• le mois dernier
L'audience de la veille a été marquée par un face-à-face violent entre Dominique Pelicot et sa fille Caroline. Cette dernière, dont des photos ont été retrouvées dans l'ordinateur de son père, est convaincue avoir été droguée et violée par lui.

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Transcription
00:00Autre procès ce matin à la Une, le procès de Dominique Pellicot et de ses 50 co-accusés.
00:05Les avocats, disait Pellicot, vont pouvoir commencer à plaider aujourd'hui.
00:08Ce sera un peu plus tard dans la matinée parce que, pour l'instant, Dominique Pellicot a à nouveau la parole.
00:12Et on va retrouver Mélanie Bertrand sur place, Mélanie, avec à nouveau, comme hier d'ailleurs,
00:18à nouveau un moment d'extrême tension à l'instant entre Dominique Pellicot et sa fille Caroline.
00:25Oui, l'audience avait démarré depuis quelques minutes et, effectivement, le ton est monté très vite.
00:30Ça a été très tendu quelques instants dans cette salle d'audience parce que, vous le savez,
00:35la question de l'inceste, elle plane sur tout ce procès.
00:38La fille de Dominique Pellicot, Caroline Darian, 45 ans aujourd'hui,
00:42elle est persuadée d'avoir été droguée puis violée par son père.
00:45Des photos d'elle endormie en lingerie avaient été retrouvées dans l'ordinateur de Dominique Pellicot.
00:51Mais lui a toujours nié l'avoir touchée, avoir porté la main sur elle.
00:54Ce matin, il a été interrogé par un avocat.
00:57« Si vous deviez choisir une personne que vous pourriez revoir après le procès, qui choisiriez-vous ? »
01:01Et Dominique Pellicot a dit « Ma fille, j'aimerais la voir droit dans les yeux pour lui redire mes vérités
01:06car ça me fait mal de la voir comme ça ».
01:08Il n'a pas eu le temps de finir sa phrase, Dominique Pellicot.
01:11Caroline Darian s'est levée d'un bond rouge de colère.
01:14On l'a vue crier dans la salle d'audience.
01:17« Tu vas le dire ici, dans cette cour, la vérité. Je n'irai jamais te voir, Dominique.
01:21Tu finiras seule comme un chien. Je n'irai jamais te voir ».
01:25La salle était figée. L'échange a duré quelques secondes, mais c'était vraiment très fort.
01:30Et puis un petit peu plus tard, il y a quelques minutes, Dominique Pellicot a repris la parole.
01:34« Je sais ce que j'ai fait, mais je sais aussi ce que je n'ai pas fait », dit-il.
01:38« Mais elle ne me croira jamais ».
01:40Et effectivement, assise sur le banc des partis civils, Caroline Darian le fixe, mais elle fait non de la tête.
01:46J'aimerais dire un mot sur un petit instant qui s'est déroulé hier ici, dans cette salle d'audience.
01:51Dominique Pellicot était sous le feu des questions quand il a été interrogé sur le mobile.
01:56Pourquoi il a livré sa femme à des inconnus pendant une dizaine d'années ?
02:00Il a eu cette phrase clé, c'était pour soumettre une femme insoumise.
02:04Il n'a pas été interrogé davantage là-dessus.
02:07Et c'est dommage parce que c'est peut-être un élément clé pour comprendre le pourquoi de cette affaire vertigineuse.
02:13Dominique Pellicot, il est toujours interrogé en ce moment par les avocats de la Défense.
02:17Et après, ce sont les deux avocats des partis civils, de Gisèle Pellicot et de ses enfants, qui commenceront à plaider.
02:23Je vous présente celle qui m'accompagne en plateau, Maître Masliha.
02:25Bonjour Maître, merci d'être l'avocate au Barreau de Paris, spécialiste des violences faites aux femmes.
02:29Alexandra González avec moi également. Bonjour Alexandra.
02:31Bonjour.
02:32Chef adjointe du service police-justice de BFMTV.
02:34On va entendre l'avocate de Dominique Pellicot, Maître Zavarro,
02:37qui s'est exprimée notamment hier soir pour revenir sur ces moments douloureux, lourds,
02:43ces échanges entre Caroline et son père Dominique Pellicot.
02:48Écoutez ce que dit Zavarro.
02:51Elle a dit que Dominique Pellicot a dit sa vérité, que pour lui, il n'a rien fait.
02:54Il n'a rien fait à Caroline. Écoutez ce qu'elle disait.
02:58La colère de Caroline, je la comprends sans la comprendre.
03:03C'est-à-dire qu'elle est motivée par une conviction qu'a Caroline,
03:06mais une conviction contre laquelle nous ne sommes impuissants.
03:09À part de lui dire que Dominique Pellicot n'a rien commis sur elle,
03:14nous n'avons pas d'autres éléments et d'autres moyens matériels, objectifs,
03:18qui pourraient permettre de conforter ou d'infirmer cette thèse.
03:21Quoi qu'il en soit, moi je sais que j'ai affaire à un homme qui, depuis quatre ans,
03:24est transparent avec moi, m'a dit beaucoup de choses et de façon très spontanée,
03:30et m'a toujours dit qu'il n'avait jamais sédaté et touché Caroline Perronnet.
03:35Partant de là, on a d'un côté une femme qui a une conviction,
03:38et de l'autre un homme qui a sa vérité.
03:40Est-ce que les deux peuvent se joindre ? Je ne suis pas certaine.
03:43C'est terrible à mettre ce qui est en train de se passer entre Caroline
03:48et son père Dominique Pellicot, parce que Dominique Pellicot a reconnu
03:53beaucoup de choses dans ce procès, mais là il dit non.
03:56Là, je n'ai rien fait, je ne t'ai rien fait.
03:59Elle est persuadée du contraire.
04:01D'abord, je ne suis pas sûre qu'il ait reconnu spontanément un ensemble de choses.
04:04Je pense qu'il y avait des preuves, et que face aux preuves,
04:07il n'avait pas d'autre choix que de reconnaître l'intégralité des faits.
04:12Concernant sa fille, c'est bien le seul élément aujourd'hui où il y a des photos,
04:17qui sont donc suggestives, mais il n'y a pas de preuves.
04:20Donc là, il suffirait qu'il avoue, et c'est ce qu'elle appelle de ses voeux.
04:25Elle a besoin de cet aveu, elle a besoin de cette reconnaissance.
04:27Il ne s'agit pas pour elle d'une conviction à partir de rien.
04:30Il s'agit d'une conviction qui a été établie en fonction d'un certain nombre de paramètres
04:35et en fonction d'un certain nombre d'éléments.
04:37Il y a urgence pour elle.
04:39Et notamment, pardon pour préciser des choses, notamment les photos dont parlait Mélanie Bertrand à l'instant
04:43qui ont été retrouvées dans l'ordinateur.
04:45Voilà, photos qui montrent, on rappelle juste pour être des spectateurs,
04:48Caroline Darion endormie sur son lit, dans des sous-vêtements qu'elle ne reconnaît pas
04:54et dans des positions lassives, ce qui n'est absolument pas dans ses habitudes.
05:00Ce que je pense, c'est que pour elle, il y a urgence, il y a même péril.
05:04Elle perçoit probablement ce procès comme étant finalement une grande oubliée.
05:09Gisèle Pellicot, la messe est dite, la cause est acquise.
05:13Ça devient même une icône.
05:15Et Caroline.
05:17Caroline, c'est la fille qui avait une relation privilégiée avec le père.
05:21Elle sent l'urgence et ce besoin d'aveu.
05:24On arrive bientôt au terme de ce procès.
05:26Et on dit souvent que la cour d'assises, en l'occurrence la cour criminelle,
05:31est un lieu de souffrance et de vérité.
05:33La souffrance, je crois qu'elle a inondé depuis des mois ce procès.
05:37La vérité, c'est pas une conviction.
05:40La vérité, elle en a besoin.
05:42Et je crains, je redoute qu'à l'issue de ce procès,
05:46il y ait un vide sidéral qui s'installe avec un sentiment de frustration inouï.
05:52Et ce besoin de vérité, non pas pour lui jeter la pierre,
05:56non pas pour régler des comptes,
05:58parce qu'honnêtement, il n'y a pas un suspense démentiel.
06:02Il sera condamné très lourdement.
06:04Mais c'est ce besoin de dire, voilà ce que j'ai fait.
06:09Et à l'inverse, peut-être que M. Pellicot,
06:12et on va sûrement plaider ce lambeau d'humanité qui lui reste.
06:18Et finalement, s'il avouait ça,
06:20il deviendrait, il incarnerait définitivement
06:24un prédateur qu'on doit mettre hors d'état de vie.
06:27Mais vous dites votre crainte du vide.
06:29La crainte, c'est aussi la crainte du mur, d'une certaine manière.
06:33C'est-à-dire que jusqu'à maintenant, sur ces accusations-là,
06:37la cour et Caroline Darrian, en l'occurrence sa fille, s'est heurtée à un mur.
06:40Dominique Pellicot ne bouge pas depuis le début du procès,
06:42depuis le début de l'instruction.
06:44Je ne t'ai rien fait.
06:45Oui, en fait, il affirme, et ça, c'est depuis le début du procès,
06:50parce que je me souviens qu'au début de cette audience
06:52qui a commencé il y a maintenant dix semaines,
06:55il avait déjà été interrogé sur ces photos prises de sa fille
07:00et qu'on retrouve dans son ordinateur
07:02et qui manifestement ont été prises par lui.
07:05Il avait été interrogé, il avait dit qu'il n'avait aucun souvenir
07:09de ces photos et qu'en tous les cas, il n'avait jamais touché sa fille
07:14de quelque manière que ce soit.
07:16Et ça, c'est quelque chose qu'il répète depuis le début.
07:19Pourtant, même son avocate, Maître Zavaro, qu'on a entendue à l'instant,
07:23même son avocate a tenté de s'assurer que c'était bien sa vérité
07:27en le questionnant, en revenant à la charge là-dessus,
07:30en lui disant à un moment même,
07:32« Dominique, oubliez que nous sommes dans cette salle d'assises. »
07:34J'étais là, à ce moment-là, dans la salle.
07:36C'était un moment très fort.
07:37Elle lui dit, « Dominique, oubliez tous ces gens qui sont autour de nous.
07:39Oubliez ces 50 accusés qui sont là, ces avocats, votre famille qui est là.
07:43Nous ne sommes que tous les deux.
07:44Dites-le-moi, Dominique, est-ce que vous avez fait quelque chose à votre fille ? »
07:48Et là encore, il a répondu, « Non, je n'ai rien fait »,
07:51comme il vient de le faire à l'instant.
07:53– Mais parlant des photos dont on parlait, qu'est-ce qu'il dit sur les photos ?
07:55– Il dit qu'il n'a aucun souvenir de ces photos,
07:57qu'il est courant dans ce milieu criminel
08:01que des photos soient échangées de son entourage,
08:04c'est-à-dire que c'est une sorte de monnaie d'échange sur ces forums
08:07où les hommes, je dis les hommes parce que ce sont quasiment tout le temps des hommes,
08:11les hommes échangent entre eux des photos dénudées,
08:14prises à l'insu de leur entourage, en monnaie d'échange,
08:18je te montre ma femme à son insu nue,
08:21et en échange, tu me donnes une autre photo à toi de ton entourage.
08:26Et à chaque fois, ça va d'ailleurs grandissant,
08:28c'est ce que racontent les enquêteurs quand on parle avec eux,
08:30c'est que parfois c'est la femme, ensuite c'est les enfants, etc.
08:33Et donc lui dit, oui, c'est une monnaie d'échange,
08:36on m'avait d'ailleurs demandé des photos de ma fille,
08:39mais bon, moi je ne me souviens pas les avoir prises,
08:41et en tout cas, ce dont je me souviens, c'est que je n'ai jamais touché Caroline Darrian.
08:44Et ça, pour elle, c'est inaudible, parce que ces photos existent,
08:47que ce qu'il a fait sur sa mère existe, qu'il y a des preuves,
08:51que ça c'est indiscutable, donc elle dit en fait,
08:53s'il l'a fait sur ma mère, s'il a pris ces photos quasi nues de moi,
08:57dans des sous-vêtements qui ne sont pas les miens,
08:59ça veut dire que quelqu'un m'a mis des sous-vêtements qui ne sont pas les miens
09:02alors c'est que forcément quelque chose de plus grave encore
09:06que ces simples photos s'est passé,
09:08et ça c'est une pièce du puzzle qui manque pour elle,
09:12et on sent qu'il lui manquera à jamais,
09:14parce que visiblement ce n'est pas ce procès qui va lui apporter ses réponses.
09:17Maître Masclia, vous avez l'habitude de ces audiences-là,
09:19même si ce procès-là est hors normes, évidemment,
09:21vous avez l'habitude de ces audiences-là.
09:23Dominique Pellicot, il est entendu à nouveau ce matin,
09:25il va être entendu en dernier, ça veut dire que jusqu'au bout,
09:28jusqu'au bout, la Cour peut lui demander,
09:31et alors pour Caroline, jusqu'au bout du procès ?
09:33Jusqu'à la dernière seconde, et je pèse mes mots,
09:37il y a toujours la possibilité d'un renversement de situation,
09:41et nous l'avons au cabinet vécu.
09:44La parole à l'accusé, ou en dernière ligne droite,
09:48l'accusé dit « ok, je l'ai violée, stop, j'en peux plus ».
09:53C'est un espoir que Caroline, en l'occurrence,
09:59nourrit. Maintenant, pour elle, c'est inaudible.
10:03Mais ce que je pense, en étant à l'extérieur de ce dossier,
10:07c'est que pour lui aussi, je vous dis, ce serait franchir
10:11la ligne rouge de la ligne rouge.
10:13Ça veut dire qu'il ne ferait plus partie, à son sens,
10:16de l'humanité, qu'il n'y aurait plus aucune possibilité
10:19pour lui de changement, d'amélioration, de pardon.
10:24Et pardon n'est plus partie de la famille.
10:26Parce que l'inceste, et c'est l'occasion aussi de le rappeler,
10:29l'inceste est quand même l'un des plus grands tabous
10:32de notre société, quelque chose qui est très difficile
10:35à aborder, et où il est très difficile de faire émerger
10:37la parole encore aujourd'hui.
10:39Tout à fait. L'inceste, le viol, le statut de la femme,
10:44il y aurait tellement et tellement de choses à dire
10:46sur le viol, parce que moi je pense aujourd'hui
10:49à toutes ces femmes qui sont dans l'anonymat,
10:52qui ont subi des viols, qui sont souvent prescrites
10:55par l'action, parce qu'elles se réveillent trop tard,
10:58parce qu'elles ont eu peur, parce qu'elles n'ont pas pu
11:00ou su franchir la porte du commissariat,
11:03et avec ce défaut de preuves terrible,
11:07qui conduit à tellement de classements sans suite,
11:10et parfois à désacquittement.
11:11Mais pardon, cette parole-là que vous portez ce matin,
11:14Gisèle Pellicot l'a portée à la barre encore hier,
11:16qui est une parole quasiment politique, d'une certaine manière,
11:18quand elle explique qu'il est temps qu'on change de regard
11:20sur le viol, qu'on est dans une société patriarcale
11:22qui banalise le viol, c'est-à-dire qu'elle va au-delà
11:25de son cas personnel, Gisèle Pellicot.
11:27Oui, parce qu'elle a compris, et ça c'est quand même
11:30aussi beaucoup grâce au travail de sa fille,
11:32Caroline Darrian, en coulisses, qui pendant ces années
11:35d'instruction, a mené ce combat publiquement,
11:38mais aussi auprès de sa famille, sur la soumission chimique.
11:41En écrivant un livre, en montant une association.
11:43Exactement, et sur le fait que la honte doit changer de camp,
11:46et que ce n'est pas à la victime d'avoir honte
11:49de demander un huis-clos, même si, pour autant,
11:51il faut respecter les victimes qui ont besoin de ce huis-clos.
11:54Ça ne veut pas dire qu'elles soient moins dignes que les autres,
11:56ou moins courageuses. Mais néanmoins, pour celles
11:58qui l'osent, faire lever le huis-clos,
12:01c'est aussi faire voir au public
12:04ce qu'il se passe dans ces salles d'audience.
12:07La violence dont peuvent être victimes, une deuxième fois,
12:10les victimes, parce que les avocats les questionnent,
12:12et en même temps on le comprend, ce sont leurs rôles,
12:14c'est l'avocat de la défense qui doit aussi défendre
12:16jusqu'au bout son client, mais qui parfois,
12:18à ce titre-là, malmène aussi la victime.
12:21D'un mot maître pour conclure ?
12:23Je retiendrai deux phrases cultes,
12:25qui sont elles aussi nauséabondes dans ce dossier.
12:28Première, il y a viol et viol.
12:30Voilà des phrases qu'on a entendues.
12:32Deuxième phrase, il y a l'ogre et le petit pousset.
12:36Je voudrais juste demander et proposer
12:39à qui a prononcé cette phrase,
12:41de relire le conte de Charles Perrault.
12:43Le petit pousset est beaucoup plus rusé,
12:45est beaucoup plus intelligent,
12:47et à la fin il est victorieux contre l'ogre.
12:49Merci à toutes les deux.
12:51On retournera tout à l'heure au procès Pellico,
12:53un peu plus tard dans ce live. Merci.

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