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"C'est grâce à lui que j'ai compris que j'étais pas belle à travers mes seins, j'étais belle à travers autre chose."

Quand Alice Detollenaere a appris à 32 ans qu'elle était atteinte d'un cancer du sein, elle a proposé à son conjoint, le nageur Camille Lacourt, de la quitter s'il en avait envie. Pour lui, il n'en était pas question. Et ils ont décidé de traverser cette épreuve ensemble. Ils racontent.
Transcription
00:00Quand j'ai découvert que j'avais un cancer du sein à 32 ans,
00:02je l'ai vécu comme un tsunami.
00:03Pour moi, ça a été vraiment difficile à encaisser
00:07parce que j'étais mannequin, j'ai toujours mannequin,
00:10je travaillais avec mon image.
00:11Donc forcément, j'avais peur de perdre mon travail,
00:13de perdre mon indépendance.
00:15Et puis surtout, j'avais peur de perdre mon conjoint
00:17parce que ça faisait un an qu'on était ensemble.
00:19Je m'étais dit que peut-être qu'il n'aurait pas envie
00:21de continuer sa route avec moi.
00:22Ce que j'aurais pu comprendre,
00:23je lui ai proposé de me quitter s'il en avait envie.
00:26Ça ne faisait pas partie des options.
00:27J'avais envie d'être à ses côtés.
00:31Et après, on a traversé ça ensemble.
00:33Ça fait très peur de se dire qu'on va perdre notre féminité
00:36et comment va être notre couple après ça.
00:39Camille, il m'a guéri en tant que femme sur toutes mes craintes.
00:42C'est grâce à lui que j'ai compris que je n'étais pas belle
00:46à travers mes seins, j'étais belle à travers autre chose.
00:49Et que nous, les femmes, on est capables d'être plus fortes que ça,
00:52d'aller plus loin que ça.
00:53Au moment où j'aurais dû vraiment m'effondrer,
00:56il m'a fait me sentir encore plus forte et plus belle,
00:59alors que ça aurait dû être tout l'inverse.
01:02C'est vrai qu'Alice disait que les femmes, on n'est pas qu'un physique
01:05et nous, les hommes, on n'est pas non plus amoureux que de ça.
01:07Je crois que notre couple, on a réussi à s'en sortir
01:09parce que justement, on s'est dit nos pires craintes.
01:12La communication, c'est la clé de tout.
01:14On a le droit de dire qu'on a peur,
01:15on a le droit de dire qu'on est inquiet,
01:17que des fois, on est fatigué,
01:19qu'on a envie d'aller boire un verre avec d'autres potes
01:22et de ne plus parler de la maladie.
01:23Je ne me suis jamais sentie aussi nue qu'en demandant à Camille
01:26est-ce que tu vas me trouver belle, même si je n'ai plus de sein ?
01:29Mais ça a été la question la plus difficile
01:30peut-être que j'ai eu à lui demander
01:32parce que j'avais très peur de la réponse.
01:33Le fait qu'il me rassure là-dessus,
01:34mais ça vous paraît peut-être évident quand je le dis comme ça,
01:38bien sûr qu'il m'a rassurée,
01:39mais waouh, qu'est-ce que ça fait du bien.
01:41Pour nous, ça a été vraiment après le plus compliqué
01:44parce que quand on est dedans,
01:46en fait, on a quand même l'objectif de sortir de cette maladie,
01:48de la vaincre et de repartir dans notre vie normale.
01:52Je suis reparti au travail à fond, je suis reparti dans le sport
01:55et en fait, Alice, elle était encore traumatisée
01:58parce qu'elle venait de traverser.
02:01Mentalement, ça a été compliqué.
02:03Et là, il y a un fossé qui s'est creusé,
02:04mais en quelques jours, quelques semaines,
02:07on a dû aller voir une thérapeute qui a dit à Alice
02:10que c'était peut-être le cancer, la cause de nos problèmes.
02:13Alice ne voulait pas du tout qu'on ne reparle de ça
02:15parce qu'elle voulait le laisser derrière.
02:17Et donc, elle a claqué la porte de la thérapeute, elle s'est barrée.
02:20Il faut rejouer le jeu de la vie.
02:21T'as peur que ça revienne, t'as peur de la récidive,
02:23et puis tu te sens faible, en fait.
02:25Donc, tu vois les autres, les accompagnants, en fait,
02:28qui, eux, ils reprennent leur vie, ils sont trop contents.
02:31Et toi, t'es dans une désillusion parce que tu pensais, en fait,
02:36que tu allais retrouver ta vie d'avant,
02:38alors que non, tu ne retrouves pas ta vie d'avant.
02:40Donc, il faut retrouver ce nouveau soi,
02:42il faut apprendre à l'apprivoiser,
02:44puis il faut surtout comprendre que l'après est aussi dur que le pendant.
02:48Avec Camille, on s'investit à deux pour la cause
02:50parce qu'il y a une forme de réparation
02:54dans le fait de vouloir s'investir pour les autres.
02:58Nous, on a eu beaucoup de chance.
02:59On a été des dictateurs, on a évité le pire.
03:02Et puis, on est restés ensemble, on est restés soudés.
03:04Il y a plein de couples, ils n'ont pas tout ça.
03:06C'est très difficile.
03:08Et on s'est dit, on ne va pas aller se cacher, en fait.
03:10On va assumer ça.
03:11Et puis, on va essayer de donner de l'espoir aux autres.
03:15Le choix d'être marraine de l'association Ruban Rose,
03:18c'est de façon assez naturelle.
03:21Déjà parce qu'ils s'investissent pour la prévention.
03:23Et moi, ça me tient énormément à cœur
03:25parce qu'être diagnostiquée à 32 ans, ce n'est pas anodin.
03:27Donc, j'aimerais qu'aucune femme ne passe à côté de la chance
03:30d'être diagnostiquée de façon précoce.
03:33Et puis parce qu'ils s'investissent pour la recherche.
03:36Et la recherche, j'en ai bénéficié à tous les moments de mon parcours.
03:41Déjà dans un dépistage précoce, une identification génétique
03:45puisque c'est pour cette raison que j'ai fait retirer mon deuxième sein.
03:48Parce qu'on s'est aperçu que j'avais un terrain génétique
03:51et que j'avais le même risque sur mon deuxième sein.
03:53Et donc, ça me paraissait d'une évidence claire de m'investir à leur côté.
03:58Et vous Camille, vous êtes du coup les géris de cette campagne octobre 2024.
04:03L'idée, c'est de mettre en lumière le rôle des aidants
04:05parce qu'on est là pendant la maladie, on accompagne avant, après.
04:09Et surtout, j'ai envie de dire que nous les hommes, on peut être aussi acteurs de ça.
04:14Ça veut dire qu'on peut être acteurs de prendre rendez-vous chez le médecin pour notre femme,
04:19de la harceler pour qu'elle y aille et de rendre ce moment un peu moins stressant.
04:24C'est-à-dire que tu as un rendez-vous chez le médecin
04:26et derrière, on va prendre un café, on va faire un resto.
04:29Et en fait, je pense qu'on doit être acteurs de ça.
04:31Moi, le message humblement que j'aimerais faire passer,
04:33c'est qu'on n'aura jamais, en tant qu'accompagnant, toujours la bonne réponse.
04:39On va se tromper.
04:40Et en fait, ce n'est pas grave.
04:42On est tout le temps dans la réaction à cette fichue maladie.
04:44Donc l'erreur, elle est possible, mais quand on s'aperçoit qu'on s'est trompé,
04:48il faut vite faire marche arrière, s'excuser et avancer.
04:50Moi, j'aurais envie simplement de dire à toutes les femmes,
04:53surtout allez vous faire dépister, d'accord ?
04:55Les cancers du sein, c'est des cancers du sein.
04:58Il y en a des très agressifs, il y en a des plus gentils.
05:00Mais un cancer gentil qu'on a laissé se répandre, c'est un cancer qui tue aujourd'hui.
05:03Et un cancer agressif qu'on a pris à temps, c'est un cancer qu'on guérit.
05:06Et vous aussi, messieurs, allez faire dépister vos femmes.
05:10Bienvenue à moi.

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