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Pour son interview d’actualité, Télématin reçoit Amélie Vialet, paléoanthropologue au Muséum National d'Histoire naturelle. 

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Transcription
00:00l'histoire naturelle. Bonjour Amélie Vialet, merci d'être avec nous ce matin pour célébrer un anniversaire particulier.
00:05Il y a 50 ans, une équipe de chercheurs, dont le français Yves Coppens, découvraient les restes de Lucie,
00:11australopithèque de plus de 3 millions d'années. Voici ce que nous en disions sur Antenne 2, et on en parle après.
00:19Mais cette semaine à Nice, c'est de Lucie qu'on parlera le plus.
00:22Il faut vous dire que Lucie a tout de même 3 millions 200 mille ans.
00:26C'est un australopithèque, en tout cas une petite femme d'un mètre vingt et de 35 kilos.
00:32Ça c'était en 76, lorsque les restes sont arrivés à Nice, je crois.
00:37Les mensurations ont été un peu revues à la baisse après, me semble-t-il. Au moment où on la découvre,
00:43que sait-on de Lucie, et en quoi cette découverte est vraiment capitale ?
00:48En fait, la découverte de Lucie est extraordinaire parce que c'est un squelette relativement complet.
00:54A cette époque, on a trouvé beaucoup de fossiles déjà en Afrique de l'Est,
00:58mais surtout des restes dentaires, quelques fragments de crâne, et donc absolument pas d'éléments du squelette.
01:04Or, notre anatomie nous dit beaucoup de choses.
01:06Et le squelette de Lucie, puisqu'il est complet à peu près à 40 %, nous parle de sa locomotion, la façon dont elle se déplaçait,
01:14éventuellement de sa parturition, la façon dont elle enfantait, et puis aussi sur ses membres supérieurs,
01:20ses autres capacités, qui sont un petit peu moins connues pour nous aujourd'hui, qui sont sa capacité au grimper dans les arbres.
01:26C'est ça, on va en parler.
01:28Alors d'abord, son nom lui vient, on en parlait tout à l'heure, de la chanson des Beatles, Lucie in the Sky.
01:33Ça va participer, j'imagine aussi, au fait qu'elle soit devenue assez iconique, une icône pop, Lucie ?
01:41Oui, oui, complètement. Tout participe en fait au succès de Lucie.
01:44L'époque, aussi, est un peu soixante-huitarde, où on cherche un petit peu à avoir des figures tutélaires de la grand-mère de l'humanité,
01:51et Lucie va tomber à pic.
01:53Et puis, cette petite coïncidence, quand même, le petit prénom qu'on lui donne, c'est pour pouvoir la nommer,
01:57et c'est surtout pour donner le temps aux scientifiques, en fait, de réfléchir, de faire les études nécessaires pour pouvoir réellement lui donner un nom scientifique.
02:05Il viendra quatre ans après ce nom scientifique, et c'est en effet Australopithecus safarensis.
02:11Ceci dit, nous, on la connaît sous le nom de Lucie à l'international, mais en Éthiopie, la population locale l'appelle Dinkinesh,
02:18et c'est encore plus joli, parce que ça veut dire « tu es merveilleuse ».
02:21Ah, c'est beau, effectivement.
02:23Vous évoquiez ce surnom de grand-mère de l'humanité, je crois qu'il y a eu des débats sur sa place dans notre arbre généalogique.
02:30Yves Coppens disait qu'elle était une grande tante, d'autres disaient qu'elle était une grand-mère.
02:35Voilà, c'est la spécialité des paléanthropologues de discuter absolument, de débattre de ça toute la journée.
02:40Mais c'est vrai que ce qu'il faut considérer, c'est qu'au moment de la découverte en 1974, elle est un peu seule.
02:45On connaît d'autres types d'Australopithèques qui sont, on dit, très robustes, parce qu'ils ont des caractères particuliers.
02:51Voilà, mais sinon, on n'a pas beaucoup d'espèces.
02:53Mais depuis la découverte de Lucie, en fait, sur ces 50 dernières années, on a maintenant beaucoup de fossiles,
02:58et on a des fossiles qui remontent à 7 millions d'années.
03:02Thomas, je crois que c'est lui, il y a eu Hardy, il y a eu Aurorein ou Aurorine,
03:07donc des fossiles parfois, effectivement, deux fois plus vieux que Lucie,
03:10et qui ont bousculé un peu certaines théories, notamment sur l'endroit qui était vraiment le berceau de l'humanité,
03:18ou la manière, le moment où l'homme et le chimpanzé se sont séparés.
03:23Est-ce qu'on en sait plus aujourd'hui, justement, sur nos origines ?
03:27Alors, en fait, tout ça est un peu lié aux propositions d'Yves Coppens,
03:30et c'est vrai que ce qui a bousculé pas mal nos façons de concevoir l'évolution humaine,
03:34ce sont les découvertes qu'ont eu lieu au Tchad,
03:36parce qu'on quittait vraiment le berceau africain d'Afrique de l'Est et un peu d'Afrique du Sud,
03:41et donc c'est vrai que ça a obligé un peu à revoir certaines conceptions,
03:44parce que Yves Coppens avait proposé qu'en fait, par le système de grand rift est-africain,
03:49un défondrement d'une partie de l'Afrique de l'Est, il y a une barrière des pluies qui se crée,
03:53donc tout ce qui se passe à l'Ouest, en fait, va rester dans des zones très tropicales, humides,
03:58et on trouve les ancêtres des chimpanzés et des gorilles,
04:00alors que tout ce qui se passe à l'Est, ce sont les fossiles qu'on a mis au jour
04:03et qui donnaient l'impression que c'était plutôt les fossiles qui allaient donner l'émergence de notre propre genre,
04:08le genre homo.
04:10Les techniques d'analyse scientifique ont évidemment beaucoup évolué en 50 ans,
04:14est-ce qu'on travaille toujours sur les restes de l'usine,
04:17pour essayer de découvrir d'autres choses ?
04:20Oui, bien sûr, c'est une investigation permanente,
04:22et comme vous le dites, comme nos méthodologies se renouvellent,
04:25par exemple, maintenant, on a les rayons X,
04:27donc tout ce qui est micro-tomographie, qui nous permet de voir l'intérieur des os,
04:30qui nous permet de travailler sur les épaisseurs des os, sur la structuration interne.
04:35Et ça peut raconter quoi ? Parce que j'imagine son alimentation, par exemple,
04:38est-ce qu'on sait ce qu'elle mangeait, Lucie ?
04:40Oui, alors ça, on peut regarder au niveau des caractères dentaires,
04:42donc ses dents sont très bien conservées,
04:44elle a sa troisième molaire, la dent de sagesse,
04:46donc c'est un individu adulte, c'est sans doute une jeune adulte,
04:50et vu la morphologie des dents, leur dimension,
04:53la proportion des dents antérieures, les canines incives par rapport aux molaires,
04:56qui sont là pour écraser les aliments,
04:58on se rend compte qu'elle avait un spectre alimentaire assez varié, justement.
05:02Elle est capable de manger des fruits, mais des choses un petit peu plus coriaces aussi,
05:06et sans doute, très occasionnellement, mais sans doute aussi un peu de viande.
05:10Vous évoquiez au début la manière dont elle se déplaçait,
05:13on sait qu'elle était bipède, mais elle avait aussi la capacité de grimper aux arbres,
05:18et c'est aussi son squelette qui l'a appris.
05:21C'est ce que nous offre ce squelette, c'est vraiment de documenter à la fois,
05:25vous voyez l'os de la jambe, donc le fémur par exemple,
05:28comme il est orienté vers l'intérieur du corps,
05:30il est exactement comme le nôtre, c'est-à-dire que ça signe un individu
05:33qui se déplace sur ses deux pattes arrières, comme nous.
05:35Son bassin, vous voyez, il a déjà cette forme un peu de corbeille et de tube,
05:39c'est ça qui nous fait dire qu'elle devait accoucher aussi comme nous,
05:42avec les risques que ça comporte,
05:44mais que du coup elle devait être comme nous au monde,
05:46des enfants en fait qui avaient un petit cerveau,
05:48et dont le cerveau allait se développer beaucoup par la suite,
05:51et donc beaucoup en contexte social, c'est-à-dire au sein du groupe,
05:54ça c'est une de nos caractéristiques toujours aujourd'hui.
05:57Et puis sur le membre supérieur, vous notez qu'on a tous les éléments,
06:00du bras, du coude, et on est capable de montrer en fait
06:04qu'il s'agit vraiment d'un individu qui sait grimper aux arbres,
06:06notamment par des tout petits os comme ceux des phalanges de la main,
06:09qui sont assez longs et assez courbes, et qui sont très pratiques pour le grimper.
06:13Merci beaucoup pour ces explications, c'est passionnant,
06:16et merci Olivier Vialli d'avoir été avec nous ce matin.
06:19Un plaisir, merci.
06:20Merci, je confirme.