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"Il y a quand même tout un système, dont vous faisiez partie à cette époque-là, qui ne m'a pas aidée du tout."
L'échange fort entre Judith Godrèche et Laure Adler, sur le plateau de l'émission C ce soir.

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Transcription
00:00On est en 1995, L'Or anime Le Cercle de Minuit, une émission,
00:04et vous avez 22 ans à l'époque ?
00:06Et vous venez de sortir votre roman qui s'appelle Point de Côté.
00:09Vous êtes invitée par Laure Adler, qui vous parlait de votre roman,
00:13et dans plusieurs interviews ces derniers jours,
00:16vous avez cité ce moment avec L'Or comme un moment douloureux pour vous.
00:19Est-ce que vous pouvez nous dire pourquoi ?
00:21Et puis je voudrais que Laure nous réponde après aussi.
00:23Pourquoi ? Parce qu'en fait, ce roman est le roman que j'ai écrit
00:27juste après avoir fui l'appartement dans lequel je vivais avec Benoît Jacot.
00:33Je loue une chambre de bonne et je me mets à écrire.
00:37J'écris comme un truc presque justement d'un moment de prise de conscience.
00:41Je suis invitée sur des plateaux de télévision,
00:43dont celui de L'Or, ce qui était très valorisant pour moi et pour ce livre.
00:48Et c'est vrai que cet entretien, dans lequel j'essaie vraiment de m'exprimer le mieux possible...
00:55Est-ce que vous voulez qu'on regarde l'extrait ou pas ?
00:57Ou ça vous gêne l'une et l'autre ?
00:59Je ne le ferai pas sans votre accord.
01:02Bon, alors, regardons un extrait de cette émission ce soir-là.
01:05Donc, Judith Godrech chez Laure Adler.
01:08C'est l'histoire d'une jeune fille.
01:10Elle a 20, 21 ans.
01:13Et elle décide de quitter l'homme qu'elle aime.
01:18Elle croit qu'elle l'aime, d'ailleurs.
01:21C'est pas la raison de la rupture, puisqu'elle dit...
01:25Je te quitte, je te quitte même si je t'aime.
01:27Je te quitte pour savoir quelle est la vraie vie.
01:29Pour essayer d'être.
01:31D'exister ailleurs.
01:34Oui, c'est une fille qui a vécu très jeune avec un homme.
01:38Et qui est restée assez longtemps avec lui.
01:41Et qui...
01:43Peut-être n'a pas eu d'adolescence.
01:46Qui a été comme ça projetée très vite dans un monde...
01:49Où l'amour était devenu sa seule raison d'être.
01:53Et qui décide de découvrir la vie, le monde extérieur.
01:58Et surtout d'apprendre à découvrir la liberté.
02:02Savoir ce que c'est que la liberté.
02:04Qui aimerait savoir ce que c'est que la liberté.
02:06Vous acceptez qu'on voit un petit extrait du film si beau,
02:09La désenchantée ?
02:11Oui.
02:12On va le regarder tout de suite.
02:15Je crois que c'est ça que vous n'avez pas digéré.
02:19Là, ce n'est pas l'interview.
02:21C'est très, très resserré.
02:24Non, bien sûr.
02:25Mais c'est encore pire, d'ailleurs.
02:27Oui, je suis d'accord avec vous.
02:29Parce qu'en fait, cette interview assez longue,
02:31qui a été un vrai moment d'échange, se clôt.
02:35Le dernier mot de cette interview, c'est...
02:38Et vous acceptez qu'un film qui n'a rien à voir,
02:42si ce n'est dans son...
02:44Le film de Benoît Jacot.
02:46Avec ce que j'ai écrit, qui est justement...
02:49Je m'échappe, je m'enfuis.
02:52J'écris et on me dit, tu retournes dans la boîte.
02:55C'est là que tu dois vivre, dans cette cour-là.
02:59Pour moi, il y a vraiment quelque chose d'extrêmement patriarcal
03:05dans cette phrase-là.
03:07Toi, tu es jolie, tu as écrit un livre.
03:09Bon, on en parle un peu, c'est bien.
03:11Mais maintenant, on va montrer un vrai moment de cinéma.
03:14Quelque chose de magnifique.
03:16Mot qui n'a pas été employé pour parler de mon roman.
03:19Donc, il faut aussi voir à quel endroit les mots ont une importance
03:22quand il s'agit du travail d'un homme qu'on respecte, qu'on admire.
03:25Mais quand on parle du roman d'une jeune fille de 21 ans,
03:28on ne lui dit pas votre roman magnifique.
03:30Donc, il y a quand même tout un système
03:33dont vous faisiez partie pour moi, en tout cas, à cette époque-là
03:37et à cet endroit-là qui ne m'a pas aidée du tout, du tout, du tout.
03:43Alors, d'abord, je voudrais m'excuser si jamais je vous ai offensée.
03:47Et manifestement, ce jour-là, je vous ai offensée.
03:50Donc, je voudrais vraiment vous présenter mes excuses
03:54si je vous ai blessée.
03:56J'avais beaucoup aimé votre roman.
03:58Je me souviens de la liberté de cette jeune femme.
04:01Je me souviens de l'amitié qu'elle avait avec une autre jeune femme.
04:05Je me souviens de vos mots, de la texture de vos mots,
04:09du rythme de ce premier roman,
04:12de ce petit enfant que vous allez trouver en marchant,
04:15enfin, que votre narratrice va trouver dans les rues.
04:18Je l'ai interprétée comme un hymne à la liberté.
04:21Je l'ai interprétée comme une conquête de votre intégrité.
04:26Je l'ai interprétée comme une assomption
04:29encore plus haut que votre rôle d'actrice,
04:32c'est-à-dire une prise en main de votre propre destin.
04:36Et je l'ai lue, peut-être me suis-je trompée,
04:39puisque chaque lecture est subjective,
04:41et je ne suis évidemment pas propriétaire de la vérité
04:44de ce que vous avez voulu mettre dans ce roman,
04:47mais je l'ai lue comme une sorte d'adieu à l'enfance
04:50et comme une sorte de prise en charge
04:54de votre propre individualité
04:56pour pouvoir mener votre vie comme vous l'entendiez.
04:59– Dans l'interview, je vous dis que je n'ai pas eu d'enfance, justement.
05:03C'est par le roman que vous repreniez en main votre enfant.
05:07Je ne l'ai pas lue comme une confession.
05:10– De toute façon, je ne vous en veux pas plus que ça, honnêtement.
05:13Il se trouve que c'est intéressant.
05:15– À nous quand même !
05:17– Non, c'est intéressant, mais je pense qu'ensuite
05:19vous avez reçu Benoît Jacot un milliard de fois
05:21dans toutes sortes d'émissions et que vous l'avez…
05:23– J'ai reçu Benoît Jacot, oui, comme tout le monde.
05:25– Voilà, exactement, on est en train de parler d'un système
05:28dont vous faisiez partie, mais on n'est pas là pour ce…
05:31– Non, mais je voudrais terminer sur La Désenchantée.
05:34Je n'ai pas voulu, je crois vous avoir dit dans cet entretien
05:37qui n'est pas donné in extaso, puis je ne suis pas là pour me justifier,
05:40vous redire à quel point j'avais aimé votre premier roman.
05:44J'avais trouvé que c'était justement une sortie de ce rôle,
05:49peut-être de sujet que vous aviez pas assez
05:52à l'intérieur du cinéma de Benoît Jacot.
05:55Si j'ai mis un extrait de La Désenchantée,
05:57c'est parce que La Désenchantée, pour moi,
06:00à l'époque, c'était vous qui étiez la muse de Benoît Jacot.
06:05Peut-être ai-je mal compris parce que c'était la période.
06:08Et donc pour moi, quand je clôt cet entretien
06:11avec un extrait de La Désenchantée,
06:13c'était parce que je vous admirais, Judith, je vous admirais.
06:18Donc excusez-moi si j'ai mal fait comprendre ma forme d'admiration.
06:25Parce que vous étiez, moi, à mon âge,
06:28l'âge que vous aviez quand vous avez tourné La Désenchantée.
06:31J'étais une noix blanche.
06:32Je ne savais pas ce que c'était que la sexualité.
06:35J'habitais chez mes parents.
06:36Mes parents n'ont jamais parlé.
06:38Et je me disais, mais cette Judith, elle est extraordinaire
06:41parce qu'elle est en avance.
06:44C'est un avance malentendu.

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