À quoi ça sert la Francophonie ? Est-ce un instrument politique de la France ? Qu'est-ce qu'elle apporte à la jeunesse africaine, concrètement ?
Oria Vande Weghe, porte-parole de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF), dont le 19e Sommet débute aujourd'hui en France, a répondu à vos questions.
Oria Vande Weghe, porte-parole de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF), dont le 19e Sommet débute aujourd'hui en France, a répondu à vos questions.
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00:00Aujourd'hui, la francophonie, on est plusieurs décennies après la fin de la colonisation.
00:04La langue française, elle n'appartient pas aux Français.
00:06L'OIF a été créée par quatre hommes du Sud, pas par la France.
00:10Ça a été créé par le président du Sénégal, Léopold Salar-Senghor,
00:14le président du Niger, Amani Diori, le roi Sihanouk du Cambodge
00:18et le président Bourguiba de Tunisie.
00:20Ce sont quatre hommes des pays du Sud qui ont décidé que la langue française
00:23pouvait être un atout dans leur coopération avec le reste du monde.
00:26Donc voilà, il faut changer de mindset.
00:29Bonjour, je suis Aurya, je suis porte-parole pour l'Organisation internationale de la francophonie.
00:34Alors, vous m'avez posé beaucoup de questions sur les réseaux de Brut Afrique
00:38et je suis ravie de pouvoir y répondre aujourd'hui.
00:45Alors, Ava connaisseur, qui me demande à quoi ça sert l'OIF en fait,
00:50à quoi ça sert ce sommet, c'est très loin des préoccupations et de nos problèmes du quotidien.
00:54Alors effectivement, à quoi ça sert l'OIF, c'est une question qu'on me pose beaucoup.
00:58En plus, comme j'ai la charge de la communication de l'institution,
01:01je peux vous dire que c'est mon challenge au quotidien, expliquer ce qu'on fait.
01:05En fait, l'OIF, c'est simple, c'est une organisation internationale
01:08qui réunit tous les pays qui ont la langue française en commun,
01:13c'est-à-dire 54 pays membres de plein droit, 27 pays observateurs et 7 associés.
01:19Alors, à quoi sert le sommet ?
01:21C'est simple, le sommet, c'est comme le gros conseil d'administration de notre organisation.
01:26Donc, c'est le moment où tous les États au niveau le plus haut,
01:29c'est-à-dire les présidents, se réunissent pour discuter des projets de l'organisation,
01:35pour donner les orientations aussi aux équipes de l'OIF pour savoir
01:40ce qu'elles vont faire pendant les deux prochaines années.
01:42Et effectivement, ça peut sembler loin des préoccupations et des problèmes du quotidien,
01:46mais c'est justement pour ça qu'on a fait des réformes
01:50et on est très fiers de dire que depuis le dernier sommet qui s'était passé en Tunisie,
01:55on a vraiment travaillé sur des formats de sommets
01:57qui se focalisent vraiment sur les préoccupations des gens.
02:00Et en fait, pour la petite histoire, on fait travailler les présidents,
02:03ce qui n'était pas le cas avant.
02:04Et on leur demande de réfléchir et de proposer des recommandations.
02:08Donc oui, on essaye de changer les choses petit à petit.
02:11Alors, Yvon Laurent qui demande,
02:14est-ce que les jeunes pourront participer au sommet au sein des délégations nationales ?
02:19Et deuxième question, pourquoi l'OIF n'organise pas de sommet jeunesse
02:22en marge du sommet des chefs d'État ?
02:25Alors, ça a eu lieu.
02:26C'est déjà arrivé dans le passé qu'il y ait des sortes de sommets jeunesse
02:29ou conférences de la jeunesse.
02:31C'est une idée qu'on a abandonnée pour l'instant
02:33parce qu'on se rendait compte qu'en fait,
02:35c'était plus un gros investissement événementiel
02:38avec finalement peu de résultats concrets.
02:40Le parti pris aujourd'hui pour l'OIF,
02:42c'est de vraiment se préoccuper des jeunes.
02:46D'ailleurs, le thème de cette année, c'est en lien direct avec l'emploi de la jeunesse,
02:50mais de les inclure dans la conversation.
02:53Il y aura des jeunes qui ont été sélectionnés par tous les pays, membres,
02:57qui vont s'asseoir autour de la table avec les présidents
02:59et qui auront un mot à dire en fait.
03:01Diarra Ndiaye, qui me demande
03:03ce qui est prévu pour la société civile
03:05lors du sommet de la francophonie,
03:07s'il y a des initiatives ou des espaces de participation
03:09spécifiques pour les associations et les acteurs de la société civile.
03:12Alors, c'est vrai que le sommet, c'est vraiment une instance politique.
03:15Mais comme c'est un moment fort pour la vie francophone dans le monde,
03:19en marge de ce sommet, on organise beaucoup d'événements.
03:22Qui réunissent la société civile, notamment autour de la culture,
03:25autour du patrimoine aussi.
03:28Quand je dis la culture, c'est la culture contemporaine,
03:30mais le patrimoine culturel des États.
03:32Et c'est comme ça qu'on a des lieux de rencontres.
03:34Et cette année, c'est au 104, à Paris.
03:36On a une question de Richard Choubacca,
03:39qui demande comment l'Organisation internationale de la francophonie
03:43parvient à dissocier son action de la politique étrangère de la France
03:47avec une sous-question, la perte progressive du pouvoir géopolitique
03:52de la France en Afrique, combinée au fait que la langue française
03:55est parfois perçue comme un outil d'acculturation et de domination coloniale.
03:59N'affecte-t-elle pas l'agenda et la perception de l'OIF
04:02auprès des pays membres, en particulier en Afrique ?
04:05Alors, c'est une très bonne question.
04:07Et c'est une question contre laquelle on se bat tous les jours.
04:10Et surtout moi, directrice de la communication.
04:13Je pense que c'est le plus gros défi que j'ai.
04:16C'est cette déconstruction d'un cliché qui a la peau très très dure,
04:20selon lequel la francophonie, c'est un outil de la France.
04:23La réalité, c'est qu'on est souvent pris dans cet amalgame
04:27entre la relation bilatérale que la France a avec certains pays
04:31et notre action, qui est une action totalement multilatérale,
04:35qui implique la France, d'autres pays d'Europe, l'Afrique,
04:38mais également des autres régions, comme l'Amérique du Nord, le Canada,
04:41l'Asie du Sud-Est, le Vietnam, le Cambodge.
04:43Et moi, je voudrais profiter de cette occasion pour rappeler que la francophonie,
04:46telle qu'elle existe aujourd'hui, l'OIF, a été créée
04:50par quatre hommes du Sud, pas par la France.
04:52Ça a été créé par le président du Sénégal, Léopold Selar Senghor,
04:56le président du Niger, Amani Diori, le roi du Cambodge,
05:00le roi Sihanouk du Cambodge, et le président Bourguiba de Tunisie.
05:04Ce sont quatre hommes des pays du Sud qui ont décidé que la langue française
05:07pouvait être un atout dans leur coopération avec le reste du monde.
05:10Donc voilà, il faut changer de mindset.
05:13J'ai une question de Kbeya1017,
05:16qui me demande pourquoi cette dame,
05:19mouchikiwabo, rwandaise, de nationalité,
05:22est responsable de l'organisation à base de la langue française.
05:26C'est très simple, elle est rwandaise.
05:28Le Rwanda est un pays membre fondateur de l'OIF,
05:31qui était parmi les 21 pays qui ont fondé l'OIF en 1970,
05:35et qui est un pays qui est totalement multilingue,
05:38qui a quatre langues officielles,
05:40le kinyarwanda, l'anglais, le français et le swahili.
05:44Donc elle n'a pas à s'excuser d'être où elle est.
05:48Elle est rwandaise, multilingue,
05:50fière de l'être et fière de diriger cette organisation,
05:53qui regroupe des pays qui sont pour la quasi-totalité multilingue.
05:57Ils ont le français, mais ils ont également d'autres langues officielles,
06:00donc pas de complexe à ce niveau-là.
06:02On a une question de Maisonous,
06:05qui demande, la Guinée est-elle le seul pays
06:08qui a été suspendu par l'OIF suite à un putsch ?
06:12Si oui, pourquoi ne l'ont pas été le Mali, le Burkina et le Niger ?
06:17Pour que cela ne soit pas qualifié de deux poids deux mesures,
06:20qu'est-ce qu'il explique ?
06:21Alors, pas du tout, en fait.
06:23Le Mali, le Burkina et le Niger sont tous suspendus de la francophonie,
06:28telle que l'a été la Guinée.
06:30La seule différence entre ces pays et la Guinée,
06:32qui a eu la levée totale de suspension,
06:36c'est la volonté de progresser dans le chemin de la transition.
06:39Aujourd'hui, les États membres de la francophonie
06:43qui ont décidé de lever la suspension
06:45l'ont fait vraiment dans un signe de solidarité et d'encouragement
06:48envers un pays qui a témoigné de la volonté, en tout cas,
06:52de rester à l'écoute de la communauté internationale
06:54et de se remettre sur les rails.
06:56C'est ça qui fait la différence.
06:58Le Mali, le Burkina Faso et le Niger
07:01sont tous, bien entendu, invités à suivre un processus pareil,
07:04mais c'est aux États de décider.
07:07On a une question de Neva Degama
07:10qui demande comment l'OIF aborde-t-elle la question
07:13de la diversité linguistique et culturelle au sein de la francophonie ?
07:16Sans complexe.
07:18On l'aborde sans complexe.
07:20On a souvent à tort l'impression que la francophonie,
07:23c'est la défense de la langue française,
07:25un peu comme si on était en guerre ou en croisade
07:27contre les autres langues.
07:28Ce n'est pas du tout le cas.
07:30En fait, je pense que c'est une organisation qui est juste fière
07:34de pouvoir réunir des pays qui ont un point commun,
07:36qui est une langue,
07:37et qui se disent que ça peut être un atout
07:39pour agir comme un bloc d'influence.
07:42On a une question de KBA1017 encore
07:46qui demande qu'est-ce que cette organisation fait
07:48pour les Africains ou pour l'Afrique ?
07:50Moi, j'ai envie de dire
07:52presque tous les programmes de l'OIF,
07:55en tout cas une grande partie de ces programmes,
07:57sont déployés en Afrique.
07:59On a déjà un institut qui est basé à Dakar
08:01qui s'occupe de formation,
08:03d'éducation et formation,
08:05et qui déploie une quantité de programmes
08:07qui visent à former les enseignants,
08:09notamment sur les questions d'outils numériques.
08:12Celui que je préfère, c'est celui qui s'appelle
08:14La francophonie avec elle.
08:16C'est un programme qu'on a lancé en 2020
08:18pendant la pandémie et qui vise à accompagner
08:20des femmes qui ont été mises en situation
08:22vraiment de précarité à cause des crises.
08:24On s'est rendu compte depuis la pandémie
08:26que la pandémie, c'était juste un exemple,
08:28mais qu'il y a tellement de choses
08:30auxquelles elles sont confrontées.
08:32Ça peut être des problèmes climatiques, sécuritaires,
08:34mais c'est souvent celles qui,
08:36comme elles portent la famille
08:38et elles ont des métiers
08:40qui reposent sur l'économie informelle,
08:42elles sont les premières à payer
08:44les pots cassés des crises.
08:46Ce programme qui s'appelle
08:48La francophonie avec elle,
08:50depuis, fait des miracles.
08:52On a une question de Sabari Sougri
08:54qui dit
08:56« Quel est l'avenir de la francophonie en Afrique
08:58si la jeunesse africaine qui est censée la tenir
09:00est en train de la haïr si fort de nos jours ? »
09:02Moi, je pense qu'il faut nuancer cette question.
09:04Je ne pense pas que la jeunesse africaine
09:06est la francophonie.
09:08Ce serait un raccourci, je pense,
09:10trop facile.
09:12Je pense qu'effectivement, dans certains pays,
09:14en raison de la situation politique,
09:16il y a un sentiment de rejet.
09:18Ça peut arriver,
09:20mais ça peut aussi passer.
09:22La réalité d'aujourd'hui en Afrique,
09:24déjà, on sait que dans la plupart des pays,
09:2670% de la population
09:28a moins de 25 ans.
09:30La jeunesse de la francophonie mondiale,
09:32elle est en Afrique.
09:34Est-ce que cette francophonie,
09:36est-ce que ces jeunes haïssent la langue
09:38qui leur donne des opportunités,
09:40qui leur font accéder à l'emploi,
09:42qui leur permettent de connecter avec le monde ?
09:44Parce que beaucoup de ces pays,
09:46la langue française, c'est la langue
09:48qui ouvre vers l'international.
09:50Je ne pense pas qu'il y a de la haine envers la langue.
09:52Je pense qu'il y a un peu de révolte,
09:54parfois, par rapport à des réalités politiques
09:56qui les frustrent et qui les dépassent.
09:58Une réalité dans un pays n'est pas la même
10:00dans un autre, donc il faut nuancer.