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"Lundi, le budget de la Sécu’ revient devant l’Assemblée nationale."

Que se passe-t-il si une motion de censure est finalement adoptée et le budget bloqué ? Pourra-t-on encore utiliser nos cartes Vitales ? On a posé la question à Benjamin Morel, constitutionnaliste.

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Transcription
00:00Si Michel Barnier tombe sur son budget, le budget, lui, n'est pas mort.
00:03Le budget, il continue sa course.
00:05Le shutdown, ça n'existe pas en France.
00:07À partir du 1er janvier, quoi qu'il arrive,
00:09il y aura des fonctionnaires et il y aura des impôts pour les payer.
00:11Alors lundi, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale,
00:15le budget de la Sécu, revient devant l'Assemblée nationale.
00:18Il n'y a pas de majorité pour adopter ce budget.
00:20Et comme il n'y a pas de majorité, la seule voie pour le gouvernement,
00:23c'est de proposer le texte via un 49 aléatoire.
00:27En d'autres termes, soit l'Assemblée ne dépose pas de motion de censure
00:30et accepte le texte, soit l'Assemblée n'accepte pas le texte,
00:33dépose une motion de censure.
00:35Si la motion de censure passe, à ce moment-là,
00:38il n'y a plus de gouvernement et le texte est réputé rejeté.
00:40Si vous n'avez pas de gouvernement, de budget au 31 décembre,
00:44ça rend extrêmement dysfonctionnel l'État.
00:47Quelques mois, ce n'est pas très grave.
00:48Plus longtemps, c'est plus compliqué.
00:49L'ancienne Première ministre Elisabeth Borne avait affirmé
00:52que si la motion de censure était appliquée,
00:54la carte vitale ne fonctionnerait plus au 1er janvier.
00:57Est-ce que ça pourrait arriver ?
00:58Est-ce qu'il n'y aurait plus de remboursement de santé,
01:00plus de services publics ?
01:01Est-ce que les fonctionnaires vont continuer d'être payés ?
01:02La jurisprudence est faite de telle façon qu'il faut assurer,
01:06quoi qu'il arrive, la continuité de la vie de la nation.
01:09Ce n'est même pas une option dans les mains du gouvernement,
01:11c'est vraiment une obligation.
01:12Donc les cartes vitales fonctionneront, les fonctionnaires seront payés.
01:15Néanmoins, ça ne veut pas dire que c'est pérenne et que c'est idéal.
01:17C'est-à-dire que toutes les dépenses exceptionnelles,
01:19les dépenses d'investissement, toutes les mises à jour,
01:22notamment quand on parle de revalorisation des retraites,
01:25de transformation des remboursements de santé, etc.,
01:29tout ça resterait bloqué sur le modèle de 2024.
01:31Donc ça ne serait pas tout à fait idéal.
01:33Il faut que ça suive malgré tout les évolutions de l'économie.
01:36Mais en attendant, c'est un palliatif.
01:38Vous ne pouvez pas vous contenter d'un État stagnant
01:41qui ne fait que fonctionner, entre guillemets.
01:44C'est un État qui doit également être agissant.
01:46Est-ce que la France pourrait aussi être complètement paralysée ?
01:49Connaître un scénario à l'américaine avec une sorte de shutdown ?
01:52Le shutdown, ça n'existe pas en France.
01:54La conception du droit parlementaire américain,
01:58la procédure budgétaire n'est pas du tout la nôtre.
02:01Aux États-Unis, vous avez besoin de l'aval et du Sénat
02:04et de la Chambre des représentants pour un budget.
02:06Il n'y en a pas une qui peut prendre le pas sur l'autre.
02:07Et si elles ne sont pas d'accord,
02:09eh bien on ne fait tourner que les administrations vitales
02:12au fonctionnement du pays après un désaccord budgétaire.
02:16Ce n'est pas le cas en France.
02:18Que prévoit la Constitution ?
02:19Il y a deux voies.
02:20Soit à partir de la fin de l'année,
02:22une fois qu'on a passé 50 jours après le dépôt
02:25du projet de loi de suspension de la sécurité sociale,
02:2770 jours après celui du budget,
02:29on peut exécuter ces budgets par ordonnance.
02:31Autrement dit, c'est le budget qui est en discussion au Parlement
02:34et qui n'a pas été adopté,
02:35qui est appliqué de manière temporaire
02:37en attendant qu'on trouve la possibilité d'exécuter un budget.
02:41C'est compliqué parce que ce sont des budgets qui auront été rejetés.
02:44Et donc politiquement, c'est extrêmement complexe à envisager.
02:47Mais c'est une solution juridique.
02:48L'autre solution, c'est de voter des projets de loi
02:52habilitant temporairement le gouvernement à prélever les impôts.
02:55Et dans ce cadre-là, on peut tenir les premiers mois de l'année
02:58en payant des fonctionnaires,
02:59en prélevant les impôts sur la base de 2024,
03:02le temps d'arriver à trouver à maudit vivendi sur un budget
03:06en janvier, en février, en mars.
03:08Les sommes de l'année précédente ne sont pas tout à fait les mêmes
03:12que les sommes de l'année présente,
03:14tout bêtement parce que l'économie bouge, l'inflation, etc.
03:18Tout ça, les équilibres budgétaires doivent les prendre en compte,
03:21ce qui n'est pas possible quand on reconduit un budget précédent.
03:24Et ça, c'est le point de blocage.
03:26Est-ce que ça pourrait mener à une crise financière
03:28comme l'a assuré Edouard Philippe ?
03:30Alors, la crise financière, c'est une possibilité.
03:32Aujourd'hui, on n'aura pas de scénario à la grecque,
03:34on n'aura même pas de scénario à l'italienne,
03:36mais on risque de s'endetter pour beaucoup plus cher.
03:39Il faut bien comprendre que si on s'endette pour beaucoup plus cher,
03:41ça veut dire que notre problème de déficit budgétaire n'en est que creusé,
03:46parce qu'on est contraint de renouveler la dette.
03:48Et donc, plus la dette coûte cher,
03:49plus ce que l'on doit payer pour la rembourser est onéreux.
03:53Et donc, il faut trouver de l'argent ailleurs en faisant des économies.
03:56On les fait sur les grands services publics,
03:58l'éducation nationale, la police, l'hôpital.
04:01Or, ce sont justement des services publics qui, aujourd'hui, sont à l'os.
04:04Donc, ce n'est clairement pas une bonne nouvelle.

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