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En 2020, Amélie Challéat donne naissance à sa fille, Shéérazaade, alors qu'elle n'est qu'à 26 semaines de grossesse. S'ensuivent des mois d'hospitalisation pour l'enfant, qui ne vient au monde qu'en pesant 800 grammes. Un récit poignant et nécessaire, pour sensibiliser.

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Transcription
00:00Moi, l'accouchement de ma fille, c'était le pire jour de ma vie
00:04parce que j'avais l'impression de lui donner la mort.
00:06Je m'appelle Amélie, j'ai 40 ans et je suis la maman de deux enfants,
00:11un grand garçon de 15 ans et une petite fille de 4 ans
00:14qui est née extrême prématurée à 26 semaines de grossesse.
00:17Quand je suis tombée enceinte de Scheherazade,
00:19il n'y avait pas de choses identifiées
00:21qui pouvaient alerter sur une potentielle prématurité.
00:25Tout a basculé précisément le 12 septembre 2020.
00:29À ce moment-là, je ne suis qu'à 22 semaines de grossesse.
00:33Je pars en week-end à Lyon, sachant que je vis à Paris,
00:37avec mon conjoint et mon fils pour le baptême de mon filleule.
00:39Et en fait, 24 heures après être arrivée à Lyon,
00:43en sortant de l'église, je me mets à faire une hémorragie
00:46et je perds beaucoup de sang.
00:48Les médecins me disent qu'ils allaient peut-être devoir sortir le bébé
00:51pour, moi, me permettre de vivre.
00:54Sauf qu'un bébé, on ne le réanime pas avant 24 semaines.
00:57Donc je suis restée alitée pendant un mois, en grossesse pâteau, à Lyon.
01:01C'est là où les médecins ont commencé à m'expliquer ce qui était en train de se passer.
01:04L'objectif, c'est que le bébé reste le plus longtemps possible dans votre ventre.
01:08Parce que s'il n'est maintenant, il n'y a aucun de ses organes qui est prêt à vivre.
01:12C'est compliqué, quoi, d'être complètement immobile
01:14et d'attendre et d'espérer que la mort ne va pas se pointer du jour au lendemain.
01:18Un jour, les contractions ont repris et j'ai accouché à 26 semaines.
01:22L'accouchement de ma fille, c'était le pire jour de ma vie.
01:26Parce que j'avais l'impression de lui donner la mort.
01:29Sherazade, elle est née, elle pesait 800 grammes.
01:32Et je ne l'entends pas pleurer, mais j'entends un miaulement.
01:34Ils l'amènent tout de suite dans une salle à côté pour la réanimer.
01:38Et ensuite, ils l'emmènent en néonatologie.
01:40Donc je n'ai pas pu voir mon bébé. Je ne l'ai pas vu en vrai.
01:43Il m'arrive dans la néonate et là, on se retrouve projetée dans un univers...
01:48extrêmement impressionnant.
01:50C'est un univers très froid, très médical.
01:52On m'a amenée à la couveuse de ma fille qui était...
01:55Elle tenait là-dedans. Elle était toute petite.
01:58Elle était branchée de partout.
02:00C'est un bébé qui ne ressemble pas à un bébé.
02:02La première fois qu'on l'a mise contre moi,
02:04c'est là que la vraie rencontre a eu lieu.
02:06J'ai pu comprendre ce qui arrivait.
02:08Elle a resté quatre mois à l'hôpital et la prématurité, c'était montagne russe.
02:11Un jour, à 10h du mat', c'est super, elle a pris 20 grammes aujourd'hui,
02:14on continue, les constantes vitales sont bonnes.
02:16Une demi-heure après, elle enchaîne les bradicardies.
02:19On la voit devenir violette sous nos yeux, désaturée.
02:23On l'a vue partir un nombre incalculable de fois,
02:25mais elle est toujours revenue.
02:27Après, on a un syndrome post-traumatique
02:29équivalent à des gens qui ont fait la guerre
02:31parce qu'il y a le truc des bruits, la vie, la mort,
02:34le fait que ça puisse arriver à n'importe quel moment
02:36sans vraiment d'explication rationnelle.
02:38Mais les médecins et les puéricultrices,
02:41qui sont vraiment des héroïnes, font un travail formidable.
02:43Ils arrivent à nous tenir sur un objectif de...
02:46On avance, un pas après l'autre.
02:48Et aujourd'hui, ma fille a 4 ans, elle va bien.
02:50C'est comme si on avait gagné au loto.
02:51Un des bébés de 20 semaines,
02:52il n'y en avait pas eu beaucoup qui ont survécu dans la réa où on était.
02:55Donc, on se rend bien compte à quel point on est chanceux
02:59parce qu'il y a d'autres mamans qui ont été enéonnates comme moi
03:03et qui n'ont plus leur bébé aujourd'hui.
03:04La manière à moi de naviguer ça, c'est de raconter.
03:08Ce que j'ai vécu là-bas, ça a changé ma vie pour toujours.
03:10Et moi, raconter, ça m'a aidée à survivre au moment où on l'a vécu.
03:13Même si c'est ma fille qui a été menacée de mort, c'était pas moi.
03:16Le moindre que je puisse faire, c'est raconter.
03:18Si ça peut aider, aider soignants, aider parents qui vivent la même chose.
03:22Parce que le récit, le fait de recevoir des témoignages,
03:25ça donne aussi de l'espoir, ça permet de s'identifier.
03:27C'est un parcours très long, la prématurité.
03:29Ça s'arrête pas quand on sort de l'hôpital.
03:30Quelle que soit l'issue, vous êtes des héros.
03:33Et je sais à quel point, dans ces moments-là, on n'a pas envie d'être des héros
03:37parce qu'en vrai, on n'a pas de super pouvoir
03:39et que ce qui vous arrive est extrêmement injuste.
03:41Mais la seule chose que je peux vous dire,
03:42c'est que la chose la plus puissante dans cette salle de réa, c'est l'amour.

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