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00:00Merci beaucoup Fanny, merci de m'accueillir en cette fin de matinée pour clôturer ces
00:15rencontres.
00:16Je commence par vous signaler que le point culminant de la Belgique se situe à 694 mètres,
00:21c'est le signal de Botrange.
00:23Merci pour l'honneur que vous me faites de m'accueillir effectivement pour clôturer
00:27cette plénière et pour réagir aussi aux différentes tables rondes que j'ai eu l'occasion
00:32d'entendre ce matin.
00:33Je vous parle dans un contexte qui, vous le savez, est extraordinairement favorable à
00:42l'écologie.
00:43On voit un reflux massif du climato-scepticisme dans l'opinion.
00:49Un peu partout dans le monde, les électeurs votent pour les leaders engagés pour le
00:54climat, encore récemment aux Etats-Unis.
00:59La coopération internationale produit des avancées majeures, je peux vous dire que
01:05tout le monde est reparti de Bakou rempli d'allégresse.
01:08Et surtout, les moyens alloués à la rénovation énergétique des logements dépassent toutes
01:18les espérances.
01:19Le nouveau budget qui est en train d'être voté à l'Assemblée va déployer des moyens
01:24gigantesques supplémentaires qui vont nous permettre de rénover les 20 millions de logements
01:29dont on a parlé en l'espace de trois mois.
01:37Et donc devant cette avalanche de bonnes nouvelles et de signaux positifs et encourageants, on
01:42pourrait effectivement être tenté de se décourager et de baisser les bras.
01:49Or, précisément, vous le savez, c'est le contraire que nous devons faire.
01:53Nous devons absolument accélérer parce que, bien entendu, le changement climatique ne
02:00nous attend pas et il avance à grand galop alors que nous en sommes toujours là à faire
02:06deux pas en avant et trois pas en arrière.
02:10Et donc, pour accélérer, il va falloir, et nous n'avons pas d'autre choix que celui-là,
02:18il va falloir réussir la transition et en particulier la transition énergétique.
02:25Et sans vouloir vous mettre trop de pression sur les épaules, je pense vraiment que la
02:32clé de la réussite de la transition, elle repose sur le secteur de l'habitat.
02:40Et je voudrais vous expliquer pourquoi le secteur de l'habitat joue un rôle absolument
02:46important pour la réussite de la transition parce qu'il va permettre de lever quatre
02:52blocages essentiels aujourd'hui qui nous empêchent d'avancer plus loin.
03:01Le premier de ces blocages, c'est que la rénovation énergétique des logements va
03:12permettre concrètement d'améliorer la vie des gens.
03:17Et ça, c'est absolument fondamental parce qu'aujourd'hui, on a volontiers l'impression
03:24que la transition est perçue dans l'opinion comme une contrainte qui va les amener à
03:31devoir renoncer à beaucoup de choses et qui va globalement dégrader leur vie.
03:38Partout, on entend qu'on ne pourra plus faire ceci, qu'on ne pourra plus faire cela, qu'on
03:41va être limité ici, limité là-bas.
03:44Avec la rénovation énergétique des logements, vous allez concrètement montrer comment on
03:50peut améliorer la vie des gens.
03:52Et c'est essentiel pour des raisons physiques.
03:57Parce que la physique du climat a ceci de particulier qu'elle implique qu'il n'y a
04:05aucune corrélation directe entre notre niveau d'émission personnelle et le niveau d'impact
04:13ou le niveau de risque auquel nous allons être personnellement confrontés.
04:17Et ça, c'est une difficulté majeure de la transition parce que le changement climatique,
04:23c'est un problème de flux, un problème de stock, pardon, et pas un problème de flux.
04:28Vous le savez, ce qui cause l'élévation des températures, c'est l'augmentation continue
04:34des concentrations de gaz à effet de serre dans l'atmosphère et ce qui fait que ce
04:38taux de concentration est en augmentation continue, c'est le fait que les gaz à effet
04:42de serre ont une durée de vie très longue dans l'atmosphère et donc ils s'y accumulent.
04:48Ce qui veut dire que tant que nous envoyons des gaz à effet de serre dans l'atmosphère,
04:57le taux de concentration de ces gaz va continuer à augmenter et donc les températures vont
05:03également continuer à augmenter. Même si nous réduisons nos émissions de gaz à effet de serre,
05:11tant que nous n'aurons pas atteint la neutralité carbone, les températures vont continuer à augmenter.
05:18C'est littéralement comme si vous faisiez couler un bain dans une baignoire.
05:23Tant qu'il y a de l'eau qui sort du robinet, même si vous ralentissez le débit, tant qu'il
05:29y a des gouttes qui sortent du robinet, ça suffit pour que le niveau du bain continue
05:34à augmenter continuellement et vous savez que même si vous coupez complètement l'arrivée
05:39d'eau, il faudra encore plusieurs heures, sinon plusieurs jours, avant que l'eau ne
05:45commence à s'évaporer et que le niveau du bain ne commence à baisser.
05:49C'est exactement pareil avec les gaz à effet de serre dans l'atmosphère.
05:57Pour les gaz à effet de serre, le moment où nous arrêtons le robinet, c'est le moment
06:01où nous atteignons la neutralité carbone, c'est-à-dire le moment où nous retrouvons
06:05un point d'équilibre entre les quantités de gaz à effet de serre que nous envoyons
06:09dans l'atmosphère et les quantités de gaz à effet de serre que la Terre est capable
06:14d'absorber, notamment via les forêts et les océans.
06:19Ce point de neutralité carbone, nous avons décidé à la COP28 à Dubaï l'an dernier
06:26que nous devions l'atteindre pour 2050.
06:31Il est absolument fondamental que nous l'atteignions et c'est très important que nous soyons
06:36mis d'accord sur un calendrier et c'était presque inespéré de parvenir à dessiner
06:40un horizon commun à 200 pays dans le contexte géopolitique actuel.
06:46Le problème, c'est que 2050, c'est dans 26 ans, ça veut dire que pendant les 26
06:56prochaines années, nous allons continuer à baisser nos émissions de gaz à effet
07:02de serre, mais pour autant, les températures ne vont pas baisser, pas avant l'atteinte
07:09de cette neutralité carbone.
07:12Et pour corser davantage les choses, non seulement elles ne vont pas baisser, mais en plus elles
07:17vont continuer à monter.
07:21Et donc forcément, ça va être compliqué, parce que si la transition nous apparaît
07:31comme une contrainte, eh bien un nombre croissant de gens qu'on commence déjà à entendre
07:38vont commencer à dire de plus en plus virulemment.
07:43Attendez, à quoi ça sert?
07:46Pourquoi est-ce qu'on fait ça?
07:50Et tant qu'on ne verra pas les températures baisser, c'est-à-dire tant qu'on ne sera
07:53pas capable de recueillir des dividendes climatiques, ça va être évidemment compliqué.
08:01Imaginez que comme moi, vous cherchez à perdre un peu de poids.
08:07Un rapide coup d'œil dans l'Assemblée me confirme que je suis le seul dans cette
08:10situation, donc faites un effort d'imagination.
08:14Imaginez que pour perdre un peu de poids, vous soyez prêt à un régime draconien,
08:18que vous allez y courir dix kilomètres tous les matins, que vous ne touchiez plus à une
08:23seule goutte d'alcool et que vous vous priviez de dessert après chaque repas.
08:28Mais que malgré ce régime draconien que vous suivriez tous les jours, chaque soir
08:34quand vous montez sur la balance, vous avez encore pris un peu de poids.
08:40Sincèrement, je ne connais personne qui ne tient plus une semaine à ce régime.
08:44Certainement pas moi.
08:48Et donc la difficulté, c'est que non seulement il y a ce décalage dans le temps entre nos
08:54actions et les conséquences de nos actions, mais il y a aussi évidemment un formidable
08:58décalage dans l'espace.
09:00Le climat se fiche que les émissions proviennent de Montpellier, de Paris, de Valparaiso ou
09:06de Sydney, ce qui fait que nous sommes tous extraordinairement dépendants les uns des
09:10autres.
09:12Littéralement, ce que nous faisons ici a des conséquences ailleurs et ce qui se décide
09:17ailleurs a des conséquences ici.
09:21Et donc ce double décalage dans le temps et dans l'espace implique que notre niveau
09:29d'émission personnelle est complètement décorrélé du niveau d'impact du changement
09:35climatique auquel nous serons personnellement confrontés.
09:41Et ça, c'est très difficile.
09:44C'est difficile parce que souvent, ça implique que lorsqu'on veut agir pour le changement
09:49climatique, on a un peu l'impression parfois de devoir agir pour les autres, pour les
09:57générations futures, pour les pays du Sud, mais de devoir pour ça sacrifier une partie
10:06de ses propres intérêts.
10:12Quelques semaines après la dernière élection présidentielle, avec ma femme et nos enfants,
10:18nous étions allés passer quelques jours de vacances en Normandie.
10:21Et là-bas, sur la plage, nos enfants avaient joué avec les enfants d'un autre couple.
10:27Et une chose en entraînant une autre, on avait commencé à discuter avec cet autre
10:31couple, puis à sympathiser avec ce couple.
10:35On avait réalisé qu'on logait dans le même hôtel puisque c'était la plage en face
10:38de l'hôtel.
10:40Et de fil en aiguille, on avait pris l'apéritif avec ce couple, puis on avait dîné avec
10:44ce couple.
10:45On s'était arrêté là.
10:46Mais comme nous étions en France, au cours du dîner, on avait évidemment parlé de
10:54politique.
10:55Ça, c'est un truc qu'on ne fait pas en Belgique.
10:57Mais en France, on avait évidemment parlé de politique et ce couple de nous annoncer
11:02tout de go pour qui ils avaient voté à l'élection.
11:07Ils avaient voté pour Yannick Jadot et pour Emmanuel Macron.
11:13Mais pas du tout parce que l'homme et la femme avaient des désaccords politiques.
11:19Au contraire, politiquement, ils étaient parfaitement raccords.
11:24Simplement, ils avaient décidé et accrochez-vous parce que moi, je n'étais pas prêt.
11:29Ils avaient décidé de faire un vote stratégique.
11:34Ils s'étaient dit en tant que couple, on a droit à deux voix et donc on va panacher.
11:40Et là, quand même, j'étais un peu surpris.
11:43Est-ce que j'aurais écouté?
11:44Je comprends bien qu'on puisse hésiter entre deux candidats de gauche ou deux candidats
11:48de droite.
11:49Mais quand même, Jadot et Macron, avec tout le respect que j'ai pour les deux, c'était
11:54quand même pas tout à fait le même programme pour l'élection.
11:58Et leur réponse, je crois, met le doigt sur ces difficultés.
12:02Ils nous ont dit oui.
12:04On comprend que notre choix puisse surprendre et nous-mêmes, on était vraiment tiraillé
12:10au moment de l'élection.
12:11On a beaucoup, beaucoup hésité parce que d'un côté, on a des enfants et on est très
12:18inquiet de la terre qu'on va leur laisser.
12:20On est très préoccupé par le changement climatique, la perte de biodiversité et tout
12:23ça.
12:24Et donc, pour nous, c'était très important de voter pour le candidat écologiste et on
12:29le voyait presque comme une forme de devoir moral vis-à-vis de nos enfants.
12:34Mais d'un autre côté, nous deux, on travaille tous les deux dans la banque et la finance.
12:42Et donc, il fallait bien qu'on veille aussi à protéger nos propres intérêts.
12:47Et donc, on a aussi voté pour le candidat libéral qui nous semblait le plus à même
12:51de protéger nos propres intérêts.
12:55J'en ai dit, je comprends.
12:58On est tous un peu dans la même situation.
13:01C'est-à-dire qu'on voudrait tous pouvoir agir pour le climat, mais on craint pour
13:06ce faire de devoir faire des efforts supplémentaires, de devoir renoncer à des choses auxquelles
13:11on tient, de devoir abandonner certains loisirs, certains comportements.
13:16Et ça, ce n'est pas évident.
13:18Il faut bien reconnaître que souvent, dans la manière dont on va présenter la transition
13:23aux gens, on va la leur présenter comme une liste d'efforts supplémentaires à fournir,
13:29de coûts à supporter, de renoncements à accepter, de sacrifices auxquels consentir.
13:34C'est-à-dire une liste de choses dont on n'a fondamentalement pas envie et qui vont
13:39donner aux gens l'impression de dégrader leur vie.
13:45Or, l'intérêt fondamental, à mon avis, de la rénovation énergétique des logements,
13:50c'est d'améliorer la vie des gens, de leur montrer que la transition, ça représente
13:54un plus pour eux, que ça leur permet d'habiter dans des logements plus confortables, que
13:59ça leur permet de réduire leurs factures énergétiques, et donc de leur permettre
14:04de toucher du doigt concrètement pourquoi ils ont intérêt à la transition.
14:10Et c'est là, je crois, qu'on a souvent fait une erreur de communication fondamentale
14:16en insistant sans cesse sur les risques associés à l'inaction, en disant aux gens
14:23« si vous ne faites rien, voilà ce qui va se passer, voilà les catastrophes qui vont
14:26s'abattre sur vous », mais en n'insistant pas suffisamment sur les bénéfices associés
14:32à l'action. Pourquoi avons-nous intérêt à la transition ? Et c'est vraiment la
14:37question de la rénovation énergétique des logements qui va permettre de l'incarner
14:42le plus concrètement pour les gens. C'est la première raison pour laquelle l'habitat
14:48est au centre de la réussite de la transition. La deuxième raison, c'est que ça va permettre
14:56de répondre aussi à un enjeu social. On vient d'en parler dans la dernière table
15:01ronde, la question de la précarité énergétique est un enjeu fondamental. On a aujourd'hui
15:08un parc de logement en France qui est souvent assez vieillissant, où il y a des besoins
15:13énormes de rénovation énergétique, et on voit que cette précarité, cette exclusion
15:18énergétique va entraîner des difficultés sociales, des difficultés en matière de
15:22santé publique. Or, un des gros problèmes de la transition aujourd'hui, c'est qu'elle
15:28donne souvent l'impression d'être pensée par des gens très riches dans des appartements
15:34haussmanniens qui sont déconnectés de la vie des gens. Ça donne souvent l'impression,
15:40il faut le reconnaître, d'être une manière pour les riches de réjanter la vie des pauvres,
15:46et notamment de réjanter leur comportement. Et donc, si on ne parvient pas à réconcilier
15:52ces enjeux écologiques et sociaux, on va au-devant d'une grave fracture sociale en
15:59matière d'écologie. Et là, il y a un enjeu fondamental auquel la rénovation énergétique
16:04des logements permet de répondre, c'est précisément de viser cet objectif social
16:09et de permettre, par une rénovation écologique, d'atteindre également des buts sociaux,
16:16de permettre aux gens de mieux vivre et de réduire la précarité énergétique et l'exclusion
16:21énergétique. C'est un enjeu fondamental.
16:25Troisième élément, ça permet aussi de résoudre l'opposition qu'on voit naître
16:35de plus en plus dans le débat public entre les questions de réduction des émissions
16:40de gaz à effet de serre, d'atténuation, et les questions d'adaptation. Je vous l'ai dit,
16:47il n'y a pas de corrélation entre notre niveau d'émission et le niveau d'impact auquel
16:50nous serons confrontés. Ça veut dire que nous dépendons des autres, et aussi des émissions
16:55passées, et nous savons que nous allons faire face, en France et en Europe, à des impacts
17:01du changement climatique de plus en plus marqués. Et donc, depuis quelques années, le sujet
17:07de l'adaptation apparaît dans le débat public, on voit toute une série de programmes qui
17:12favorisent l'adaptation du bâti, et pourtant, dans l'opinion, on a encore volontiers l'impression
17:19que cette question de l'adaptation est concurrente à celle de la baisse de nos émissions. Et
17:26beaucoup voient les plans ou les programmes d'adaptation comme une forme de renoncement
17:33à nos politiques de baisse des émissions de gaz à effet de serre. Et il faut le dire
17:38clairement, l'adaptation ce n'est pas du tout l'aveu d'une défaite, ce n'est pas du tout
17:43un renoncement par rapport à l'atténuation, mais c'est une voie complémentaire d'action
17:49face au changement climatique. Et le meilleur moyen de montrer que les deux stratégies
17:56ne sont pas concurrentes, mais profondément complémentaires, ça va être là encore par
18:03la rénovation énergétique des logements, parce que cette rénovation va permettre que
18:09l'habitat ne soit plus une passoire énergétique en hiver, objectif d'atténuation, et ne soit
18:16plus un four en été, objectif d'adaptation. Vous allez, avec la rénovation, faire d'une
18:23pierre deux coups et montrer concrètement comment on peut réconcilier les questions
18:28d'atténuation et les questions d'adaptation, et ça aussi c'est fondamental, c'est le
18:33troisième point sur lequel je voulais assister. Le quatrième, enfin, est peut-être le plus
18:41important. La question fondamentale qui nous est posée par le changement climatique, c'est
18:51la question de l'habitabilité de la Terre. Comment allons-nous concrètement pouvoir
18:58habiter la Terre ? Est-ce qu'il y aura demain des zones de la Terre qui deviendront inhabitables
19:05avec des migrations massives de populations et potentiellement la nécessité d'une
19:10redistribution géographique de la population à l'échelle mondiale ? Et cette question
19:16de l'habitabilité, elle a quelque chose, il faut bien le dire, à la fois d'effrayant
19:19et de vertigineux. Mais pour beaucoup, c'est une question qui paraît encore lointaine
19:27et un peu floue. Qu'est-ce que ça veut dire exactement l'habitabilité ? Qu'est-ce
19:34que ça veut dire exactement cette question de comment allons-nous pouvoir habiter la
19:38Terre ? La question de l'habitat renvoie immédiatement à du concret. Parce que la
19:46question comment habiter la Terre, elle passe d'abord par le logement. C'est là que
19:54les gens concrètement habitent. Et c'est là concrètement qu'on va pouvoir leur
20:00montrer des réalisations concrètes. Et je suis frappé de ce que la transition parfois
20:06apparaisse dans le débat public comme une question un peu floue ou un peu lointaine.
20:10Et bien entendu, quand on parle d'habitabilité de la Terre, ça apparaît comme une question
20:16un peu floue et lointaine. Mais par contre, quand on parle du logement des gens, quand
20:21on parle de leur habitat, là ça devient évidemment concret. Or il me semble que nous
20:29sommes volontiers face à la transition dans le même état d'esprit que celui des Parisiens
20:40au début du mois de juillet à l'approche des Jeux Olympiques. Ceux d'entre vous qui
20:47habitent Paris s'en souviennent, au début du mois de juillet, les Jeux Olympiques, ça
20:51allait être la catastrophe. Ça n'allait jamais fonctionner. De toute façon, on sait
20:56très bien que la France est incapable d'organiser des événements de ce type. Les transports
21:00n'allaient jamais fonctionner. C'était des chantiers partout dans Paris, des embouteillages
21:03en ont pu finir. Les touristes n'arrivaient pas. Tout le monde criait « Hidalgo, démission ! ».
21:08Et une majorité des Parisiens, d'après les sondages, regrettaient amèrement que leur
21:15ville se soit un jour portée candidate à l'organisation de ces maudits Jeux Olympiques.
21:20Et donc, logiquement, une partie des Parisiens, ne voulant pas assister de leurs propres yeux
21:25au désastre annoncé, fouillaient la capitale et partaient se retrancher à la campagne,
21:31à l'écart de toute cette agitation. Et puis la cérémonie d'ouverture a commencé.
21:39Et la cérémonie n'avait pas commencé depuis cinq minutes, que tout le monde a bien compris
21:44que ces Jeux Olympiques, loin du désastre annoncé, allaient au contraire être un succès
21:49retentissant, un motif de fierté collective. Et les Parisiens qui s'étaient retranchés
21:55à la campagne ont commencé à se dire qu'ils n'avaient pas pris là la décision la plus
22:00intelligente de leur vie, à se mordre les doigts, ou alors à les utiliser pour chercher
22:05frénétiquement sur Internet les derniers billets disponibles pour rentrer d'Ardart
22:08à la capitale. Il a fallu, pour nous convaincre que nous pouvions réussir ces jeux, de les
22:16voir commencer, de les voir concrètement, de pouvoir les toucher du doigt littéralement.
22:22Et de la même manière, face aux doutes et aux questionnements qui nous assaillent aujourd'hui
22:28sur la question de la transition, face à ceux qui disent que la transition n'arrivera
22:32pas, que c'est impossible, qu'on n'atteindra jamais nos objectifs, on voit très bien que
22:37pour faire taire ces doutes, il va falloir montrer concrètement comment c'est possible.
22:43Et c'est au travers de l'habitat des gens qu'on va pouvoir le montrer le plus concrètement
22:48possible. 20 millions de logements à rénover, ça fait 20 millions de familles qui vont pouvoir
22:56voir concrètement, et j'espère le plus rapidement possible, à quel point en réalité c'est
23:01possible, à quel point c'est possible de réduire les émissions, à quel point nous
23:05avons tous à y gagner, et à quel point la transition peut être un formidable projet.
23:12Mais pour ça, bien entendu, il va falloir lever certains blocages et certains freins
23:20qu'on a évoqués dans les tables rondes. Un de ces blocages, ça va bien entendu être
23:28la question de la complexité des procédures parfois. Et il est certain que parfois quand
23:34vous avez 127 formulaires à remplir en ligne, on peut comprendre que les gens abandonnent
23:40au bout du 19e formulaire rempli. Et beaucoup d'intervenants ont pointé parfois des complexités
23:47dans la démarche et il y a un vrai enjeu de simplification ici, qui évidemment nous
23:53concerne tous. Et j'ai été particulièrement touché par la tournée France Rénov' qui
24:01me paraît vraiment être un moyen efficace de simplifier la vie des gens, de leur expliquer
24:07les démarches qu'ils doivent réaliser, les aides auxquelles ils ont droit. Et c'est
24:12vraiment, et je n'insisterai jamais assez là-dessus, c'est vraiment très important
24:16de lutter collectivement contre ces trucs de démarchage téléphonique, qui d'abord
24:21vont souvent être des arnaques pour les gens, mais qui surtout vont leur donner l'impression
24:26qu'en fait ce truc de transition globalement est une espèce d'arnaque qu'on essaie
24:32de leur refourguer. Et ces démarchages téléphoniques vont non seulement abîmer l'image du secteur
24:40et l'image de la rénovation énergétique, mais vont nuire à la transition dans son
24:44ensemble, parce que les gens ont l'impression que c'est quelque chose qu'on essaie de
24:48par démarchage.
24:51Le deuxième frein à lever, c'est évidemment la question du financement. Pour accélérer
25:01sur la rénovation, il va falloir des moyens. Et donc il va falloir mobiliser le secteur
25:06bancaire et financier, et c'était super que vous soyez là, monsieur du Crédit Mutuel,
25:10pour précisément mettre l'accent sur cela. Je pense que nous ne sommes pas encore suffisamment
25:16inventifs et créatifs pour aller chercher les moyens là où ils le sont. Et je donne
25:22une idée comme cela. On a parlé de la transition démographique, du fait que d'ici quelques
25:28années, un tiers de la population aurait plus de 65 ans, et donc les gens vont vieillir.
25:34Et puis les gens vont mourir. Et ils vont donc transmettre leurs biens immobiliers à
25:42leurs enfants et à leurs petits-enfants. Et nous sommes sans doute à l'aube d'une
25:50des plus formidables transmissions de patrimoine immobilier qu'on ait jamais vue dans l'histoire
25:54de la France. Et cette transmission va se faire de la part d'une génération, les
26:00boomers, qui sont souvent accusés d'être les premiers responsables du changement climatique.
26:07Et on sait que les boomers sont souvent au banc des accusés, notamment de la part des
26:13jeunes, qui leur reprochent en fait d'avoir créé un problème dont ils vont devoir se
26:19dépatouiller. Et je me dis, est-ce qu'il n'y aura pas un formidable geste extraordinairement
26:27symbolique à faire si on permettait une réduction des droits de succession des gens qui, avant
26:36de léguer leur logement, vont le faire rénover ? Est-ce que ce ne serait pas finalement un
26:42cadeau assez exceptionnel que les parents ou grands-parents pourraient faire à leurs
26:47enfants ou à leurs petits-enfants en leur transmettant un logement rénové, et on pourrait
26:54trouver les moyens pour cela en leur permettant de bénéficier d'une baisse des droits de
27:00succession s'ils faisaient rénover leur logement avant de le transmettre aux générations
27:05suivantes ? Il me semble qu'on pourrait trouver là des moyens tout à fait importants et
27:10très stimulants et symboliquement importants pour les gens pour accélérer la rénovation
27:15des logements.
27:16Et puis, un autre enjeu, un autre blocage à lever, nous en avons parlé, c'est la question
27:31de l'attractivité des métiers du bâtiment, c'est la question de la formation, en fait
27:37c'est la question de la main-d'oeuvre. Allons-nous parvenir à trouver suffisamment de gens pour
27:44mettre en œuvre concrètement cette rénovation énergétique des logements ? Et là je crois
27:51que nous devons nous interroger collectivement parfois sur les profils que nous mettons en
27:57avant pour parler de la transition. Dans les médias, lorsqu'il faut parler du climat,
28:04on fait toujours appel au même profil, c'est-à-dire soit de jeunes militants en colère, soit
28:11de vieux chercheurs bodonnants et à moitié chauves comme moi. Sincèrement, c'est un
28:17problème. Je ne dis pas que notre discours n'est pas intéressant, mais ce n'est pas
28:24les militants en colère ni les chercheurs du GIEC qui vont concrètement faire baisser
28:28les émissions. Les gens qui vont concrètement faire baisser les émissions, c'est ceux
28:35et celles qui vont changer les châssis, qui vont installer des pompes à chaleur ou qui
28:39vont placer des panneaux solaires sur les toits ou sur les parkings. C'est eux, ce
28:45sont elles qui vont concrètement faire baisser les émissions. Et donc je crois qu'il faut
28:50le dire avec force et entrain, les vrais héros de la transition, en fait, c'est vous. C'est
28:58ceux et celles qui peuvent rentrer le soir chez eux en se disant concrètement, aujourd'hui
29:04j'ai fait baisser les émissions. Et ça je crois que c'est vraiment quelque chose de
29:09fondamental à mettre en avant dans les médias et dans le débat public, que la transition
29:17elle ne va pas uniquement se faire avec des alertes, des incantations ou des rapports
29:21scientifiques. Elle va se faire aussi et surtout châssis après châssis, pompe à chaleur
29:29après pompe à chaleur, panneau solaire après panneau solaire. Elle va se faire dans le
29:35concret des gens et notamment dans le concret de la rénovation. Et je crois que c'est très
29:40important de le dire parce que concrètement, la transition, nous allons pouvoir en faire
29:48un succès si les émissions baissent concrètement et si nous mettons en avant ceux qui font
29:55baisser les émissions. Et c'est comme ça je crois que la transition peut devenir une réussite
30:00collective comme les Jeux Olympiques et au-delà peut devenir un vrai projet économique et
30:07au-delà encore plus fondamentalement un contrat social pour la société. Et ça, ça dépendra
30:12de vous. C'est ce que je voulais vous dire ce matin. Merci beaucoup.