Victime de soumission chimique par le sénateur Horizons Joël Guerriau, la députée du Modem Sandrine Josso explique la façon dont son histoire personnelle s’est muée en engagement à l’Assemblée nationale. Jusqu’à vouloir changer le cadre législatif.
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00:00Violaine de Philippe Sabat, que vous connaissez très probablement.
00:03Bonjour !
00:03Toi, Violaine, tu as un tas de casquettes.
00:06Tu es à la fois avocate, autrice, militante féministe, chroniqueuse ici, on te connaît bien.
00:11Ça fait maintenant plusieurs années que tu es ici ? Quatre ou cinq ans ?
00:14Oui, c'est la quatrième année.
00:15Ça va être la quatrième année en janvier.
00:17OK.
00:17Et donc, ta dernière chronique, Violaine, elle concerne la masculinité toxique de Trump.
00:23Ah oui, c'était l'avant-dernière, oui.
00:25Ah, l'avant-dernière.
00:26Et effectivement, c'était peut-être la plus marquante, entre guillemets,
00:28puisque c'est sur les élections américaines.
00:30Et tu nous expliques en fait sa posture de « je veux à tout prix protéger les femmes »,
00:34qui est en fait une façon de les dominer et de les contrôler.
00:36Oui, complètement.
00:37N'hésitez pas à aller lire ça.
00:38Et d'ailleurs, sur le tchat, on vous a déjà mis le lien, on est super réactifs ici.
00:43Sandrine Jossot, députée modem de Loire-Atlantique depuis 2017.
00:47Bonjour !
00:49Pour les vieuveuses et les vieuveurs qui ne sont pas forcément férues de politique modem,
00:53mouvement démocrate créé par Bayrou en 2007, qui fait partie du camp présidentiel.
00:59Actuellement, on l'a appris hier, vous êtes officiellement sur la mission gouvernementale
01:04qui concerne la soumission chimique.
01:06Absolument.
01:07Vous êtes aussi marraine de cœur d'une association qui s'appelle Mandorpa contre la soumission chimique,
01:12qui a été créée par Caroline Darrian, la fille de Gisèle Pellicot.
01:16Exact.
01:17Vous l'êtes depuis quelques années, il me semble.
01:19Je suis marraine de cette association quelques semaines après ma rencontre avec Caroline Darrian-Pérennet.
01:27Quand j'étais en convalescence, lorsque j'ai été droguée à mon insu,
01:31j'ai compris qu'on avait affaire à une vraie problématique de santé publique.
01:36Et à ce moment-là, je me suis rapprochée de toutes les personnes qui pouvaient me donner des informations
01:42pour que je puisse alerter le gouvernement et proposer quelque chose.
01:46J'ai rencontré Caroline Darrian-Pérennet et ça a tout de suite matché.
01:53Je travaille avec elle au sein de l'association Mandorpa en tant que marraine et porte-parole
01:59pour faire avancer la prévention de la soumission chimique,
02:03mais aussi l'accompagnement de toutes les victimes.
02:05Tout à l'heure, on parle de mission gouvernementale.
02:08Peut-être que certains de nos viewers ne savent pas exactement de quoi il s'agit.
02:13La mission gouvernementale, c'est quoi ?
02:15C'est quelque chose qui est donné, une sorte de mission qui est donnée exclusivement par le Premier ministre
02:24à un député pour qu'il puisse se concentrer pendant six mois sur un sujet important.
02:34Et ce sujet important, c'est cette forme de violence qu'est la soumission chimique.
02:40Il est important de faire un état des lieux, de proposer dans cette mission un rapport avec des préconisations.
02:49Cette mission va durer six mois, comme je vous l'ai dit,
02:52et on va proposer avec une sénatrice, que je suis accompagnée d'une sénatrice qui s'appelle Béronique Guillotin,
02:58des mesures, peut-être aussi une proposition de loi,
03:02et tout ce qui fera avancer cette cause et qui permettra d'endiguer ce fléau.
03:08On en parlera en détail tout à l'heure, mais déjà, dans un premier temps,
03:12est-ce que vous pourriez nous expliquer ce qu'est la soumission chimique de façon super concrète ?
03:18Très simplement, c'est quoi la soumission chimique ?
03:21C'est être drogué à son insu par des médicaments ou des drogues.
03:27Comment ça se passe ?
03:29C'est un agresseur qui met ça dans votre verre ou dans votre alimentation.
03:34Ça peut être aussi dans des bonbons pour les enfants, dans une cigarette électronique.
03:40Pourquoi ? Pour vous agresser à des fins criminelles, par exemple viol,
03:47mais ça peut être aussi des extorsions, ça peut être de l'inceste sur des enfants.
03:53Donc c'est très grave.
03:55Et du coup, vous avez subi cette forme de soumission chimique ?
03:59Le 14 novembre 2023, j'ai été invitée par un ami sénateur.
04:05Et ce qu'il faut bien comprendre, c'est que qui sont les agresseurs ?
04:11Ce sont des gens de notre entourage, soit de notre entourage familial, soit de notre entourage amical.
04:17Là, c'était un ami. Et par exemple, pour Gisèle Pellicot, c'est son mari.
04:239 cas sur 10, effectivement. Dans 9 cas sur 10, la victime connaît son agresseur.
04:28Et justement, Violenne, tu nous dis que la soumission chimique, c'est quelque chose qui est tout à fait systémique.
04:34On va regarder un extrait où tu nous expliques ça et après tu pourras rebondir là-dessus.
04:39Cette image qu'on a en direct, Violenne de Philippis, avec ces dizaines de personnes qui, tous les jours, viennent.
04:44Il y a beaucoup de médias, évidemment, il y a beaucoup d'avocats, mais il y a beaucoup aussi de Français
04:48qui viennent pour essayer de comprendre ce qui est en train de se passer.
04:52Cette image, elle vous marque aussi ?
04:54Je pense que ça montre qu'il y a une forte mobilisation de l'opinion publique et que c'est des sujets qui ont un fort redentissement.
05:01À la fois, il faut aussi rappeler que ce n'est pas un fait divers.
05:04C'est-à-dire qu'on pourrait penser que c'est un procès exceptionnel parce que ça n'a jamais eu lieu encore sur le plan judiciaire
05:11de renvoyer autant d'hommes pour viol. Néanmoins, et encore une fois, comme je le disais tout à l'heure,
05:15il n'y a pas un type de violeur, il n'y a pas un type de victime.
05:20Ce qu'on voit aujourd'hui, malheureusement, ça peut se passer plus ou moins de partout.
05:24C'est-à-dire qu'évidemment, là, on est dans le continuum des violences à un niveau très, très élevé.
05:29Mais le viol d'une femme sous soumission chimique, c'est malheureusement tous les jours, de partout.
05:34Des dossiers comme ça, j'ai une permanence le mercredi, j'en vois malheureusement chaque semaine.
05:39Effectivement, souvent avec l'affaire Pélico, notamment certains membres politiques ont tendance à dire que c'est tout à fait exceptionnel, hors normes.
05:46Alors oui, effectivement, par le nombre de personnes accusées, etc.
05:49Mais il ne faut pas oublier qu'en fait, c'est dans un continuum de violences. Est-ce que tu nous dis ?
05:53Oui, c'est-à-dire que le continuum de violences, qui est ce concept qui consiste à dire que les violences ont toutes la même source,
06:01qui est le sexisme et le patriarcat, un système où les femmes sont oppressées au bénéfice des hommes.
06:07Et chaque violence, qu'elle soit plus ou moins récurrente, va s'inscrire dans cette atmosphère, ce contexte-là.
06:16Donc la soumission chimique n'a rien malheureusement d'exceptionnel, c'est vraiment quelque chose qui s'inscrit dans ce continuum.
06:23C'est-à-dire que pour s'approprier le corps des femmes, pour asseoir cette domination plus ou moins conscientisée,
06:30je ne dis pas qu'à chaque fois qu'un homme va avoir un propos sexiste, il est conscient de perpétuer ce système-là.
06:40Et la drogue, ça s'inscrit dans cette continuité-là, qui est de dire qu'en fin de compte, ce n'est pas si grave,
06:48parce que le corps des femmes, ce n'est jamais que le corps des femmes.
06:51D'ailleurs, quand on fait un parallèle avec les objets, par exemple, pour reprendre l'exemple de ce qu'a vécu Gisèle Pellicot,
06:58on a entendu des avocats de la défense dire que leur client n'avait pas conscience qu'il était en train de violer.
07:05Est-ce qu'on imagine 30 secondes l'avocat d'un braqueur expliquer à une juridiction que son client était là avec un flingue,
07:11mais qu'il n'était pas conscient de braquer ?
07:13En fait, le corps des femmes, c'est vraiment toujours moins grave dans cet écosystème du continuum des violences.
07:20Et pour vous, Sandrine Josseau, vous avez vécu de l'intérieur ce parcours que doivent subir les victimes.
07:28Est-ce que vous pourriez nous en dire plus sur les choses qu'il faudrait changer, réformer, modifier ?
07:32Il y a énormément de choses à faire. Déjà, sur l'éducation, il y a des croyances limitantes qui disent que la petite fille,
07:44la jeune femme, la femme, elle doit obéir, obéir à l'homme.
07:50Donc ça, c'est dans la tête des femmes et c'est aussi dans la tête des hommes.
07:53Donc ça, il va falloir vraiment, vraiment avancer là-dessus.
07:57Lors de ma mission, c'est ce qu'on veut faire.
08:00C'est travailler sur tout ce qu'on peut faire au niveau de l'éducation pour faire avancer cela.
08:06Ensuite, il y a aussi quelque chose de particulier dans le procès qui est actuellement à Avignon,
08:13c'est que Gisèle Péhicaud, elle a des preuves.
08:16Et ça, malheureusement, c'est très rare.
08:21Moi, effectivement, j'ai des preuves aussi, mais il faut savoir que 90% de victimes de soumission chimique n'ont pas de preuves.
08:28Et vous me disiez que c'était aussi parce qu'il fallait qu'il y ait des laboratoires spécialisés, qu'il n'y en a pas partout en France.
08:34Oui, il y a justement une accessibilité à la preuve qui est difficile.
08:39Il y a des inégalités territoriales par rapport à ça, parce que quand on est soumis chimiquement,
08:45si on veut avoir des preuves, c'est un contre l'amour parce qu'il faut aller se faire prélever du sang, des urines.
08:52Et une fois sur deux, vous avez des blackouts, c'est-à-dire vous ne vous rappelez plus de rien.
08:57Donc ça, c'est très compliqué.
08:59Sur tout le territoire français en Outre-mer, il y a dans les grandes villes des CHU,
09:06avec à l'intérieur des CHU, des personnes qui sont des experts et qui peuvent analyser votre sang, vos urines
09:14et interpréter les résultats.
09:16Tout le monde n'habite pas en ville.
09:18Donc si vous habitez dans un territoire en ruralité, par exemple, vous n'avez plus que vos yeux pour pleurer.
09:25Il va falloir qu'on avance là-dessus.
09:28On a fait des propositions qu'on est en train de mettre en place avec l'association Mandorpa
09:35pour que partout en France, il y ait dans les pharmacies, une sorte de guide sous forme d'un kit disponible
09:42pour le parcours de soins des victimes, qu'elles veuillent porter plainte ou non.
09:48Parce qu'il y a encore un autre problème.
09:50Si vous voulez porter plainte aujourd'hui, vous aurez un remboursement de ces analyses.
09:57Et si vous ne portez pas plainte, vous ne pouvez pas avoir de remboursement.
10:01C'est pour ça qu'en tant que député, j'ai porté ce qu'on appelle un amendement
10:05pour faire en sorte que tous ces tests puissent être pris en charge, que la victime porte plainte ou non.
10:12Vous voyez, il y a plein d'endroits où on doit avancer parce qu'on est à un niveau de connaissance,
10:18à un niveau d'accès à la preuve, à un niveau d'accompagnement des victimes,
10:22à un niveau de leur traitement qui est absolument inadmissible dans notre pays.
10:27Pour ce qui est de la gestion du psychotrauma ?
10:30Alors le psychotrauma, c'est quelque chose de très important.
10:33Beaucoup de victimes en parlent, des spécialistes en parlent, mais c'est encore méconnu.
10:38Le psychotrauma, c'est quand vous avez quelque chose de traumatique qui vous arrive.
10:43Vous avez après ce qu'on appelle un stress post-traumatique.
10:46Alors, il s'exprime de différentes manières.
10:48Je peux vous parler par exemple de ce que j'ai ressenti.
10:51Moi, j'avais des symptômes d'hypervigilance.
10:53Je ne pouvais plus sortir de chez moi pendant plusieurs semaines.
10:56Après, ce que vous avez vécu dans la soirée, ça crée chez vous des sortes de...
11:04comme si vous aviez quelque chose de figé.
11:06C'est-à-dire que moi, dès qu'on me montrait le visage de mon agresseur,
11:10dès qu'on me parlait de sénateur, je commençais à avoir des symptômes
11:14comme ce que j'ai vécu lors de cette nuit d'horreur.
11:18C'est-à-dire que j'avais des nausées, des tremblements.
11:25Tout ce que j'ai vécu, c'est comme si votre cerveau reste figé dans l'événement traumatique.
11:31Alors que les jours passent.
11:34Et vous voyez, moi, ça fait un an, j'ai été accompagnée par un psy.
11:39Je continue à le faire parce que j'ai toujours certains stress post-traumatiques.
11:46En tout cas, des choses qui se manifestent dans mon quotidien,
11:49sans que je veuille...
11:52Ça vient en dépit.
11:54C'est-à-dire que ça vous empoisonne la vie.
11:56Je vais vous donner un autre exemple.
11:58Quand j'étais devant un interphone, je ne savais plus quoi faire.
12:02Je ne savais pas pourquoi j'avais ça tout à coup.
12:05Je voyais l'interphone, mais je n'arrivais pas à composer le code.
12:08Je me suis rappelée, tout simplement, en travaillant avec mon psy,
12:12c'est parce que quand je suis allée à cette soirée, j'ai dû faire un code devant l'interphone.
12:16Et après, mon cerveau a associé interphone, danger.
12:20Vous voyez, c'est des choses comme ça qu'il faut à tout prix soigner dès le départ.
12:26Parce que sinon, vous imaginez au quotidien ce que ça engendre.
12:30Et c'est aussi pour ça que je me bats, qu'on doit tous se battre.
12:34Et je me bats pour celles qui sont dans l'ombre, des victimes qui souffrent,
12:39qui ne sont pas entendues, pour qu'elles soient accompagnées le plus vite possible
12:43et du mieux possible pour passer ce cap.
12:46Parce que ça, excusez-moi du terme, mais ça bousille des vies.
12:50Oui, c'est comme un poison qui reste, en fait.
12:52C'est complètement ça.
12:53Merci pour ces exemples très, très, très concrets,
12:56qui illustrent parfaitement ce que tant de femmes vivent en matière de psychotrauma.
13:00Et parfois même, on pense l'avoir guéri.
13:03Et puis, c'est sûrement le cas pour certaines.
13:06Ça peut revenir des années après.
13:08Et c'est comme des cycles.
13:10Un moment, ça peut se réveiller, puis on ne sait pas pourquoi.
13:12C'est des périodes où on revit effectivement des sentiments traumatiques,
13:16comme si on était en train de revivre la scène extrêmement angoissante,
13:19alors qu'en fait, elle est loin dans le temps.
13:22Alors, je ne suis pas psychologue, mais une des méthodes que préconisait
13:26une des psychologues avec qui je parlais pour les TSPT,
13:29c'était par exemple, quand on sent être envahi par ces sentiments-là,
13:33de compter le nombre de mois, puis de jours qui nous séparent de l'événement,
13:36comme pour essayer de désamorcer en disant au cerveau,
13:40c'est bon, le danger n'est pas là, le danger n'est pas là.
13:43Parce qu'en fait, oui, c'est comme si on était en haut d'un grand 8.
13:46C'est-à-dire que cette sensation de hop, on va tomber d'un coup.
13:50Alors, il n'y a pas de danger en face.
13:52C'est complètement ça.
13:53Et vous avez votre cerveau qui vous dit, mais non, continue, avance.
13:58Et puis, il y a une autre partie en vous qui reste figée dans ce traumatisme-là.
14:03C'est comme si vous étiez dans une voiture, le pied sur l'accélérateur
14:06et la main sur le frein à main.
14:08Et ça rend le quotidien infernal.
14:12Et du coup, ce que comprennent pas les forces de l'ordre,
14:15parfois durant les auditions ou même les magistrats,
14:18même certains experts, beaucoup d'experts qui ne sont pas formés
14:21à ces questions-là et qui pourtant expertisent les victimes,
14:23c'est le comportement qui, parfois, semble incohérent
14:26de la victime d'un point de vue extérieur.
14:28C'est-à-dire qu'on va reprocher aux victimes qui souffrent
14:31d'un trouble de stress post-traumatique d'avoir des comportements incohérents,
14:34alors qu'en réalité, ça prouve, au contraire, qu'elles souffrent
14:37d'un TSPT, d'un trouble de stress post-traumatique.
14:39C'est ces changements de sensations qui peuvent être extrêmement violentes
14:44et extrêmement immédiates.
14:46Oui, et ça illustre beaucoup de choses.
14:48Si on n'est pas aujourd'hui en capacité de comprendre
14:52ce que c'est le stress post-traumatique,
14:54c'est parce qu'il n'y a pas assez de formation dans ce domaine.
14:57C'est aussi parce qu'on n'en parle pas.
15:00On préfère culpabiliser, humilier, juger les victimes,
15:05alors qu'en fait, ce sont les prédateurs, ce sont les agresseurs
15:11qui méritent d'être durement jugés.
15:14Et on doit être doux, on doit être bienveillant
15:17et accompagner les victimes.
15:18Et aujourd'hui, on n'en est pas là.
15:20Et d'ailleurs, on a une question sur le tchat
15:22qui pourrait être super intéressante pour toutes les deux.
15:24On demande, est-ce que le Parlement, en fait,
15:27est suffisamment une safe place, un endroit bienveillant
15:32pour ce sujet et pour accueillir ce genre de témoignages ?
15:35Ce que je pourrais dire là-dessus, c'est que dans tous les sujets,
15:39par exemple les sujets comme ça, sociétaux,
15:42il faut des personnes qui, en politique, décident de les porter
15:47et ainsi on fera bouger les lignes.
15:49Si personne ne s'en empare, il y aura beau avoir un procès Mazan,
15:53mais derrière, il n'y aura pas grand-chose.
15:56Donc c'est pour ça.
15:57Peut-être, pour moi, c'est l'occasion pour faire avancer les choses
16:03avec toutes les victimes, avec toutes les personnes qui veulent
16:06et qui ont conscience qu'on doit faire des progrès dans ce domaine.
16:10Il y a énormément de médecins là qui demandent à être formés,
16:14des pharmaciens, des avocats aussi.
16:18Et aussi, c'est important que ce soit porté politiquement
16:23parce qu'en France, ça marche comme ça.
16:26Il y a l'opinion publique et il y a aussi la volonté politique.
16:30Ce n'est pas le courage, c'est la volonté politique
16:33de mettre des choses en action, concrètes,
16:35pour faire avancer les choses de manière pérenne.
16:39Il faut que les membres politiques soient formés.
16:41Vous avez mis en place une formation sur la soumission chimique,
16:44mais ils ne sont pas encore tout à fait formés à la question.
16:46Je pense qu'il faudra du temps.
16:47Il faut accélérer. Il est temps d'accélérer.
16:49Après, il y a la formation consciente, c'est-à-dire que mettre en place,
16:53c'est effectivement urgent, nécessaire, indispensable.
16:57Et ensuite, il y a tout ce qui est finalement les décennies
17:01dans lesquelles on a baigné, ce qui a forgé nos convictions
17:05à toutes et à tous.
17:06Et ça, même avec des formations, on ne peut pas...
17:09Les personnes qui jugent, les personnes qui font la loi,
17:12toutes ces personnes-là, c'est des êtres humains.
17:14Donc, on est issus de la même société.
17:16Donc, lutter contre le sexisme, si on veut demain créer
17:19une société non sexiste, en fait, ça passe par l'école.
17:22Donc, ça veut dire que ces formations-là sur le consentement,
17:25sur l'éducation à la vie sexuelle et affective,
17:27doivent passer impérativement par l'école.
17:30Et malheureusement, on entend tellement de choses fausses
17:32sur ce à quoi servirait les séances à l'éducation à la vie sexuelle
17:35et affective, qui ne sont d'ailleurs généralement pas tenues
17:38dans les établissements.
17:39Il y a toute une opposition de la droite et d'extrême droite.
17:42Il y a leurs partisans qui disent que ce seraient des cours
17:44où on apprendrait à se masturber.
17:46Donc, non, c'est faux.
17:47Si vous entendez ça, sachez qu'évidemment, c'est faux.
17:49Mais donc, il y a ce blocage.
17:50Ils ne veulent pas qu'on parle d'éducation à la vie sexuelle
17:53et affective dans les établissements scolaires,
17:54alors qu'en fait, c'est là où se joue finalement
17:56la citoyenneté de demain.
17:58Oui, il faut parler de choses très basiques qui sont taboues.
18:02D'une part, l'éducation à la sexualité.
18:06Pourquoi on pense, dans notre pays,
18:10que les hommes ont le droit d'avoir des désirs, des plaisirs,
18:14et puis les femmes, finalement, non ?
18:17Si, c'est exactement pareil.
18:20Et quand on considère tout ça et on regarde tout ça en face,
18:24on est aussi en capacité de voir que derrière,
18:27il y a toutes les problématiques de la pornographie,
18:31parce que ces prédateurs, attention, d'accord,
18:35ce sont des sérials prédateurs,
18:37mais ils ont aussi des addictions à plein de sites pornographiques
18:42et ils ont aussi, dans leur vie parfois,
18:46mais vraiment très souvent, je dirais très souvent,
18:50été victimes d'agressions dans leur parcours de vie
18:54pendant l'enfance, leur adolescence.
18:56Et comme ils n'ont pas été détectés
18:58et comme ils n'ont pas été accompagnés,
19:00eh bien, ils reproduisent ça.
19:02Et c'est un cercle sans fin.
19:04Et c'est pour ça qu'aujourd'hui,
19:06quand on a conscience et connaissance de tout ça,
19:08ça ne suffit pas, mais il faut de la volonté,
19:11il faut des personnes comme nous tous,
19:13il y en a plein derrière, il y en a plein comme nous toutes,
19:16mais aussi, on a besoin des hommes,
19:18on a besoin de tout dans le domaine.
19:20On a besoin des deux et que la société fasse vraiment bloc.
19:24Donc, il faut de l'énergie et aussi, il faut une envie commune.
19:29Et je pense qu'on avance.
19:32Comme beaucoup, j'aimerais que ce soit plus rapide
19:35et surtout qu'on garde cette énergie pour avancer,
19:38que ce pied dans la porte qu'a mis Gisèle Pellicot
19:42en donnant un libre accès à ce procès,
19:48en levant le huis clos,
19:50eh bien, il faut que ça serve à quelque chose derrière.
19:52Oui, tout à fait.
19:54Et pour revenir sur le parcours absolument terrible
19:57des personnes victimes,
19:59toi, Violène, tu as écrit un bouquin classé sans suite
20:01« Les femmes victimes de violences face à la justice »
20:04et tu expliques qu'en fait,
20:06la justice n'est pas en mesure d'accompagner les plaintes des femmes.
20:09Et tu retiens aussi une permanence,
20:12on t'en parlait dans la vidéo.
20:14Et toi, qu'est-ce que tu penses qu'il faudrait absolument changer
20:17sur le court terme, notamment peut-être pour inspirer
20:19Sandrine Josseau pour sa mission gouvernementale
20:22et pour une éventuelle PPL ?
20:24Proposition de loi, pardon, Violène.
20:26Je pense que, comme ça a déjà été rappelé très justement,
20:29on a un problème d'oppreuve, vous l'avez dit.
20:31Et alors, une des solutions qu'on pourrait apporter
20:34de manière finalement assez basique,
20:36mais qui nécessite du budget, je crois,
20:38c'est qu'à chaque fois qu'une femme dépose plainte,
20:40on ait des actes d'investigation qui s'enclenchent.
20:42Parce que c'est vrai que dans beaucoup d'affaires,
20:44je dirais même la quasi-totalité,
20:47quand il y a un dépôt de plainte,
20:49généralement, malheureusement, il n'y a pas d'avocate ou d'avocat
20:51au dépôt de plainte, ce qui est un premier problème.
20:53Moi, quand je viens accompagner déposer plainte,
20:55même devant moi, parfois, il y a des forces de l'ordre
20:57qui disent « Ah ben, vous êtes là, mais bon,
21:00pour un dépôt de plainte, ce n'est pas la peine. »
21:02Et donc, en fait, bien sûr que si, on est important.
21:04Et pourquoi ? C'est parce qu'en fait,
21:06dans les dossiers où on est constitués dès le début,
21:08eh bien, les forces de l'ordre vont avoir plus tendance,
21:10avec les parquets, bien sûr,
21:12puisqu'elles agissent sous la direction du parquet,
21:14à faire des investigations.
21:15Ça va aller plus vite quand il y a un avocat ou une avocate.
21:17Or, déjà, ça devrait être le cas tout le temps,
21:19même quand on n'est pas là.
21:20Mais je pense que ça devrait être marqué dans la loi.
21:22Alors, peut-être le code de procédure pénale.
21:24Ou alors, si ce n'est pas du registre du législateur
21:26ou de la législatrice,
21:27si ce n'est pas dans le code de procédure pénale,
21:29peut-être une circulaire.
21:30Mais bon, la problématique des circulaires,
21:31c'est que ça vaut ce que ça vaut.
21:33Et pour dire, voilà, quand une femme,
21:35donc quand un individu,
21:36parce qu'il faut employer un langage neutre dans la loi,
21:39quand quelqu'un dépose plainte,
21:41des actes d'investigation doivent être menés
21:43s'agissant des violences sexuelles
21:45ou plus largement des violences.
21:46Et en l'occurrence, ça pourrait être l'audition
21:48de la personne accusée,
21:49donc en l'occurrence, de l'homme accusé,
21:51dans un délai raisonnable,
21:52à discuter combien ce serait de temps.
21:54Saisie du matériel informatique et des téléphones portables.
21:56Parce que là, j'ai eu une affaire il y a deux mois
21:58où à la base, j'étais saisie pour diffusion
22:00de vidéos intimes de la femme concernée.
22:02Puis en fait, en saisissant le téléphone,
22:04on s'est rendu compte
22:05qu'il y avait des vidéos des enfants dessus aussi,
22:07problématiques du contenu pédocriminel.
22:09Donc saisie du téléphone portable,
22:11du matériel informatique,
22:12audition de la personne accusée, on l'a déjà dit,
22:14et enquête d'environnement,
22:15c'est-à-dire auditionner au moins quatre, cinq proches.
22:17Et rien que ça,
22:18en fait, rien que ça,
22:19si on faisait ça dans un délai de deux mois
22:21après le dépôt de plainte,
22:22il y a des dossiers
22:23où même si on pense qu'il n'y a pas de preuves,
22:25on en trouverait peut-être
22:26en allant chercher l'exaxe compagne,
22:27en allant chercher dans les téléphones.
22:29Et en fait, on trouve des preuves là-dedans
22:31et ça éviterait beaucoup de classements.
22:32Et même si ça n'évite pas les classements,
22:34même dans l'hypothèse, on ne trouverait rien.
22:36Je pense que les victimes
22:37auraient le sentiment
22:38qu'au moins, on a cherché.
22:39Alors que là, aujourd'hui,
22:40quand on dépose plainte
22:41et qu'il n'y a rien qui se passe derrière,
22:43du coup, ça donne le sentiment
22:44qu'elles ont mal parlé,
22:45elles se sentent coupables
22:46d'avoir mal fait quelque chose.
22:47Et je passe beaucoup de temps
22:48à leur expliquer en permanence
22:49justement que malheureusement,
22:51en fait, c'est la règle.
22:52C'est ce qu'on appelle notamment
22:55la victimisation secondaire.
22:57C'est-à-dire que malheureusement,
22:58c'est la règle, ce traitement par le système,
23:00que donc, ce n'est pas de leur faute.
23:01En fait, c'est tout le temps comme ça quasiment.
23:03Que donc, ce n'est pas de leur faute
23:04si elles n'ont pas eu une nouvelle.
23:05Ce n'est pas de leur faute
23:06si elles ne savent pas
23:07où en est leur plainte.
23:08Ce n'est pas de leur faute
23:09si elles ne savent pas
23:10si leur dossier a été classé.
23:11Ce n'est pas de leur faute
23:12si leur dossier a été classé
23:13et qu'elles ne l'ont pas reçu.
23:14C'est qu'en fait, c'est la règle.
23:15Et ça, je pense que c'est ça
23:16qu'il faudrait changer, oui.
23:17Et pourquoi pas un portail
23:18de suivi des plaintes,
23:19après tout, c'est suivre les courriers.
23:20Je pense que c'est l'exemple
23:21d'être recommandé.
23:22On pourrait remplir le numéro de PV,
23:24le numéro de suivi de la plainte
23:26et la victime pourrait se dire
23:27« Ah ben là, c'est encore suivi. »
23:29Ça rassure en fait d'avoir une accroche
23:31avec le suivi de la procédure
23:33qui aujourd'hui est inaccessible,
23:34inintelligible, voilà.
23:36Et ça, en fait, en soi,
23:38techniquement, ce n'est pas compliqué,
23:39mais ça demande du budget.
23:40Parce que là, après,
23:41comment les policiers et les policières
23:42qui sont déjà surchargés,
23:43qui ont parfois plusieurs centaines
23:45de dossiers ouverts,
23:46d'enquêtes ouvertes,
23:47comment est-ce qu'ils et elles
23:48peuvent faire pour faire des diligence
23:49dans tous les dossiers
23:50sans plus de moyens ?
23:52Oui, on en arrive toujours
23:53sur le budget, oui.
23:54C'est quelques propositions
23:55qui pourraient vous aiguiller
23:56pour un suivi gouvernemental ?
23:57Oui, absolument,
23:59comme également aussi
24:00toute cette coordination
24:03qui fait défaut,
24:04toute cette collaboration
24:06qui fait défaut,
24:07évidemment.
24:08Collaboration de quoi, pardon ?
24:10De collaboration de tout le monde,
24:11c'est-à-dire qu'il doit y avoir
24:13un suivi entre la personne
24:15qui souhaite porter plainte,
24:17la personne qui ne le souhaite pas.
24:19Il doit y avoir à tout prix
24:21un accompagnement à plein d'endroits
24:23et sur le plan judiciaire
24:25et sur le plan médical,
24:26parce qu'aujourd'hui,
24:27c'est un parcours semé d'embûches.
24:29Si on regarde ce qui m'est arrivé,
24:32eh bien, finalement,
24:34grâce au fait qu'on a agi rapidement,
24:36eh bien, le lendemain,
24:38comme j'ai indiqué,
24:39la personne qui m'a agressée,
24:42la personne qui m'a agressée,
24:46elle était dans tel appartement,
24:48j'ai vu la drogue.
24:50En fait, c'est quand j'ai vu
24:51qu'il avait un sachet dans la main
24:53et qu'il cachait ce sachet
24:55et que j'ai compris que ce sachet
24:56était un sachet de drogue,
24:57parce que j'avais des manifestations
24:59et des malaises tellement importants
25:01que j'ai fait la relation,
25:04eh bien, j'ai pu dire aux enquêteurs
25:07le lendemain,
25:08la drogue est dans un tiroir
25:10sous le plan de travail,
25:11dans la cuisine,
25:12je l'ai vue cacher ce sachet.
25:14Et comme ça a été très rapide,
25:16eh bien, ils sont allés chez lui,
25:18ils sont allés perquisitionner
25:19et vous voyez,
25:20ça devrait être tout le temps comme ça.
25:23C'est ça qu'il faut faire.
25:25Oui, c'est ça.
25:26Ça ne devrait pas être la loterie
25:27en fonction dans quel commissariat
25:29on se retrouve,
25:30des fonctions qu'on a
25:31ou est-ce qu'on est assisté
25:32d'un avocat ou d'une avocate ou pas.
25:33En fait, tout le monde
25:34devrait pouvoir bénéficier.
25:35Exactement, une égalité de traitement
25:37et là, il y a des urgences
25:39parce que récupérer le téléphone portable,
25:42faire une perquisition,
25:44ça, c'est de toute façon,
25:47de toutes ces manières-là,
25:49il faut aussi agir vite.
25:51Et ça, aujourd'hui,
25:53ce n'est pas le cas.
25:54Mais dans votre rapport
25:55que vous rendrez en mai,
25:57est-ce que vous pourriez nous teaser,
25:58nous dire quelles premières solutions
26:01vous avez en tête ?
26:02Vous m'avez parlé d'un kit.
26:03C'est quoi un kit ?
26:05C'est tout simplement
26:06permettre à toutes les victimes
26:08partout en France
26:09d'aller dans une pharmacie,
26:10d'aller exprimer ce qu'elles ont vécu,
26:13qu'on puisse dire à ces victimes
26:15venez là, on va appeler
26:17par exemple le craft.com.
26:19C'est une sorte de,
26:21on va dire, c'est une plateforme
26:23où vous pouvez avoir un téléconseiller
26:25qui, en fonction de ce que vous allez dire,
26:27va vous éluyer en disant
26:29vous devez aller par exemple
26:31vous faire prélever du sang
26:33ou des urines,
26:34ou peut-être c'est trop tard,
26:35donc allez plutôt vous faire
26:37prélever une mèche de cheveux.
26:39Voilà ce que vous devez faire.
26:41Allez dans tel laboratoire,
26:42parce que si vous n'allez pas
26:43dans le bon laboratoire,
26:44vous ne serez pas la bonne personne
26:45pour interpréter vos analyses.
26:48Et puis vous n'aurez plus que vos yeux
26:49pour pleurer parce qu'on vous dira
26:51ben non, il n'y a rien.
26:52Donc ça, c'est plus possible
26:54de laisser les victimes
26:55dans l'enfer du doute,
26:56comme ça, toutes seules.
26:58Mais il y en a des milliers.
27:00Tout le monde connaît quelqu'un
27:02qui s'est fait droguer à son insu.
27:04Vous voyez, ça c'est...
27:05Et ça continue.
27:07C'est tous les jours.
27:09Et des milliers par an.
27:11C'est insupportable.
27:13C'est inadmissible.
27:14Il faut arrêter ça.
27:15Un ou une vieuveuse vous pose
27:17une petite question.
27:18Est-ce qu'il est envisagé
27:20dans une éventuelle PPL,
27:21proposition de loi toujours,
27:23d'obliger les parlementaires
27:24à une formation ?
27:25Alors, vous avez fait une formation
27:26qui n'était pas obligatoire
27:27à la transcription.
27:28Mais vous pourrez nous en parler.
27:29Ou à des engagements.
27:30Signature d'une charte, par exemple.
27:32La formation, c'est pour tout le monde.
27:34Vous avez raison.
27:35Les parlementaires,
27:37les chefs d'entreprise,
27:39les salariés,
27:41fonctions publiques,
27:42dans le privé, partout.
27:44C'est indispensable.
27:46Si on veut endiguer les choses,
27:48si on veut mettre en place
27:50des changements au niveau
27:52de certaines normes,
27:54il faut passer par des actes.
27:56Il faut aussi donner
27:58de l'information et qu'on ait
28:00des prises de conscience.
28:02Aujourd'hui, à certains endroits,
28:04on est ignare
28:06quand j'entends ce matin
28:08un avocat à Avignon
28:10tenir des propos
28:12qui desservent
28:14complètement,
28:16finalement, au bout du compte,
28:18la prise en compte
28:20des victimes.
28:22Parce que cet avocat,
28:24il est presque en train
28:26de faire l'apologie des prédateurs
28:28pour la défense.
28:30Je ne suis même pas sûre que ça fonctionne en défense.
28:32C'est terrible,
28:34mais on en est encore là.
28:36D'ailleurs, ça me fait penser à la défense
28:38qui avait été développée
28:40pour Nicolas Bedos,
28:42dont la défense avait consisté à dire
28:44qu'il était désolé parce qu'il avait trop vu,
28:46parce que ce n'était pas si grave,
28:48comme s'il n'avait pas fait exprès.
28:50En tout cas, ce type de défense
28:52est inaudible pour une partie des juridictions.
28:54Et ça, je crois que, heureusement,
28:56ça peut même énerver les magistrats.
28:58Parce qu'il aurait peut-être été plus intelligent
29:00de dire
29:02« J'ai grandi dans une société sexiste,
29:04j'ai fait ce que j'ai fait,
29:06mais je ne suis pas un monstre, je suis finalement
29:08un homme ordinaire qui exprime
29:10des regrets, mais assume qu'il a agressé
29:12sexuellement. » Alors que ne pas assumer
29:14qu'on a agressé sexuellement et dire
29:16« Non, ce n'est pas si grave »,
29:18je crois qu'en ligne de défense,
29:20j'espère que ça marche moins qu'avant.
29:22Mais en tout cas, que mes confrères continuent de le plaider,
29:24je suis hyper d'accord avec vous, c'est extrêmement problématique.
29:26Et d'ailleurs, je pense que
29:28si dans les mois ou les années qui viennent,
29:30on réforme, qu'il y ait des lois
29:32qui viennent préciser, notamment par exemple
29:34ce qu'est la soumission chimique, ce qu'est le viol par surprise,
29:36parce que la soumission chimique, ça peut être de la contrainte
29:38ou de la surprise, selon les juridictions,
29:40peut-être que ça évitera
29:42ce genre de plaidoiries aussi. D'ailleurs,
29:44quid éventuellement dans la proposition de loi
29:46de réfléchir à
29:48certains cas où l'auteur
29:50des faits est présumé avoir eu conscience
29:52qu'il violait ? C'est-à-dire que si la personne est inconsciente
29:54ou droguée ou endormie, est-ce qu'on ne pourrait
29:56pas présumer de l'intention de violer ?
29:58Oui, parce que
30:00beaucoup de prédateurs
30:02voient la vulnérabilité
30:04de la personne et d'ailleurs en profitent.
30:06Parfois, vous avez
30:08juste consommé un peu d'alcool
30:10et
30:12ce n'est pas normal qu'un
30:14prédateur
30:16se dise
30:18« là, elle a consommé un peu d'alcool,
30:20donc je vais en profiter
30:22parce qu'elle est vulnérable. »
30:24Mais quand vous êtes vulnérable,
30:26vous n'êtes pas
30:28coupable, c'est lui
30:30le coupable.
30:32Violaine, si on peut revenir sur
30:34la loi concernant le viol,
30:36nous détailler un peu les quatre
30:38caractéristiques, la présomption
30:40de consentement actuellement.
30:42En fait, on a une avocate, donc autant
30:44profiter, je trouve, c'est chouette. Au niveau de la loi,
30:46aujourd'hui, ce qui est prévu, c'est que pour
30:48caractériser le viol, comme toute infraction
30:50d'ailleurs, vous avez l'élément matériel d'une
30:52part et l'élément intentionnel d'autre part.
30:54Ça veut dire qu'il faut un acte matériel
30:56pour constituer le viol ou
30:58l'agression sexuelle, le cas échéant, et
31:00de l'autre côté, l'acte intentionnel.
31:02Ça, c'est en droit pénal français, la matérialité
31:04de l'infraction et l'intention de l'infraction.
31:06Ensuite, concernant le viol et l'agression sexuelle,
31:08on va avoir quatre caractéristiques.
31:10Pour le viol, ça va être la pénétration
31:12par surprise, menace,
31:14contrainte ou violence. Et pour l'agression
31:16sexuelle, ça va être toute atteinte sexuelle
31:18par surprise, menace,
31:20contrainte ou violence. Ça, c'est
31:22la matérialité. Et cette matérialité, en
31:24réalité, les juridictions, aujourd'hui,
31:26à l'heure où on parle, elles s'en sont saisies
31:28pour couvrir tout un tas de situations.
31:30Puisqu'en fait, ces quatre caractéristiques qu'on vient
31:32de citer ne sont pas définies aujourd'hui
31:34par le code pénal. Dans le code pénal, il nous dit
31:36violence, menace, surprise, contrainte.
31:38Mais il nous dit parce que c'est. C'est-à-dire qu'il n'y a pas de définition
31:40de la surprise, il n'y a pas de définition de la menace, etc.
31:42Donc, les juridictions, elles ont pour
31:44mission d'interpréter la loi.
31:46Et qui c'est qui interprète la loi pour
31:48uniformiser tout en haut ? C'est la chambre
31:50criminelle de la cour de cassation.
31:52Qui vient nous dire, par exemple, qui fait
31:54rentrer la soumission chimique dans les cas
31:56de viol par surprise, en réalité,
31:58ou par contrainte, d'ailleurs. Enfin, en tout cas, qui fait
32:00rentrer la soumission chimique dans ces cas de viol,
32:02bien sûr. Mais là où c'est pas forcément
32:04clair, c'est que pour les victimes
32:06qui sont finalement en bas
32:08de cette échelle judiciaire, qui vont pas
32:10forcément aller jusqu'à la cour de cassation,
32:12qui vont déposer plainte dans un commissariat ou une gendarmerie,
32:14on est parfois face à
32:16des policiers, quoi, qui vont dire des choses
32:18aux victimes. J'étais là, d'ailleurs, quand ça s'est passé, il y a encore
32:20je sais pas, moins de deux mois. Un homme
32:22qui a été victime de viol par son grand-père quand il
32:24était petit, que j'assiste, on s'assoit, le policier
32:26nous dit, bon, après avoir
32:28levé les yeux au ciel comme ça, parce qu'il était samedi,
32:30évidemment, on le dérangeait, voilà. J'aurais pu prendre rendez-vous,
32:32etc. De dire, ben non, on est là aujourd'hui, donc
32:34voilà. Bref, de nous dire,
32:36il le regarde, lui, puis il lui dit, bon, alors,
32:38c'est viol ou c'est agression sexuelle, là ? Parce que
32:40bon, ben, mon collègue, il a marqué ça,
32:42mais du coup, c'est quoi ? Du coup, ben, déjà, l'homme
32:44concerné, qui a été victime quand il était
32:46enfant, je le répète, il savait pas.
32:48Donc, moi, j'ai répondu, ben, en l'occurrence, c'est les deux,
32:50puisqu'il y avait les deux qualifications, des agressions
32:52et un viol. Ce que je veux dire par là, c'est que
32:54je pense pas que ce soit utile
32:56aujourd'hui de tout modifier dans la loi,
32:58de tout chambouler, ce serait dangereux. Le consentement
33:00libre et éclairé dans la loi, ce serait dangereux,
33:02parce que ça ouvrirait
33:04un champ aux avocats de la Défense pour dire
33:06oui, mais la consentie, etc.,
33:08de façon libre et éclairée.
33:10Mais par contre, on pourrait quand même définir,
33:12reprendre ce que dit
33:14la Cour de cassation à la chambre criminelle, pour
33:16le mettre dans notre code, qui s'appelle la
33:18codification de la jurisprudence, en fait,
33:20pas changer, mais en fait rappeler,
33:22rendre plus compréhensible
33:24pour tout le monde, et du coup, permettre
33:26ce débat sociétal, parce que si on doit
33:28définir la violence, la menace, la surprise et la contrainte,
33:30ça permettra aussi de remettre sur la table
33:32qu'est-ce que c'est, qu'est-ce que dit la Cour de cassation,
33:34et puis l'expliquer aussi,
33:36puisque aujourd'hui, dans les amphis de droit,
33:38je vous assure qu'il y a des étudiants que ça
33:40fait rire, peut-être par gêne,
33:42pas forcément parce qu'ils sont mal intentionnés, mais quand on dit
33:44viol par surprise, parfois il y a des
33:46rires dans les amphis, parce qu'en fait,
33:48qui n'a pas fait du droit sait
33:50ce que c'est qu'un viol par surprise.
33:52Effectivement, pour des étudiants de 20 ans, ça leur donne l'impression
33:54que quelqu'un passe et il est violé par surprise.
33:56On voit qu'il y a un problème d'intelligibilité
33:58de la loi, hors une démission de la loi,
34:00c'est d'être intelligible, parce qu'une mule n'est censée
34:02ignorer la loi, etc. Donc je pense que
34:04mettre consentement libre et éclairé,
34:06très mauvaise idée, encore une fois très dangereux,
34:08ça va encore faire reposer tout sur le
34:10comportement de la victime,
34:12donc il ne faut surtout pas faire ça. En revanche,
34:14prendre du temps et consulter
34:16pour éventuellement définir
34:18le viol par surprise, menace, contrainte
34:20ou violence, et le cas échéant,
34:22élargir aussi pour faire rentrer
34:24d'une façon ou d'une autre
34:26d'autres circonstances, pourquoi pas ?
34:28Ça permettrait de rendre la loi plus claire, mais ça demande
34:30du temps et donc ça ne peut pas être
34:32une réponse à un agenda politique pour
34:34se faire bien voir, entre guillemets,
34:36comme on le voit parfois dans les
34:38agendas de différents partis.
34:40En tout cas, en ce moment, le débat est brûlant.
34:42Il va être abordé
34:44au Palais Bourbon le 28
34:46novembre,
34:48lors de la niche parlementaire insoumise
34:50et c'est une proposition de loi portée
34:52par Sarah Legrain. Effectivement,
34:54elle nous explique qu'il y a des arguments
34:56pour, contre. Elle est hyper ouverte
34:58au débat et ça pourrait être à la fois
35:00quelque chose qui pourrait
35:02permettre de réduire le taux
35:04de classement sans suite,
35:06mais pour autant renverser
35:08la charge de la preuve.
35:10C'est juste que pour les classements, l'urgence, c'est
35:12les investigations. Avant de changer la loi,
35:14avant de changer les définitions,
35:16si déjà on faisait des investigations dans le dossier,
35:18ça permettrait de faire avancer,
35:20même si on ne pourrait pas tout
35:22condamner. En tout cas,
35:24ça donnerait le sentiment aussi aux hommes accusés
35:26que si jamais il y a une plainte contre eux, au moins,
35:28ça va être investigué. Parce que là, c'est un peu
35:30des pauses peintes. De toute façon, qu'est-ce qui va se passer ?
35:32T'as vu le taux de classement ? Je me mets dans la tête
35:34d'un agresseur. Je pense que nos
35:36internautes ont envie de projeter tes complétences
35:38judiciaires, juridiques.
35:40L'alcool est un facteur aggravant.
35:42Oui, c'est un facteur aggravant,
35:44mais dans les arguments de la défense,
35:46parfois, c'est utilisé comme
35:48un facteur justement. Oh, il avait bu !
35:50Par contre, pour la victime, c'est aggravant.
35:52C'est ça qui est dingue. C'est que par contre, une femme
35:54qui va boire, on va dire « Oui, mais bon, elle avait bu,
35:56comme me l'a dit d'ailleurs un policier encore récemment. »
35:58Pareil. Je lui dis « Ah, je sais que vous êtes
36:00débordés. » C'était la fin de l'édition. « Je sais que vous êtes
36:02débordés. Merci d'avoir pris du temps. » Et lui me dit
36:04« Bah oui, on est débordés. » Ça, c'est vrai.
36:06Je ne remets pas en question. C'est tout à fait vrai.
36:08Par contre, il me dit « Oui, bon,
36:10voilà, parce qu'il y a des dossiers comme ça qui sont importants
36:12sur les mineurs, etc. Puis bon, après,
36:14il y a aussi, là, le week-end dernier, une femme
36:16qui arrive complètement ivre au poste
36:18pour déposer plainte pour viol. Mais en même temps,
36:20elle fait des mélanges d'alcool. Je vous jure, je me dis ça.
36:22Donc, voilà, là, on en est.
36:24C'est dramatique. Et là, je me dis « Mais
36:26c'est pas parce qu'elle a fait des mélanges d'alcool que
36:28ce n'est pas une victime. » Et là, il se reprend et me dit
36:30« Ah oui, oui, oui, vous avez raison. »
36:32Voilà. D'accord. C'est dramatique.
36:34En même temps, on le fera encore aujourd'hui.
36:36Mais là, cette fois-ci, j'ai une question à vous poser
36:38à toutes les deux parce que c'est quelque chose qui ressort
36:40de nos échanges et qui est super
36:42intéressant. Il y a un bouquin à ce sujet-là,
36:44donc au sujet de la
36:46figure du monstre qu'on donne
36:48aux agresseurs.
36:50Roselami a écrit en « Bon père de
36:52famille » pour expliquer qu'en fait, c'est tout le monde.
36:54C'est vraiment tout le monde de chez tout le monde.
36:56Souvent, on a tendance à renvoyer cette image
36:58en disant que l'agresseur est soit un monstre,
37:00soit une personne qui est complètement ostracisée
37:02ou soit, pour répondre
37:04à des logiques et à des
37:06idéologies complètement racistes,
37:08l'agresseur serait
37:10une personne étrangère. On rappelle,
37:12on avait une question à un moment,
37:14c'est complètement faux. Il n'y a aucun chiffre qui va
37:16faire un lien entre les deux, c'est complètement faux.
37:18Il faut s'enlever cette idée-là de la tête.
37:20Mais du coup, l'une et l'autre, vous le dites,
37:22si on
37:24commence à
37:26confiner les
37:28agresseurs sous
37:30l'étiquette d'un monstre, en fait, on enlèverait l'idée
37:32que ce seraient des personnes comme tout le monde.
37:34Et en fait, on est en train de se dire
37:36que les personnes qui agressent
37:38ne sont pas les personnes de notre entourage pour se
37:40rassurer quelque part. Mais d'où vient
37:42ce stéréotype et à quel point
37:44il a la peau dure ? Parce que vous le voyez l'une et l'autre.
37:46De toute façon, quand on sait
37:48qu'à 80%, les victimes
37:50connaissent leur agresseur, déjà, ça c'est très clair.
37:52Deuxième chose,
37:54évidemment que
37:56un agresseur,
37:58il peut être
38:00père de famille,
38:02il peut avoir tel ou tel
38:04métier, il peut avoir
38:06tel ou tel diplôme.
38:08C'est pas ça le sujet.
38:10En fait, un agresseur, c'est
38:12quelqu'un qui
38:14se croit tout permis,
38:16qui utilise
38:18des stratagèmes qui sont
38:20la manipulation,
38:22par exemple,
38:24le contrôle coercitif,
38:26le mensonge.
38:28Donc, quand vous
38:30le voyez, votre agresseur,
38:32comme c'est un
38:34menteur, comme il utilise
38:36tous les stratagèmes,
38:38vous pouvez pas deviner.
38:40C'est très difficile
38:42de deviner.
38:44Souvent, c'est
38:46après coup.
38:48Je crois que ce qu'il faut faire,
38:50c'est qu'on soit en capacité
38:52d'être formés
38:54tous, dès le plus jeune âge,
38:56pour discerner tout ça.
38:58Et à un moment donné,
39:00dès qu'on a un doute,
39:02qu'on soit capable
39:04de se mettre en vigilance.
39:06C'est pour ça que,
39:08finalement, moi, ça m'est arrivé,
39:10j'avais la quarantaine.
39:12Si ça m'était arrivé à 30 ans,
39:14j'aurais pas eu
39:16certaines épreuves dans ma vie
39:18qui, au fur et à mesure du temps, m'ont fait
39:20comprendre que ça servait
39:22à rien de culpabiliser,
39:24que j'avais
39:26toute ma légitimité.
39:28Et c'est ça
39:30qui est important.
39:32Les agresseurs,
39:34évidemment,
39:36on sait pas
39:38où ils peuvent être
39:40parce qu'ils sont
39:42tellement malins, tellement
39:44menteurs.
39:46Donc, ne vous fiez pas aux apparences,
39:48ils peuvent très bien paraître
39:50être, comme ça, si on gratte
39:52pas, un bon père,
39:54paraître être très gentils,
39:56mais au fond, ils sont, dans leur tête,
39:58faits, câblés,
40:00pour agresser, pour assouvir
40:02un fantasme, et des
40:04fantasmes, et en fait,
40:06ils font des crimes, et ce sont
40:08des criminels
40:10en puissance
40:12qui se cachent derrière
40:14tous les stratagèmes. C'est ça
40:16un agresseur, en vrai.
40:17D'ailleurs, Caroline Darrian, dans son
40:19livre « Et j'ai cessé de t'appeler papa »,
40:21explique que Dominique Pellicot,
40:23donc son père, était
40:25un père et un grand-père tout à fait
40:27populaire, attentionné,
40:29mais que c'est aussi le prédateur
40:31qu'on connaît, et l'agresseur
40:33qu'on connaît, en fait. Voilà.
40:35Ces deux identités ne sont pas incompatibles.
40:37Mais souvent, elles sont cumulées, en fait. Vous voyez,
40:39c'est des identités qui se cumulent,
40:41et je trouvais ça assez intéressant, je crois que c'était
40:43la semaine dernière,
40:45les déclarations d'un des accusés au procès,
40:47donc des viols qui ont été perpétrés
40:49sur Gisèle Pellicot, un des accusés
40:51a dit,
40:53c'est un des rares qui a reconnu le viol,
40:55et qui a dit, donc je ne suis pas,
40:57je reconnais le viol, mais je ne suis pas un monstre,
40:59je suis un homme ordinaire. Et je trouve ça
41:01intéressant parce que, justement, ça montre
41:03que, finalement,
41:05la société
41:07fait qu'on en arrive à considérer
41:09comme pas si grave de
41:11violer les femmes, que le mot
41:13« viol », on n'hésite à l'employer
41:15parce qu'on considère qu'en fait, comme
41:17c'est le corps des femmes, et que finalement,
41:19c'est sa conjointe, ou alors c'est sa nouvelle copine,
41:21ou alors c'est son ex, et puis
41:23si elle dormait dans son lit, bon, voilà,
41:25finalement, elle était là. Donc tout ça, c'est considéré
41:27comme pas si grave. Et donc, en réalité,
41:29ça l'est, et il y a une vraie prise
41:31de conscience à avoir sur les conséquences du
41:33trouble de stress post-traumatique, comme vous l'avez dit
41:35tout à l'heure, la mémoire traumatique, parce que
41:37c'est, Gisèle a dit d'ailleurs qu'il disait
41:39le viol est comme une mort
41:41inoculée aux femmes un soir,
41:43et c'est vrai que c'est quelque chose qui reste ensuite
41:45en nous, et qui disparaît pas
41:47comme ça, qu'on peut arriver à maîtriser,
41:49à soigner, mais c'est quelque chose
41:51où il y aura un avant et un après, je crois.
41:53Et ça, cette prise de conscience collective,
41:55qu'en fait, il n'y a rien de désirable
41:57dans les violences, je crois qu'elle est nécessaire,
41:59et ça prend racine
42:01dans notre culture aussi, c'est-à-dire, par exemple,
42:03je pense à la dark romance, ce phénomène
42:05qui est absolument incroyable dans les librairies,
42:07c'est dans les têtes de vente,
42:09c'est des lectrices qui ont entre 18 et 30 ans,
42:11parfois plus jeunes,
42:13en grandissant, en devenant
42:15une femme adulte, on se rend compte de certaines choses,
42:17et moi aussi, pour avoir vécu ce chemin-là,
42:19c'est sûr qu'il y a 15 ans en arrière,
42:21je n'aurais pas eu cette maturité
42:23pour déconstruire, or,
42:25ces jeunes femmes de 20 ans qui prennent
42:27des bouquins de dark romance dans lesquels
42:29on présente des viols comme des choses désirables,
42:31il y a quand même la directrice
42:33de la maison, donc c'est Hachette
42:35qui est une filiale qui publie,
42:37je crois que c'est BMR Editions qui publie de la dark romance
42:39beaucoup, qui disait, dans une interview au Monde,
42:41attendez, nous, on ne publie pas
42:43des viols, on publie juste
42:45des histoires où l'héroïne est manipulée
42:47psychologiquement et souffre.
42:49Oui, du coup, amener quelqu'un
42:51à avoir des rapports sexuels
42:53via une emprise, c'est de la contrainte,
42:55et la contrainte morale, elle a été reconnue comme une forme
42:57de viol au titre de la contrainte d'enquête pénale.
42:59C'est-à-dire qu'on a des déclarations
43:01dans la presse, comme ça,
43:03où on voit qu'il y a une incompréhension
43:05totale sur ce qu'est, en fait,
43:07le viol par contrainte. La contrainte morale,
43:09ça a été reconnue par un cours de question
43:11depuis longtemps, notamment dans les affaires où le thérapeute
43:13amenait la patiente à
43:15être violée.
43:17C'est un viol et les conséquences sont graves.
43:19Et ça, je crois qu'il y a un grand,
43:21grand, grand travail de fond de sociétés
43:23d'éducation, comme vous le disiez, à mener
43:25pour que les garçons
43:27comprennent que ce n'est pas parce qu'on est
43:29petit garçon qu'on va devenir un agresseur.
43:31C'est parce qu'on va être conditionnés
43:33à considérer que le corps des femmes
43:35est, en plus, qu'on aimerait
43:37être violentée.
43:39Donc, il y a cette idée. D'ailleurs, il y a le livre de
43:41Chloé Thibault qui est vachement bien sur la question,
43:43qui s'appelle Désirer la violence,
43:45qui démontre comment, dans la pop culture,
43:47dans les émissions, dans les séries,
43:49les personnages masculins nocifs
43:51sont présentés comme attrayants pour les femmes
43:53et comment
43:55la société amène les garçons à considérer
43:57que quand on dit non, ça peut vouloir dire oui
43:59et qu'en plus, c'est ce qu'on veut.
44:01C'est sûr que là, on rame.
44:03On rame, c'est sûr.
44:05Il y a peut-être quelque chose aussi qui peut être intéressant.
44:07Écoutez-vous.
44:09Je crois que c'est ça.
44:11Si il y a quelqu'un comme ça
44:13qui vous met mal à l'aise,
44:15faites-vous confiance.
44:17Ça doit
44:19vous renseigner.
44:21Écoutez-vous. On a tous
44:23des intuitions,
44:25un instinct. Moi, c'est ça qui m'a
44:27sauvée.
44:29C'est quand même une première piste.
44:31Faites-vous confiance.
44:33Et quand vous faites
44:35part de votre ressenti,
44:37si vous avez en face quelqu'un qui dit
44:39« Oh, mais non ! »
44:41Eh bien, ce n'est pas normal.
44:43C'est « Ah bon ? Tu ressens
44:45ça ? Ok. Et c'est comment ?
44:47Ah, d'accord. »
44:49Il faut toujours investiguer votre ressenti.
44:51Votre ressenti, il est
44:53majeur. Il y a une intelligence derrière.
44:55C'est une
44:57première piste, mais vraiment
44:59ça, c'est important. Faites-vous confiance.
45:01Investiguer votre ressenti,
45:03c'est le conseil.
45:05C'est une belle phrase. Je la trouve très vraie.
45:07Finalement, dans les récits
45:09des violences faites aux femmes, il y a
45:11souvent cette forme de malaise.
45:13C'est un malaise à la base. On sent que ce n'est
45:15pas tout à fait normal, mais en même temps,
45:17on ne sait pas si c'est
45:19un vrai viol ou une vraie agression parce qu'on
45:21ne veut pas voir.
45:23Et il y a plein de moments
45:25où, quand on est une femme, on ressent
45:27quelque chose, un truc. Je ne sais pas
45:29comment vous le décrire, mais un truc un peu beurk.
45:31Un truc, un espèce de
45:33malaise. Et en fait, notre conditionnement,
45:35notre culture,
45:37on a notre petite phrase en tête,
45:39soit gentil, etc.
45:41Non. À partir du moment
45:43où vous ressentez un truc comme ça, désagréable,
45:45dites-vous
45:47« je ressens ça » et
45:49vous en arrêtez là. Et après,
45:51soit vous passez,
45:55c'est-à-dire vous évitez d'être
45:57en rapport avec cette personne
45:59parce que ce n'est pas normal de ressentir du
46:01malaise avec une personne. Tout de suite,
46:03ça doit vous alerter.
46:05Cette personne peut être très gentille dans d'autres moments
46:07parce que c'est ça leur point fort.
46:09Des caméléons.
46:11Des caméléons.
46:13Finalement, des hommes ordinaires.
46:15Vous allez prendre l'apéro avec eux,
46:17ils vont être très sympas. Et puis, en fait,
46:19on ne fait pas moins des agresseurs potentiels.
46:21Je ne dis pas que tous les hommes
46:23violent. Je dis que le sexisme
46:25est partout. Même en tant que femme,
46:27on est forcément conditionné par des habitudes sexistes.
46:29Donc, dire qu'en fait, il y aurait
46:31des hommes pas sexistes, au même titre qu'il y aurait des femmes
46:33pas sexistes, je trouve que cette assertion est
46:35archi fausse. Ça ne veut pas dire que tout le monde va
46:37violer. Ça veut dire qu'on vit
46:39dans une société où on a un bain culturel
46:41qui amène
46:43parfois jusque là.
46:45Et donc, ça fait quoi au bout du compte ?
46:47Ça fait qu'on est durs
46:49avec les victimes et
46:51doux avec les agresseurs.
46:53Il faut que les choses s'inversent.
46:55Après, petit rappel quand même pour les vieweuses
46:57et les vieweurs qui nous regardent, qui ont déjà vécu
46:59ce genre de choses. Si vous ne vous êtes
47:01pas sentis mal à l'aise et que vous n'avez pas eu ce
47:03ressenti, ce n'est pas pour autant qu'il faut se culpabiliser.
47:05Parfois, on le ressent.
47:07Parfois, on ne le ressent pas et il n'y a pas
47:09de problème là-dessus.
47:11La faute ne nous retombe
47:13dessus.
47:15Ça, c'est très subtil
47:17parce que ça, c'est un instinct de protection.
47:19La dissociation
47:21provoque un éloignement
47:23et vous n'allez pas ressentir de mal
47:25à l'aise parce que vous allez avoir la sensation
47:27que vous étiez spectatrice de la scène.
47:29Ça ne vous fait pas vraiment arriver.
47:31Pareil, je ne suis pas
47:33psychiatre, mais les grandes lignes
47:35et je vous invite à consulter plutôt le site
47:37de Muriel Salmona,
47:39mémoire-traumatique-tout-attaché.org
47:41sur la question qui explique
47:43très bien comment, pour éviter de continuer
47:45à produire du stress,
47:47notre cerveau va mettre
47:49en pause la production
47:51du stress et ça va
47:53provoquer aussi une dissociation. C'est-à-dire qu'au lieu
47:55de continuer à produire du stress
47:57pour nous dire attention, attention, attention
47:59et donc le cas échéant, on fait un arrêt cardiaque,
48:01le cerveau va faire en sorte que le corps se mette en
48:03pause au niveau des émotions et donc on va avoir l'impression
48:05de rien avoir ressenti
48:07à ce moment-là, voire parfois on oublie.
48:09Comme une anesthésie.
48:11Parfois, en revenant, ça peut
48:13provoquer un malaise, mais
48:15si ça ne revient pas, on peut aussi avoir très longtemps
48:17cette sensation de dissociation,
48:19comme si on avait été anesthésié.
48:21Comme si on était
48:23un peu long à la détente.
48:25Mais ça fait partie des choses
48:27qu'on utilise pour se
48:29protéger. Mais la dissociation est une forme
48:31de malaise aussi, dans ce qu'on décrivait.
48:33Je dirais que la dissociation,
48:35quand il n'y a pas une mémoire traumatique,
48:37c'est-à-dire que j'ai l'impression que
48:39quand on se souvient de la scène,
48:41parce que parfois la mémoire traumatique
48:43fait qu'on ne se souvient pas, mais quand il y a une
48:45dissociation, ça peut aussi
48:47trouver cette dissociation malaisante.
48:49Du coup, on ne va peut-être pas se sentir
48:51de la même manière qu'une victime qui n'aura pas de dissociation.
48:53Mais la dissociation, j'ai l'impression
48:55dans les récits que j'entends, qu'il y a une forme
48:57de malaise aussi, parce qu'on sent bien que normalement
48:59on aurait dû ressentir un truc, mais qu'en fait
49:01on n'a rien ressenti. En tout cas, c'est dans les récits
49:03que j'entends ça.
49:05Alors, j'aimerais clôturer
49:07ce super stream Safe Place.
49:09On pourrait l'appeler comme ça, le stream
49:11Safe Place, avec une question
49:13qui va un peu
49:15rendre global tout ce qu'on a abordé
49:17sur la traduction politique de tout ça.
49:19Alors, on pourrait envisager
49:21une loi contre les violences
49:23sexistes et sexuelles. Il y a eu 130
49:25propositions qui ont été faites par des associations, syndicats,
49:27etc. Du coup, toi
49:29Violaine, tu es du côté association,
49:31du côté militante féministe, on le rappelle.
49:33Et vous, Sandrine, vous êtes plutôt du côté
49:35parlementaire.
49:37Comment on projette ça ? Comment on voit ça ?
49:39Comment on organise ça ? Et sur ces
49:41130 recommandations, comment c'est possible de les
49:43faire rentrer dans une même
49:45proposition de loi ?
49:47On peut être, on va dire,
49:49tout en dessus, avec la volonté
49:51d'emmener des gens.
49:53Maintenant, je pense qu'il ne faut rien
49:55laisser passer.
49:57Et peut-être,
49:59c'est l'occasion, là,
50:01grâce à Gisèle,
50:03qui montre le chemin de
50:05continuer, chacun, chacune
50:07d'entre nous, quel que soit notre
50:09rôle dans la société,
50:11continuer à labourer,
50:13à ouvrir la voie, à débroussailler
50:15parce qu'on a le
50:17droit à de la perspective quand on
50:19est une femme et on a le droit
50:21à de la perspective aussi
50:23quand on est une victime.
50:24Effectivement, je crois qu'en fait, c'est travailler,
50:26collaborer tous et toutes ensemble,
50:28même si on peut avoir des divergences sur certains points.
50:30Il ne faut pas oublier qu'on peut aussi trouver des terrains
50:32d'entente. Il y a des personnes avec
50:34qui on n'en trouvera jamais, je pense, je pense notamment au Rassemblement
50:36national, bien sûr. Il y a quand même
50:38des points sur lesquels
50:40on peut s'entendre. Alors je dis, je ne suis pas
50:42députée, mais j'ai l'impression que dans ce que vous
50:44disiez... Oui, mais on est tous citoyens.
50:46Voilà, on est ensemble.
50:48Il y a des sujets
50:50qui peuvent faire en sorte qu'on arrive, malgré
50:52le climat politique au Parlement,
50:54à trouver peut-être une majorité pour
50:56réformer et avancer là-dessus.
50:58C'est peut-être ce qu'on peut espérer. Oui, oui, et
51:00c'est tout à fait possible. Moi, je l'ai fait quand j'ai porté
51:02une loi sur l'accompagnement psychologique
51:04des couples confrontés à la fausse couche.
51:06Eh bien, ça a été
51:08laborieux parce que
51:10sujet tabou. Eh bien,
51:12en discutant, c'est sûr que ça prend de l'énergie.
51:14C'est sûr qu'il faut avoir une ouverture
51:16d'esprit, mais c'est possible et
51:18on est capables d'emmener
51:20beaucoup de personnes avec nous. Ça, c'est transpartisan.
51:22Ce sont des
51:24sujets transpartisans qui nous dépassent
51:26tous. En parlant de rassembler,
51:28en discutant avec
51:30des avocates qui interviennent en défense,
51:32on était quand même tombés d'accord sur un point
51:34alors qu'on aurait
51:36pu penser que non, mais c'est que
51:38elles étaient d'accord pour dire qu'il fallait
51:40interroger les dossiers après un dépôt de plainte
51:42parce qu'évidemment, dans leur sens, elles s'imaginent
51:44en tout cas ce qu'elles disent, c'est que ça permettra
51:46d'innocenter mieux leurs clients,
51:48l'homme accusé, parce qu'elles considèrent
51:50qu'aujourd'hui, comme les Françaises et les Français
51:52n'ont plus confiance en la justice,
51:54on le voit, les classements, les acquittements,
51:56ne veulent plus dire grand-chose en réalité.
51:58Donc, elles estiment que si on n'avait plus
52:00d'actes d'investigation dans les dossiers, ça serait favorable
52:02à tout le monde, puisque du coup, on regagnerait en confiance
52:04dans la justice. Je crois que
52:06nos opposants politiques sur
52:08l'échiquier, donc on va dire ceux qui
52:10tendent vers l'extrême droite,
52:12etc., ou même
52:14les Républicains, ils peuvent
52:16tout à fait aller dans le sens d'une proposition
52:18de loi pour avoir des investigations
52:20dans les dossiers, parce que
52:22eux considèrent que c'est sauver
52:24les hommes, entre guillemets. Parce que oui, puisqu'on va
52:26investiguer, on va prouver qu'ils sont innocents.
52:28Tandis que, voilà, en défense,
52:30en demande pour les victimes, on dira que ça permettra
52:32de prouver que la victime dit vrai. En fait, tout le monde sera
52:34d'accord pour avoir des actes d'investigation, sauf
52:36un, j'ai quand même rencontré un opposant à cette proposition,
52:38qui était un homme, avocat
52:40de la défense, et qui m'a dit quand même,
52:42on ne va pas investiguer à chaque fois, parce que vous imaginez
52:44les vies brisées, tout ça, pour se rendre compte qu'à la
52:46fin, il n'a rien fait. Ben oui, c'est le principe d'une enquête
52:48pénale, en fait, c'est de démontrer qu'il dit la
52:50vérité. Donc, il y en a quand même
52:52un qui m'a sorti qu'il n'était pas d'accord avec ça.
52:54Et s'il y a
52:56une victime qui
52:58se confie à vous, prenez ça comme un
53:00cadeau, parce que derrière
53:02ça, en fait, elle va se sentir
53:04en confiance, ça c'est
53:06un des premiers besoins
53:08des victimes, et puis
53:10ensuite, elle va se sentir soutenue.
53:12Et ça, ça donne de l'énergie aussi
53:14pour combattre.
53:16Oui, tout à fait, n'hésitez pas à soutenir vos
53:18proches, et aussi
53:20à leur dire
53:22qu'ils peuvent tout à fait consulter des personnes
53:24professionnelles qui pourraient les aider, si jamais
53:26ils ont besoin de plus, notamment
53:28des psychologues, mais aussi des personnes qui pourraient
53:30les aider dans les démarches à suivre.
53:32En tout cas, merci beaucoup, Yolaine de Philippi Sabat.
53:34Merci beaucoup, Sandrine Josseau.