Le gouvernement a dévoilé le mois dernier un vaste plan de lutte contre le trafic de drogue à Marseille. La question du narcotrafic "n’est pas juste une question de bleu dans la rue, il faut une police spécialisée", estime sur France Inter le maire de Marseille. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-invite-de-7h50/l-invite-de-7h50-du-mercredi-20-novembre-2024-8113996
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00:00Bonjour Benoît Payan, le trafic de drogue tue à Marseille, on en parle presque chaque
00:05semaine, mais ces derniers jours des fusillades sur fond de narcotrafic à Poitiers, à Valence,
00:11près de Rennes et aussi à Sète.
00:13Ce sera le temps fort ce soir du 106e congrès des maires de France réuni à Paris.
00:18Les élus locaux sont en première ligne, ils veulent des réponses ?
00:22Oui on est complètement en première ligne et évidemment à Marseille particulièrement.
00:26Il y a eu la visite du garde des Sceaux et du ministère de l'Intérieur il y a quelques
00:29jours à Marseille, je leur ai posé très clairement la question, ils sont venus avec
00:34un certain nombre d'annonces, j'avais fait chez France Info il y a trois ans la demande
00:40de la création d'un parquet spécialisé parce qu'on avait besoin et parce qu'on a besoin
00:44de prendre le taureau par les cornes.
00:45La question du narcotrafic n'est pas qu'une question de bleu dans la rue.
00:49Bien sûr qu'il faut des policiers, mais il faut une police spécialisée et il faut une
00:53justice avec des moyens capables de répondre.
00:56Il se trouve que Bruno Retailleau a indiqué qu'il allait augmenter les moyens des 15 antennes
01:00et 9 détachements de l'office anti-stupéfiants en région et à Marseille, où la criminalité
01:06organisée a-t-il dit est une cause nationale, il annonce 25 enquêteurs supplémentaires
01:12qui seront nommés et des effectifs de police sur la voie publique renforcée de 95 fonctionnaires.
01:18Ça vous a satisfait ?
01:19C'est très bien.
01:20Alors c'est jamais assez, mais c'est très bien, notamment dans une situation de baisse
01:26des dépenses publiques, dans une situation de baisse des effectifs, oui ça me satisfait.
01:30Un, je me réjouis de voir que cette proposition du parquet spécialisé a été reprise et
01:36va devenir effective, il faut évidemment que le législateur le décide.
01:40Deux, que l'augmentation des effectifs d'enquêteurs de police judiciaire, parce que c'est extrêmement
01:47important, et aussi de police de tranquillité de voie publique, existe, mais pour être
01:51très simple, le narcotrafic, il faut que vous imaginiez, et pour vos auditeurs, je
01:55pense que l'image est très parlante, ça ressemble à une pieuvre, elle a des tentacules
01:58et une tête.
01:59Et jusqu'à présent, quelles que soient les sensibilités politiques, on s'en est
02:03pris aux tentacules.
02:04On parle un coup de s'en prendre aux petits qui sont dans les barres d'immeubles, ensuite
02:09on peut parler de dépénalisation, ensuite on peut parler de pénalisation plus forte
02:13des consommateurs.
02:14Tant qu'on ne coupe pas la tête de la pieuvre, elle vivra.
02:17La tête de la pieuvre, c'est les chefs de réseau qui sont des narcotrafiquants, qui
02:23ont du sang sur les mains, qui ne sont pas dans le pays, qui sont à l'étranger, qui
02:27se cachent, qui blanchissent de l'argent, et qui en réalité échappent, échappent
02:32à tout contrôle.
02:33Et donc là, il faut que l'État y mette tous les moyens, et déploie toute sa diplomatie
02:38et sa capacité à aller remonter les circuits financiers.
02:41Et c'est ça qu'il faut d'abord faire.
02:43C'est comme ça que l'Italie, c'est comme ça que certains pays qui étaient gangrénés
02:51par la mafia, a fonctionné.
02:53Ça sert à quelque chose de faire comme à Grenoble, de tester la suppression des allocations
02:59familiales pour les familles de dealers condamnés.
03:02Christian Estrosi, maire de Nice, veut faire la même chose.
03:05Le maire de Manosque voudrait tester la même chose.
03:07Oui, mais enfin, on a l'impression que c'est la solution miracle.
03:10C'est assez pathétique, ça ne veut absolument rien dire.
03:13Quand on a affaire à la famille du plus gros trafiquant, dont on sait qu'il lève des millions
03:17et des millions d'euros par mois, en effet, on peut se poser la question de pourquoi est-ce
03:21qu'ils sont encore dans des logements sociaux.
03:22Mais enfin, sans prendre à une mère isolée, dont le petit a fait une bêtise ou quelque
03:29chose qui est tout à fait répréhensible, et la mettre à la porte, la couper de tout
03:34subside, je ne suis pas sûr et certain que ça calme quoi que ce soit.
03:38Et donc encore une fois, on ne peut pas taper à l'aveugle.
03:41On voit bien, tout le pays est expliqué dans ce que vous êtes en train de raconter.
03:45Le plus simple pour tout le monde, c'est de montrer le plus petit, celui qui est au
03:51RSA, et d'épargner les gros, de faire comme si le système n'était pas tenu par celles
03:58et ceux qui ont la puissance, mais toujours celui qu'on connaît, son voisin, celui
04:03qui gagne le RSA.
04:04On ne peut pas faire comme ça, ça ne va pas fonctionner comme ça.
04:07Alors, Benoît Payan, parlons de Marseille, parlons de Marseille en grand, parlons de
04:12budget, puisqu'il s'agit aujourd'hui de débattre sur l'avenir des fonds et des budgets
04:19des collectivités territoriales.
04:20Marseille en grand, c'est ce plan annoncé tambour battant en septembre 2021 par le
04:24Président de la République, et trié deux ans après par la Cour des comptes, le rapport
04:28définitif a été rendu public il y a un mois, il est cinglant ! Un plan de 5 milliards
04:34d'euros, lancé sur les seuls effets d'annonce du Président de la République, sans stratégie
04:38suffisamment élaborée, sans calendrier, sans concertation avec les acteurs, sans gouvernance,
04:43sans contrôle, sans instance pour le piloter ! Comment vous avez reçu ce rapport de la
04:49Cour des comptes ?
04:50J'ai pour habitude de ne pas trop commenter les décisions des magistrats, mais j'ai
04:56lu beaucoup de rapports de la Cour des comptes dans ma vie, et des rapports aussi politiques
05:00que celui-là, j'en ai rarement vu.
05:02Les magistrats sont des gens tout à fait respectables, mais j'avoue...
05:07Rarement vu d'aussi cinglant ? D'aussi sévère ?
05:10D'aussi approximatif.
05:11Ah bon ?
05:12D'aussi approximatif.
05:13Et finalement, à la fois approximatif, à la fois très politique, et finalement très
05:20opportun.
05:21C'est-à-dire qu'un juge ne juge pas en opportunité.
05:23Et encore moins un juge financier.
05:26Et encore moins un magistrat financier.
05:27Non mais concrètement, les Marseillais, est-ce qu'ils voient les effets de ce plan Marseille
05:31en grand ou pas ?
05:32Ils voient des écoles sortir de terre, ils voient qu'on est en train de poser des rails
05:37pour les tramways.
05:38Vous savez, on ne fait pas des vérandas avec Marseille en grand.
05:41Avec Marseille en grand, on ne repeint pas des dépôts de plantes en fait.
05:46Il s'agit de restructurer une ville qui pendant des décennies et des décennies a été laissée
05:52presque pour compte.
05:53Il s'agit de reprendre et de refaire de la rénovation urbaine pour quasiment 650 millions
05:57d'euros.
05:58Je vous laisse imaginer à quel point c'est compliqué et à quel point il faut du temps.
06:02Un magistrat, pour faire un rapport, il met un an et ils vont me demander à moi d'être
06:06aussi rapide pour construire une école qu'eux pour écrire dix pages ?
06:10Mais les 5 milliards d'euros, ils ont été décaissés ?
06:13Non, ça ne fonctionne pas comme ça.
06:15Pardonnez-moi.
06:165 milliards d'euros, c'est sur plusieurs années.
06:18Pourtant, le rapport de la Cour des comptes s'étrangle.
06:21C'est bien ce que je vous dis.
06:22Ils se trompent en fait.
06:23Ils confondent les carottes et les poireaux.
06:24Et pour des magistrats, je trouve ça assez effrayant de ne pas comprendre ce qu'est
06:29une autorisation de programme ou un engagement financier.
06:32Sauf qu'aujourd'hui, de l'argent pour les régions, il n'y en a plus.
06:345 milliards d'euros, en gros, c'est le budget que Michel Barnier voudrait supprimer
06:38à l'ensemble des collectivités territoriales en France.
06:42Est-ce que vous pensez que vous les aurez aujourd'hui ces 5 milliards d'euros ?
06:45Est-ce qu'ils sont remis en question ?
06:46Rien n'est sûr dans la vie.
06:50Moi, je vais me battre pour que l'argent des écoles et l'argent de la mobilité,
06:55et vous savez qu'on n'est pas tout à fait de la même sensibilité avec la métropole,
06:58soit sanctuarisé.
06:59Pour moi, l'essentiel, c'est la rénovation urbaine, la mobilité, les transports, les
07:08métros, les bus, les tramways, les écoles et le logement sont des impératifs à Marseille.
07:12Ça, c'est pas 5 milliards d'euros.
07:14Et on est très loin de 5 milliards d'euros.
07:16Parce que, je ne vais pas rentrer dans le détail, on n'a pas le temps.
07:19Mais, par exemple, les écoles, c'est 1 milliard et demi, la charge de l'État, c'est 400
07:23millions d'euros.
07:24Le transport, c'est 1 milliard, la charge de l'État, c'est 200 millions.
07:26Donc, quand on dit 5 milliards d'euros, encore une fois, il faut comprendre de quoi on parle.
07:30Ce n'est pas 5 milliards d'euros de l'État, donc il faut tordre le cou à ces bêtises
07:34qu'on raconte.
07:35J'aimerais quand même que, bien sûr, le niveau politique est de plus en plus bas,
07:41mais je trouve qu'on a besoin, et les uns et les autres, d'essayer d'élever le débat.
07:46Donc, 5 milliards d'euros, il ne s'agit pas de 5 milliards d'euros de l'État, mais
07:49de 750 millions d'euros de l'État, ce qui n'est quand même pas tout à fait la même
07:53chose, pardonnez-moi.
07:54Par ailleurs, je suis très inquiet, ce n'est pas que je ne suis pas inquiet, c'est que,
07:59non seulement je suis très inquiet, mais plus que ça.
08:02Ce que nous propose le gouvernement de M. Barnier dans son projet de loi de finances,
08:07si c'est appliqué, je vais vous expliquer simplement ce qu'il va se passer chez moi
08:10dans ma ville.
08:11Pour Marseille, la première année, c'est moins 50 millions d'euros, c'est-à-dire en
08:1525.
08:16En 26, moins 60.
08:17En 27, moins 70.
08:19Pour 25, à quoi ça correspond ? C'est l'intégralité du salaire de mes policiers municipaux.
08:25C'est l'intégralité de ma cantine scolaire, 80 000 gamins tous les midis, et c'est une
08:31école l'année prochaine que je supprime.
08:33Alors qu'est-ce que je choisis, moi ? Qu'est-ce qu'on fait ? On arrête la cantine scolaire,
08:37on arrête d'embaucher des policiers municipaux, ce n'est pas dix policiers municipaux, c'est
08:41tous mes policiers municipaux, c'est toute ma cantine scolaire.
08:44Et je ne suis pas le seul maire, et je pense aux ruraux, et je pense à celles et ceux qui
08:48sont en première ligne.
08:49Nous sommes les piliers de la République.