"Pas de tétons, pas de poils, pas de vergetures."
Trop petits, trop gros, trop pendants… Dans le documentaire "Bénissez nos seins", plusieurs femmes se confient sur leur rapport à leur poitrine, source de fantasmes mais aussi de complexes.
Trop petits, trop gros, trop pendants… Dans le documentaire "Bénissez nos seins", plusieurs femmes se confient sur leur rapport à leur poitrine, source de fantasmes mais aussi de complexes.
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00:00Maureen est une personne qui a eu deux cancers du sein dans le sein droit
00:03et qui a décidé de faire l'ablation de ses deux seins,
00:06même celui qui n'était pas malade,
00:09pour se libérer du poids de la maladie.
00:11On lui a beaucoup questionné sur le fait que
00:13est-ce que son mari était prêt à avoir une femme sans sein ?
00:17Qu'est-ce qu'en pensait son entourage ?
00:19Pourtant c'est très joli d'avoir un beau décolleté avec une belle poitrine dedans.
00:24Je ne vous demande pas si ça fait joli ou pas joli,
00:26moi je vous dis que je ne veux plus de seins.
00:28Est-ce que vous aimez vos seins ?
00:30Les seins, on en voit partout, tout le temps,
00:33mais surtout, toujours les mêmes.
00:36Pas de téton, pas de poils, pas de vergeture.
00:38On a une vision unique de ce qu'est la poitrine.
00:41Ces siècles de représentation fantasmée
00:43ont ancré les dictats dans nos soutifs et dans nos chairs.
00:47Si on a des petits seins, il faudrait en avoir des gros,
00:49et que si on en a des gros, ce serait mieux d'en avoir des petits.
00:51Pendant longtemps, je pense que je n'ai eu pas de rapport avec mes seins.
00:55Je ne les trouvais pas ni beaux ni moches,
00:57j'avais juste pas d'avis.
00:59Et en faisant ce documentaire,
01:00je me suis rendue compte que, comme beaucoup de personnes que j'avais interviewées,
01:05j'ai découvert beaucoup de choses sur mes seins et sur mon corps d'une manière générale.
01:08Je me suis rendue compte qu'en fait, ma poitrine n'était pas juste neutre
01:13pour toutes les personnes qui étaient autour de moi.
01:15Elle était un objet de désir, un objet sexuel.
01:19D'une certaine manière, nos poitrines ne sont pas totalement à nous.
01:22Les réflexions que moi, j'ai pu avoir,
01:25c'est encore des choses qui me suivent maintenant.
01:28On nous donne, à chaque fois, depuis des siècles,
01:30une seule et même représentation d'un sein,
01:32qui est un sein fantasmé, idéalisé.
01:35Donc, un sein blanc, avec un téton rose,
01:40très haut sur le torse, presque en érection,
01:43et qui n'est ni trop gros, ni trop petit, ni trop ondant.
01:47En fait, il y a eu un peu une séparation dans la vision qu'on a faite des corps féminins.
01:51C'est-à-dire qu'il y a eu les corps très jeunes qui correspondaient au diktat de beauté,
01:54c'est-à-dire des corps maintenus, avec des seins très hauts,
01:58une taille fine, une chair ferme.
02:01Et les corps qu'on dit plus vieux, qui sont avec une peau qui se détend,
02:06donc des seins qui tombent.
02:07Et ça, ça a aidé des corps qui ont été complètement invisibilisés,
02:10mais en plus montrés comme non désirables.
02:13Et donc, à l'inverse, les corps qui ont été vus comme désirables
02:16sont les corps de jeunes femmes.
02:18En fait, la poitrine, elle est la jonction de beaucoup de luttes féministes
02:22et beaucoup d'injonctions et de beaucoup de diktats de beauté.
02:26Et je crois que ça m'a fait comprendre par rapport à mon corps
02:31qu'il n'était pas seulement là pour plaire ou ne pas plaire,
02:35ou être un baromètre du désir masculin et de...
02:40Est-ce que j'étais bonne ou pas bonne, en gros ?
02:44Mais plutôt qu'il pouvait aussi être un élément de fierté,
02:52un élément qui m'aide à créer, qui m'aide à ressentir des choses,
02:56à me surpasser.
02:57Et je crois que j'ai vécu une petite révolution de mon intime à moi
03:03en ayant les récits d'autres personnes que j'ai interviewées.
03:06Ça va, je ne suis pas que ça.
03:07Je suis aussi une tête bien pensante,
03:09je suis aussi une meuf militante qui a des réflexions sur les choses.
03:13Je ne suis pas juste un bout de viande dans la rue.
03:15Et ça, ouais, je...
03:16En fait, globalement, je pense que j'en ai marre d'avoir un corps de femme.
03:20Je pense que c'est hyper important d'apprendre à changer
03:23la manière dont on regarde nos corps et nos poitrines d'une manière générale,
03:25parce que c'est une manière de se réapproprier nos corps,
03:28mais c'est aussi une manière de se réapproprier tout ce qui passe par le corps.
03:32Questionner son corps, se le réapproprier,
03:34penser qu'on a un corps qui est là pour nous aider à se déplacer,
03:38à jouir, à ressentir, à créer, à marcher, à courir, à nager,
03:42à faire tout ce que l'on veut, d'une manière générale.
03:45Et pas simplement penser notre corps comme un objet de désir.
03:49Je pense qu'il y a déjà un petit aspect d'avoir une petite révolution intime,
03:54mais pour l'amener à une révolution collective,
03:56ça serait aussi de repenser la manière dont commente le corps des féminins,
04:02d'une manière générale,
04:03de la place qu'on leur donne dans la société, de la manière dont on le décrit.
04:09Et ça permettrait peut-être à beaucoup de ne pas subir les dictates de beauté,
04:15de ne pas se malmener, de ne pas se violenter,
04:18de ne pas se libérer,
04:22de pouvoir libérer notre parole par rapport à la manière dont on traite nos corps,
04:27que ce soit les autres qu'ils maltraitent ou même nous qu'ils maltraitons.
04:32Je crois que donner des nouvelles représentations diverses des poitrines,
04:38avec des seins de différentes couleurs, avec des tétons de différentes tailles,
04:42avec des gros seins, des plus petits seins,
04:45je crois que ça aiderait beaucoup déjà.
04:48Et j'ai l'impression que rassembler des espaces avec des récits intimes,
04:54parler de sa chair avec bienveillance,
04:57avoir un regard plus doux sur son corps,
05:02ça serait déjà une petite avancée en tout cas.