Il y a des discours qui coûtent cher. Celui du Chinois Jack Ma, le fondateur d’Alibaba, lors d’un forum financier le 24 octobre 2020, lui a coûté – tenez-vous bien - 37 milliards de dollars. C’était ce que devait rapporter l’introduction en Bourse de sa société Ant Group, qui a été interrompue juste après son discours, sur ordre de Xi Jinping. [...]
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00:00Il y a des discours qui coûtent cher.
00:12Celui du chinois Jack Ma, le fondateur d'Alibaba, lors d'un forum financier le 24 octobre 2020,
00:18lui a coûté, tenez-vous bien, 37 milliards de dollars.
00:23C'est ce que devait rapporter l'introduction en bourse de sa société Ant Group,
00:27qui a été interrompue juste après son discours sur ordre de Xi Jinping.
00:32En critiquant le système financier chinois, Jack Ma avait commis un crime de lèse-majesté.
00:37Il avait dit que les banques chinoises fonctionnaient encore avec une mentalité de prêteurs à gages,
00:43et que l'excès de contrôle finirait par étouffer l'économie.
00:47Or le milliardaire de la tech agaçait le pouvoir depuis des années
00:50en jouant les vedettes en Chine et au-dehors, notamment à Davos.
00:54Surtout, son entreprise devenait systémique.
00:57Alibaba était à la fois un équivalent d'Amazon dans le commerce,
01:01mais aussi d'Apple Pay et de Mastercard pour les paiements,
01:04l'équivalent d'un courtier d'assurance et même d'un banquier.
01:08Il faisait des crédits à la consommation de 300 euros,
01:11le niveau du salaire minimum, sans prendre de vraies garanties.
01:14Les autorités craignaient de perdre le contrôle des flux financiers.
01:18En suspendant la cotation d'Ant Group in extremis,
01:22Xi Jinping montrait que l'État chinois restait toujours le patron.
01:26Aujourd'hui, le groupe de Jack Ma a été démantelé, sa valeur s'est effondrée
01:30et le multimilliardaire qui n'en détient plus qu'une infime partie
01:34enseigne dans des universités japonaises ou israéliennes.
01:38Comme Jack Ma, un autre JM, surnommé lui J2M puis J6M
01:44pour Jean-Marie Messier, moi-même maître du monde,
01:47a pu constater que le capital était tout proche de la roche tarpayenne.
01:50Lui aussi a été victime de son hubris.
01:53Pour les narques qui avaient transformé la vieille Générale des eaux
01:56en Vivendi, géant des médias,
01:58le rachat d'Universal en 2000 et celui de USA Networks en 2001
02:03a été le coup de trop.
02:05Car tout était financé par la dette et les marchés financiers s'affolaient,
02:08ne croyant pas à la convergence entre les activités historiques comme SFR
02:13et la distribution de films aux États-Unis.
02:15Pour tenir jusqu'au jour où les abonnés de SFR
02:18pourraient regarder des films sur leur portable,
02:20Messier aurait dû gérer son groupe au lieu de s'acharner à le faire grossir.
02:25Être visionnaire ne suffisait pas,
02:27comme le confia plus tard un administrateur de Vivendi.
02:30Pendant qu'il se comportait en Napoléon conquérant,
02:33dans son appartement de 520m2 sur Parc Avenue,
02:36payé 17 millions de dollars par Vivendi,
02:39il ne s'est pas aperçu que sa maison n'était plus tenue.
02:43Il n'avait pas nommé de directeur général en France de peur qu'il lui fasse de l'ombre
02:47et personne n'arbitrait quand les barons du groupe se faisaient la guerre.
02:51Le coup de grâce, il se l'est porté tout seul,
02:53en disant aux journalistes américains en décembre 2001
02:56« l'exception culturelle franco-française est morte ».
02:59Cette phrase prononcée pour séduire Hollywood
03:01et parce qu'il se sentait invincible
03:03a poussé le monde de la culture à le lâcher,
03:05vite imité par les politiques et son conseil d'administration.
03:09Carlos Ghosn ou Anne Lauvergeon connaîtront plus tard les mêmes déboires,
03:13pour le même péché d'orgueil.
03:16À leur décharge, il n'y a pas que les patrons qui courent ce risque.
03:19Gérard Collomb, maire de Lyon et proche d'Emmanuel Macron,
03:22signa sûrement sa perte le jour où il dit, en visant à demi-mot le président,
03:27« Je pense que nous avons manqué d'humilité.
03:29L'hubris, c'est la malédiction des dieux ».
03:33La leçon de ces histoires, c'est que par construction,
03:37le dirigeant présente plus de risques que le commun des mortels
03:39d'être atteint par la tentation de la démesure.
03:42Même si son assurance est justifiée par ses réussites passées,
03:46ce gonflement de l'ego empêche souvent celui qui a tout réussi
03:50de prendre conscience qu'il a atteint son point culminant.
03:52C'est alors qu'il fait le coup de trop celui qui signe sa perte.