu'on peut parler, sans faire de la provocation,
05:40de grands remplacements en économie ?
05:42Ça peut être un grand remplacement,
05:44parce que vous dites très bien, vous rappelez dans votre livre,
05:46parce que ça c'est très intéressant quand on parlait d'Alstom et compagnie,
05:50que toute transaction faite en dollars dépend de la juridiction américaine.
05:54Tout à fait.
05:55C'est-à-dire que si vous Jacques Sapir et moi André Bercoff,
05:57on fait une transaction en dollars,
05:59on peut être poursuivi par la justice américaine.
06:01Tout à fait, tout à fait.
06:02Ça c'est ce qu'on appelle le principe d'extraterritorialité.
06:06Un principe, évidemment, contre lequel les Brits sont vent debout,
06:11mais un principe qui a posé des problèmes même en Europe.
06:15Vous savez, c'est au nom de ce principe que des sociétés allemandes,
06:18françaises, italiennes, ont été condamnées
06:21parce qu'elles avaient passé des accords avec l'Iran.
06:23Il y avait des accords commerciaux avec l'Iran.
06:25L'Iran étant sous sanction par les États-Unis,
06:28il faut toujours rappeler que ce sont des sanctions illégales,
06:30ce ne sont pas les sanctions du Conseil de sécurité des Nations Unies,
06:33donc étant sous sanction par les Nations Unies,
06:35ils ont dit, nous allons sanctionner les entreprises étrangères,
06:40donc européennes, si elles ne rompent pas immédiatement leurs contrats.
06:43Et de fait, les entreprises européennes ont fini par rompre les contrats.
06:48Or, à un moment donné, c'était, si vous voulez, en 2012-2013,
06:56s'est posé la question, est-ce qu'un pays européen
06:59ne va pas aller devant le tribunal international de l'AE
07:03et faire condamner les États-Unis pour cette pratique ?
07:06— Parce que les transactions se faisaient en dollars, bien sûr.
07:09— Bien sûr, les transactions, si vous voulez.
07:11Alors le dollar est très souvent l'unité de compte,
07:14c'est-à-dire que quand il y a un contrat,
07:16quand une société vend quelque chose à une autre société,
07:20la chose est évaluée en dollars.
07:23Et puis après, il y a toujours la question des monnaies de règlement,
07:28pas la même chose que l'unité de compte.
07:30Et ces monnaies de règlement, ça peut être le dollar,
07:32mais ça peut être l'euro dans un certain nombre de cas.
07:35Par exemple, quand il y a un contrat entre une société française,
07:39par exemple, et une société indienne.
07:42— Oui. Ça peut être en euros, là. Il n'y a pas de problème.
07:44— Alors on calcule la somme en dollars.
07:47— C'est ça. — Mais le règlement,
07:49après, c'est fixé dans le contrat.
07:51Est-ce qu'on dit que 30% du règlement sera fait en dollars,
07:5470%... Bon, ça, après, c'est différent.
07:57— Alors justement, par rapport à ça,
07:59est-ce que là, parce que vous en parlez,
08:00c'était vraiment une aventure tout à fait...
08:02En fait, aujourd'hui, tout se passe comme si les BRICS voulaient exister
08:06en tant que tel, comme alternative au grand marché mondial
08:10qui existe depuis 80 ans.
08:11Vous le racontez aussi depuis Bretton Woods.
08:14Alors est-ce que ça veut dire que...
08:16Alors vous parlez... Je prends une...
08:19Dans votre livre, vous parlez de ce pouvoir structurel.
08:24Et vous dites ceci. Vous dites...
08:27Vous dites... Vous parlez de cette essayiste Susan Strange.
08:31— Susan Strange, une économiste britannique.
08:33— Voilà. Et vous dites...
08:34Elle soutient, donc, cette Susan Strange,
08:36que la structure financière de l'économie mondiale
08:38repose sur deux piliers.
08:40Les structures de l'économie politique
08:42à travers lesquelles le crédit est créé
08:43et dans lesquelles le pouvoir est partagé par le gouvernement
08:46et les banques.
08:47Et un deuxième pilier constitué de systèmes monétaires nationaux
08:50créant la superstructure globale.
08:52Bon, c'est un peu technique.
08:54Mais il faudrait expliquer un peu ça.
08:56C'est-à-dire qu'aujourd'hui...
08:58Je vais poser la question autrement.
08:59Est-ce que les BRICS, aujourd'hui...
09:01Alors on parle, encore une fois,
09:03mais évidemment, la situation évolue.
09:05...ont une importance qui peut concurrencer
09:08le fait qu'ils font, entre la Chine et l'Inde,
09:10avec le Renminbi, avec les monétaires...
09:12Peut concurrencer l'ordre mondial du dollar.
09:16— Oui, très clairement.
09:18Et je pense que ça commence dès aujourd'hui.
09:20Qu'est-ce que ça veut dire, cette notion de pouvoir structurel ?
09:23C'est en fait de savoir
09:25est-ce que des pays, à cause du poids de leur monnaie,
09:28de l'usage international de leur monnaie,
09:31de leur poids géopolitique aussi,
09:33sont-ils capables de créer des institutions,
09:36non pas simplement pour eux,
09:38mais qui sont des institutions à vocation globale,
09:41à vocation internationale ?
09:43Bien.
09:44Jusqu'à il y a 20 ans,
09:46il n'y avait que les pays de l'Occident global.
09:49Et il faut dire les choses.
09:50Il n'y avait que les États-Unis qui avaient cette capacité.
09:53— Le FMI, la Banque mondiale, l'Organisation mondiale du commerce.
09:57— Voilà. Bon. Ce sont des organisations d'origine occidentale.
10:01Alors quand, en 1997-1998,
10:05on a la fameuse crise asiatique,
10:07puis après la crise, heureusement, au moment de la crise asiatique,
10:09le Japon propose de créer l'équivalent du FMI,
10:14mais uniquement pour les pays d'Asie,
10:16en disant qu'il faut des règles spécifiques.
10:19Ce qui était d'ailleurs un raisonnement tout à fait pertinent, etc.
10:23Refus net des États-Unis.
10:25Et le Japon abandonne l'idée.
10:27Bon, il ne va pas à l'affrontement.
10:30Or, avec la création de la nouvelle Banque de développement,
10:34c'est très exactement ça qu'ont fait les BRICS.
10:37Et là, ils l'ont fait...
10:39— Elle existe depuis...
10:41— Oui. Elle a commencé ses premières opérations en 2016.
10:44Elle a été créée officiellement...
10:46— 8 ans. C'est...
10:47— Oui, 8 ans. Elle, déjà,
10:49prête plus d'argent au niveau international que la Banque mondiale.
10:52Elle a déjà dépassé la Banque mondiale au niveau des prêts.
10:56Donc voilà, c'est quelque chose qui se développe,
10:58et qui se développe très vite actuellement.
11:00— Et alors, justement,
11:02cette Banque mondiale, donc, créée par les BRICS...
11:04— Créée par les BRICS.
11:06— Vous dites avec une égalité des actionnaires.
11:10— Tout à fait. Tout à fait.
11:12— Il n'y a pas une mainmise d'un pays.
11:14— Non. Non. Alors, tout le monde comprend
11:16que la Banque des BRICS bénéficie aussi
11:20de la puissance financière chinoise.
11:22Et c'est pas hasard, d'ailleurs,
11:24si son siège a été placé à Shanghai.
11:26Mais la direction de cette banque
11:30est actuellement aux mains d'une Brésilienne.
11:32C'est l'ex-présidente qui avait...
11:34— Dilma Youssef.
11:36— Oui, c'est Dilma Youssef.
11:38Et quand on regarde la structure de l'actionnariat,
11:42vous avez tout à fait raison.
11:44Les 5 pays des BRICS sont à égalité.
11:46Donc c'est bien une situation
11:48qui est assez différente
11:50de la structure de la Banque mondiale
11:52ou de la structure
11:54du Fonds monétaire international
11:56qui reste, en fait,
11:58très largement sous la coupe des États-Unis.
12:00— C'est ça. Encore aujourd'hui.
12:02On va en parler juste après cette petite pause.
12:04À tout de suite.
12:12Comment le philosophe Antonio Gramsci
12:14définissait la crise ?
12:16C'est lorsque le vieux n'est pas encore mort
12:18et que le jeune n'est pas encore né.
12:20Est-ce qu'on est à ce stade ?
12:22C'est-à-dire, ce qui est intéressant
12:24dans votre livre, Jacques Sapir,
12:26je le rappelle, je recommande,
12:28la fin de l'ordre occidental
12:30avec un point d'interrogation
12:32aux éditions Perspectives libres.
12:34Ça, c'était votre prudence.
12:36Effectivement, on peut se poser la question.
12:38Est-ce qu'on assiste, en fait,
12:40à l'émergence d'un système
12:42économique, monétaire, financier,
12:44mais par conséquence géopolitique,
12:46actuellement ?
12:48Est-ce qu'on peut dire, déjà,
12:50qu'on est dans cette démarche-là ?
12:52— Oui. Il y a très nettement une émergence
12:54d'un système alternatif.
12:56La question qui est posée maintenant
12:58et dont on n'a pas encore la réponse,
13:00c'est de savoir
13:02est-ce que ce système
13:04va se construire
13:06contre les restes du système
13:08occidental qui pourraient se replier
13:10sur lui-même et dire
13:12voilà, nous existons, nous,
13:14vous, vous existez, et on essaye
13:16d'avoir le moins de contacts
13:18les uns avec les autres,
13:20ou bien est-ce que
13:22le système qui est en train de se constituer
13:24va progressivement
13:26s'étendre et englober
13:28et finir par englober le système
13:30occidental ? En réalité,
13:32d'un point de vue économique,
13:34ce n'est que le retour à la situation
13:36que l'on avait au XVIe et au XVIIe siècle.
13:38Au XVIe et au XVIIe siècle,
13:40l'équivalent, si on le recalcule
13:42maintenant, de l'Europe occidentale
13:44ne devait représenter
13:46que le tiers, peut-être le quart seulement
13:48du PIB de la Chine et de l'Inde.
13:50Au XVIe et au XVIIe siècle.
13:52Tout à fait. En fait,
13:54ce qui est anormal,
13:56si on regarde les choses en longue période,
13:58c'est la période qui va
14:00grosso modo de 1750
14:02à l'an 2000,
14:04c'est près de trois siècles,
14:06où l'Europe occidentale
14:08pour des raisons historiques,
14:10pour des raisons technologiques,
14:12a occupé le devant
14:14de la scène avec, en réalité,
14:16une population très faible.
14:18Et après, les Etats-Unis.
14:20Les Etats-Unis sont venus.
14:22Mais ça,
14:24ça peut paraître, au niveau
14:26historique, une anomalie.
14:28Si on est en train de corriger
14:30cette anomalie, il vaut mieux
14:32qu'on s'en rende compte.
14:34Parce qu'évidemment, ça aura des conséquences
14:36dans la vie
14:38de chacun d'entre nous.
14:40Oui, c'est ça. On va en parler,
14:42mais dites-moi, est-ce qu'on peut aujourd'hui,
14:44vous dites, mettons l'alternative
14:46où les gens se disent, enfin l'alternative de conflit,
14:48où les gens se replient,
14:50vous avez parlé de repli sur soi,
14:52mais est-ce qu'on peut, en 2024, le monde étant ce qu'il est,
14:54être isolationniste ?
14:56C'est quand même pas évident.
14:58Alors, au niveau d'un pays, clairement non.
15:00Au niveau d'un groupe de pays,
15:02ce n'est pas impossible.
15:04C'est vraiment une des possibilités.
15:06Maintenant, le problème,
15:08c'est que, admettons
15:10que cet Occident global,
15:12voire même un Occident global,
15:14réduit strictement
15:16aux pays occidentaux, aux pays de l'Arc-Atlantique,
15:18pour l'appeler comme ça.
15:20Admettons que ces pays
15:22décident de ne plus
15:24commercer ou de commercer le moins possible
15:26avec les pays
15:28des BRICS,
15:30par exemple sur la question des médicaments,
15:32qu'est-ce qu'on fait actuellement ?
15:34Alors, bien sûr, dans 10 ans,
15:36on peut reconstituer complètement
15:38la chaîne de production de médicaments.
15:40Aujourd'hui, 80% des molécules
15:42qui sont utilisées
15:44viennent d'Inde et de Chine.
15:46C'est quelque chose. Et c'est la même chose aux Etats-Unis.
15:48Donc, ça, c'est une réalité.
15:50Bien sûr.
15:52Si les Etats-Unis
15:54veulent se couper du commerce avec la Chine,
15:56il faudra qu'ils expliquent
15:58à leurs consommateurs pourquoi
16:00les produits, tout d'un coup,
16:02montent de 40 ou de 50%.
16:04Voilà. C'est ça, le problème.
16:06Et après, effectivement,
16:08comme on dit, dîner négociablement,
16:10comme Trump l'avait fait avec les Chinois.
16:12Ça, c'est parfaitement
16:14compréhensible, c'est parfaitement admissible.
16:16Mais ça, c'est une chose
16:18de l'idée. On se coupe
16:20complètement du commerce.
16:22Et aujourd'hui, en fait, la tendance...
16:24Alors, justement, vous parlez de
16:26ce que je rappelle,
16:28on en parlait hors antenne.
16:30Et vous disiez que, par exemple,
16:32la Russie a le Renminbi.
16:34La monnaie chinoise est admise
16:36par la Russie. Elle est
16:38convertible dans le marché
16:40d'échange, mais pas seulement pour la Russie.
16:42Elle occupe quelle place aujourd'hui, le Renminbi
16:44chinois, dans les transactions ?
16:46Alors, le Renminbi
16:48est très clairement
16:50une monnaie qui
16:52est pratiquement à l'équivalent
16:54de l'euro en termes de monnaie de
16:56transaction.
16:58Pas comme monnaie
17:00de réserve. Parce que
17:02je dirais, le marché
17:04du Renminbi n'est pas libre.
17:06En fait, il est toujours
17:08assez étroitement contrôlé
17:10par le gouvernement chinois.
17:12Le Renminbi est la deuxième
17:14monnaie d'investissement au monde
17:16aujourd'hui.
17:18Après le dollar, vous voulez dire ?
17:20Après le dollar, le dollar reste la première monnaie.
17:22Mais le Renminbi est passé
17:24largement devant l'euro
17:26comme une monnaie d'investissement.
17:28Donc on voit qu'il y a cette monnaie.
17:30Et évidemment, si on ajoute au Renminbi
17:32le poids de l'ensemble
17:34des BRICS, ça va
17:36commencer à peser lourd.
17:38Par exemple,
17:40autour de l'Inde,
17:42des pays comme la Malaisie,
17:44la Birmanie, l'Indonésie,
17:46commercent de plus en plus avec l'Inde en roupie.
17:48Donc,
17:50la roupie est en train de devenir
17:52une monnaie internationale.
17:54Une monnaie d'échange internationale.
17:56Vous parlez justement
17:58de cette montée. D'ailleurs, c'est vraiment passionnant
18:00en donnant les chiffres et les graphiques
18:02de ce qu'on voit.
18:04Est-ce qu'il y a quand même...
18:06Alors, est-ce que...
18:08Faisons entrer un peu la politique en jeu.
18:10Parce que la politique et l'économie, c'est pas fou
18:12que je dirais Jacques Sapir, on le sait.
18:14On est liés quand même plus qu'étroits.
18:16En sachant d'ailleurs qu'aujourd'hui,
18:18est-ce qu'on peut dire, je fais une incise,
18:20est-ce qu'on peut dire quand même que la finance
18:22et l'économie, comme d'ailleurs depuis
18:24longtemps, dirigent la politique ?
18:26C'est beaucoup plus compliqué.
18:28Parce qu'il y a des décisions qui sont prises
18:30contre des choses qui seraient évidentes
18:32en économie et en finance
18:34et strictement
18:36pour des raisons politiques. Par exemple,
18:38la décision
18:40d'utiliser des lois extraterritoriales
18:42pour le dollar.
18:44Cette décision...
18:46C'est Obama,
18:48le premier qui l'a fait.
18:50On se rend compte
18:52aujourd'hui
18:54que ça a affaibli le dollar
18:56au lieu de le renforcer.
18:58Donc ce n'était pas cohérent.
19:00Si les Etats-Unis avaient eu
19:02uniquement une politique d'étendre
19:04le plus possible
19:06l'espace financier du dollar,
19:08ils n'auraient pas dû prendre cela.
19:10Et là, c'est très clairement une volonté de jouer
19:12politiquement, de jouer politiquement
19:14contre certains pays
19:16comme l'Iran qui était en fait le premier pays visé
19:18mais de jouer indirectement
19:20contre les pays européens.
19:22Ce type de manipulation
19:24est clairement politique
19:26et n'a pas de rationalité profonde
19:28économique ou financière.
19:30C'est très intéressant. On va en parler d'ailleurs
19:32avec l'exemple de ce qui s'est passé avec
19:34l'Ukraine, la Russie, etc.
19:36Les sanctions, le SWIFT, etc.
19:38C'est très intéressant.
19:40Après cette petite pause,
19:42on va se retrouver très vite avec Jacques Sapir
19:44encore une fois,
19:46la fin ou pas de l'ordre occidental.
20:08Avec Jacques Sapir, avec l'économie de Jacques Sapir
20:10et le professeur,
20:12la fin de l'ordre occidental
20:14aux éditions Perspectives Libres.
20:16Alors justement,
20:18Jacques Sapir,
20:20on va parler un peu sanctions,
20:22puisque là, on va arriver ici
20:24et rappelons-nous quand même qu'un
20:26ministre de l'économie et des finances
20:28qui l'a été pendant pratiquement
20:307 ans, depuis l'avènement
20:32d'Emmanuel Macron en 2017,
20:34nous avait assuré, avec le succès
20:36que l'on sait, qu'on allait mettre à genoux
20:38l'économie russe.
20:40On l'a vu avec les résultats, on les connaît,
20:42on ne va pas épiloguer là-dessus, mais quand même,
20:44ces sanctions-là,
20:46est-ce que nous, l'Europe, on ne sait pas,
20:48pour le dire crûment, tirer une balle
20:50dans le pied, sinon dans le ventre ?
20:52Oui, très nettement.
20:54Alors, est-ce que ça a été fait
20:56en connaissance de course ? Je ne crois pas.
20:58Je pense qu'effectivement,
21:00les dirigeants des grands pays européens
21:02et donc
21:04les dirigeants même de l'Union Européenne
21:06ont pensé
21:08il faut faire quelque chose,
21:10on ne va pas intervenir militairement,
21:12donc il faut utiliser autre chose
21:14que la contrainte militaire,
21:16il y a la contrainte économique,
21:18et là, ils ont probablement
21:20fonctionné sur une image
21:22de la Russie qui avait 25 ans.
21:24Autrement dit, ils ont considéré
21:26que la Russie
21:28restait extrêmement dépendante
21:30du monde occidental
21:32et de l'Europe en particulier,
21:34comme c'était effectivement
21:36le cas dans les années 1990.
21:38Pour de l'effondrement
21:40de l'URSS.
21:42Et ils ont continué de raisonner
21:44dans ce cadre.
21:46Après...
21:48Juste une question,
21:50c'est à la fois, je dirais,
21:52aux psychologues,
21:54ils pouvaient quand même se renseigner,
21:56ces chefs d'État et d'autres occidentaux,
21:58comment vous expliquez
22:00cette cécité ou ce déni ?
22:02Un point, c'est le fait
22:04qu'il n'y a plus
22:06d'expertise administrative
22:08professionnelle sur la Russie
22:10depuis environ 15 ans.
22:12Ah bon ? Oui, carrément.
22:14Depuis environ 15 ans...
22:16Il n'y a plus, dans les allées
22:18du pouvoir, de vrais experts
22:20avec des connaissances...
22:22Et de groupes
22:24où, je dirais,
22:26de responsables administrant
22:28des groupes dont le travail
22:30c'est d'étudier
22:32la Russie comme on
22:34étudiait avant l'Union soviétique.
22:36Ça, malheureusement, c'est quelque chose
22:38qui a été liquidé au début des années 2000.
22:40Ça, c'est le premier point. Le deuxième point,
22:42c'est, de toutes les manières,
22:44cette notion d'expertise
22:46est aujourd'hui passée au
22:48second rang derrière la notion
22:50de communication. Et ça, c'est
22:52encore plus pervers.
22:54Je ne pensais pas que ça avait atteint ce stade.
22:56Alors, oui, d'accord.
22:58La communication d'abord, l'expertise ensuite.
23:00C'est comment on va
23:02pouvoir gérer un narratif
23:04dans lequel nos erreurs
23:06n'apparaîtront pas de manière
23:08absolument massive. C'est ce qu'on appelle en anglais
23:10les spin doctors.
23:12Et ça, on l'avait déjà vu
23:14au moment
23:16de l'agression américaine contre l'Irak
23:18en 2003
23:20et en particulier en Grande-Bretagne
23:22mais aussi aux Etats-Unis.
23:24Avec Colin Powell qui montrait
23:26sa fiole.
23:28Ça, d'ailleurs, je dois dire que Colin Powell
23:30se l'est reproché tout le reste de sa vie.
23:32Oui, j'imagine.
23:34Il avait été manipulé. Il a dit
23:36qu'il y croyait
23:38réellement. Il s'est rendu compte deux ou trois ans
23:40après que c'était faux. Mais par exemple,
23:42quelqu'un comme Tony Blair
23:44qui, par ailleurs,
23:46n'a pas fait que des choses mauvaises
23:48en Grande-Bretagne.
23:50Tony Blair est certainement
23:52l'un des dirigeants européens
23:54les plus dépourvus
23:56de morale
23:58sur la question de l'utilisation
24:00de la communication. Il n'était intéressé
24:02que par tenir un discours
24:04qui l'exonérerait
24:06de toute responsabilité.
24:08Donc, oui, très bien, ce qui compte,
24:10c'est la com, le reste, le réel,
24:12notre narratif, c'est ce qui compte,
24:14la réalité, c'est pas le problème.
24:16Tout à fait. Et par ailleurs, je dis aussi,
24:18on a démantelé
24:20les centres d'expertise
24:22qui pouvaient exister dans l'administration
24:24sur la question
24:26de la Russie. Ce qui fait
24:28qu'encore aujourd'hui, vous avez
24:30des hauts fonctionnaires qui sont,
24:32je l'insiste bien dessus, parfaitement honnêtes.
24:34C'est bon.
24:36Oui, c'est pas des gens stipendiés.
24:38Non, non, non, non. Mais qui vous disent,
24:40enfin, la Russie, en gros,
24:42c'est une station-service avec des armes nucléaires.
24:44Et quand on leur explique, écoutez,
24:46la production industrielle
24:48en Russie est
24:50quasiment le double
24:52de la production industrielle française,
24:54même en mettant
24:56en dehors les industries extractives.
24:58Bon.
25:00Et là, ils découvrent
25:02l'Amérique, enfin, disons.
25:04Américains ne nous l'avaient jamais dit.
25:06Oui, d'accord, mais vous ne vous l'êtes
25:08peut-être jamais posé la question. Vous n'êtes peut-être
25:10pas allé voir de vous-même
25:12les gens qui le savaient.
25:14Intéressant. Nous avons,
25:16je crois, nous avons Pepito
25:18qui nous appelle de Brive-la-Gaillard.
25:20Vous êtes opérateur
25:22en commandes numériques. Bonjour.
25:24Oui, bonjour. Comment ça va,
25:26M. Darkoff ? Bien, bien. Et vous-même ?
25:28Et bonjour à... Oui, très bien.
25:30Bonjour à M. Tapir.
25:32Merci beaucoup. Bonjour. On vous écoute,
25:34Pepito. Moi, je voulais
25:36poser une question à M. Tapir.
25:38Que pense-t-il de Mme
25:40Ursula von der Leyen, qui est présidente
25:42du Parlement européen ?
25:44De la Commission européenne, oui.
25:46Oui, de la Commission européenne.
25:48Et en fait,
25:50est-ce qu'on a vraiment besoin d'un président ?
25:52Parce que c'est elle qui décide
25:54dans
25:56beaucoup de pays européens
25:58comment il faut diriger l'Europe.
26:00Est-ce que... Moi, franchement, ça m'inquiète pas
26:02si M. Macron démissionne.
26:04De toute façon, il y aura Mme
26:06Ursula von der Leyen...
26:08Qui sera aux commandes, qui est aux commandes.
26:10C'est ça. Qui est aux commandes,
26:12malheureusement.
26:14Voilà.
26:16Évidemment, Mme von der Leyen,
26:18à cause
26:20de ses responsabilités au sein
26:22de l'Europe, au sein de l'Union européenne,
26:24a un poids.
26:26Mais il faut toujours rappeler que
26:28ce qui reste, d'une certaine manière,
26:30le pouvoir réel dans l'Union européenne,
26:32c'est le Conseil des ministres.
26:34Autrement dit,
26:36le Conseil européen.
26:38Le Conseil des ministres européens.
26:40Oui, c'est ça.
26:42C'est celui de tous les pays membres.
26:44Et que le pouvoir
26:46de Mme von der Leyen
26:48vient de cela. Vient de la délégation
26:50de pouvoir qui lui est faite.
26:52Mais du jour où
26:54ce Conseil européen
26:56décide de lui retirer sa délégation,
26:58elle n'est plus rien.
27:00C'est un point important.
27:02– C'est un point que vous soulevez important, Jacques Sapir.
27:04Pourquoi je vous dis ça ? Parce que, comme Pépito
27:06et comme beaucoup, beaucoup, beaucoup de monde,
27:08et ce qui s'est passé
27:10avec la Covid, c'est-à-dire que l'achat
27:12des, c'est très important,
27:14on quitte ou on quitte pas l'économie,
27:16des millions de vaccins de
27:18Pfizer a été entièrement
27:20donné au pouvoir de Mme von der Leyen.
27:22Comme vous le savez, dans une opacité absolument
27:24totale sur les contrats
27:26jusqu'à aujourd'hui, etc.
27:28Donc, à juste titre, beaucoup de gens disent,
27:30mais attendez, et quand M. Macron va en Chine
27:32et qu'il prend l'initiative,
27:34les Chinois ne lui ont rien demandé,
27:36d'amener avec lui Mme von der Leyen,
27:38ça pose question, quand même.
27:40Alors, justement, ce sont les
27:42chefs d'État européens,
27:44essentiellement
27:46les Allemands,
27:48les Français, etc.,
27:50qui ont dit à Mme von der Leyen
27:52« Vous vous occuperez des vaccins ».
27:54Mais, bon,
27:56c'est une responsabilité. Alors, pourquoi ?
27:58Parce qu'on a considéré qu'il valait mieux
28:00négocier tout son bloc que d'avoir
28:02des banques. Très bien, on peut toujours
28:04tenir ce raisonnement. On aurait dû
28:06quand même exiger plus de contrôle
28:08et plus de transparence.
28:10C'était un minimum.
28:12Mais, là aussi, quand
28:14Macron part avec von der Leyen
28:16à Pékin,
28:18ce n'est pas Mme von der Leyen
28:20que les Chinois invitent. Pourquoi ?
28:22Parce qu'ils savent très bien que le pouvoir
28:24réel reste le pouvoir
28:26du Conseil des ministres.
28:28Donc,
28:30fondamentalement, Mme von der Leyen
28:32et les autres
28:34commissaires européens
28:36n'ont du pouvoir
28:38que du fait de la délégation
28:40d'autorité qui leur est faite
28:42par les États.
28:44Alors, après, la question, c'est
28:46pourquoi les États font-ils
28:48systématiquement ce type de délégation ?
28:50Parce que c'est systématique depuis des années.
28:52Tout à fait. Et ça, ça renvoie
28:54évidemment à l'idéologie, à la construction
28:56de cette espèce de mythe
28:58d'une Europe. Bon.
29:00Mais c'est un autre problème. Il faut bien savoir que
29:02en réalité, il y aurait aujourd'hui
29:04des dirigeants qui diraient,
29:06bon, rentrez à la niche
29:08ou rentrez dans vos bureaux.
29:10Nous, nous allons décider
29:12des choses sérieuses.
29:14Mme von der Leyen ne pourrait
29:16que rentrer dans son bureau
29:18et aller se faire un café.
29:20Il faut le rappeler. Parce qu'aujourd'hui,
29:22la réalité apparaît,
29:24tout se passe comme si c'est Mme von der Leyen
29:26qui mène le jeu.
29:28Mais c'est une pure apparence.
29:30Oui. Et puis non. C'est ce que vous dites.
29:32Ce n'est pas une apparence.
29:34C'est une réalité par
29:36l'abandon ou en tout cas la délégation
29:38d'un certain nombre de chefs d'État.
29:40Mais pour revenir alors à
29:42votre livre et à ce qui se
29:44passe aujourd'hui,
29:46vous dites vous-même qu'effectivement
29:48on a bien vu avec les sanctions, on ne va pas
29:50rentrer dans Swift parce qu'il y a beaucoup de choses
29:52à dire avec Swift. Mais quand même,
29:54est-ce que les sanctions, alors on
29:56avait commencé à parler, est-ce qu'on peut dire
29:58aujourd'hui que les sanctions ont marché
30:00ou au contraire ont aidé les BRICS
30:02encore une fois à se fortifier parce qu'ils
30:04ont regardé avec Swift et le reste, ils disaient
30:06attendez, si vous gelez les avoirs russes comme vous
30:08les avez gelés, demain vous allez geler mes propres
30:10avoirs. Donc problème.
30:12Tout à fait. Alors, d'abord,
30:14les sanctions ont
30:16eu un impact sérieux sur
30:18la Russie pendant 4 à
30:206 mois. Effectivement.
30:22On voit d'ailleurs quand on regarde les chiffres
30:24de production, on voit que la production
30:26chute nettement.
30:28Elle chute de quoi ? De
30:30fin mars à
30:32fin juillet, début août
30:342022. Et puis après, ça remonte.
30:36Donc, ça c'est un point.
30:38Les sanctions continuent d'avoir...
30:40Pas grand-chose 4 mois. 4-6 mois, c'est pas grand-chose.
30:42Ce n'est pas grand-chose. Effectivement, ce n'est pas grand-chose.
30:44Après, les sanctions
30:46contribuent certainement
30:48à augmenter les prix
30:50en Russie. Ça, c'est clair.
30:52Bon,
30:54la Russie a actuellement un taux
30:56d'inflation autour de 8%.
30:58Et il y a probablement 2%
31:00qui sont liés aux sanctions.
31:02Bien.
31:04Mais l'impact
31:06réellement structurel
31:08des sanctions, il est beaucoup
31:10plus sur l'Europe que sur
31:12la Russie. Il faut bien
31:14le comprendre. Le problème, c'est que ça...
31:16Alors, pourquoi ? On va justement expliquer
31:18un peu ça. C'est la dépendance énergétique
31:20européenne. On parle toujours de la... Oui, il y a la dépendance
31:22énergétique allemande. Tout le monde
31:24est d'accord. Mais il n'y a pas que l'Allemagne
31:26qui dépendait de l'énergie.
31:28Et même aujourd'hui, même
31:30avec toute la batterie
31:32de sanctions,
31:34les pays européens
31:36continuent d'importer
31:38entre un quart et un tiers
31:40de leur énergie de Russie.
31:42D'ailleurs...
31:44Encore aujourd'hui.
31:46Alors avant, c'était
31:4845 à 50%.
31:50C'est intéressant de voir qu'on fait des sanctions.
31:52Alors non, on ne parle plus à la Russie.
31:54Oui, mais on continue de leur
31:56acheter.
31:58Le problème, c'est que
32:00quand vous achetez du gaz
32:02qui vient par gazoduc, c'est une chose.
32:04Si vous achetez du gaz au même
32:06pays, mais que vous dites
32:08plus de gazoduc, donc le gaz,
32:10il faut le faire venir comme GNL, par bateau.
32:12Donc, on le comprime,
32:14on le met dans un bateau,
32:16il arrive, on le décomprime au port,
32:18le résultat, ça coûte 30% plus cher.
32:20Et donc ça,
32:22ça provoque une hausse des
32:24coûts de production dans l'Union
32:26Européenne qui rend désormais
32:28le territoire
32:30de l'Union Européenne de moins
32:32en moins attractif pour les entreprises.
32:34Et c'est pour ça qu'il y a toute une série d'entreprises,
32:36notamment allemandes,
32:38et que les entreprises allemandes
32:40commencent à se délocaliser aux Etats-Unis.
32:42ThyssenKrupp,
32:44qui est quand même le géant de la métallurgie,
32:46en plus, il y a un autre problème, c'est que
32:48c'est pas simplement l'énergie,
32:50c'est la Russie vendait du coq
32:52à ThyssenKrupp.
32:54Bon, là, désormais, ThyssenKrupp
32:56est obligé d'aller s'approvisionner ailleurs,
32:58à un prix plus élevé.
33:00Donc, ThyssenKrupp va licencier
33:0211 000 salariés,
33:04c'est pas rien,
33:06on voit que les entreprises de l'automobile
33:08elles-mêmes prévoient des licenciements,
33:10donc là, c'est bien
33:12l'effet des sanctions,
33:14c'est indirect, mais l'effet des sanctions quand même.
33:16Et diablement pervers, on va reparler
33:18après cette petite pause,
33:20dernière petite pause, et c'est quand même
33:22absolument fascinant de voir
33:24à quel point, quelque part, l'idéologie
33:26prime totalement et peut complètement
33:28inverser toute logique économique
33:30ou monétaire ou autre.
33:32Et pour poser une question en direct,
33:34ou réagir toujours en direct,
33:36un numéro de téléphone, le 0 826 300 300.
33:38Théo Bercoff, dans tous ses états.
33:40Et aujourd'hui,
33:42dans son Face à Face, André Bercoff
33:44reçoit l'économiste Jacques Sapir,
33:46et nous avons une auditrice qui voulait réagir.
33:48Bonjour Clarisse, vous nous appelez de Paris.
33:50Bonjour Clarisse. Bonjour, bonjour à tous.
33:52J'ai une question,
33:54vous dites que l'extraterritorialité
33:56des lois américaines n'a pas
33:58de raison économique, est-ce que ça n'en a
34:00pas une quand même, puisque l'hégémonie
34:02du dollar permet de financer le déficit
34:04américain, et donc
34:06en partie leur croissance ?
34:08Ou est-ce que c'est une bêtise ?
34:10Alors, c'est vrai que
34:12l'hégémonie, enfin, c'est pas l'hégémonie
34:14du dollar, c'est parce
34:16que les gens ont besoin
34:18de dollars pour commercer entre
34:20eux, et pas seulement avec les Etats-Unis,
34:22qu'ils sont prêts à acheter du dollar.
34:24En fait, ce que
34:26l'on constate, c'est que jusqu'à maintenant,
34:28je dis bien jusqu'à maintenant, il y avait
34:30une demande de dollars qui
34:32était très liée au rôle du dollar
34:34dans le commerce international.
34:36Maintenant,
34:38cette situation
34:40qui continue encore,
34:42n'est pas liée à la question
34:44des lois extraterritoriales. Au contraire,
34:46l'application de règles
34:48extraterritoriales tend à limiter
34:50la possibilité d'utiliser
34:52le dollar. Il y a toute une série
34:54d'entreprises et de pays
34:56qui vont se dire, je ne vais pas utiliser le dollar
34:58afin de ne pas être
35:00potentiellement ciblé
35:02Mais,
35:04ce qu'il faut comprendre, c'est que ça va faire
35:06diminuer la demande internationale
35:08pour le dollar,
35:10et que donc, la capacité
35:12des Etats-Unis à refinancer
35:14leurs dettes facilement
35:16va baisser.
35:18Alors, à condition qu'il y ait une vraie alternative,
35:20c'est ce que vous racontez avec les briques,
35:22c'est la banque de développement.
35:24Juste, on arrive en fin d'émission,
35:26on en reparlera, évidemment,
35:28de tout cela, parce que ça va être sur
35:30les années qui viennent.
35:32Jacques Sapir, la fin de l'ordre
35:34occidental, alors il y a quelqu'un qui a commencé
35:36à, et on ne s'étonne pas
35:38de lui, c'est Donald Trump, donc président
35:40de la République, qui sera intronisé le 20
35:42janvier, mais qui a dit, attendez,
35:44ceux qui commencent à attaquer le dollar,
35:46ils vont y aller mollo,
35:48parce que ceux qui vont attaquer le dollar,
35:50il a fait ses déclarations il y a trois jours,
35:52vous allez voir sur les tarifs, alors ils ont envie de jouer,
35:54les tarifs d'importation,
35:56on va les hausser de 100%.
35:58Le dollar est là, et ne vous avisez
36:00pas de toucher au dollar.
36:02C'est une
36:04parole politique ?
36:06C'est essentiellement une parole politique,
36:08parce que s'il, admettons
36:10qu'il le fasse,
36:12vu la dépendance des Etats-Unis
36:14aux importations en provenance
36:16de Chine, d'Inde,
36:18voire du Brésil,
36:20Une grosse dépendance.
36:22C'est une énorme dépendance,
36:24ça dépend des secteurs, mais il y a des secteurs où c'est
36:26quasiment la totalité.
36:28Prenons par exemple sur les médicaments.
36:30Ils sont comme nous en France.
36:32Ils sont comme nous, alors un petit peu moins,
36:34c'est-à-dire que chez eux, c'est pas 80%,
36:36en provenance d'Indochine,
36:38c'est peut-être 75%.
36:40C'est pas mal déjà.
36:42Donc là,
36:44très clairement,
36:46Trump veut prendre date,
36:48donc il commence par menacer,
36:50mais mon sentiment,
36:52c'était le Trump candidat
36:54qui parlait encore, et ce n'était pas
36:56le Trump président.
36:58En tant que président,
37:00il comprendra qu'il est dans une situation
37:02où lui-même est contraint,
37:04et qu'il vaut peut-être mieux
37:06aboutir à un accord,
37:08alors pour obtenir cet accord,
37:10on peut faire des menaces,
37:12et puis il va marchander
37:14ou dealer comme d'habitude.
37:16Mais bien sûr,
37:18il sera beaucoup plus dans une position
37:20où il sera obligé de chercher un accord,
37:22et dans une position où il pourra dire
37:24non, non, c'est tout ou rien,
37:26ou vous ne faites rien,
37:28et je vous ouvre le marché américain,
37:30ou vous faites quelque chose, et je vous ferme le marché américain.
37:32Oui, ça, ça ne marchera pas comme ça.
37:34Bon, espérons que l'illumination lui viendra
37:36dans la sagesse à Notre-Dame de Paris.
37:38Oui, on peut l'espérer.
37:40Par ailleurs, sur les questions économiques,
37:42je pense qu'il est en réalité
37:44beaucoup plus raisonnable
37:46qu'on ne le dit ou qu'on ne le pense
37:48en France.
37:50Merci Jacques-Sapir. Je rappelle,
37:52et vraiment je le recommande,
37:54la fin de l'Ordre Occidental de l'édition Perspective Libre.
37:56Lisez-le, il vous ouvrira.

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