Ces derniers temps j’ai remarqué au hasard de lectures dans la presse féminine, sur les réseaux sociaux, dans des essais de militantes, qu’une petite musique s’installe selon laquelle l’émancipation des femmes passera par un retour au naturel.
Retrouvez "En toute subjectivité" sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/anne-rosencher-en-toute-subjectivite
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00:00Et il y a 7h20, en toute subjectivité, Anne Rosancher, la bosse de l'Express, vous nous
00:06parlez, Anne ! Deuxième ! Voilà, bon, mais enfin, en haut quand même, vous nous parlez
00:11ce matin, Anne de Féminité ! Oui, ces derniers temps, j'ai remarqué
00:15au hasard de lecture dans la presse féminine, sur les réseaux sociaux, dans des essais
00:19de militantes, qu'une petite musique s'installe selon laquelle l'émancipation des femmes
00:24passera par un retour au naturel.
00:27L'idée est que la coquetterie, ses codes, ses usages, seraient une injonction patriarcale
00:32et tiendraient les femmes sous l'emprise du fameux regard masculin.
00:36Alors, je passe rapidement sur le fait que certaines marques se sont hypocritement saisies
00:41du message, faisant la promotion de la beauté nude grâce au make-up, no make-up, c'est-à-dire
00:47le maquillage qui fait comme si on n'était pas maquillé, mais bon, on connaît la capacité
00:51du marché à vendre à la fois la mode et la critique de la mode jusqu'à l'infini.
00:56Donc, concentrons-nous plutôt sur le fond du message et posons la question franchement,
01:02la coquetterie peut-elle se résumer à une injonction patriarcale ou variante à une
01:07injonction du capitalisme ? Alors d'abord, commençons par une petite
01:11évidence, à l'adresse spécialement des jeunes filles qui nous écoutent.
01:14Il existe, bien sûr, mille nuances de féminité, avec ou sans maquillage, cheveux longs, cheveux
01:19courts, regardez-vous, faites bien comme vous voulez et méfiez-vous en effet des
01:23réseaux sociaux.
01:24En revanche, à mon sens, c'est faire fausse route que de penser que tout ce qui appartient
01:28aux codes, aux rites et aux héritages de la féminité serait le résultat d'injonctions.
01:33D'ailleurs, de manière générale, je suis assez contre l'idée d'associer systématiquement
01:38la virilité à la force et la féminité à la faiblesse.
01:42On en oublie que la féminité, c'est aussi très puissant.
01:45Dites-nous en quoi, Anne ? Permettez que j'évoque avec vous un souvenir
01:50personnel, mais qui m'a profondément construite et qui, je pense, peut faire écho à ce que
01:55d'autres ont vécu ou observé.
01:57En 2006, j'ai accompagné ma tante annoncer à ma grand-mère que son mari, c'est-à-dire
02:02mon grand-père, était mort.
02:0460 ans de mariage, un amour scellé après la guerre et ses traumatismes, une vie entière
02:09emmêlée de survivants.
02:11Autant vous dire que ma grand-mère fut effondrée.
02:14Sans suivre des heures de sanglots et l'abîme du chagrin, mais j'ai vu, de mes yeux vus,
02:21je l'ai vue se redresser, littéralement s'extirper de l'effondrement, en demandant
02:26d'y épingler une brosse pour se faire un chignon.
02:29Et en la voyant peigner ses cheveux, les ramener en arrière dans un geste qui lui était si
02:35familier, j'ai senti qu'il y avait là, dans ce geste, comme une incantation.
02:40La mobilisation de rituels que l'on se transmet et qui finissent par faire une puissance.
02:46Cela m'a profondément marquée.
02:49Alors oui, depuis ce jour-là, je suis persuadée que la féminité est une force, que certains
02:54d'ailleurs tentent d'étouffer ou de voiler à tout prix.
02:57Et depuis ce jour-là, je suis persuadée que le courage des femmes n'a rien à envier
03:02à celui des hommes et qu'il faut le dire à nos filles.