D'ores et déjà, Marseille doit s'adapter pour atténuer le réchauffement climatique et mieux y résister. Le paléoclimatologue Joël Guiot décrit comment la ville doit changer pour rester vivable en 2050.
Il ne lui viendrait sûrement pas à l'idée de se prendre en photo dans le miroir de l'ombrière, sur le Vieux port de Marseille. C'est que dans ce préau de métal, Joël Guiot voit surtout les arbres que l'on aurait dû planter à sa place. Aussi, derrière l'image pittoresque des pêcheurs déballant leur cargaison au bout du quai, il lit une mer Méditerranée dont le réchauffement record a déjà réduit la taille et le nombre des poissons. Et dans ces vastes trottoirs et esplanades où flânent ce matin les touristes, une inflation de béton, qui imperméabilise les sols, empêche les pluies diluviennes de s'évacuer, et aggrave encore le phénomène des îlots de chaleur… La carte postale, soudain, s'assombrit.
C'est que la ville, Joël Guiot la lit comme une suite de décisions, bonnes ou mauvaises, face aux enjeux climatiques. Et sur le Vieux-Port de Marseille, un espace pourtant repensé récemment (en 2013 !), c'est bien une histoire de rendez-vous manqués dont il est question : minéral et encore largement livré aux véhicules thermiques, émetteurs de gaz à effets de serre et de polluants, il semble mal taillé pour les défis majeurs en cours. Paléoclimatologue, comme les célèbres Jean Jouzel ou Valérie Masson-Delmotte, Joël Guiot est chercheur émérite au CNRS (Cerege) : son métier consiste à reconstituer les évolutions et les causes des climats passés pour parvenir à anticiper ceux du futur. Fondateur du Groupe d'experts sur le climat en Paca (Grec-Sud), il tente, par la diffusion de la connaissance scientifique, d'aider à la décision publique. C'est donc un homme à la recherche du temps perdu. Doublement : explorateur de l'histoire ancienne comme témoin de l'inaction contemporaine.
Développer les transports en commun, désimperméabiliser les sols
Le scientifique boîte un peu : la vie étant parfois aussi ironique que cruelle, ce pourfendeur des émissions de gaz à effets de serre a été renversé il y a quelques années par un SUV à la Nouvelle Orléans (États-unis). "Une ville qui se pensait en sécurité derrière ses digues de 7 mètres de haut, et qui fut ravagée par l'ouragan Katrina. Quand on pense que la zone de Fos se croit protégée à deux mètres…" La montée du niveau de la mer est l'un des aspects du réchauffement climatique qui affecte déjà notre région, et Marseille. "La mer a déjà pris 21 centimètres depuis le début du XXe siècle, en 2050 on sera de 40 centimètres à 1 mètre."
2050, c'est presque tout de suite. Dans une simple génération, la cité phocéenne verra des infrastructures, des bâtiments les pieds dans l'eau. Sur cette trajectoire de réchauffement, elle sera aussi confrontée à des canicules "à 40, 50 degrés", jusqu'à 73 jours par an. Dans 25 ans, les épisodes méditerranéens, ces pluies dévastatrices, seront aussi plus violents et fréquents : +22%, alors
Il ne lui viendrait sûrement pas à l'idée de se prendre en photo dans le miroir de l'ombrière, sur le Vieux port de Marseille. C'est que dans ce préau de métal, Joël Guiot voit surtout les arbres que l'on aurait dû planter à sa place. Aussi, derrière l'image pittoresque des pêcheurs déballant leur cargaison au bout du quai, il lit une mer Méditerranée dont le réchauffement record a déjà réduit la taille et le nombre des poissons. Et dans ces vastes trottoirs et esplanades où flânent ce matin les touristes, une inflation de béton, qui imperméabilise les sols, empêche les pluies diluviennes de s'évacuer, et aggrave encore le phénomène des îlots de chaleur… La carte postale, soudain, s'assombrit.
C'est que la ville, Joël Guiot la lit comme une suite de décisions, bonnes ou mauvaises, face aux enjeux climatiques. Et sur le Vieux-Port de Marseille, un espace pourtant repensé récemment (en 2013 !), c'est bien une histoire de rendez-vous manqués dont il est question : minéral et encore largement livré aux véhicules thermiques, émetteurs de gaz à effets de serre et de polluants, il semble mal taillé pour les défis majeurs en cours. Paléoclimatologue, comme les célèbres Jean Jouzel ou Valérie Masson-Delmotte, Joël Guiot est chercheur émérite au CNRS (Cerege) : son métier consiste à reconstituer les évolutions et les causes des climats passés pour parvenir à anticiper ceux du futur. Fondateur du Groupe d'experts sur le climat en Paca (Grec-Sud), il tente, par la diffusion de la connaissance scientifique, d'aider à la décision publique. C'est donc un homme à la recherche du temps perdu. Doublement : explorateur de l'histoire ancienne comme témoin de l'inaction contemporaine.
Développer les transports en commun, désimperméabiliser les sols
Le scientifique boîte un peu : la vie étant parfois aussi ironique que cruelle, ce pourfendeur des émissions de gaz à effets de serre a été renversé il y a quelques années par un SUV à la Nouvelle Orléans (États-unis). "Une ville qui se pensait en sécurité derrière ses digues de 7 mètres de haut, et qui fut ravagée par l'ouragan Katrina. Quand on pense que la zone de Fos se croit protégée à deux mètres…" La montée du niveau de la mer est l'un des aspects du réchauffement climatique qui affecte déjà notre région, et Marseille. "La mer a déjà pris 21 centimètres depuis le début du XXe siècle, en 2050 on sera de 40 centimètres à 1 mètre."
2050, c'est presque tout de suite. Dans une simple génération, la cité phocéenne verra des infrastructures, des bâtiments les pieds dans l'eau. Sur cette trajectoire de réchauffement, elle sera aussi confrontée à des canicules "à 40, 50 degrés", jusqu'à 73 jours par an. Dans 25 ans, les épisodes méditerranéens, ces pluies dévastatrices, seront aussi plus violents et fréquents : +22%, alors
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