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C’est l’entrepreneur le plus influent et controversé de la Silicon Valley. Et son CV n’a pas fini d’être rempli : après Tesla, SpaceX, Neuralink, sa start-up d’IA xAI et le rachat de Twitter devenu X, Elon Musk a récemment été nommé ministre de l'Efficacité gouvernementale par le président élu Donald Trump. Un énième pouvoir pour celui qui est récemment devenu l’homme le plus riche de la planète. Comment décrire l'alliance entre les deux milliardaires ? Quelles conséquences peut-on envisager pour la tech aux Etats-Unis et à travers le monde ? C’est l’objet de notre discussion dans le grand débrief de SMART TECH.

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Transcription
00:00Édition spéciale du grand débrief de Smartech autour du nouveau pouvoir d'Elon Musk.
00:08On va s'intéresser à son duo avec Donald Trump, à sa galaxie, ses intérêts, ses idées
00:13et puis les conséquences dans la tech, que ce soit pour l'Europe mais aussi au sein même des Etats-Unis et jusqu'en Chine.
00:20Alors, pour en parler, j'ai convié l'économiste et chercheur associé à l'IRIS, l'Institut de relations internationales et stratégiques Rémi Bourgeault.
00:26Bonjour Rémi. Bonjour.
00:28Et puis l'auteur, entre autres, de l'enquête sur Elon Musk, l'homme qui défie la science.
00:33Colonisation de Mars, voiture autonome, implants cérébraux. Alors Elon Musk, génie ou escroc ? Un livre qui est paru chez Alizio, Olivier Lascar.
00:42Vous en êtes donc l'auteur. Vous êtes aussi le rédacteur en chef du pôle numérique Sciences et avenir la recherche. Bonjour.
00:47Bonjour.
00:48Alors on aura peut-être, on a laissé une place, une chaise pour Bernard Benhamou qui est un fin connaisseur des politiques numériques aux Etats-Unis
00:55et le secrétaire général de l'Institut de la souveraineté numérique. Mais bon, il est un peu bloqué dans les transports. On espère qu'il va réussir à nous rejoindre.
01:01Et puis pour lancer cette discussion, nous sommes connectés avec Hubert Etienne. Bonjour Hubert Etienne. J'espère que vous nous entendez bien.
01:09Bonjour. Je vous entends bien, oui.
01:11Alors juste pour vous situer, vous êtes un ancien expat français de la tech aux Etats-Unis, chercheur en éthique de l'IA et du numérique.
01:20Vous avez travaillé pendant trois ans au sein du labo de l'IA de Meta avant de superviser le déploiement éthique des modèles d'IA génératifs pour l'essentiel des produits du groupe Meta à New York.
01:31Et puis vous êtes rentré à Paris. Donc vous êtes basé à Paris actuellement et vous êtes président aussi du réseau d'experts en gouvernance de l'IA, Quintessence AI.
01:41Je voulais avoir votre point de vue quand même d'ancien habitant des Etats-Unis sur cette nomination d'Elon Musk au poste de ministre de l'Efficacité gouvernementale.
01:52Bien sûr. Alors il y a beaucoup de choses à dire évidemment autour de cela. Mais je pense qu'on peut résumer en deux points pour commencer cette discussion.
02:00Le premier, c'est qu'il me semble que l'élection qu'on vient de voir manifeste un rejet patent en fait de tout ce qu'on avait jusque là.
02:08C'est un rejet du politique traditionnelle. C'est un rejet également d'une forme de politique timorée, je pense, qu'on voit aussi arriver en Europe et dans d'autres pays.
02:17Et puis en tant qu'expat, ce que je peux vous dire, c'est que pour l'avoir vécu de près, c'est qu'il y a dans tous les cas un vrai besoin de réforme pour l'administration qui est relativement obsolète dans un certain nombre de domaines.
02:27Je vous en donnerai juste un. Mais quand on pense à l'IRS qui est le service des impôts de l'administration qui gouverne tout cela, par exemple, c'est une façon qu'on ne peut pas joindre ni par e-mail ni par téléphone.
02:38On doit leur envoyer des faxes ou des lettres. C'est très compliqué. Donc je pense que pour avoir ces discussions, il faut dire qu'il y a un vrai besoin de transformation dans cette administration-là.
02:47On se plaint, nous, en France, mais visiblement, aux États-Unis, la défiance vis-à-vis de l'administration est encore plus importante.
02:54Oui, elle est plus importante aussi parce que traditionnellement, vous savez, comme moi, les États-Unis ont une vision tout à fait différente de la démocratie que nous en avons et surtout du service public.
03:04Et puis je pense que Musk, en particulier, manifeste cette pensée de la Silicon Valley qui se caractérise notamment par ce qu'on appelle, vous savez, les libertariens par une vision d'un État minimaliste,
03:17donc un État qui collecte peu et qui donne peu de services communs.
03:22Rémi, je voulais vous poser aussi la question de quoi est révélatrice cette nomination, finalement. Qu'est-ce que ça dit de la politique aux États-Unis ?
03:30Je pense qu'il y a deux facettes à Elon Musk. On voit l'aspect controversé, ses déclarations tonitruantes.
03:37Et ensuite, il y a un aspect qui a servi la campagne, qui a permis de mobiliser notamment un électorat jeune de modernisation vraiment qui insiste à embrasser la technologie.
03:48Alors ça s'applique notamment aux questions de lourdeur étatique, de la bureaucratie, mais aussi vraiment de dépasser aussi certains clivages.
03:59Donc l'homme lui-même est très clivant, mais il s'agit par rapport au marasme politique, au clivage incessant qu'on voit à Washington aussi.
04:09Il apporte une certaine fraîcheur en remettant vraiment sur le devant de la scène la politique technologique.
04:15Évidemment, la technologie est omniprésente. La Silicon Valley a un poids extraordinaire.
04:20On voit le pouvoir de la big tech, ces entreprises géantes qui va croissant, aussi des volontés de les limiter.
04:28Et Musk peut servir comme ça de charnière entre le monde politique, un monde politique éclaté, peut-être en partie rénové, et une politique technologique.
04:40Alors là, on le met sur un sujet qui peut effectivement créer une certaine forme de consensus.
04:46Alors ce n'est pas un homme à créer forcément le consensus, mais avec cette idée de rénovation de l'État, de modernisation, de numérisation.
04:56L'efficacité, en fait. Qui peut être contre l'efficacité, finalement ? C'est ça ?
05:00Oui, c'est ce qu'on voit d'un point de vue français aussi. C'est vrai qu'on se plaint beaucoup.
05:04Mais l'administration française a une certaine efficacité. Il y a une rénovation qui est assez segmentaire.
05:12On voit des poches de compétences et d'autres, où là, les choses sont plus compliquées et moins visibles.
05:19Mais on voit effectivement aux États-Unis ce clivage entre, d'un côté, ces groupes de technologies ultra puissants qui sont à la pointe,
05:28qui ont complètement embrassé l'IA, qui mènent la technologie mondiale, et un État qui a des pratiques d'un tout autre ordre, effectivement.
05:38Hubert-Étienne, quelle résonance, selon vous, ça peut avoir à travers le monde, cette nomination ? Vous qui avez traversé l'Atlantique dans les deux sens.
05:48Comme vous le savez autant que moi, l'Amérique dirige un petit peu notre avenir, qu'on le veuille ou non par réaction.
05:55Et je pense que c'est un véritable baptême du feu qu'il faut voir ici.
05:59Alors, on a d'un côté Trump, qui parle à un électorat qui se considère méprisé par une certaine vision du monde, en tous les cas.
06:07Et puis, on a Musk, qui est ce grand héros d'une forge particulière des entrepreneurs tech, notamment.
06:12Cette personne qui a réussi à faire avec SpaceX ce que la NASA n'arrivait pas à faire.
06:16C'est quand même comme ça qu'il est vu par une large partie de cette population-là.
06:20Et qui promet justement des réformes qui sont tout à fait dans l'air du temps.
06:23En France, on a un petit peu de mal avec ça, mais vous prenez des États comme les Émirats ou Singapour,
06:28qui sont très efficaces et qui mettent en place des manœuvres d'efficacité étatique.
06:32Alors, on ne les entend pas comme une démocratie au même sens que la démocratie européenne.
06:38Donc, c'est un petit peu la tension qu'on a aujourd'hui, à savoir, est-ce qu'une démocratie peut être efficace ?
06:42Et je pense que là, on a un véritable baptême du jeu, je vous le disais.
06:46Pour moi, la question essentielle, c'est est-ce que les méthodes de la Silicon Valley,
06:50vous avez d'un côté un Musk qui fait du fake it until you make it,
06:53c'est-à-dire quelque chose de tout à fait caractéristique de la pensée de la Silicon Valley.
06:58Vous pensez à Tesla, ça fait dix ans qu'il nous dit que ses véhicules sont autonomes au niveau 5.
07:02Bon, ça va rentrer dans les détails, c'est quelque chose qui n'est pas arrivé à ce jour.
07:05Chaque année, il nous répète, c'est les régulateurs qui m'empêchent de déployer mes Tesla complètement autonomes
07:09parce que nous, on a la technologie. Ce n'est pas vrai.
07:11Donc, ça, c'est une paradigmatique, on va dire, de la pensée et la façon de faire de ces gens-là dans la Silicon Valley.
07:18Aussi, de s'affranchir des règles ou de jouer, en tout cas, avec les règles.
07:22Vous pensez à ce fameux tweet sur la valorisation de Tesla.
07:24Plus récemment, aux 30 millions de dollars qui ont été donnés,
07:27alors on ne va pas dire à des électeurs, mais à des soutiens, pour le dire de cette façon-là,
07:32de la campagne de Trump.
07:35Donc, il y a cette question, est-ce qu'on peut garder les mêmes méthodes en passant plus loin, de façon plus large ?
07:40Est-ce qu'on peut garder des méthodes de capitalisme libertarien au moment où on est au pouvoir ?
07:45Où est-ce qu'on va devoir se diriger ?
07:46Est-ce que c'est le marché qui va continuer, les entrepreneurs qui vont continuer à diriger l'écosystème ?
07:51Ou est-ce qu'on va se diriger vers une sorte de dirigisme étatique un peu plus autoritaire,
07:55comme on a l'habitude de le faire dans certains cas ?
07:58Je pense que c'est la question qui va se poser.
08:00Surtout, qu'est-ce que ça va nous dire en termes de quintessence du new public management ?
08:04Vous savez, cette vague qui nous emporte depuis plusieurs décennies maintenant,
08:08il faut plus d'efficacité dans le service public en adoptant des méthodes du privé.
08:12Là, on y est.
08:13Qu'est-ce que ça va donner ? Sur quelle métrique de succès ça va être appréhendé ?
08:18Il y a la pensée magique.
08:20Est-ce qu'on peut diriger un État, des États, comme les États-Unis,
08:24comme on dirige une entreprise de la tech ?
08:26Vous vouliez réagir sur la résonance mondiale.
08:30C'est effectivement très important de parler des entreprises privées.
08:34On disait que Musk a pu faire ce que Boeing n'arrivait pas à faire.
08:37Je pense qu'il y a une vraie crise aussi de la bureaucratie privée,
08:41de la bureaucratie industrielle.
08:43Et on voit une sorte de lever d'un esprit un peu plus critique vis-à-vis de ça,
08:51de certains entrepreneurs.
08:53On voit effectivement chez Boeing ce naufrage industriel, technologique.
08:58Il y a des décisions néfastes et un recul du rôle des gens qui ont une connaissance technique,
09:05des ingénieurs.
09:06Et on voit une volonté de ces ingénieurs de revenir plus sur le devant de la scène,
09:12d'être plus impliqués dans les décisions industrielles stratégiques.
09:16Alors, Musk a son style, mais il représente aussi ça.
09:20Et il y a un besoin en Europe, qui est encore plus important,
09:24de remettre aussi en selle des gens qui ont cette compétence technologique
09:29pour prendre les décisions stratégiques avec tous les naufrages technologiques,
09:34enfin industriels qu'on peut voir aux Etats-Unis comme en Europe ces jours-ci.
09:39En Europe, je ne sais pas.
09:41Est-ce qu'on aura cette confiance sur l'entrepreneur, sur la technologie ?
09:45Bon, ça reste à voir.
09:47Je voulais aussi vous faire réagir sur cette idée de la pensée magique.
09:50Hubert Etienne rappelait que la promesse d'Elon Musk,
09:53c'était d'avoir un véhicule 100% autonome, enfin de niveau 5 avec la Tesla,
09:58alors qu'on n'y est toujours pas.
10:00Vous, vous avez vraiment étudié cette question de la différence entre les promesses
10:06et la réalité finalement de ce que fait Elon Musk ?
10:10Oui, il a un rapport au temps qui est très élastique.
10:13Le calendrier muskien n'est pas le calendrier réel.
10:16Effectivement, c'est vrai pour la voiture autonome,
10:19la voiture qui roule toute seule sans avoir besoin de qui que ce soit derrière le volant.
10:23Comme ça a été dit, tous les ans, il dit que c'est pour la fin de l'année.
10:26Or, Tesla n'est pas la société qui est la plus en avance sur ces questions.
10:30Il y en a d'autres.
10:31Il y a les services de taxi autonome, de VTC autonome à Phoenix par exemple,
10:36la société héritée de Google Car.
10:38Ça marche beaucoup mieux que les Tesla sur le point de vue de l'automaticité des véhicules.
10:44Donc, Musk a ce rapport au temps qui est très élastique.
10:48En revanche, il faut toujours écouter ce qu'il dit parce qu'en général,
10:51il se donne les moyens d'y arriver.
10:53Plus tardivement, mais il se donne les moyens d'y arriver.
10:55Moi, il y a plusieurs choses qui me font réagir dans la situation qu'on vit en ce moment.
10:59D'abord, je suis très surpris quand même de la situation de conflit d'intérêts
11:05qui s'installe autour de ce personnage.
11:10Comment on peut à la fois être jugé parti et dire comment l'État fédéral doit livrer ses subsides
11:18alors que SpaceX, ça représente quand même quelque chose de l'ordre de 15 milliards de dollars d'argent public sur 10 ans.
11:26Il y a quantité d'agences fédérales qui mènent des enquêtes à l'heure actuelle sur les travaux de Neuralink.
11:32La FDA, l'agence du médicament, investit sur la façon dont les singes ont servi de cobayes pour les puces
11:40avant que le premier humain soit équipé.
11:43Ça ne s'est pas passé dans des conditions très bisounours.
11:46Comment Musk va pouvoir être à la fois...
11:49Aller chercher les 2000 milliards de dollars d'économie en 2026 et en même temps, continuer de bénéficier.
11:56Ça me paraît intenable.
11:58Évidemment, on nous explique qu'il n'est pas ministre en tant que tel.
12:01Il va diriger une commission qui est à l'extérieur du gouvernement.
12:05Enfin, c'est des arguments qui sont un peu spécieux.
12:07Par ailleurs, ce qui est un petit peu intriguant, c'est de le voir co-diriger.
12:11Puisque cette commission, c'est une commission à deux têtes.
12:14Il y a aussi cet entrepreneur qui a fait fortune dans les entreprises pharmaceutiques
12:20qui était un ancien compétiteur de Trump pour l'investiture des Republica.
12:25On n'a jamais vu Musk partager une gouvernance sur aucune de ses sociétés.
12:30Donc, on ne voit pas très bien comment cet attelage très bizarroïde va perdurer.
12:35Je pense qu'il faut vraiment garder un peu de sang-froid par rapport à cette situation
12:40et voir vraiment ce qui va se passer dans les semaines et les mois qui viennent.
12:43Ça va tenir, finalement.
12:45Après, sur la question de savoir si la fonction publique se dirige de la même façon qu'une entreprise,
12:51même en France, j'ai l'impression que c'est une position très macronienne ou macroniste,
12:57ça me semble très discutable.
12:59Est-ce que les résultats d'un prof, ça rentre dans un tableau Excel ?
13:06Je voulais aussi qu'on reste uberitien.
13:09Ce sera peut-être ma dernière question pour vous avant de vous libérer.
13:11Vous travaillez notamment sur ces questions de la désinformation.
13:14Comment vous définiriez le rapport d'Elon Musk à la vérité ?
13:20C'est une question intéressante.
13:24J'ai entendu sur le plateau cette idée qu'il avait une conception du temps un petit peu particulière.
13:28Je dirais qu'il a une conception à la vérité également un petit peu particulière, peut-être post-moderne.
13:33Moi, je pense qu'il est effectivement dans ce qui a été dit dans une stratégie de fake it until you make it,
13:39c'est-à-dire qu'on a besoin d'affirmer des choses avant qu'elles se réalisent.
13:43Il fait des prophéties qu'il espère autoriser les actrices.
13:46C'est comme ça que je le vois, mais c'est plus qu'un rapport à la vérité,
13:49c'est une forme de stratégie pour gagner.
13:52Je pense que c'est une stratégie qui fonctionne très bien jusqu'à présent.
13:55Maintenant, puisque Neuralink était mentionné, il y a un rapport à la vérité,
13:58il y a un rapport à l'éthique aussi.
14:00Effectivement, sur les tests animaux, on a pas mal de problèmes.
14:02On a aussi eu des résultats qui ont été annoncés qui n'étaient pas très satisfaisants
14:06sur cette société qui est particulièrement secrète.
14:09Mais également, pour mêler un petit peu la vérité et l'éthique,
14:12on a un recours assez classique chez Musk,
14:14à ce qu'on appelle la rhétorique des cas marginaux en philosophie morale
14:18et qui, en fait, va chercher une petite exception pour généraliser l'ensemble.
14:23C'est le cas des Tesla.
14:25Moi, je suis là pour faire en sorte que les gens ne meurent plus sur la route.
14:29C'est vraiment une nécessité morale d'amener des Tesla sur la route,
14:32des véhicules autonomes.
14:34En fait, on comprend bien qu'il y a des enjeux business derrière.
14:36C'est la même chose pour Neuralink.
14:38Il y a certaines personnes qui ne peuvent plus se servir de leurs membres.
14:41Moi, je suis là avec Neuralink pour faire ça.
14:43Non, en fait, il promeut un agenda qui est absolument transhumaniste et post-humaniste
14:49et il se sert de certaines populations pour pouvoir faire cas de ses recherches.
14:54Donc, il y a un rapport qui était un petit peu ambigu là-dessus
14:57et peut-être une dernière remarque.
14:59Je pense qu'on est dans une période où la politique se fait par opposition.
15:02Il y a un magnifique livre de Pierre Rosanvalon sur la contre-démocratie
15:05et l'idée ici, c'est de dire qu'en fait, on se fait élire par opposition
15:08à celui qui nous précédait en disant on va faire mieux.
15:11La question ici, dans ce duo, comme elle a été mentionnée sur le plateau,
15:14combien de temps est-ce que ça va tenir ?
15:16Parce qu'il y a une idole qui doit tomber à un moment.
15:19Soit ils arrivent à avoir des résultats complètement inédits,
15:21et là, ça sera un sacre absolu.
15:23Soit les résultats ne sont pas là.
15:25Et donc, il faudra bien qu'une tête tombe.
15:27Est-ce que le duo va se séparer ?
15:29Est-ce qu'ils vont se rejeter la faute l'un à l'autre ?
15:31Qui va récupérer en quelque sorte ?
15:33Qui va devenir le bouc émissaire ?
15:34Je pense que c'est une question intéressante à garder en tête dans les prochains mois.
15:37Même question posée, Olivier.
15:39Combien de temps ça va tenir ?
15:40Est-ce que ça va tenir, finalement, tout cet attelage ?
15:43Merci Hubert Etienne, je vais vous libérer.
15:45Je rappelle que vous êtes chercheur en éthique de l'IA et président de Quintessence AI.
15:48Merci d'avoir été avec nous pour ce début de débrief.
15:51Et Bernard Benhamou a réussi à nous rejoindre.
15:53Merci.
15:54Bienvenue.
15:55Et désolé.
15:56Bon, ça ne circule pas bien en ce moment.
15:59Je crois savoir qu'il y a des parpaings quelque part à côté de l'Assemblée Nationale.
16:02Alors, on va parler, nous, des Etats-Unis.
16:05Je disais que vous étiez un fin connaisseur de la politique américaine.
16:09Donc, on a commencé à faire un petit tour déjà de table sur ce que ça voulait dire, finalement,
16:15cette nomination d'Elon Musk à ce département de l'efficacité.
16:19Et quelles conséquences vous pensez que ça peut avoir demain sur la tech,
16:25la tech aux Etats-Unis, parce que c'est aussi là-bas que ça se passe d'abord,
16:29et puis en Europe et jusqu'en Chine ?
16:32Bon, déjà, il faut remarquer, j'imagine que vos interlocuteurs ont eu l'occasion
16:37de faire remarquer le caractère étrange et, effectivement, le conflit d'intérêts
16:41que ça représente entre la serre publique et la serre privée,
16:44sachant que, comme la plupart des grands groupes américains de la tech,
16:49il est très dépendant de contrats publics au travers de la NASA, en particulier pour SpaceX,
16:54mais aussi de défiscalisation sur ces gigafactories, etc.
16:58Donc, il y a là, effectivement, un vrai souci.
17:01Sur l'impact général de désinhibition que ça peut avoir sur l'ensemble des acteurs de la tech,
17:09il est évident, et on a vu déjà en amont que, par exemple, Jeff Bezos avait déjà pris
17:14ses précautions par rapport au Washington Post en évitant de prendre position
17:17pour Kamala Harris dans la tech, ce qui était une chose totalement inédite
17:21pour un journal comme le Washington Post.
17:23Même chose pour Los Angeles Times, mais là, c'était un big pharma,
17:26ce n'était pas un big tech.
17:28Donc, par définition, il y a là une forme de désinhibition à la fois sur la réglementation,
17:34et effectivement, lui-même, ça a été dit, j'imagine, à une vision radicale
17:39de la non-régulation des contenus sur sa plateforme,
17:43en licenciant la moitié ou les trois quarts, je crois, de ses effectifs.
17:47De modération ?
17:48Oui, absolument, consacré à la modération.
17:50Donc, par définition, l'idée, c'est de dire, peu importe qu'il y ait des risques de surchauffe économique,
17:54on ne va pas parler, effectivement, des enjeux économiques purs,
17:58mais en gros, c'est de dire que tous les freins, tous les éléments de régulation
18:02ont pesé contre, effectivement, la tech.
18:06Nous allons, effectivement, libérer la tech, tant d'un point de vue, je dirais,
18:11des freins habituels sur la concurrence, sur, effectivement, l'antitrust.
18:16Parce qu'on a vu se multiplier les procès, justement, quand même, ces dernières années.
18:20Vous pensez que ça va mettre un coup de frein ?
18:22Récemment a été annoncé par l'administration Biden une fragmentation de Google.
18:28Oui, séparation de Chrome.
18:30Séparation de Chrome et Google.
18:32Je pense qu'elle n'aura jamais lieu.
18:34Alors, je sais, par expérience, nous savons, pour avoir regardé depuis longtemps
18:38le terrain de l'antitrust au niveau des techs, ça prend énormément de temps.
18:40IBM avait été poursuivi pendant 17 ans, je crois, sans jamais que la chose n'aboutisse.
18:45Microsoft, à peu près la même chose.
18:48Je vois bien, effectivement, que là, l'antitrust, la figure de proue de l'antitrust,
18:52qui était Lina Khan, la patronne de la FTC, à mon idée, ne sera pas reconduite.
18:58Parce qu'elle pourrait l'être par Biden avant la fin du mandat.
19:00Ça me paraît peu probable.
19:02Mais, de facto, on a là, effectivement, un signal clair envoyé sur le mode
19:07il n'y aura pas d'entrave à la constitution de giga monopole.
19:12Ça peut changer la position européenne qui, elle aussi, est dans l'ultra-réglementation.
19:17Avec des Européens, aussi, qui s'en plaignent, d'ailleurs.
19:20Alors, il est évident. Là-dessus, je ferai référence à l'extraordinaire rapport Draghi
19:26qui, effectivement, disait, d'un côté, nous n'avons pas assez investi
19:29et, de l'autre côté, nous avons trop régulé.
19:31Je rappellerai des propos qui sont étranges et dont on pourrait penser
19:34qu'ils sont issus de Donald Trump, mais qui ne l'étaient pas,
19:36d'un ancien président des Etats-Unis qui disait,
19:38les Européens se prétendent avoir des grandes idées homoraux, etc.
19:42par rapport à nous, sur tout ce qui est big tech.
19:46Mais, en fin de compte, ils ne sont que jaloux parce qu'ils n'ont pas été capables
19:48de développer une industrie de même nature.
19:50C'est comme un certain Barack Obama.
19:52Donc, on voit bien que les propos sont les mêmes, d'année en année.
19:57Non, simplement, est-ce que les Européens vont changer ?
20:00Oui. Et je dirais, pour le mieux, à quel niveau ?
20:03La vision libérale de l'antitrust européenne a toujours été
20:08« Évitons la constitution de monopoles européens
20:10qui ferait augmenter le prix pour les utilisateurs. »
20:12Or, quand on est utilisateur des grandes plateformes aujourd'hui,
20:15en général, on ne paye pas.
20:16On ne paye pas Facebook, on ne paye pas Google, la plupart du temps.
20:19Pas directement, mais avec nos données.
20:21Non, voilà. Parfois, on a accès à des services payants,
20:24des services d'hébergement, des services supplémentaires.
20:26Mais la plupart des services de base, nous n'en sommes qu'utilisateurs.
20:29Nous ne sommes pas clients. Le client étant l'annonceur.
20:32Est-ce que ça va changer dans les temps à venir,
20:35pour la constitution de monopoles ?
20:36Ce que demande aussi Enrico Letta, un autre ancien Premier ministre italien
20:40qui a fait un autre rapport intéressant.
20:43Des constitutions de monopoles dans le domaine des télécoms,
20:45ou en tout cas de géants, pas de monopoles,
20:47de géants dans le domaine des télécoms,
20:49dans le domaine globalement des technologies,
20:51il ne faut pas nous empêcher de le faire,
20:53parce qu'on sait très bien qu'en face de nous, de l'autre côté,
20:56en Chine et aux Etats-Unis surtout,
20:58on a des acteurs institutionnels qui ne jouent pas fair play
21:03et qui effectivement bloquent toute forme d'accès aux marchés,
21:06en particulier les marchés publics.
21:08On pourrait citer le nombre de marchés publics
21:10bloqués par rapport à des acteurs européens.
21:12C'est ce que disait d'ailleurs très bien dans sa lettre Mario Draghi.
21:17Il disait que nous sommes beaucoup plus ouverts que tous les autres.
21:19Notre rapport commerce sur PIB est à 50%, là où il est 27%.
21:26En gros, nous sommes plus ouverts avec une doctrine
21:31qui est inadaptée à ce siècle,
21:33qui était logique dans le siècle précédent,
21:36mais qui est inadaptée au risque par rapport à l'innovation européenne.
21:40Donc oui, la réponse est,
21:42ce qui est en train de se passer aux Etats-Unis oblige,
21:45dans tous les sens du terme, à repenser la doctrine européenne.
21:49C'est évident.
21:50Une réaction ?
21:51Non, sur l'aspect européen, je suis totalement d'accord.
21:54On a un énorme retard à rattraper.
21:56On a développé une extrême dépendance
21:58vis-à-vis des grands groupes américains.
22:01Et effectivement, on ne peut pas simplement ultra réguler
22:04et être complètement ouverts.
22:06Il faut être plus raisonnable sur les deux aspects.
22:08Avoir une réglementation qui soit adaptée est absolument nécessaire.
22:11On le voit sur l'IA, avec l'EA Act.
22:13C'est absolument essentiel.
22:14Ensuite, il faut voir de quelle façon ça a été fait,
22:16si avec ces sortes de niches réglementaires qu'on a créées
22:20pour des experts un peu improvisés,
22:23alors que c'est un vrai sujet de premier plan.
22:27Et par ailleurs, on est totalement dépendants de ces groupes.
22:30Il faut trouver un équilibre, effectivement,
22:32et trouver un moyen de générer les investissements nécessaires
22:36pour rattraper ce retard vis-à-vis des Etats-Unis
22:38et de l'autre côté vis-à-vis de la Chine.
22:40On le voit dans l'automobile,
22:41avec le problème de l'électrique et des batteries.
22:44Les Etats-Unis sont confrontés aussi à un grand nombre de défis
22:48qui sont aussi comparables à ceux de l'Europe.
22:50Mais dans tout ce qui relève de l'électronique,
22:53de l'IA notamment, là, ils sont au premier plan.
22:57Et l'Europe n'est plus au premier plan sur rien que là.
22:59Elle a d'énormes atouts,
23:01mais il s'agit vraiment de combler ce fossé.
23:04Les Etats-Unis eux-mêmes sont prêts à affronter
23:07des problèmes gigantesques de conflits d'intérêts.
23:09C'est complètement imprésemblable.
23:11On est d'accord, c'est la Première Nation.
23:12Il faut vraiment se pincer pour y croire.
23:15En même temps, comme on évoquait Macron,
23:18il y a ce problème de productivité,
23:21d'arriver à allier ces innovations, notamment dans l'IA,
23:24à l'action de la productivité.
23:25Il ne faut pas l'appliquer de façon absurde dans l'éducation, évidemment.
23:29Mais l'idée aussi, c'est d'arriver à dépasser la bureaucratie industrielle
23:33pour pouvoir vraiment activer des leviers de croissance.
23:37On est quand même face à quelqu'un qui réussit.
23:40Olivier, je sais que toute cette enquête que vous avez menée
23:44détricote les mythes construits par Elon Musk,
23:48mais on est quand même face à quelques succès.
23:50SpaceX a donné naissance au lanceur réutilisable à moindre coût,
23:56a créé un nouveau marché.
23:58On peut parler de Starlink et de l'importance que ça constitue
24:01dans les nouveaux moyens de communication
24:03dans des moments de crise majeure.
24:06Je ne sais pas ce que ça donnera l'IA d'Elon Musk,
24:10mais on a déjà un supercalculateur colossus,
24:14une sorte de géant parmi les géants.
24:19Tesla, la promesse de la voiture électrique,
24:22il y avait quand même beaucoup de sceptiques au moment où ça a démarré.
24:25Pourtant, tout le monde a fini par suivre.
24:28On est quand même face à un entrepreneur à succès.
24:30Il ne faut plus qu'il y ait ce type de malentendu autour d'Elon Musk
24:33qui aime se présenter comme un pitre à dessin,
24:37parce que c'est une technique pour brouiller les pistes
24:40et faire en sorte qu'on ne soit pas trop vigilant à ses actions.
24:45Starlink, c'est très emblématique à cet égard.
24:47La communauté des astrophysiciens,
24:50dont le métier est d'observer le ciel
24:52pour essayer de comprendre la mécanique céleste,
24:54ont rendu compte que Starlink était en place une fois qu'il y était,
24:57parce que ça provoque dans la voûte céleste
25:00une sorte de graffiti lumineux qui les empêche de faire leur travail.
25:03Pendant que Musk parle de la colonisation de Mars,
25:08il occupait le terrain avec ce type de projet extrêmement science-fictionnel,
25:13qui est un sujet par ailleurs,
25:15mais ça permettait de ne pas parler de Starlink en quelque sorte.
25:18C'est un personnage qui, effectivement, a des effets sur le monde réel
25:22et sur le monde tel qu'on le vit.
25:25Il a été déterminant pour un ensemble de technologies,
25:28pour un ensemble d'industries.
25:30Il a imposé le modèle de la fusée réutilisable,
25:33qui fait qu'aujourd'hui,
25:35Ariane, par exemple, avec Ariane 6,
25:38est une fusée qui est quasiment obsolète après un seul lancement.
25:41Donc oui, c'est un personnage qui a été important dans son spectre.
25:45Le problème Musk, c'est que depuis le rachat de Twitter
25:49et depuis qu'il a choisi de devenir, non pas un politicien,
25:53mais quelqu'un qui choisit les politiques
25:56pour pouvoir avoir un compagnonnage qui lui va bien
26:00et faire en sorte que ses activités industrielles aillent le plus loin possible.
26:04Parce que moi, mon sentiment, c'est que l'obsession de Musk,
26:07ce n'est pas de devenir président des Etats-Unis,
26:09mais c'est de décrocher Mars.
26:11Et pour décrocher Mars, il fallait qu'il ait un président
26:13qui l'accompagne sur ce projet-là.
26:15Donc, depuis qu'il a racheté Twitter,
26:18il est dans l'hubris absolu
26:20et il considère que son avis est parole d'évangile sur tous les sujets.
26:24Or, on voit que quand il sort de son spectre de compétences,
26:27c'est souvent pour dire n'importe quoi.
26:29On l'a vu pendant le confinement,
26:31on l'a vu quand il parle des questions sanitaires,
26:33on le voit quand il parle de géopolitique
26:35et qu'il propose des plans de paix entre l'Ukraine et la Russie
26:39comme des sondages Twitter.
26:42On ne peut pas être pic de l'ami Randolphe sur tous les sujets.
26:45Allez, on n'a plus qu'une minute Bernard.
26:47Oui, ça vous semble court forcément.
26:49Je voulais vous interroger sur cette annonce qu'a fait Emmanuel Macron
26:53qu'il inviterait Donald Trump,
26:55bien évidemment le nouveau président des Etats-Unis,
26:57mais également Elon Musk,
26:59à se joindre au grand sommet mondial de l'IA
27:01qu'organise Paris en février.
27:03Logique, ça lui donne vraiment un nouveau pouvoir à Elon Musk ?
27:07Non, pas précisément.
27:09Le fait d'être présent à cette manifestation
27:11qui était programmée depuis longtemps,
27:13qui constituait peut-être la seule véritable activité
27:15du gouvernement en matière technologique pour la période.
27:19Donc non, là-dessus non.
27:21En revanche, le fait qu'il ait,
27:25comme le rappelait à l'instant M.Laska,
27:27qu'il ait effectivement une manière de faire,
27:31comment dirait-on, histrionique, théâtrale.
27:35C'est évident.
27:37Mais il est vrai que derrière,
27:39il y a des intérêts et des enjeux évidents
27:41par rapport à la puissance publique qui est,
27:43il faut le rappeler,
27:45un de ses interlocuteurs business essentiels.
27:47Et je voudrais juste rajouter un point.
27:49Un mot.
27:51C'est que le secret le mieux caché
27:53de l'économie américaine des technologies,
27:55c'est qu'elle dépend massivement
27:57de la commande publique
27:59et du financement des subventions américaines.
28:01L'Inflation Reduction Act a été un outil
28:03pour justement entamer et tordre
28:07la concurrence dans ces domaines.
28:09Si nous, Européens,
28:11ne faisons pas ce que recommande Draghi,
28:13c'est-à-dire un investissement massif,
28:15commun, de 800 milliards,
28:17ce que lui demande, peut-être n'arriverons-nous pas
28:19à ce chiffre-là dans ces domaines,
28:21la concurrence par rapport aux Etats-Unis
28:23sera ce qu'elle est, c'est-à-dire totalement asymétrique.
28:25Merci.
28:27Merci beaucoup Bernard Benhamou, Olivier Laskar et Émi Bourgeau
28:29d'avoir été avec moi pour cette édition spéciale
28:31avec un duo Trump-Musk,
28:33on verra ce que ça donnera.
28:35Merci à vous de nous suivre.
28:37C'était Smartech, à bientôt pour une nouvelle discussion sur la tech.

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