Bouleversée par les images d’Ahou Daryaei déambulant dévêtue dans les rues de Téhéran, l’actrice revient pour nous sur l’audace et le désespoir des Iraniennes.
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00:00« Je me déshabille, je me rends, vous ne pouvez plus vous battre sur mon corps. »
00:05Le 2 novembre, on voit les visages de cette femme qu'on ne connaît pas.
00:10On voit juste une femme en soutien-gorge et sa culotte qui est assise quand même au milieu de la rue devant l'université.
00:19Il y a une atmosphère de terreur parce qu'on voit que les hommes et les femmes ne la regardent même pas.
00:24On dirait qu'elle n'existe pas.
00:26Elle sait les conséquences de cette action, elle le sait très bien.
00:31Depuis cet événement, elle est prisonnière dans un hôpital psychiatrique
00:37parce que bien sûr, le gouvernement islamique veut présenter cette femme comme une malade mentale.
00:44Et même son compte Instagram a été bloqué sur ce compte.
00:50C'était elle avec ses enfants, elle a deux enfants apparemment.
00:53Parce que ça montre qu'elle n'a pas de problèmes mentaux, elle est juste une femme normale.
00:59En Iran, vous savez, on met le foulard sur votre tête à l'âge de 6 ans pour aller à l'école pour vous protéger.
01:09Ce foulard, il fait tout sauf vous protéger.
01:13Parce que vous êtes touché dans le taxi, dans le bus.
01:17Plus vous êtes couvert, plus vous êtes harcelé sexuellement dans la société.
01:23Alors nous, comme des petites filles en Iran, on comprend très bien que cette histoire de voile,
01:28c'est n'importe quoi parce que moi j'ai l'impression que ça leur excite encore plus.
01:32On dirait que plus les hommes ont le contrôle et ils peuvent posséder le corps et les règles de corps d'une femme,
01:40l'homme est plus fort, les gens sont plus forts s'ils peuvent contrôler le corps de la femme mieux.
01:47En fait, quand on regarde dans l'histoire d'humanité,
01:51c'était toujours les hommes qui ont décrit la liberté de corps d'une femme.
01:57C'est pour ça que le corps de la femme, ça devient une arme.
02:00Parce que le cri avec la voix, ce n'est pas assez, alors c'est le corps qui crie.
02:07Et ce que vous voyez sur cette image d'Anhou, c'est son corps qui crie.
02:12Il dit « lâchez-moi, lâchez-moi, qu'est-ce que vous voulez de ce corps ? »
02:16Jusqu'à quand vous voulez torturer ce corps-là ?
02:21Il dit « si vous faites une chambre-bataille de mon corps, alors je me déshabille, je me rends.
02:30Vous ne pouvez plus vous battre sur mon corps. »
02:34Ça veut dire que je vous prends ce chambre-bataille,
02:37que vous voulez mettre le voile, vous voulez harceler, vous voulez violer, je le prends.
02:43Parce que mon corps, comme ça, ça ne vous intéresse plus en fait.
02:46Mon corps, ça vous intéresse tant qu'il est sous le voile,
02:50tant que je suis sous le tchador, tant que je suis une vierge.
02:54Si je deviens une prostituée, je ne vous intéresse pas.
02:57Parce que vous préférez me violer quand j'ai 14 ans et quand je suis une vierge.
03:02Mais vous savez, quand la dignité d'une femme ou d'un homme est écrasée à un point,
03:08et à un moment donné, tu dis « je n'ai plus rien, tout a été écrasé. »
03:13Moi, comme Iranienne, je reçois ces images-là presque tous les jours.
03:19Alors c'est pour ça que les gens me disent « alors la révolution en Iran, c'est fini et tout ça. »
03:25Ça me fait rire parce que la chose que les femmes et les hommes iraniens y vivent à l'intérieur,
03:32c'est tout sauf la fin d'une révolution féministe.
03:36Parce que l'information dans le média, ça devient périmé.
03:40On pense que si l'information se périme, la souffrance se périme avec.
03:45Mais non, la souffrance continue.
03:48Mais là, avec cet acte de suicide qu'elle a fait, elle s'est mise en feu carrément.
03:54Elle a attiré encore l'attention en disant que la révolution continue.
04:00Je crois que le mouvement Femme, Vie, Liberté, ce n'est pas seulement collé à l'Iran.
04:07L'Iran, c'est une fleur de ce mouvement-là parce que c'est vraiment évident,
04:14une évidence énorme, la situation de la femme en Iran et en Afghanistan.
04:20Mais là, vous voyez, avec l'élection aux États-Unis, la femme va perdre le droit sur son propre corps
04:28ou aux États-Unis, le pays de la liberté, le pays de démocratie.
04:36Ce qui compte, c'est qu'on marche.
04:38Chaque pas, on est plus proche.
04:41Peut-être que ma fille ou la fille de ma fille va vivre la liberté et l'égalité, ce n'est pas grave.
04:48Mais tant qu'on continue et qu'on ne lâche pas, parce que si on lâche justement,
04:53on va contre notre dignité, notre humanité, notre féminité.
04:58Moi, je peux tout faire sauf trahir à moi-même.
05:02Alors, pour ne pas trahir moi-même et mes valeurs, je me bats.
05:08Je crois que quand on est dans une tsunami ou tremblement terre,
05:11quand tout est en train de trembler et on est en train de se sauver et on est dans le mode de survie,
05:17on ne réalise pas à quel point on est les zéros.
05:22Parce qu'à ce moment-là, on est en train de s'ouvrir et on ne réalise pas que,
05:25peut-être que ce n'est pas normal que tout est en train de trembler.
05:29Et quand on sort de tsunami, quand on sort de tremblement terre,
05:32on regarde derrière et on dit, wow, le bâtiment est complètement écrasé, mais on est vivant.
05:38Le prix est cher, mais on est vivant.
05:41Je crois que la vie en Iran, c'est comme ça.
05:44Les femmes et les hommes qui vivent là-bas, ils sont en train de survivre.
05:47Ils ne vivent pas, ils sont en train de survivre justement parce que leur dignité est en danger.
05:54Jour et nuit, leur dignité est écrasée.
05:58Jour et nuit, ils sont en train de vivre une tsunami psychologique, mentale, économique, sociale,
06:05tout ce que vous pouvez imaginer.
06:08Et bien sûr, quand on sort de là, on regarde et on dit, wow, je viens d'où ?
06:16Oui, à ce moment-là, en Iran, quand j'étais attaquée à la Cide, c'était tout de suite banalisé.
06:23En fait, c'était banal.
06:24C'était ma vie où d'être touchée dans les taxis et bus, c'était comme bof !
06:30Oui, encore un autre con qui touche.
06:33C'était carrément comme on n'était même pas traumatisé.
06:38On n'avait même pas le choix d'être traumatisé parce qu'on était globalement en train de vivre un trauma.
06:45Ce n'était pas des petits trucs, ce n'était pas une société saine où on peut être traumatisé
06:52par être harcelé sexuellement et tout ça.
06:54Non, quand on est dans un trauma global, le trauma est dans nos sangs.
07:00Les êtres humains, ils vont aller vers la liberté comme le feu brûle, comme l'eau coule.
07:06Ça, c'est quand même la caractéristique de l'être humain de chercher la liberté.
07:11Et tant que la liberté n'est pas là, l'être humain continue à se battre.
07:17Chaque geste compte, chaque action compte.
07:21C'est pour ça que je dis toujours aux gens en Occident, à Paris,
07:26où on vit dans une société assez en démocratie et libre,
07:32chaque pensée pour liberté et égalité compte.
07:37Alors même si vous ne faites rien, juste penser, juste avoir une pensée
07:41pour les êtres humains qui vivent dans autre chose que notre vie en France.