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Angélique Cauchy et Isabelle Demongeot sont toutes les deux d'anciennes joueuses de tennis professionnelles. Elles ont vingt ans d'écart et toutes les deux ont été violées par leurs entraîneurs respectifs alors qu'elles étaient âgées de 12 et 13 ans. Une emprise de plusieurs années qui a brisé le début de leur vie. Ensemble, elles retracent ce qu'elles ont subi, racontent le silence et la solitude, l'abandon de leur fédération quand elles ont enfin osé parler. Et dénoncent l'immobilisme, encore aujourd'hui, du milieu du tennis face aux violences sexuelles faites aux enfants. Une discussion poignante.

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Transcription
00:00Ces viols, tu les as quantifiés autour de 400, pour moi c'est incapable de quantifier.
00:04Ça a duré 9 ans, mais c'est un vrai traumatisme pour toute la vie.
00:09Ces deux femmes ont 20 ans d'écart et une histoire commune.
00:13Angélique Cauchy et Isabelle de Mongeau sont toutes les deux d'anciennes joueuses de tennis professionnelles.
00:19Et toutes les deux, elles ont été violées par leurs entraîneurs à l'adolescence.
00:23Une emprise qui a duré plusieurs années.
00:26Nous les avons réunies pour qu'elles partagent leurs expériences
00:29et livrent leur regard sur l'évolution de la prise en charge des violences sexuelles dans le monde du sport.
00:34Est-ce que vous pouvez toutes les deux raconter ce que vous avez subi
00:37et quel était à ce moment-là votre rapport à l'entraîneur ?
00:40J'avais 13 ans et demi pour les premiers attouchements, 80 à 89.
00:45C'est le dieu vivant, c'est celui qui me permet de gagner.
00:50Je gagne beaucoup de matchs, j'enchaîne les victoires, la progression est assez fulgurante.
00:56J'ai vraiment l'impression d'être toute seule à vivre ce que je suis en train de vivre.
01:00Pour ma part, je savais que je n'étais pas la seule à qui c'était en train d'arriver ou à qui c'était arrivé.
01:06Parce qu'au contraire, je suis dans un milieu du tennis où finalement c'est permis, voire incité.
01:13Et moi je suis dans un milieu du tennis fin des années 90
01:16où le DTN est une personne qui arrive dans les 40 ans
01:20et tout le monde dit dans le milieu du tennis qu'il a une relation avec une joueuse de 15 ans qui est au CNE.
01:25Et donc, moi je suis plutôt dans un monde du tennis où ça a l'air d'être quelque chose de normal.
01:31Et cette normalité, cette norme qui est posée par les adultes,
01:34ce n'est pas aux enfants de la poser et donc finalement, nous ça nous paraît être quelque chose qui arrive.
01:39Maintenant je sais qu'il en choisissait une finalement,
01:42qui allait rester avec lui toute seule pour rentrer ensuite avec lui en voiture
01:47et que c'est la dernière qui, ramassée, serait exposée après dans le KJB au viol.
01:54Je savais que plus ou moins après un match, il y allait avoir le débriefing dans la chambre d'hôtel
01:59et que j'allais subir ces viols.
02:02Son leitmotiv, c'était si tu me quittes,
02:05tu ne vas plus gagner et tu n'arriveras pas dans les meilleures joueuses au monde.
02:09Pourquoi il y a ce silence ?
02:10Parce que la société à ce moment-là, elle n'est pas prête à entendre les victimes
02:14et surtout parce que mon père disait toujours une phrase,
02:16si un jour quelqu'un te fait du mal, je n'attendrai pas que justice soit faite,
02:19je lui mettrai une balle entre les deux yeux quitte à prendre 20 ans de taule.
02:22Et en fait, mon silence, en grande partie, c'est pour protéger ma famille,
02:26c'est parce que je sais que si je parle, il y a un risque que mon père aille en prison,
02:29que ma mère dépressive parte en hôpital psychiatrique
02:32et que ma petite sœur de 10 ans parte en foyer.
02:34L'emprise se positionne assez rapidement quand même,
02:37puisqu'il nous interdit de nous entraîner avec des joueurs masculins.
02:42On n'a pas le droit de sortir, on n'a pas le droit de vivre notre vie d'adolescente.
02:46Tout est contrôlé, tout est maîtrisé,
02:49à tel point qu'il n'y a plus de vie à côté du tennis.
02:53Et même pour une sortie au cinéma, c'est impossible de la faire,
02:56il faut demander l'autorisation à l'entraîneur.
02:59De Camaret avait construit une forme aussi d'emprise sur mes parents,
03:04il a choisi ses proies aussi, il savait avec qui il pouvait le faire ou pas.
03:10Quand tu dis « il a choisi ta famille », c'est jamais un hasard.
03:15Les proies, elles sont choisies pour les failles qu'elles ont individuellement,
03:18mais aussi pour tout l'écosystème qui est autour d'elles.
03:21Cette emprise, c'est une emprise qu'il y a sur un jeune,
03:23mais c'est aussi une emprise qu'il y a sur une famille,
03:26et plus largement sur une micro-société que représentent un sport, un club,
03:30une fédé, peu importe la grandeur de cet écosystème.
03:33Sur le coaching, ça me hantait et je n'avais plus envie de le regarder.
03:38Et quand je le regardais, oui, là, je voyais les viols.
03:43Et donc c'est comme ça aussi que j'ai flanché,
03:46où je n'étais pas loin de battre les meilleurs au monde.
03:48Souvent, j'étais au-devant du score et que je basculais à un moment donné.
03:53Est-ce que ce n'est pas aussi un petit peu une forme de revanche
03:58que j'avais au plus profond de moi en train de lui dire
04:00« en fait, je vais le perdre ce match ».
04:03Ça, c'est extrêmement important, je trouve aussi,
04:05parce que dans cette relation, relation entraîneur-entraînée que je déteste,
04:08parce que ça veut dire qu'il y en a un qui est actif et un qui est passif
04:10et qu'il y a une relation ascendante,
04:12ça veut dire que finalement, il décide et elle, elle n'a plus aucun libre-arbitre.
04:17Et ce libre-arbitre, évidemment, on le perd quand on est victime de violence sexuelle,
04:20mais finalement, il s'étend dans cette relation qu'on a à cet entraîneur
04:24qui devient le dieu tout-puissant, comme tu l'as dit,
04:27et qui te fait être celle que tu ne veux pas devenir.
04:30Moi, il me demandait de tricher.
04:33J'avais un respect des règles absolues.
04:35Et quand il m'a demandé de tricher, que je n'ai pas fait,
04:38qu'il m'a abandonnée de nuit dans un club en Seine-Saint-Denis à 13 ans,
04:42et que la fois d'après, j'ai tellement peur que je triche,
04:44à ce moment-là, non seulement je suis davantage isolée des autres
04:47parce que je deviens la petite tricheuse,
04:49mais en même temps, je me renie au plus profond de moi,
04:52je ne suis plus celle que j'ai envie de devenir.
04:54Et c'est ça aussi, l'emprise, c'est cette destruction
04:57et le fait de vouloir imposer à l'autre sa vision.
05:00Et qu'est-ce qui fait qu'à un moment, vous parlez ?
05:02C'est finalement mes parents qui m'envoient travailler un petit peu sur mon mental.
05:07Et grâce à des massages et à du yoga et un peu de sophrologie,
05:11dès la première séance, les mots me montrent,
05:15l'émotion me traverse vraiment et c'est là où je décide de quitter cette structure.
05:21J'ai 19-20 ans, je me confronte à lui directement, face à face.
05:26J'arrive à lui dire qu'en fait, je sais que ce qui m'a fait subir, ce sont des viols,
05:32que ça a duré bien trop longtemps.
05:34Je ne lui laisse pas la possibilité de reprendre le dessus sur moi.
05:38J'évite en tout cas d'écouter ce qu'il me dit.
05:41Et moi, cet électrochoc, si je réponds un petit peu
05:45pour faire l'évolution de mon histoire en miroir à celle d'Isabelle,
05:50c'est qu'il y a deux événements qui se suivent.
05:53La fois où je frappe ma sœur,
05:55et c'est la première fois que j'ai un accès de violence envers quelqu'un,
05:58qui plus est envers la personne que j'aime le plus au monde
06:00et que je me suis jurée de toujours protéger.
06:03Et finalement, je me dis que je ne suis plus du tout celle que je rêvais d'être.
06:07Le deuxième événement, c'est que la semaine d'après,
06:09j'ai 14 ans et on m'offre un nouveau téléphone portable.
06:12Je sais que ce qui me raccroche à lui maintenant,
06:15c'est surtout le téléphone, parce que j'ai réussi à couper tous les autres liens.
06:18J'ai réussi à dire que je ne voulais plus m'entraîner à Sarcelles,
06:20mais que à la Ligue, donc je le vois moins.
06:22J'ai réussi à dire que je ne voulais plus faire les tournois dans le 78, dans le 92,
06:26là où c'est lui qui m'emmenait parce que c'était à côté de chez lui.
06:28Et donc, je le vois moins aussi sur les tournois.
06:31Et au jeudi, je ne veux pas que tu viennes sur le championnat de France cette année.
06:34Ces deux événements font que j'ai le courage après de me dire,
06:38je change d'entraîneur sans pour autant libérer la parole à ce moment-là,
06:41mais du moins de s'échapper de cette emprise.
06:43Et quelles ont été les conséquences sur vos vies après ?
06:46Tous les syndromes post-traumatiques qui surgissaient à n'importe quel moment du quotidien.
06:51Quand je voyais du surimi, une carte bleue, quand j'entendais Barry White,
06:54quand je voyais passer une golfe, quand je voyais un chauve,
06:56quand je voyais des Marlboro Lights.
06:58Tout ce qui, au quotidien, me rappelle ces violences et ce moment,
07:01et lui, et cette emprise, et cette domination.
07:04Et puis après, évidemment, tous les problèmes alimentaires,
07:08ou pour contrôler quelque chose dans cette vie où je ne contrôlais plus rien.
07:12J'ai voulu contrôler jusqu'au nombre de grammes de pâtes qu'il y avait dans mon assiette.
07:16Je ne supportais plus de prendre une douche, je ne supportais pas de me voir nue.
07:18Je ne supportais plus rien finalement de moi et de la vie.
07:21Et toi Isabelle ?
07:23J'arrête ma carrière en 97.
07:25Je me rends compte déjà que je subis des emprises d'autres personnes dans ma vie personnelle.
07:31Toute cette confiance que j'avais en moi, jeune, enfant,
07:35avec cette énergie que j'avais vraiment, où j'étais, enfin j'allais quoi.
07:41Il me l'a enlevé au fur et à mesure.
07:43C'est des couches où on vous restreint,
07:46on vous fait penser qu'en fait on n'est plus qu'une raquette,
07:50mais on n'est rien d'autre, que c'est grâce à lui qu'on gagne.
07:52Ils nous font croire que c'est ça une relation amoureuse,
07:55une relation affective.
07:56Finalement on se construit aussi en tant qu'adolescent
07:58avec l'image que c'est ça une relation affective.
08:01Toutes mes autres relations après, je les ai comparées à cette relation-là
08:04parce que je m'étais construite avec cette relation-là.
08:07Et donc je me disais toujours, oui mais elle est moins pire que lui.
08:10Toutes les personnes qui ont subi ces violences, statistiquement,
08:13combien aujourd'hui sont, soit avec des personnes beaucoup plus âgées
08:18qui reproduisent un schéma,
08:19combien même elles soient consentantes aujourd'hui,
08:21avec des personnes avec qui il y a une différence d'âge énorme,
08:24ou des femmes qui aujourd'hui ne sont plus avec des hommes,
08:27est-ce qu'elles auraient été avec des hommes ou non ?
08:30Et je dis ça parce que je sais que nous deux,
08:32pour le coup, c'est une de nos constructions aussi.
08:35J'avais un petit amoureux qui me suivait depuis longtemps,
08:37il est à fond derrière moi et tout,
08:39et c'est là où je me rends compte que je ne peux pas avoir
08:42de relation sexuelle avec un homme.
08:44C'est fini, terminé.
08:46Et je lui dis que je ne peux pas te demander de vivre avec moi
08:49si c'est pour pas qu'on puisse avoir de relation,
08:51je ne peux pas te faire subir ça.
08:53Ces viols, tu les as quantifiés autour de 400,
08:55pour moi c'est incapable de quantifier,
08:57ça a duré 9 ans,
08:59mais c'est un vrai traumatisme pour toute la vie.
09:02On ne peut pas l'oublier parce que beaucoup de gens te disent à un moment
09:05« mais en fait, tu peux passer à autre chose là maintenant ? »
09:08Ben non, je ne peux pas passer à autre chose.
09:10Parce que l'actualité, parce qu'une odeur, parce qu'un visage,
09:14parce que quand je vois Jean-Paul Hotte, j'ai des difficultés,
09:18quand M. Châtrier n'est plus là,
09:20mais je sais qu'à un moment donné,
09:24beaucoup de ces gens ont baissé les yeux.
09:27C'est-à-dire toi, à qui tu as essayé de parler ?
09:29Dans les années 91-92, j'entends des bruits
09:34comme quoi une ou deux joueuses se plaindraient de ces actes.
09:38Et là, je me dis, ils continuent.
09:40Et je vais dire exactement tout ce que j'ai subi
09:43et je vais en parler au président de la Fédération.
09:46Il faut qu'il sache.
09:47Et les joueuses m'ont dit « on vient avec toi ».
09:49Je vais dans le bureau de Philippe Châtrier,
09:52le président de la Fédération française de tennis,
09:55et avec Jean-Paul Hotte.
09:56Ils sont un peu terrifiés quand même de ce que j'annonce,
09:59mais ça ne va pas plus loin en fait puisque
10:02très vite, on se rend compte que rien n'est fait,
10:05parce que c'est le Dieu vivant,
10:07parce qu'il entraîne la meilleure joueuse française à ce moment-là,
10:11qu'il y a des gros résultats,
10:13que c'est la tête d'affiche du tennis français
10:16et qu'à partir de là, ben non, on ne va pas…
10:19Et après, on va mettre ça sur un petit peu la maladie
10:23qu'avait Philippe Châtrier avec la maladie d'Alzheimer.
10:27Cette emprise, effectivement,
10:28elle est tellement imprégnée dans cet écosystème
10:32qu'est la fée des tennis ou à plus petite échelle un club.
10:36À ce moment-là, il avait tous les pouvoirs.
10:38Cet entraîneur, il est omnipotent,
10:39c'est-à-dire que personne ne lui dit à un moment donné
10:42« non, c'est pas bien ».
10:42On l'excuse soit parce que c'est son caractère,
10:45soit parce qu'on a peur de lui,
10:47soit parce qu'il ramène des titres.
10:49Et cette phrase, elle revient tellement souvent,
10:51« il entraînait la meilleure française ».
10:53Moi, c'était « s'il n'est plus là,
10:55on ne sera plus le club numéro un d'Île-de-France »
10:58à ce moment-là.
10:59Et c'est fou à quel point le sport
11:01et les personnes qui ont dirigé ce monde sportif
11:04ont laissé, au prix de médaille,
11:07des enfants avoir des vies brisées.
11:10Et moi, je dis souvent « des médailles avec de la sueur,
11:13oui, mais avec du sang et des larmes, non ».
11:15C'est une société qui ne vous croit pas, en fait.
11:19T'as vraiment la sensation qu'ils ne t'ont pas crue
11:21ou ils t'ont crue, mais ils n'ont pas voulu
11:23prendre la responsabilité de faire quelque chose.
11:25C'est vrai que je ne peux pas répondre à ça.
11:30Parce que moi, j'ai grandi avec ton histoire,
11:33mais les adultes n'ont jamais parlé aux enfants
11:37à ce moment-là.
11:38Il n'y avait aucun adulte,
11:40au sein de la fédération ou autre,
11:41qui s'est dit « il y a ce sujet,
11:44il faut qu'on protège la génération d'après
11:45pour pas que ça arrive ».
11:47Et en 2007, quand tu sors ton livre,
11:49moi, j'ai 20 ans, et à ce moment-là,
11:53je ne me tourne jamais vers mon passé.
11:54Je suis en train de faire trois masters en même temps
11:57pour ne pas avoir une seconde de réflexion
12:00et de vide dans ma journée.
12:01Et ça ne te fait pas écho du tout ?
12:03À ce moment-là, je me dis que moi aussi,
12:04il faudra que je parle un jour.
12:06Mais à ce moment-là, ma soeur a 18 ans,
12:08elle est toujours chez mes parents,
12:09elle n'a pas encore son bac.
12:11Et encore une fois, comme 8 ans plus tôt,
12:13je me dis que si je parle,
12:14ça va être trop tôt pour eux.
12:15Et c'est pour ça que c'est aussi difficile
12:17pour moi au quotidien aujourd'hui,
12:18c'est de me dire que parce que j'ai fait
12:20le choix de ma famille,
12:22j'ai choisi de ne pas protéger les suivantes.
12:25Et pour moi, c'est cette culpabilité que j'ai
12:27de me dire que j'ai fait ce mauvais choix
12:29et que j'ai permis à ce qu'il y ait d'autres victimes,
12:30même si je sais que ce n'est pas moi l'agresseuse
12:32et je ne dois pas porter cette culpabilité.
12:34Moi, ça me fait drôle quand je t'entends dire ça.
12:37C'est comme si moi, j'aurais dû parler à 13 ans
12:41en me disant qu'il m'arrive ça.
12:43Et de me dire qu'on était 25 victimes,
12:46plus toutes celles qui n'ont pas parlé,
12:47plus toutes les joueuses qui n'ont pas pu parler
12:51parce que cet entraîneur couchait avec leur maman aussi.
12:53Donc ça, ça a été réel.
12:55Ça permettait aussi que ça coûte moins cher.
12:57Ça faisait partie du deal.
12:59Moi, il m'a choisi moi, il n'a pas choisi ma maman.
13:01Mais c'était souvent comme ça que ça se passait.
13:03Et du coup, tu ne peux pas prendre la lourdeur
13:06de tout ça en fait.
13:07Cette parole, elle vient quand elle vient.
13:10Moi, elle est sollicitée très longtemps après,
13:14à mes 40 ans, par un médecin qui me dit
13:16vous avez des séquelles.
13:18Et c'est là où je prends conscience
13:19que j'ai des séquelles physiques.
13:21Il me dit vous avez dû subir des viols
13:23dans votre enfance et votre père.
13:25Je dis ben non.
13:27Ben oui, ce n'est pas mon père.
13:29Et ben oui, j'en ai bien subi.
13:31Et c'est là où je commence ma démarche
13:33et c'est là où je décide de porter plainte.
13:35Et c'est là où j'appelle un avocat
13:36et que l'avocat me dit too late.
13:39Il y a des combats qui vont être des combats législatifs aussi
13:42et faire évoluer la loi sur différents points.
13:43Le premier, c'est sur la prescription.
13:46Parce que comme elle n'a pas été partie civile,
13:48elle ne peut pas avoir de dédommagement.
13:50Et ça, c'est une violence supplémentaire.
13:52Et donc voilà, parce que je n'ai pas eu d'amnésie traumatique,
13:56parce que j'ai parlé à temps,
13:58c'est peut-être encore plus de ma responsabilité
14:00d'être là pour les victimes
14:01qui n'ont pas pu être entendues par la justice.
14:03Et je trouve que c'est anormal qu'il n'y ait pas de prescription.
14:07Aujourd'hui, en France, il n'y en a qu'un seul,
14:08c'est le crime contre l'humanité.
14:09Et à mon sens, c'est un crime contre l'humanité
14:11parce que, quelque part, détruire les enfants,
14:14c'est détruire la génération de demain.
14:16Et c'est aussi dire aux victimes,
14:17on sera toujours là pour vous écouter
14:20et pour vous rendre justice,
14:21même si vous parlez dans 40 ans, dans 50 ans,
14:23parce que vous n'avez pas pu parler avant,
14:25parce que vous aviez oublié,
14:26parce que vous ne vouliez pas parler devant vos parents,
14:29vous avez attendu qu'ils décèdent, etc.
14:31Et parce qu'aussi, ça serait une épée de Damoclès supplémentaire
14:34au-dessus de l'agresseur de se dire,
14:36tu ne vas pas être tranquille dans 25 ans,
14:38et c'est quelque chose qui va te poursuivre toute ta vie.
14:41Nous, c'est la première question qui a été posée par le juge
14:43quand je suis arrivée à la barre,
14:45pourquoi vous avez demandé à ce qu'il n'y ait pas un huis clos ?
14:47Et je lui ai dit, parce que cette histoire nous dépasse,
14:49que c'est l'histoire de la société.
14:51Parce que la porte de mon local technique était fermée,
14:53celle-ci resterait ouverte.
14:54Parce qu'on nous a fait taire tellement longtemps,
14:56aujourd'hui, il faut qu'on le crie au monde.
14:58Et l'attitude de la Fédération ?
15:00Parce que toi, Isabelle, on t'a quand même dit
15:01que tu sais, c'est ton sport.
15:03Tu espérais, je crois, un poste que tu n'as pas eu
15:05parce que tu avais parlé ?
15:06Oui, oui, le plus dur, ça a été face au DTN de la Fédération.
15:11Ils cherchaient un poste sur le tennis féminin.
15:13Et il m'a dit, en fait, on peut s'arrêter tout de suite
15:17parce que je ne pourrais pas te choisir,
15:19parce que dans la tête des gens,
15:20on voit plus la femme violée que tu as été,
15:22que la joueuse de tennis et ta carrière.
15:25Et aujourd'hui, la Fédération de tennis, c'est une allée ou pas ?
15:27Je trouve que cette période 2016-2020,
15:29la Fédération française de tennis a non seulement fermé à coups le pas,
15:33mais a en plus essayé de se dire, il faut qu'on ait une mue.
15:36Et après, il y a un changement de président et ça fait quatre ans du coup.
15:39Et je trouve que là, en quatre ans,
15:41il n'y a pas assez de choses qui ont été mises en place.
15:43On s'est fait rattraper et j'ai même l'impression,
15:45aujourd'hui, qu'on est en retard sur beaucoup de fédés.
15:48Et on ne peut pas, le tennis, être en retard.
15:51C'est la deuxième plus grosse fédé de France.
15:53C'est la fédé de France qui a le plus de budget.
15:56490 millions de budget.
15:59Une des responsabilités du tennis,
16:01c'est d'être à la fois un exemple pour toutes les fédés pour le sport français,
16:05mais aussi d'utiliser cet argent qu'ils ont grâce à Roland-Garros
16:08pour le redonner aux licenciés.
16:11Et les licenciés, leur redonner de quelle façon ?
16:13Une des façons, c'est de les protéger.
16:15Et je crois qu'aujourd'hui, la Fédération française de tennis,
16:17elle n'a pas pris la mesure de l'ampleur.
16:191,2 millions de licenciés, ça veut dire 470 000 mineurs.
16:24Ça veut dire 70 000 victimes statistiquement.
16:2870 000 enfants dans le monde du tennis actuellement
16:32sont victimes de violences sexuelles.
16:34Je n'ai pas du tout l'impression,
16:35quand on échange avec la Fédération française de tennis,
16:38qu'ils mesurent ce que ça représente.
16:40Et à Roland-Garros, tu n'étais pas invitée ?
16:42Non, je n'ai pas eu de…
16:43Mais ça, à la limite, ce n'est pas tant personnellement…
16:45Oui, non mais bien sûr, mais ce n'est pas tellement…
16:47Personnellement, je n'ai pas eu de badge à titre personnel.
16:50On s'en fiche que Angélique Cauchy ait un badge, je m'en fiche complètement.
16:53C'est juste que je représente l'association Rebond,
16:55qui est l'association qui a une convention avec la Fédération française de tennis.
17:03C'est un moment idéal pour sensibiliser tous les présidents du club qui viennent,
17:06parce qu'ils sont invités à Roland-Garros,
17:08de sensibiliser tous les sponsors qui mettent énormément d'argent dans le monde du tennis,
17:13mais qui doivent aussi participer à améliorer ce sport.
17:17C'est bien gentil de donner son argent,
17:19par exemple pour avoir un gros NJ, BNP ou accord sur une badge,
17:23quand on sait qu'Isabelle Aimant s'est fait violer derrière cette bâche.
17:27C'est aussi ça qu'il va falloir changer.
17:30Heureusement, aujourd'hui, je trouve d'ailleurs davantage d'entreprises
17:33qui prennent ce sujet plutôt que la Fédération française de tennis
17:35pour que ça change dans ce milieu.
17:37Aujourd'hui, NJ, qui est un des partenaires de Rebond,
17:39a décidé de lier les subventions qu'ils donnent dans les tournois de tennis
17:44à des actions de sensibilisation.
17:46Ils veulent avoir un impact sur la société,
17:48pas juste dire on donne de l'argent pour être sur un tournoi
17:51et pour voir notre marque sur une bâche.
17:53Moi, la question aujourd'hui que je me pose,
17:54c'est est-ce que la Fédération française de tennis et Roland-Garros
17:59n'ont pas peur d'écorner leur image avec ces sujets-là ?
18:02Je vais prendre un dernier exemple.
18:04C'est l'année dernière, j'aurais proposé de créer un clip de sensibilisation
18:08avec l'association, avec des partenaires, notamment NJ,
18:11qui disait on finance le clip et qui serait passé à Roland-Garros sur les panneaux.
18:15Et finalement, au dernier moment, on nous a dit non,
18:17il n'y a plus de panneau publicitaire à Roland-Garros
18:19de disponible pour diffuser le clip.
18:2120 secondes, trois fois par jour,
18:24quand on entend le psssht, perillé, toutes les deux minutes pendant dix heures.
18:29Il faut qu'elle y aille à fond.
18:31Où ça ?
18:32La tête de cette thématique, elle est incroyable,
18:38elle a une puissance énorme, elle est jeune.
18:41Moi, je suis fatiguée en fait de tout ça.
18:43Moi, aujourd'hui, je suis tellement contente qu'avec Nouvelle Ops,
18:48on arrive à avoir cet échange parce qu'il y a eu tellement de non-dits,
18:52tellement de barrages invisibles, les gens à qui ça sert
18:56de nous savoir diviser, d'où les victimes,
18:59que tout ça, ça saute aujourd'hui.
19:02Tu sais quoi ?
19:03Ils ne vont plus avoir le choix.
19:04Maintenant, on est unis, donc on va travailler dessus
19:07et je pense qu'on a quelques idées avec Angélique.

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