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  • 09/06/2024
"C'est un phénomène complètement fou, un des plus grands qu'on puisse voir…"

Ce phénomène, c'est la grande migration du vivant, où des milliers de dauphins, de baleines et de fous du Cap collaborent au bon fonctionnement de leur écosystème. Le photographe Alexis Rosenfeld les a observés de près, très près, pour son projet 1 Ocean mené avec l'UNESCO. Il raconte.

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Voyages
Transcription
00:00Sur Terre, on connaît tous la migration des gnous et des grandes migrations animales.
00:04Et sous l'eau, ça existe aussi. C'est ça.
00:06Et c'est aussi impressionnant. Et là, c'est à vitesse réelle.
00:09Il se passe ça sous la mer.
00:10Sauf qu'il faut mettre la tête sous l'eau pour le voir.
00:12C'est une migration qui est tellement grosse qu'en avion, en fait,
00:15ça forme un énorme serpent noir.
00:18Et c'est les sardines qui grouillent et qui remontent,
00:20qui sont collées les unes aux autres.
00:22Et c'est celle qui est au milieu qui va sûrement être protégée
00:24de la baleine ou du requin ou du dauphin.
00:27Là, il y a autour de moi des plongeons, des fous.
00:29Et donc, juste autour de moi, ils viennent à quelques centimètres
00:32de l'appareil photo pour attraper la sardine.
00:36Donc, je ne sais pas comment ils font pour ne pas me viser.
00:39Mais c'est juste impressionnant à vivre.
00:42C'est une scène hors du commun.
00:44Les chiffres de cette migration sont quelque part affolants.
00:46On parle de centaines de milliers de fous du Cap.
00:49C'est des dizaines de milliers de dauphins.
00:51C'est des milliers de baleines.
00:53Et puis les requins, je n'en sais rien parce qu'ils sont, eux, sous la surface.
00:55Ils sont beaucoup plus compliqués à compter.
00:57La grande migration du vivant, c'est un projet que je mène avec l'UNESCO
01:01dans le cadre des missions One Ocean.
01:03Le but de ce projet, c'est de témoigner de cette grande migration
01:05et du danger aujourd'hui de la voir disparaître
01:08parce qu'il y a des projets gaziers au large de la côte sauvage
01:12qui risquent d'anéantir ce phénomène naturel.
01:17Et bien sûr, voilà, le réchauffement climatique.
01:20Donc, c'est plusieurs mois de mission pour aller prendre un petit bout
01:23dans cette zone-là, un petit bout dans cette zone-là
01:25parce que c'est une migration sur plus de 1500 kilomètres.
01:27C'est un phénomène complètement fou.
01:29Un des plus grands, probablement, qu'on puisse voir.
01:31Ça part du Cap vers la baie d'Algoa.
01:33Ce sont ces sardines qui vont remonter,
01:35qui profitent du contre-courant d'Agoulas
01:37et qui vont remonter toute la côte sud-africaine,
01:39quasiment jusqu'au Mozambique.
01:41Et après, c'est ce lien très étroit,
01:43ce travail très étroit, une collaboration
01:45entre les fous du Cap et les dauphins.
01:48S'il n'y a pas de dauphins, les fous du Cap ne peuvent pas manger.
01:51C'est les dauphins qui vont passer sous les bancs,
01:53faire remonter les bandes de sardines.
01:55Et les fous du Cap vont se mettre en action pour les manger.
01:58Donc il y a un véritable lien entre toutes les espèces.
02:00C'est là où on comprend vraiment le fonctionnement d'un écosystème.
02:03Mais en y intégrant l'homme aussi, parce qu'à un moment,
02:05l'homme va profiter de ses sardines
02:07et les pêcheurs locaux vont profiter de ses sardines
02:09quand elles vont venir s'échouer sur les plages.
02:11On est tous interdépendants.
02:13C'est une grande colocation
02:15et si on ne respecte pas son colocataire,
02:18il y a un petit souci.
02:19Quand on travaille là-dessus, c'est compliqué.
02:21Un grand mer est compliqué parce que c'est souvent une grosse mer.
02:24On est en hiver, on est en Afrique du Sud
02:27et il faut passer ces barres de vagues
02:29qui sont absolument monstrueuses et effrayantes.
02:32Et tous les jours, elles sont effrayantes.
02:34Une fois qu'on est passé, il y a plus de calme
02:36et on est en quête des oiseaux,
02:38on est en quête de ces fous.
02:39Et à partir du moment où il y a là, là ou là,
02:42un groupe de fous qui commence à tourner
02:44et qui commence à pêcher,
02:45on sait qu'il se passe quelque chose dessous.
02:46À chaque fois que je saute et que je plonge,
02:48déjà je me mets souvent la tête la première
02:50pour voir immédiatement ce qui se passe sous l'eau.
02:52Parce qu'il y a souvent une inquiétude
02:55de la part des requins qui viennent au contact
02:57pour voir ce que c'est.
02:58Il y a un bruit, un splash et ils viennent au contact.
03:01Donc là, il faut avoir un petit peu d'attention
03:03et une fois qu'ils ont compris
03:04qu'on n'était pas vraiment très digeste,
03:08ils s'en retournent à leur sardine.
03:10Ensuite, il y a une attention à tout ce qui se passe,
03:12méfiance des fous et méfiance des baleines.
03:16Et éviter absolument la bouche de la baleine.
03:18Et là, sur ce moment-là précis,
03:21je suis tout seul et je suis entouré
03:24de ce mouvement de vie absolument exceptionnel.
03:27Et moi, ce que j'ai envie de raconter,
03:29c'est l'émotion en fait.
03:31C'est ce monde vivant et absolument surprenant
03:35que j'ai la chance de partager,
03:36d'enlever toutes les inquiétudes que j'ai
03:38juste pour être là et regarder, contempler,
03:41faire quelques photos.
03:42Mais c'est vrai que sur le moment,
03:43je n'avais pas le réflexe de la photographie.
03:45J'avais le réflexe de waouh, c'est incroyable.
03:49C'est un peu un cadeau d'amour,
03:53cette grande migration et ce moment-là.
03:55C'est un phénomène qui existe depuis des millénaires,
03:59qui nourrit les peuples de la côte
04:01et qui profite aussi à tous ces grands prédateurs.
04:03Et c'est très facile de se retrouver
04:06dans un banc de 3 000 ou 4 000 dauphins.
04:09Et ils nagent ensemble en formant une seule ligne
04:11et ils sont en quête du banc de sardines
04:13et ils vont venir entourer
04:14et ça devient l'orgie des dauphins.
04:17Et c'est vrai que moi,
04:19de me retrouver dans un banc comme ça,
04:21ce qu'on appelle les mégapodes,
04:23de comprendre que ce sont des groupes de dauphins
04:25qui se rassemblent les uns avec les autres
04:27alors qu'ils ne parlent pas forcément le même langage,
04:29j'ai trouvé ça extraordinaire de vivre ces moments.
04:33Malheureusement, peut-être les derniers moments
04:35de cette grande migration,
04:36c'est parce qu'il y a des projets de gaziers
04:38au large de la côte sauvage.
04:40C'est un projet d'exploitation à 1 000 mètres de profondeur,
04:43des choses qui n'ont jamais été faites jusqu'à présent.
04:45Et l'idée, c'est d'aller puiser ce gaz,
04:47donc continuer dans la production
04:50et l'exploitation d'énergies fossiles.
04:52Alors qu'on a tous maintenant,
04:54aujourd'hui je crois bien conscience
04:56que c'est un stop définitif.
04:58Le problème du projet gazier,
04:59c'est à la fois l'exploitation
05:00et la production d'énergies fossiles
05:02et aussi localement tout ce que ça va produire
05:05en termes de son et de pollution sonore.
05:07On le voit sur les manchots,
05:09les manchots du Cap.
05:11Il y a des zones où 70 % de la population a disparu
05:14à cause de la pollution sonore,
05:16d'après les chercheurs.
05:17Ce qui nous a été expliqué sur les manchots du Cap,
05:19c'est que simplement, le manchot du Cap
05:21utilise le son pour aller se nourrir,
05:24pour aller pêcher, pour aller manger.
05:26Et qu'à partir du moment où il y a une perturbation sonore,
05:29ce manchot du Cap, il ne peut plus aller manger
05:31parce qu'il n'a plus repéré sa proie.
05:33Il va être gêné par son ambiance.
05:35Mais c'est comme essayer de raconter une histoire
05:37à quelqu'un dans une salle de concert.
05:39Ça ne marche pas et on n'entendra pas.
05:41Et lui, il ne peut pas retrouver son lien avec la nourriture
05:44et il ne pourra pas aller se nourrir.
05:46Donc où il s'en va, où il disparaît.
05:48Et notre menace sur cette grande migration,
05:50c'est le réchauffement climatique
05:52parce que le réchauffement climatique agit sur l'océan,
05:54agit sur les grands courants.
05:55Et ça, tous les chercheurs l'expliquent très bien.
05:57Et s'il y a une modification de ces courants,
05:59il y a une modification à la fois de l'alimentation,
06:01des grandes routes migratoires,
06:03et il y a un moment où ça va s'arrêter
06:05parce que plus de courants, plus de vie.
06:07L'océan, c'est un réacteur en mouvement.
06:10Et si on stoppe le réacteur, tout s'arrête.

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