Au collège du Bois d'Aulne, Samuel Paty, professeur d'Histoire Géographie, a été assassiné le 16 octobre 2020 pour avoir montré des caricatures de Mahomet à l'occasion d'un cours sur la liberté de la presse et des élèves se sont rendus complices de ce drame. Comment le collège dans lequel il enseignait peut-il retrouver une forme de sérénité après un tel choc ?
Ce documentaire montre le travail que les enseignants ont décidé d'entreprendre, un an après la tragédie, pour que la confiance revienne dans cette école traumatisée. Ils invitent leurs élèves à mettre des mots sur leurs émotions et à réfléchir sur la complexité des événements dont ils ont été les témoins. Ils leur montrent le chemin pour se relever et aller de l'avant. La réalisatrice les a suivis tout au long de l'année scolaire, alors qu'ils interviennent auprès de deux classes de 3ème au sein desquelles sont dispersés les élèves de Samuel Paty. Nous assistons alors à la reconstruction de ce groupe d'enseignants et de collégiens qui, grâce à l'organisation de rencontres avec d'autres victimes du terrorisme et la mise en place d'ateliers de slams au sein des classes, parviennent à sortir petit à petit de la sidération, expriment leurs sentiments, échangent sur leurs incompréhensions, sur leurs peurs et pansent leurs blessures ensemble.
LCP fait la part belle à l'écriture documentaire en prime time. Ce rendez-vous offre une approche différenciée des réalités politiques, économiques, sociales ou mondiales....autant de thématiques qui invitent à prolonger le documentaire à l'occasion d'un débat animé par Jean-Pierre Gratien, en présence de parlementaires, acteurs de notre société et experts.
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#LCP #documentaire #debat
Ce documentaire montre le travail que les enseignants ont décidé d'entreprendre, un an après la tragédie, pour que la confiance revienne dans cette école traumatisée. Ils invitent leurs élèves à mettre des mots sur leurs émotions et à réfléchir sur la complexité des événements dont ils ont été les témoins. Ils leur montrent le chemin pour se relever et aller de l'avant. La réalisatrice les a suivis tout au long de l'année scolaire, alors qu'ils interviennent auprès de deux classes de 3ème au sein desquelles sont dispersés les élèves de Samuel Paty. Nous assistons alors à la reconstruction de ce groupe d'enseignants et de collégiens qui, grâce à l'organisation de rencontres avec d'autres victimes du terrorisme et la mise en place d'ateliers de slams au sein des classes, parviennent à sortir petit à petit de la sidération, expriment leurs sentiments, échangent sur leurs incompréhensions, sur leurs peurs et pansent leurs blessures ensemble.
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NewsTranscription
00:00:00Générique
00:00:02...
00:00:16Bienvenue à tous.
00:00:17Le 16 octobre 2020,
00:00:18le professeur d'histoire-géographie Samuel Pattié
00:00:21était assassiné par un terroriste islamiste.
00:00:24Il avait montré en classe des caricatures de Mahomet
00:00:27à l'occasion d'un cours sur la liberté de la presse
00:00:30et des élèves s'étaient rendus complices de ce drame.
00:00:33Un an après,
00:00:35comment le collège du Bois-d'Aulne,
00:00:37là où il enseignait, à Conflans-Saint-Honorin,
00:00:39a-t-il tenté de retrouver une forme de sérénité après ce drame ?
00:00:43C'est ce que nous montre le bouleversant documentaire
00:00:46qui va suivre, le collège de M. Pattié,
00:00:49écrit et réalisé par Christine Tournadre.
00:00:52Vous allez y assister
00:00:53à la reconstruction de ce groupe d'enseignants et de collégiens
00:00:56qui, grâce à l'organisation de rencontres
00:00:59avec d'autres victimes du terrorisme,
00:01:01la mise en place d'ateliers de slams au sein des classes,
00:01:04est parvenue, pas à pas, à sortir de la sidération,
00:01:08exprimer ses sentiments, échanger sur ses peurs
00:01:11et penser ensemble ses blessures.
00:01:13Cette année, quatre ans après l'assassinat,
00:01:16le collège du Bois-d'Aulne a pris le nom de Samuel Pattié.
00:01:20Bon doc.
00:01:26...
00:01:34On y va, dépêche !
00:01:36On a sonné, on y va !
00:01:37...
00:02:05-"Salam aleikum à tout le monde.
00:02:07Ma fille, elle a été choquée
00:02:09suite au comportement de son prof.
00:02:12C'est un voyou.
00:02:16Il a montré un homme tout nu.
00:02:18Il a dit que c'était le prophète des musulmans.
00:02:21Alors, si vous voulez qu'on soit ensemble,
00:02:24envoyez-moi un message.
00:02:27Ce voyou ne doit plus rester dans l'éducation nationale,
00:02:30ne doit plus éduquer des enfants,
00:02:32il doit aller s'éduquer lui-même."
00:02:35...
00:02:55Brouhaha
00:03:28On voudrait mettre des chaises, quelque part.
00:03:35Où est-ce qu'on met les profs ?
00:03:37Sinon, on déplace les élèves, on met les profs là.
00:03:40On leur demande de descendre.
00:03:43Excusez-moi, on va mettre les adultes ici.
00:03:47Non.
00:03:53Bonsoir à tous.
00:03:58Ce moment a été attendu, et il est très important pour nous tous.
00:04:05Depuis un an, nous n'avons pas eu l'occasion de partager un moment tous ensemble.
00:04:10Et ce soir, nous voulions vous apporter une idée.
00:04:16Depuis un an, nous n'avons pas eu l'occasion de partager un moment tous ensemble.
00:04:20Et ce soir, nous voulions vous adresser quelques mots.
00:04:24J'invite les collègues qui ont prévu de lire un petit texte.
00:04:30Il faut enlever les masques, les filles.
00:04:36Chers élèves, chers anciens élèves.
00:04:40Cela fait un an que Samuel Paty a été assassiné à quelques mètres de notre collège.
00:04:45Le choc a été tel que vous, comme nous, étions sidérés,
00:04:51parfois incapables d'en parler.
00:04:54Excusez-nous, chers élèves, de n'avoir pas toujours été le pilier,
00:04:57le repère que nous devons être pour vous.
00:05:00Il faut vous dire que certains ont été détruits, anéantis,
00:05:04que certains n'ont pu remettre les pieds dans cet établissement,
00:05:07que d'autres ne peuvent plus enseigner.
00:05:10Quand on attaque un professeur parce qu'il a cherché à faire réfléchir ses élèves,
00:05:14quel sens donner à notre mission ?
00:05:37On a rendu hommage à Samuel, et je pense que ça nous a fait du bien,
00:06:05mais ça ne suffit pas.
00:06:08On n'est jamais revenus volontairement, directement, sur les faits.
00:06:14On aurait dû en discuter en classe,
00:06:18prendre un temps pour discuter là-dessus avec les élèves.
00:06:26Mais encore aujourd'hui, il y a des collègues qui l'expriment,
00:06:29comme s'il y avait une espèce de tabou.
00:06:34Je trouve que dans toute cette histoire, on ne parle pas assez.
00:06:40En fait, pour moi, tout a commencé un peu plus d'une semaine avant l'attentat,
00:06:45parce que j'ai entendu des échos sur des accusations de racisme.
00:06:51Enfin, il y avait deux rumeurs, en fait.
00:06:54La première, c'était que...
00:06:58que M. Patsy était raciste parce qu'il avait montré des caricatures du prophète.
00:07:05Et la deuxième, c'était qu'il avait exclu des musulmans de son cours,
00:07:10enfin qu'il avait demandé à des musulmans de sortir.
00:07:13C'est une rumeur qui circulait aussi au sein de parents d'élèves,
00:07:16puisque ça commençait avec des parents d'élèves, cette histoire.
00:07:19Des parents d'élèves qui, parfois, étaient des gens qui avaient un bon rapport avec l'école.
00:07:27Donc cet être humain était assez puissant, je pense.
00:07:36Je me souviens qu'avant de faire rentrer des troisièmes dans ma classe,
00:07:40en fait, ils étaient rangés, et j'avais entendu des élèves parler de Samuel, en fait.
00:07:47Mais je n'entendais pas exactement ce qu'ils disaient, c'était des ragots, je pense.
00:07:52Et quand ils sont entrés dans la classe, je leur ai demandé de s'asseoir,
00:07:55puis je leur ai demandé s'ils avaient quelque chose à me dire,
00:07:57ou s'ils avaient envie de me parler de quelque chose.
00:08:01Et là, ils m'ont dit « Non, rien, madame, je dis, il ne se passe rien en ce moment. »
00:08:06Et en fait, là, ils m'ont dit « Monsieur Paty, alors, qu'est-ce que vous avez entendu ? »
00:08:14Donc ils m'ont dit qu'il avait montré des caricatures.
00:08:18Et je leur demande « Et alors ? »
00:08:20On m'a dit « Mais il n'a pas le droit de faire ça. »
00:08:24Et ce qu'ils ne comprenaient pas, c'est pourquoi Samuel avait montré des caricatures,
00:08:27alors qu'il savait que ça pouvait choquer les élèves.
00:08:35Et toute cette semaine avant l'attentat,
00:08:37il y avait une épée de Damoclès au-dessus de nos têtes à tous.
00:08:44Samuel nous avait envoyé un e-mail pour nous dire qu'il était menacé,
00:08:48et que le collège entier était menacé.
00:08:50Et effectivement, moi, je suis allée chercher la vidéo sur le net de ce fameux père qui a été à la haine.
00:08:58Et là, j'ai compris que vu le nombre de partages qu'il y avait,
00:09:02ça allait être très compliqué, que c'était grave.
00:09:09Et personnellement, j'ai pensé au pire.
00:09:21Il y avait de la tension dans le collège.
00:09:24Et souvent, quand il y a un problème, même avec un professeur, l'élève,
00:09:28il vient se confier à qui ? Souvent, il vient se confier au surveillant.
00:09:32Moi, les élèves qui m'en ont parlé,
00:09:34certains savaient ce qui s'était passé clairement dans le cours de M. Paty,
00:09:37d'autres ne savaient pas, entendaient des bruits de couloirs.
00:09:41Donc j'essayais d'expliquer, de faire comprendre à des élèves
00:09:44qu'il n'était pas raciste, qu'il n'était pas anti-musulman, ni anti-islam,
00:09:48qu'il n'y avait aucun problème avec ça.
00:09:50Et malheureusement, après, c'est la vie de collège.
00:09:52Une rumeur, ça renfle et ça y est, ça se propage.
00:09:56On ne peut pas arrêter une rumeur comme ça qui se propage aussi vite.
00:09:59En plus, maintenant, avec les réseaux sociaux, c'est devenu...
00:10:03C'est multiplié par cent.
00:10:18Et je me souviens, en fait, le vendredi, d'avant les vacances,
00:10:22je me souviens, à la dernière heure,
00:10:27pour aller à la grille, j'avais croisé M. Paty.
00:10:29Il était là, il marchait avec son sac, ses mains sur son sac,
00:10:32il marchait, capuché, il rentrait chez lui.
00:10:35On se souhaitait de bonnes vacances.
00:10:38Et là, en fait, je commençais à recevoir des messages.
00:10:40Là, je commençais à aller sur Twitter, je commençais à voir les tendances.
00:10:43Je vois Conflans, je vois Bois-d'Aune, mais qu'est-ce qui se passe ?
00:10:46Et je vois, ça parle d'un mort.
00:10:48Et quand j'ai vu ça, je suis resté bloqué.
00:10:51Je n'ai pas bougé.
00:10:57Alors après, ça s'est précisé, on nous a dit décapité.
00:11:03Après, on nous a dit un professeur.
00:11:05Enfin, c'était quelques minutes après, en fait.
00:11:10Et puis après, on savait tous que c'était Samuel.
00:11:13Enfin, moi, je pense qu'on le savait tous.
00:11:15Avant 18h.
00:11:17Et ensuite, on allumait les chaînes d'infos, BFM.
00:11:23Donc, ils passaient ça en boucle, on avait le collège,
00:11:25les images du collège en boucle aussi,
00:11:28sur toutes les chaînes d'infos.
00:11:38Là, j'ai compris que c'était pas seulement le drame des collègues
00:11:42ou même de la famille de Samuel à qui on a pensé en premier,
00:11:45mais c'était le drame de toute la France.
00:11:49S'en prendre à un professeur, c'est s'en prendre à,
00:11:52forcément, un symbole de la République.
00:12:04Je crois qu'il est centré.
00:12:08Attends.
00:12:09Moi, ça me paraît bien.
00:12:12Attends.
00:12:31Ensuite, moi, ce qui m'a vraiment achevée,
00:12:33c'est que j'avais un élève dans ma classe de 3e
00:12:35qui a été mis en examen.
00:12:37Et je me suis demandé...
00:12:39Ben...
00:12:41Pourquoi ?
00:12:43Pourquoi ?
00:12:44Et puis, j'avais l'impression qu'en plus, cet élève, c'était...
00:12:47un élève ordinaire qui aidait à ranger les tables à la fin de l'heure,
00:12:53à être poli, à dire bonjour madame, au revoir madame, et...
00:12:57Et là, on se dit que c'est pas possible.
00:13:02Et on comprend pas ce qui se passe.
00:13:10Quand j'ai appris que les élèves attendaient M. Paty
00:13:13pour le désigner au QR, j'étais choqué.
00:13:15Je me suis dit...
00:13:17À quel moment ?
00:13:18Pourquoi ? Qu'est-ce qui s'est passé ?
00:13:22Et surtout, pour une somme d'argent dérisoire.
00:13:24En gros, l'avis de M. Paty coûtait, je vais dire, 150 euros,
00:13:27mais je sais même pas si c'était ça, c'est peut-être 300.
00:13:30Et peu importe les chiffres, c'est n'importe quoi.
00:13:35Moi, j'ai l'impression qu'il y a quelque chose d'effrayant
00:13:37derrière tout ça.
00:13:39Et qu'on refuse de voir.
00:13:43Je sais pas, est-ce que c'est la responsabilité des élèves ?
00:13:45C'est le fait que des élèves se soient retournés contre leurs professeurs ?
00:13:49Le fait que tous les élèves du collège aient vu la photo de la décapitation ?
00:13:54Le fait qu'on ait une élève de 6e qui ait demandé à ses camarades
00:13:57de liker la photo de son professeur décapité ?
00:14:02Tu vois ?
00:14:04Enfin, c'est...
00:14:05C'est monstrueux, en fait.
00:14:08Et c'est peut-être pour ça qu'on n'en parle pas.
00:14:11C'est parce que ça nous fait trop mal de voir que c'est nos élèves
00:14:13qui ont fait ça aussi.
00:14:15Et nous, quelle est notre responsabilité là-dedans ?
00:14:21C'est nous, leurs éducateurs, on a failli, quoi.
00:14:24Enfin, ça soulève plein de choses.
00:14:36Rires
00:14:51Moi, je suis très, très contente que vous soyez là.
00:14:53Très contente qu'on se voie ici.
00:14:57Et on se demandait comment vous apporter du réconfort
00:15:02et comment travailler avec vous ?
00:15:04reprendre le métier de professeur et comment travailler avec vos élèves, tous quand même
00:15:12très impactés par l'assassinat de leurs professeurs. Mais tu vois, la question pour moi c'est toujours
00:15:20qu'est ce qu'on fait ? Pour moi on pourra plus jamais travailler comme avant dans ce collège,
00:15:24mais quoi exactement ? Comment on prend les choses ? Qu'est ce qu'on met en place ? Qu'est ce qu'on fait
00:15:30de cet établissement ? Et qu'est ce que moi je fais de mon travail ? Et ça, ça m'effraie un peu parce
00:15:35que je me sens encore une fois un peu seule. Je sais qu'il y a vous, l'association des victimes
00:15:39du terrorisme, sur qui on peut compter, mais à part ça, c'est toujours beaucoup de questions en fait.
00:15:46La question du que faire, elle est très très vaste. Mais t'as pas envie que les élèves sachent eux
00:15:51aussi exactement ce qui s'est passé ? Que finalement il n'y ait pas 36 récits, mais qu'il y ait quand
00:15:59même quelque chose qu'on appelle dans un procès la manifestation de la vérité. Il y a une vérité,
00:16:05il y en a une. Et puis il y a plein de choses dont on n'a jamais parlé. Par exemple l'avant
00:16:11attentat, on n'a pas pu encore en parler avec les élèves. On n'a pas parlé de l'avant,
00:16:17mais c'est énorme ce que tu dis. Enfin bon, moi ça me semble énorme. Il y a une élève dans la classe
00:16:23de Claire qui m'a dit, mais madame, je ne peux pas raconter tant j'ai honte. Encore maintenant ?
00:16:30Ah bah oui, elle m'a laissé entendre qu'elle a bien participé à la cabale, tu vois. Et pendant deux
00:16:36semaines, on n'a pas eu la même histoire, nous adultes et eux enfants. Et du coup, bah ouais, mais du
00:16:41coup, moi ça me... Enfin ouais, c'est quelque chose qui est difficile à admettre. Donc il faut être
00:16:50capable d'en parler. Parce que rien ne sera meilleur que la vérité, pour vous et pour eux.
00:16:57Douloureuse peut-être, sans doute. Et elle est douloureuse de toute façon de manière souterraine.
00:17:02On le voit bien. Donc autant qu'elle le soit de manière manifeste. Mais moi j'ai un blocage, je
00:17:10n'arrive pas à en parler aux élèves. C'est pour ça que, voilà, avec votre aide là, ça me ferait plaisir.
00:17:17Parce que je n'y arrive pas, je n'y arrive pas. Je ne peux pas en parler. Je ne sais pas comment tu fais Aurélie,
00:17:21tu es à bord de ça, mais moi je ne peux pas. Donc voilà, c'est un truc... Et tu sais pourquoi tu n'y arrives pas ?
00:17:27Est-ce que... Ah, je ne sais pas, je suis en colère. Je suis en colère, je suis toujours en colère depuis le début.
00:17:36J'arrive... Enfin, elle n'arrive pas à descendre, cette colère. Il y a des hauts, des bas. Bah, je te comprends.
00:17:42T'as des élèves, tu leur fais confiance qu'ils sont capables de faire ça. J'ai du mal, j'ai du mal.
00:17:50C'est vrai qu'il y a eu le lien de confiance avec les élèves qui a été entaché.
00:18:19Chacun d'entre nous s'est posé la question, mais qu'est-ce que je fais là, en fait ?
00:18:29Est-ce que je vais continuer à rester ici ? Est-ce que je vais continuer à être professeure ?
00:18:37Donc, ça va vous préparer aussi, ça va vous rappeler des choses sur les procédés littéraires, les figures de cils, etc.
00:18:44Pour réviser pour le brevet, je sais que c'était un peu vos attentes la semaine dernière.
00:18:49Le cœur de notre métier, c'est quand même enseigner, partager et puis faire confiance, parce que sans confiance, il n'y a pas d'enseignement possible.
00:19:02Donc, je dirais que maintenant, c'est cette relation de confiance qu'il faut reconstruire.
00:19:10Cependant, parce que ça reste de la poésie.
00:19:13Moi, je me dis, mais comment on peut aller faire cours comme ça, comme si de rien n'était ?
00:19:17Mais quel sens, ça ?
00:19:18Mais avec un côté plus accessible.
00:19:23C'est complètement absurde, en fait.
00:19:27Quels sont les adjectifs qu'ils utilisent, Clément ?
00:19:32Moi, je suis persuadée qu'il y a des élèves qui sont restés au récit erroné de la rumeur qui a circulé avant l'attentat.
00:19:39C'est grave.
00:19:42Maintenant, ce qu'on doit à Samuel, c'est déjà d'essayer de revenir avec les élèves sur ce qui s'est passé.
00:20:12Alors, on n'est pas par hasard ici.
00:20:15Nous travaillons pour une association qui est l'Association Française des Victimes du Terrorisme.
00:20:21Et on va parler du collège du Bois d'Aulme en vous disant, c'est pas un collège lambda.
00:20:28Alors, si je dis, tu n'es pas une jeune fille, tu es pas une jeune fille, tu es pas une jeune fille,
00:20:34tu es pas une jeune fille, tu es pas une jeune fille, tu es pas une jeune fille, tu es pas une jeune fille,
00:20:41tu es pas une jeune fille lambda, qu'est-ce que je te dis ?
00:20:45Que je ne suis pas comme les autres ?
00:20:47Mais oui, mais tu n'es pas comme les autres, bien sûr.
00:20:50Donc, si je vous dis ici, je dois constater que nous ne sommes pas dans un collège lambda,
00:20:57vous comprenez ce que je veux dire.
00:21:00Vous êtes effectivement dans un collège lambda dans la mesure où vos cours ressemblent à tous les cours.
00:21:05Et vous êtes des élèves, j'imagine, lambda.
00:21:09Mais nous sommes dans un collège qui, aux yeux des autres, d'une certaine manière,
00:21:15vous n'êtes pas dans un collège lambda.
00:21:20Vous êtes au collège du Bois d'Aulme et c'est un collège qui a connu un attentat terroriste, d'accord ?
00:21:29Et nous savons que vous l'avez vécu de très très près.
00:21:37Oui ?
00:21:38Est-ce que nous, en tant qu'élèves du collège du Bois d'Aulme,
00:21:40on est victime de l'attentat de M. Pelletier ?
00:21:41Juridiquement, non.
00:21:43Juridiquement, vous n'êtes pas victime.
00:21:46Mais c'est une définition juridique.
00:21:49Pour être victime, il faut avoir vu l'attentat, ce n'est pas votre cas.
00:21:53Ou alors être apparenté, être l'enfant, être le frère, la sœur, le père, la mère de votre professeur.
00:22:01Vous n'êtes pas victime, mais vous êtes impacté.
00:22:03Parce que quand on vit un attentat, on peut le comparer comme un tremblement de terre.
00:22:08Il y a l'épicentre, puis au fur et à mesure, il y a d'autres gens.
00:22:12Les ondes de choc, elles se propagent.
00:22:14Certains d'entre vous, vous aviez M. Paty en cours, vous connaissiez.
00:22:18Certains d'entre vous connaissaient des élèves qui, aujourd'hui, sont mis en examen.
00:22:22Et puis si je puis me permettre, ce qui est compliqué au Bois d'Aulme,
00:22:26ce qui est compliqué pour l'ensemble des élèves, je ne parle d'aucun élève en particulier,
00:22:32c'est que vous êtes à la fois impacté par la disparition terroriste de votre professeur,
00:22:40mais vous êtes aussi au cœur de ce qui précède cet attentat.
00:22:47Vous voyez ?
00:22:49Ce n'est pas évident.
00:22:51Donc vous êtes à la fois des deux côtés, si je puis me permettre,
00:22:54à la fois dans ce qui prépare l'assassinat
00:22:59et à la fois dans ceux qui reçoivent très douloureusement cet assassinat.
00:23:05C'est très complexe.
00:23:07C'est très très complexe.
00:23:09Et donc nous sommes là justement pour en parler.
00:23:13Donc on va revenir ici, dans votre collège, très souvent.
00:23:30Je suis professeur d'histoire et de géographie.
00:23:33Je suis arrivé au collège du Bois d'Aulme trois semaines après l'attentat
00:23:36pour reprendre les élèves de 3e et de 4e de Monsieur Paty.
00:23:42Certains pensaient que plus jamais ils auraient une histoire de géographie au collège.
00:23:44Pour eux, il n'y avait plus de retour à l'école.
00:23:47C'était une histoire qui était propriée par les élèves.
00:23:49C'était une histoire qui était propriée par les élèves.
00:23:52Je suis arrivé au collège du Bois d'Aulme trois semaines après l'attentat
00:23:55pour reprendre les élèves de 3e et de 4e de Monsieur Paty.
00:23:59C'était le plus en arrière possible.
00:24:02Et il faut imaginer le contexte.
00:24:04Trois semaines s'étaient passées, les élèves étaient marqués par ça,
00:24:07c'était très présent.
00:24:08J'ai des élèves qui ont fait des malaises en classe, qui sont tombés comme ça.
00:24:12Juste parce que j'étais là sur les premières heures,
00:24:16et parce que ma présence faisait une sorte de réminiscence de l'attentat, etc.
00:24:22Le fait de faire cours d'histoire, de géographie,
00:24:24c'était des souvenirs terribles pour eux.
00:24:29Je pense qu'une des premières questions qui m'a été posée, c'est
00:24:32« Est-ce que vous avez peur ? »
00:24:36Et j'aurais dit « Ben non, j'ai pas peur. »
00:24:38Et ils m'ont dit « Mais vous devriez avoir peur. »
00:24:44C'est vrai, il faut être honnête.
00:24:46Quand on sortait du collège au mois de novembre,
00:24:48on commençait par regarder ce qu'il y avait autour.
00:24:50C'est vrai, on ne va pas se mentir.
00:24:52Il y avait souvent la police,
00:24:54il y avait souvent les policiers,
00:24:56c'était très particulier comme ambiance.
00:24:58Mais après, je m'étais dit, en venant ici,
00:25:00que c'était aussi ma responsabilité en tant qu'enseignant
00:25:04de faire cours,
00:25:06de produire de la pensée autour de tout ça,
00:25:08dans la mesure du possible.
00:25:10C'est-à-dire qu'il y a quand même beaucoup de gens qui sont impliqués là-dedans.
00:25:12Et donc la question, c'est comment on en vient à se retrouver impliqués là-dedans,
00:25:14et quelles sont les conséquences.
00:25:16Et ça, ça va être des questions compliquées, je pense,
00:25:18à aborder avec les élèves.
00:25:20Parce que pour certains, ils ont des amis,
00:25:22ils ont des collègues,
00:25:24parce que pour certains, ils ont des amis
00:25:26qui ont été mis en examen.
00:25:32L'idée, c'est de les faire réfléchir
00:25:34à la question de la responsabilité.
00:25:36Et ça, c'est pas évident,
00:25:38c'est un vrai défi, quoi.
00:25:54Moi, les textes qu'il m'intéresse de transmettre,
00:25:56c'est des textes qui, forcément,
00:25:58font réfléchir les élèves.
00:26:10Moi, je leur ai parlé du roman
00:26:12que j'ai écrit,
00:26:14et j'ai dit,
00:26:16c'est un texte qui me fait réfléchir.
00:26:18C'est un texte qui me fait réfléchir.
00:26:20C'est un texte qui me fait réfléchir.
00:26:22Moi, je leur ai parlé du roman
00:26:24La Vague, qui évoque
00:26:26la manière dont a été mis en place
00:26:28un régime totalitaire à petite échelle
00:26:30au sein d'une classe.
00:26:32On peut faire le lien
00:26:34avec...
00:26:36avec la manière
00:26:38dont une rumeur enfle
00:26:40et va peut-être
00:26:42conduire des individus
00:26:44à faire des actes terribles.
00:26:52...
00:26:56Asseyez-vous, s'il vous plaît.
00:27:00Aujourd'hui,
00:27:02on va travailler sur le roman
00:27:04La Vague, que vous avez lu pendant
00:27:06les vacances.
00:27:08Ce roman s'appuie sur
00:27:10des faits réels.
00:27:12Une expérience qui a été menée par un professeur
00:27:14dans un lycée aux Etats-Unis
00:27:16pour que les élèves
00:27:18prennent conscience des petits mécanismes
00:27:20insidieux qui se mettent en place
00:27:22et qui font qu'on peut tomber
00:27:24dans un mouvement totalitaire
00:27:26et basculer dans ce genre de choses.
00:27:30On ne va pas forcément parler de choses
00:27:32très positives,
00:27:34mais je vous invite
00:27:36à faire le lien
00:27:38avec la réalité, avec ce que vous avez
00:27:40pu vivre en tant qu'élèves.
00:27:42Par exemple,
00:27:44dans le roman, peut-on dire
00:27:46que les élèves ont été manipulés ?
00:27:50C'est la question de la responsabilité des élèves.
00:27:52Et ce qu'on appelle le libre arbitre,
00:27:54c'est leur capacité à faire des choix
00:27:56et à prendre des décisions en connaissance de cause.
00:27:58D'accord ?
00:28:00Du coup, on peut dire si c'est les élèves
00:28:02qui sont manipulés ou pas ?
00:28:04Non.
00:28:06Parce qu'ils ont suivi ça de leur propre choix.
00:28:08Qu'est-ce que t'en penses ?
00:28:10Je sais pas.
00:28:12Ils étaient manipulés, mais...
00:28:14Je sais pas comment dire.
00:28:16Ils étaient manipulés sans le vouloir.
00:28:18Ils étaient manipulés.
00:28:20Sans le savoir.
00:28:30Maintenant, est-ce que vous pensez
00:28:32à des choses que vous avez pu vivre
00:28:34vous-même ?
00:28:36Une influence du groupe, d'accord ?
00:28:38Qui a fait que...
00:28:40Voilà, les personnes qui étaient
00:28:42dedans n'avaient plus d'esprit critique.
00:28:44Mais on sait si on a déjà vécu ça.
00:28:46Mais on n'a pas vraiment vécu ça, en vrai.
00:28:48On n'a pas été manipulés.
00:28:52Ça serait puissant, parce que je pense pas
00:28:54que quelqu'un s'était entouradé
00:28:56d'un vrai mouvement.
00:28:58J'ai quand même pas eu de chance.
00:29:00Donc réfléchissez à ça,
00:29:02à ce genre de mouvement collectif,
00:29:04un peu comme une meute.
00:29:06Vous voyez l'image ?
00:29:14Ça ne vous fait pas penser à quelque chose ?
00:29:16C'est pas des choses que vous avez pu vivre ?
00:29:24Alors, est-ce que vous vous souvenez
00:29:26du cours de M. Paty ?
00:29:28Le fameux cours
00:29:30qui a fait débat, qui a fait polémique.
00:29:32Est-ce qu'il y avait des débats entre les élèves
00:29:34à ce sujet ?
00:29:36Ou est-ce que c'était vraiment,
00:29:38tout le monde était là à dire
00:29:40« C'est grave ce qu'il a fait,
00:29:42c'est pas bien ».
00:29:46Qu'est-ce que vous ressentez, vous,
00:29:48aujourd'hui, par rapport à ça,
00:29:50à cette espèce de rumeur qu'il y a eu
00:29:52dans le collège et en dehors du collège ?
00:29:58Est-ce que vous vous souvenez
00:30:00du cours de M. Paty ?
00:30:02Le fameux cours de M. Paty,
00:30:04je vous pose la question.
00:30:10Oui, Romane.
00:30:12Moi, personnellement,
00:30:14je trouvais que c'était assez excessif,
00:30:16toute l'ampleur que ça a pris,
00:30:18mais je ne pouvais pas vraiment le dire
00:30:20vu que tout le monde était dans l'avis contraire
00:30:22et je pouvais me faire rejeter,
00:30:24donc je ne disais rien.
00:30:26D'accord.
00:30:28On se laisse emporter
00:30:30dans le mouvement collectif
00:30:32parce que c'est plus facile
00:30:34d'être à l'intérieur qu'à l'extérieur,
00:30:36c'est sûr.
00:30:38Qu'est-ce que vous en pensez ?
00:30:58Vous avez bien travaillé.
00:31:00Allez, à jeudi !
00:31:04Au revoir, Jonathan.
00:31:12C'est pas facile, il y a quand même une gêne.
00:31:16On sent qu'il y a une gêne chez eux à en parler,
00:31:18mais je pense que ça leur évoque
00:31:20des choses qui ne sont pas agréables.
00:31:22Je pense qu'il y a beaucoup d'élèves qui ne veulent pas y repenser.
00:31:30Les garçons, Fabio, Elias, dépêchez-vous.
00:32:00Départ dans 10 secondes.
00:32:0410,
00:32:069,
00:32:088...
00:32:10Ça va bientôt faire 20 ans que j'enseigne dans ce collège.
00:32:12Et c'est plutôt une ambiance familiale,
00:32:14je trouve,
00:32:16c'est une ambiance familiale,
00:32:18c'est une ambiance familiale,
00:32:20c'est une ambiance familiale,
00:32:22c'est une ambiance familiale,
00:32:24c'est une ambiance familiale,
00:32:26c'est une ambiance familiale,
00:32:28c'est une ambiance familiale,
00:32:30c'est un établissement à taille humaine.
00:32:32Elias, tu passes la deuxième,
00:32:34parce que tout le monde t'attend.
00:32:367...
00:32:38C'est pour ça que je suis restée dans ce collège.
00:32:40Sinon, je pense que j'aurais demandé ma mutation
00:32:42si je me sentais pas bien.
00:32:44Dépêchez-vous, on s'échauffe.
00:32:48Quand vous êtes prêts,
00:32:50vous allez vous mettre en place
00:32:52sur les plots.
00:32:54Léorane,
00:32:56je peux me voir deux secondes ?
00:32:58Je mentirais de dire
00:33:00que je fais cours exactement comme avant.
00:33:02J'ai toujours autant de plaisir,
00:33:04voilà,
00:33:06j'aime enseigner,
00:33:08mais par contre, c'est vrai que...
00:33:10ou maintenant,
00:33:12je pense que je pèse plus mes mots
00:33:14qu'auparavant.
00:33:16Allez, fille,
00:33:18je sais que c'est difficile,
00:33:20mais accroche-toi, je suis sûre que t'en es capable.
00:33:26Je fais attention,
00:33:28parce que j'ai l'impression que
00:33:30tout peut basculer
00:33:32d'un moment à l'autre
00:33:34parce que quelque chose
00:33:36m'aurait choquée ou aurait pu être mal interprétée.
00:33:38Et je me dis,
00:33:40là, c'est tombé sur sa même,
00:33:42mais ça aurait pu être n'importe quel prof
00:33:44dans n'importe quel collège de France.
00:33:50Je pense que j'ai un petit peu
00:33:52de chance,
00:33:54parce que
00:33:56c'est tellement irrationnel, inconcevable.
00:34:00Je sais que, par exemple,
00:34:02quand on fait une parade en gym,
00:34:04des collègues hommes ont déjà été embêtés
00:34:06parce que, je sais pas,
00:34:08une main qui ripe,
00:34:10il peut y avoir des choses comme ça.
00:34:12Je me dis, avec ce qui s'est passé,
00:34:14ça peut très bien arriver sur les réseaux,
00:34:16être diffusé, et puis après...
00:34:20Et ça me paraît tellement, des fois,
00:34:22absurde.
00:34:24Notre métier,
00:34:26ça devient un métier à risque, en fait.
00:34:52OK, have a good day.
00:34:54Bye bye, have a good day.
00:34:56Have a good day.
00:34:58Bye, have a good day.
00:35:02Bye, have a good day.
00:35:16Est-ce que vous avez compris
00:35:18pourquoi on est venu vous voir ?
00:35:20On est venus parce qu'on connaît
00:35:22des victimes du terrorisme.
00:35:24Et on connaît des gens
00:35:26qui ont été confrontés
00:35:28à cette brutalité.
00:35:30Et c'est vrai que
00:35:32vous nous êtes très chers,
00:35:34parce qu'on estime que vous avez été
00:35:36confrontés, à votre âge,
00:35:38à des événements extrêmement difficiles.
00:35:42Est-ce que vous vous y pensez ?
00:35:44Est-ce que ça prend de la place ?
00:35:50T'aurais qu'y pense, parfois.
00:35:54Et toi ?
00:35:56Moi, j'y pense pas beaucoup.
00:35:58T'as l'impression que c'est très très loin, maintenant ?
00:36:00Pas si loin que ça, mais...
00:36:02J'y pense plus vraiment.
00:36:04Seulement de temps en temps, mais vite.
00:36:06Ça m'effleure un peu, juste le cerveau.
00:36:10Alors c'est normal,
00:36:12il y a des élèves qui avaient eu le supatine,
00:36:14d'autres pas, il y a des élèves qui pouvaient l'apprécier,
00:36:16d'autres moins, c'est normal.
00:36:18Je dis différemment, vous avez le droit de pas être triste.
00:36:22Peut-être que vous y pensez pas trop, bien le droit.
00:36:26Patricia, tu fais un geste de la tête.
00:36:28Non, parce que j'ai réfléchi,
00:36:30j'ai pas d'idée
00:36:32par rapport au collège, mais je sais que
00:36:34moi, ce qui m'a perturbée,
00:36:36c'est vraiment le jour où,
00:36:38le lendemain de l'attentat, je suis revenue au collège,
00:36:40et le collège, il était tout embrigadé,
00:36:42on le reconnaissait pas, il y avait
00:36:44des policiers, des journalistes de partout,
00:36:46et même le fait d'avoir vu
00:36:48les professeurs s'effondrer,
00:36:50c'est
00:36:52compliqué un peu, et surtout
00:36:54que la manière, elle était barbare.
00:36:58Oui, bien sûr.
00:37:00Alors, il faudrait presque
00:37:02le définir. Je demande pas
00:37:04qu'on me le décrive, mais en quoi est-ce...
00:37:06Qu'est-ce qui est barbare
00:37:08dans une mort comme celle-ci ?
00:37:10C'est vraiment le fait de l'avoir attendue
00:37:12toute une après-midi pour
00:37:14au final, déjà
00:37:16donner de l'argent à des élèves,
00:37:18et le fait de
00:37:20couper la tête.
00:37:24Oui, bien sûr.
00:37:26Est-ce que vous savez tous comment on en est arrivés, là ?
00:37:28Vous savez ?
00:37:30Pas trop, non. J'ai entendu des
00:37:32rumeurs, mais
00:37:34je sais pas vraiment ce qui s'est passé.
00:37:36Ça partait de
00:37:38la caricature qui nous a pris en classe.
00:37:40Alors, c'est ça le point de départ ?
00:37:42Ou est-ce qu'il y a une autre point de départ
00:37:44après celui-là ?
00:37:46Le fait que ça soit allé jusqu'aux médias,
00:37:48je pense.
00:37:50Quand tu dis les médias, c'est allé où, exactement, cette histoire ?
00:37:52Sur YouTube, il me semble.
00:37:54Bref.
00:37:56Et ce qui était raconté, c'était vrai ou c'était pas vrai ?
00:37:58Dans la vidéo ?
00:38:00Est-ce que vous l'avez vu, la vidéo ? Parce que je sais que beaucoup d'élèves
00:38:02l'ont vue, la vidéo, avant l'intentat.
00:38:04D'un papa d'élèves très en colère.
00:38:06C'était le
00:38:08papa d'une élève qui était pas là, déjà.
00:38:10Donc, elle, elle racontait un cours à son papa
00:38:12alors qu'elle n'était pas dans le cours.
00:38:14Vous saviez ça ou pas ? Il n'y était pas.
00:38:18Toi, Eva, toi, t'étais là.
00:38:20T'as des souvenirs de ce cours ? Tu repenses des fois à ce cours ?
00:38:22De M. Paty ?
00:38:24Ou ça te paraît vraiment un cours comme
00:38:26tant d'autres ?
00:38:28Moi, c'était un cours normal. Je pensais pas que ça allait partir aussi loin.
00:38:30Il y a énormément
00:38:32de profs qui, effectivement,
00:38:34utilisent des caricatures.
00:38:36T'as été choquée, toi ?
00:38:38Enfin, ça aurait pu être
00:38:40différentes religions, donc...
00:38:42Bien sûr, bien sûr.
00:38:44Tu sais, moi, j'ai parlé avec des mamans musulmanes,
00:38:46d'élèves, qui m'ont dit...
00:38:48C'est une maman qui m'a dit ça.
00:38:50Qui m'a dit...
00:38:52Moi, j'ai dit à ma fille, il faut regarder.
00:38:54Si on te le montre à l'école, il faut regarder.
00:38:56A l'école, t'es pas à la maison, profesant.
00:38:58Tu prends ce qu'on te donne à l'école et t'en feras ce que tu veux après.
00:39:00Mais tu prends ce qu'on te donne à l'école.
00:39:02Même si t'es pas d'accord, tu prends.
00:39:04Je crois qu'à ce moment-là, il n'y a pas grand monde qui a été choqué.
00:39:06Ça s'est passé beaucoup en dehors du collège.
00:39:08Et c'est ça qui est terrible.
00:39:10Quand ça sort sur les azots, on n'a plus la prise.
00:39:12Après, on voit les vues grimper,
00:39:14on n'a plus la prise sur quoi que ce soit.
00:39:16Et s'il y a des trucs où c'est pas sûr,
00:39:18quand vous entendez des choses,
00:39:20il faut pas hésiter à venir nous en parler.
00:39:22Parce qu'il y a aussi des gens, même maintenant,
00:39:24qui racontent n'importe quoi.
00:39:26Si vous avez un doute, vous pouvez venir nous en parler.
00:39:28Nous, on est aussi là pour ça.
00:39:36C'est parfois en échangeant qu'ils se sont rendus compte
00:39:40que cet attentat contre monsieur Paty,
00:39:44ça avait eu des conséquences assez énormes dans leur vie.
00:39:48Et je pense à une anecdote précise
00:39:50et toute bête.
00:39:52Il y a un gamin, un gamin qu'on entend pas,
00:39:54qui est allé chanter,
00:39:56qui est allé chanter
00:39:58et qui a été choqué par un commissaire.
00:40:00Et quand ils ont vu le commissaire,
00:40:02ils ont commencé à s'échapper.
00:40:04il y a un gamin qu'on n'entend pas si on va pas le chercher, un gamin qui ne prend pas la parole.
00:40:08Et ce gamin très discret, il a simplement dit que le lendemain de l'attentat, il avait une
00:40:15audition, un examen de musique, et il faisait de la percussion. Et tout ce qu'il a réussi à dire,
00:40:23c'est que ses mains avaient tremblé, et c'est tout. Et cet élève-là qui a juste dit « mes mains
00:40:31ont tremblé », je trouve qu'il avait dit beaucoup. Mais moi je sais bien qu'à l'intérieur de ces
00:40:37classes qui comptent à peu près 30 élèves, il y a toujours des élèves effectivement bizarrement,
00:40:43presque bizarrement indifférents aux images violentes, et il y en a d'autres qui sont
00:40:47extrêmement vulnérables. Donc au moment où on doit parler de la Révolution française,
00:40:50au moment où on doit parler de la Shoah, au moment où on doit parler du génocide des Tutsis,
00:40:53comment on traite ces sujets-là avec tout ce que ça comporte de violence auprès d'élèves
00:40:57qui ont eu une suppatie ? Ça c'était une vraie difficulté. Et peut-être que je me posais pas
00:41:03assez la question auparavant. Aujourd'hui je me pose beaucoup la question de la violence,
00:41:07de l'enseignement des faits violents.
00:41:27J'ai été professeur d'histoire-géographie ici pendant quatre ans, au collège du Bois-d'Aulne,
00:41:44et j'ai quitté l'éducation nationale un an après l'attentat.
00:41:57Tellement agréable à entendre. Ça, c'est la vie d'un collège. Et puis en même temps,
00:42:12c'est très banal et très normal, mais c'est bien la banalité aussi. Surtout ici.
00:42:19Ma salle n'a pas tant changé que ça. Je la retrouve pareil,
00:42:29elle est toujours bien en 214. Ça a été vraiment ma maison, en fait, ici.
00:42:34On est vraiment dans la salle qui est attenante à celle de Samuel. Forcément,
00:42:44quand je regarde ce mur, j'y pense. J'y pense parce que j'entends aussi sa voix,
00:42:50et je l'entends faire cour à côté. Après l'attentat, ce qui était difficile pour moi,
00:43:01c'était vraiment le fait de passer devant la salle de Samuel tous les jours,
00:43:05puis tous les souvenirs que j'avais avec lui de cafés échangés, de parties de ping-pong,
00:43:11de discussions. Et j'avais le sentiment à l'époque de ne pas réussir à avoir le recul nécessaire
00:43:17que j'avais en temps normal. C'est-à-dire qu'en temps normal, quand on est face aux élèves,
00:43:21si jamais il y a une parole déplacée, si jamais il y a quelque chose qui ne va pas,
00:43:24on a tendance à désamorcer la situation avec un trait d'humour, avec parfois un mot un petit
00:43:29peu plus autoritaire quand il le faut, ou avec des gestes, des mots, peu importe. Et je ne me
00:43:35sentais plus forcément capable de le faire. Et c'est ça aussi qui m'a poussé à changer de métier.
00:44:06C'était la salle où on jouait au ping-pong.
00:44:07Avec Samuel.
00:44:10Ça faisait combien de temps que tu n'étais pas revenue ?
00:44:18Ça fait quasiment neuf mois, c'est depuis le mois d'octobre en fait.
00:44:21Oui.
00:44:22Et puis c'est vrai qu'en même temps, c'est hyper difficile de revenir ici.
00:44:25Tu sais, là ça va mieux, mais jusqu'à récemment, chaque fois que j'en parlais,
00:44:32j'avais des symptômes physiques où je sentais le stress monter,
00:44:35comme si je revivais ces événements.
00:44:37Et justement, comment vous avez géré tout ça au collège ?
00:44:43Moi, j'ai eu besoin de m'arrêter tout simplement parce que j'avais l'impression de perdre la face
00:44:48à des moments devant les élèves et je ne voulais surtout pas. Je n'arrivais plus à me concentrer,
00:44:52je pétais des câbles pour rien.
00:44:54Tu l'as encore ça ou pas ?
00:44:56On l'a tous quand on entend un bruit. Quand on entend un bruit, on se dit,
00:45:01qu'est-ce que c'est que ça ? On est dans un état de vigilance quand même.
00:45:05Tu as une hyper vigilance quand même. Moi, je fais court-porte-ouverte tout le temps.
00:45:09S'il y a un bruit un peu inhabituel, tu as les fenêtres ouvertes.
00:45:14J'ai toujours un moment quand même de... Tu regardes quoi ?
00:45:19OK, la porte, je referme. La fenêtre, il faut la fermer.
00:45:21Tu vois, moi, j'ai ces réflexes maintenant que je n'avais pas avant.
00:45:26Avant de rentrer dans le parking, j'attends bien que la grille soit ouverte.
00:45:31Tu le fais encore ?
00:45:32Oui, je le fais encore.
00:45:34Après, j'avance avec ma voiture, j'attends un peu qu'elle se ferme,
00:45:38parce que je n'ai pas envie que quelqu'un entre et vipe.
00:45:41Toi, David, dans ta vie personnelle, est-ce que tu gardes des symptômes, justement ?
00:45:45C'est vrai que moi, j'ai...
00:45:47Du coup, j'ai vécu les choses un petit peu différemment,
00:45:50puisque aujourd'hui, je suis vraiment dans un autre environnement.
00:45:54Ça t'a aidé à te reconstruire, du coup ?
00:45:55Oui, totalement.
00:45:58Puis c'est vrai qu'en même temps, c'est hyper difficile de s'arrêter dans ces circonstances-là,
00:46:02parce que s'arrêter, pour moi, c'était vous abandonner, déjà.
00:46:09C'était abandonner les élèves.
00:46:10Il y avait une culpabilité.
00:46:12En fait, moi, j'ai compris avec le temps.
00:46:14Enfin, je le savais intellectuellement, mais je le comprends vraiment maintenant
00:46:18qu'il ne faut pas culpabiliser par rapport à ça.
00:46:21On a tous mis en place des mécanismes pour se reconstruire,
00:46:25ou se défendre, ou se protéger.
00:46:27C'est vraiment propre à l'histoire et à la sensibilité de chacun.
00:46:30Exactement, ouais.
00:46:42C'est sûr que pour moi, c'est vraiment très important de garder un lien avec le collège,
00:46:46et puis avec les collègues, et de garder un lien avec tout ça,
00:46:49puisque ça fait partie de moi.
00:46:53En fait, c'est extrêmement précieux qu'ils soient là,
00:46:55aujourd'hui, en train de faire leur métier.
00:46:58Parce que le collège du Bois-d'Aune existait avant l'attentat,
00:47:02et il existe encore après.
00:47:03Et c'est eux, là, qui sont en train d'écrire, finalement, cette histoire avec les élèves.
00:47:13Je sais qu'il y en a qui ont besoin de prendre, de changer d'air,
00:47:17ce que je peux tout à fait entendre.
00:47:19Et moi, pour l'instant, c'est l'inverse, voilà.
00:47:24Ce n'est pas du tout pesant d'être ici.
00:47:26Au contraire.
00:47:27En fait, j'ai peur que ce lieu reste lié à un traumatisme.
00:47:31Et en fait, avec l'équipe, on s'est beaucoup épaulées, on s'est beaucoup aidées.
00:47:37Et on s'est rendu compte qu'on avait juste besoin d'être ensemble.
00:47:46Ce collège, c'est le seul endroit où je peux retrouver, tous les jours,
00:47:49des gens qui ont vécu la même chose que moi.
00:47:51Je sais qu'on se comprend.
00:47:53Et je pense que maintenant, on attend un peu une sorte de catharsis, quoi, collectif.
00:48:07Tous les deux, Daniel et Michel,
00:48:09vous avez connu le terrorisme qui a bouleversé vos vies.
00:48:16Donc, les élèves que vous avez devant vous
00:48:18sont des élèves qui ressemblent à tous les élèves de l'école.
00:48:20Ce collège est évidemment un lieu du quotidien
00:48:23où l'on vient travailler, où l'on vient étudier tous les jours.
00:48:27Et c'est un lieu qui symbolise, je suppose, la douleur et la terreur.
00:48:34Donc, vous allez échanger avec eux.
00:48:36Et peut-être que vous, qui êtes de grands témoins,
00:48:40vous allez leur donner envie de devenir de petits témoins.
00:48:45Pas aujourd'hui, peut-être demain.
00:48:48Pour qu'à leur tour, ils puissent trouver, donner un sens à ce qu'ils ont vécu
00:48:54avec l'assassinat de leur professeur, M. Paty.
00:48:59Alors, en ce qui me concerne, c'est à plusieurs niveaux.
00:49:02En fait, d'abord, je dois vous dire que j'ai une émotion un peu particulière.
00:49:07Quand je viens ici, je vous le dis parce que c'est un peu...
00:49:12Je me suis retrouvé un petit peu dans une situation
00:49:14extrêmement difficile puisque je suis devenu l'otage,
00:49:18malgré moi, de terroristes qui sont rentrés dans mon bâtiment,
00:49:23dans mon imprimerie.
00:49:25C'était le 9 janvier 2015.
00:49:27Et encore aujourd'hui, j'ai toutes les images qui sont encore en tête.
00:49:31Ça a commencé le matin de bonheur.
00:49:33Donc, on a sonné à la porte.
00:49:35Et quand ils sont rentrés à l'intérieur de l'entreprise,
00:49:38j'ai entendu la porte s'ouvrir.
00:49:40Quand ils sont rentrés à l'intérieur de l'entreprise,
00:49:43j'ai entendu la porte claquer.
00:49:45J'ai entendu le bruit dans les escaliers métalliques
00:49:47avec la lance-roquette qui tapait dans le truc.
00:49:50C'est à ce moment-là que j'ai dit à mon collaborateur de se cacher,
00:49:54moi, j'ai cru que j'allais mourir.
00:49:56La première sensation que j'ai eue là, c'est ça.
00:50:00C'est-à-dire, je me suis dit, ça y est, je suis mort.
00:50:02D'où le choc post-traumatique après que j'ai vécu.
00:50:06Pourquoi est-ce que vous n'avez pas essayé de sortir
00:50:09ou par une autre porte pour partir ?
00:50:12Pourquoi ? Parce que j'étais avec mon collaborateur.
00:50:14Et quand il m'a regardé dans les yeux,
00:50:16il m'a regardé d'une façon un peu spéciale.
00:50:18Il m'a regardé avec les yeux de quelqu'un qui avait peur.
00:50:20Mais pas n'importe quelle peur.
00:50:22La peur de mourir.
00:50:23Et ça, si vous ne l'avez jamais vu de votre vie,
00:50:26vous ne pouvez pas imaginer ce que ça veut dire.
00:50:28Je me suis dit, qu'est-ce que je peux faire ?
00:50:30Et c'est pour ça que j'ai été vers eux au lieu de m'enfuir.
00:50:33Alors, moi, j'ai une autre question pour vous.
00:50:35C'est la première émotion que vous avez ressentie
00:50:37lorsque vous avez réalisé ce qui vous était arrivé.
00:50:40Alors, déjà, moi, en tant qu'homme,
00:50:43je n'avais jamais vu mes parents pleurer.
00:50:45Je suis d'origine italienne, on ne pleure pas beaucoup.
00:50:47Mais ce jour-là, c'était le début d'une énorme partie de ma vie en pleurs.
00:50:51Je ne pouvais pas dire deux mots l'un après l'autre sans pleurer,
00:50:56sans avoir du bégayement,
00:50:58sans avoir des tressottements dans la voix.
00:51:00Donc, c'était extrêmement difficile.
00:51:04Du coup, combien ça a pris de temps pour avoir assez de recul ?
00:51:08Qu'est-ce qui vous a le plus aidé ?
00:51:10C'est une bonne question.
00:51:12C'est une très bonne question parce qu'en fait,
00:51:14ce qui m'a fait du bien, c'est parler,
00:51:16parler de ce qui m'était arrivé,
00:51:18parce que c'est une thérapie,
00:51:19ça me permet d'évacuer un certain nombre de choses.
00:51:21Et puis, surtout, je ne voulais pas fuir,
00:51:24puisque je n'avais rien à perdre.
00:51:26Parce que, surtout, je ne voulais pas fuir,
00:51:28puisque je n'avais rien demandé.
00:51:31Donc, c'était important aussi pour moi d'en rester au même endroit,
00:51:34dans la même entreprise,
00:51:35qu'il y ait de la vie,
00:51:36qu'il y ait des gens qui reviennent à l'intérieur,
00:51:37que l'entreprise redémarre.
00:51:39En fait, j'avais une question.
00:51:41Quand, aujourd'hui, vous nous racontez votre histoire,
00:51:43ce que vous avez vécu, etc.,
00:51:44c'est quoi votre ressenti ?
00:51:48Alors, ce qui me concerne,
00:51:49quand je suis venu ici,
00:51:50j'ai senti une boule au vent.
00:51:52Pourtant, moi, je ne connaissais pas Sabiel Paty.
00:51:55Alors, vous qui êtes dans la même école,
00:51:57dans la même classe,
00:52:00ça me paraît logique que vous ayez une émotion.
00:52:03Parce qu'effectivement, revenir ici tous les jours,
00:52:06j'imagine que c'est extrêmement compliqué et difficile.
00:52:09Et moi, donc, sept ans après,
00:52:11tous les matins, quand j'arrive
00:52:12et que j'ouvre le portail électrique de ma société,
00:52:14j'ai toujours un moment où j'ai une petite angoisse.
00:52:19Mais je vous dis,
00:52:20une fois que l'activité a redémarré,
00:52:21que tout le monde est arrivé,
00:52:22que les machines tournent,
00:52:23que les gens viennent,
00:52:24je m'y sens bien.
00:52:25Voilà, je m'y sens bien aujourd'hui.
00:52:27Vous voyez ?
00:52:40Bonjour.
00:52:43Bonjour.
00:52:47Bonjour.
00:52:50Alexandre, dépêche, ça a sonné.
00:52:53Bonjour.
00:52:54Bonjour.
00:52:56Bonjour.
00:52:58Oh, Fabio, tu tombes bien.
00:53:00T'as ton carnet ?
00:53:01Non, moi, je l'ai pas trouvé.
00:53:02Pourquoi ça, tu l'as pas retrouvé ?
00:53:04Je l'ai pas ouvert.
00:53:09Pour retrouver une vie normale, à peu près,
00:53:12ça prend du temps.
00:53:17En fait, un jour, j'étais dans la cour,
00:53:19et...
00:53:21ça jouait au foot.
00:53:22Normal, il y a des élèves qui jouent au foot.
00:53:24Et là, il y a une insulte qui fuse,
00:53:26une autre insulte qui fuse.
00:53:28Et quand j'étais en train de courir pour aller séparer la bagarre,
00:53:32moi-même, à l'intérieur, j'étais content,
00:53:33je me suis dit,
00:53:34ah, la vie commence à reprendre normalement.
00:53:38Et le fait qu'en fait, tu commences à rejouer au foot,
00:53:40tu commences à se battre comme avant,
00:53:42comme dans tous les collèges, tous les lycées,
00:53:46ça faisait du bien.
00:53:47Ça faisait du bien.
00:53:59J'utilise ma vie pour...
00:54:18En fait, ça me fait bizarre.
00:54:21Parce que tout le monde l'appelait Samuel Fassi,
00:54:23mais moi, je l'ai toujours appelé Monsieur Fassi.
00:54:26En fait, quand il faisait ses blagues,
00:54:27il savait pas, genre, s'arrêter.
00:54:29C'était drôle, mais c'était faux.
00:54:32Il faut savoir s'arrêter.
00:54:33Non, il y a des fois où je suis désolée,
00:54:34ce n'était pas drôle.
00:54:35Oui, oui.
00:54:36Il y avait un blanc,
00:54:37il te regardait, tu le regardais, tu disais...
00:54:40pour éviter qu'il soit mal à l'aise.
00:54:42Le pauvre.
00:54:43Oui.
00:54:47La liberté guidant le peuple.
00:54:53Tu vois, regarde, on faisait des exercices.
00:54:56Là, c'était une leçon.
00:54:58Je pense que la caricature,
00:54:59c'était l'introduction du cours.
00:55:01Oh, j'écrivais mal.
00:55:03J'arrive pas à lire.
00:55:05Et des textes.
00:55:07Il nous avait dit qu'il y avait des tableaux,
00:55:09des statues, les photographies...
00:55:11Le problème, c'est que le cahier,
00:55:13enfin, tu continueras jamais.
00:55:14Non.
00:55:16D'ailleurs, je suis en train de regarder.
00:55:17Où est-ce que tu vas ?
00:55:18Je vais à la chambre.
00:55:19Tu vas à la chambre.
00:55:20Ah, je vais à la chambre.
00:55:21Tu vas à la chambre.
00:55:22Ouais.
00:55:23Donc, c'est très bien.
00:55:24Donc, c'est très bien.
00:55:25C'est très bien.
00:55:26Vous êtes là, vous êtes là.
00:55:27C'est très bien.
00:55:29Tu as eu des sens.
00:55:30C'est vrai, ça m'a pu.
00:55:31C'est vrai, c'est vrai.
00:55:32C'est vrai, c'est vrai.
00:55:33D'ailleurs, je suis en train de regarder quand il y a eu ce remplaçant.
00:55:38Genre, je voulais pas continuer dans ce cahier.
00:55:41Genre, pour moi, ce cahier, c'était M. Paty.
00:55:43Genre, c'était pas le remplaçant.
00:55:46Je me souviens qu'on m'avait dit que M. Paty était islamophobe.
00:55:49Et on m'avait envoyé certaines vidéos qu'il avait tournées sur Internet
00:55:53et je les avais vues, et je me suis dit, c'est un peu abusé.
00:55:57Non, mais ça se partageait même dans les classes de 6e, de 5e et tout.
00:56:01Moi, j'avais vu deux, trois photos où c'était des gens, en fait,
00:56:04qui mettaient juste des trucs en dessous avec marqué
00:56:07« C'est pas bien d'être islamophobe », etc.
00:56:09C'est pas que je croyais à les rumeurs.
00:56:11Moi, je me disais « Ah, c'est pas bien, il faut pas faire ça,
00:56:14être islamophobe et tout. »
00:56:15Apparemment, il est extrémiste, genre en mode...
00:56:17Il est super chrétien, il parle de la chrétienté en cours.
00:56:21Et ensuite, quand j'ai entendu « Deuxième version,
00:56:23troisième version, quatrième version », j'ai fait...
00:56:26Mais laquelle je crois, du coup ?
00:56:27Mais là, j'entends tout le monde dire « Ouais, il y avait des rumeurs ».
00:56:29Moi, je faisais pas attention, parce que...
00:56:32Pour moi, c'était un cours comme les autres, entre guillemets.
00:56:35Genre jamais je me serais dit...
00:56:37Ça va t'arriver, Nelly, genre jamais je me serais dit...
00:56:40Ton prof va se faire décapiter pour son cours.
00:56:43Ouais.
00:56:54Donc ici, on étudie en français des discours
00:56:56pour voir un petit peu les effets de langage.
00:56:58Et peut-être aussi pour développer un petit peu votre esprit critique.
00:57:01C'est ce qu'on vous demande.
00:57:02En étant ici, on n'attend pas que vous soyez des béni-oui-oui et que...
00:57:08Quoi ?
00:57:09Béni-oui-oui ?
00:57:11Ça veut dire quoi ?
00:57:14En fait, tu vas dire « Oui, oui, madame, tu vas bien avoir appris ta leçon ».
00:57:17Mais non !
00:57:18Moi, mon rôle, c'est de vous donner des cartes,
00:57:20et après, pour vous faire votre propre opinion.
00:57:22Par exemple, dans quel type d'exercice on va donner son avis ?
00:57:26En français.
00:57:27Alors Fabio ?
00:57:29Dans un débat, on va donner son avis.
00:57:31Nelly ?
00:57:33Quand on lit un livre ou qu'on regarde un film.
00:57:35D'accord.
00:57:36Oui ?
00:57:37Quand on fait de la philosophie,
00:57:39donner son point de vue sur différentes choses de la vie,
00:57:41on n'a pas forcément les mêmes opinions.
00:57:44D'accord.
00:57:45On n'a pas les mêmes opinions que les autres.
00:57:48Si je vous indique...
00:57:49Alors pour l'instant, c'est pas la peine d'écrire.
00:57:51Si je vous mets au tableau le mot « slam ».
00:57:55Est-ce que quelqu'un sait d'où vient le mot « slam » ?
00:57:58« To slam », en fait, en anglais, ça veut dire « claquer ».
00:58:02Ça claque.
00:58:03En fait, « to slam », ça claque.
00:58:06OK, alors on va peut-être dire bonjour à Toufique.
00:58:11Bonjour.
00:58:13Vous pouvez vous asseoir, merci.
00:58:21Bonjour à tous.
00:58:22Alors moi, je vais mettre juste un petit bémol au mot « slam ».
00:58:25Moi, je l'appellerais plus « atelier d'écriture ».
00:58:29Parce que le slam, le rap, la poésie,
00:58:34c'est juste une manière différente de déclamer les choses
00:58:38ou d'exprimer ses opinions.
00:58:41Moi, je suis éducateur depuis très longtemps
00:58:43et j'insiste à chaque fois que je fais ces ateliers d'écriture.
00:58:46Ce qui est important, c'est de maîtriser les sujets.
00:58:49Parce que plus vous allez maîtriser les sujets
00:58:52et plus vous allez être en capacité
00:58:55de faire face à des gens qui ne pensent pas comme vous.
00:58:59Je passe très peu de temps à écouter les gens qui sont d'accord avec moi.
00:59:02Parce qu'en cinq minutes, on tomberait forcément d'accord.
00:59:07Par contre, je passe énormément de temps à écouter les gens
00:59:10qui sont à des années-lumière de ce que je pense.
00:59:13Parce que ça me permet de donner mes arguments,
00:59:15même si à la fin, on ne tombera pas d'accord.
00:59:19Pourquoi je vous dis tout ça ?
00:59:21Parce que l'écriture, c'est ça.
00:59:23Écrire, c'est aussi dénoncer.
00:59:26C'est s'insurger, etc., etc., mais après, il faut l'argumenter.
00:59:32Plus c'est argumenté et plus c'est fort.
00:59:34Et donc là, on va travailler sur le thème de l'engagement.
00:59:38Ça ouvre un champ assez large.
00:59:41Et dedans, chacun d'entre vous va choisir ce dont il a envie de parler.
00:59:45Oui ?
00:59:46Est-ce qu'on peut prendre plusieurs thèmes ?
00:59:48Déjà, tu peux faire un premier thème, le finir.
00:59:51Et si t'as fini avant, tu pourras en apprendre plus tard.
00:59:54Et si t'as fini avant, tu pourras en entendre un deuxième.
01:00:05Moi, je suis quelqu'un qui pense
01:00:09que même dans le pire,
01:00:12dans ce qu'il y a de pire,
01:00:14on peut en sortir quelque chose de bon.
01:00:19Juste après l'attentat, ma direction m'a demandé de venir en urgence
01:00:23au Collège du Bois-d'Aulne.
01:00:25Et aujourd'hui, c'est tout mon travail.
01:00:28De se servir de ce drame pour leur dire
01:00:31« Écoute, aujourd'hui, t'es une jeune fille,
01:00:34tu es un jeune homme, tu as 14 ans.
01:00:36Eh bien, ça, ça va te servir toute ta vie.
01:00:39Ça doit te servir toute ta vie. »
01:00:49Je te donne une phrase d'accroche,
01:00:51et après, trouve-moi 2-3 phrases pour me dire qu'en fait, c'est hyper important.
01:00:54La paix ?
01:00:55Ouais.
01:00:55OK.
01:00:59Se livrer, c'est pas évident à leur âge.
01:01:00« Il faut exprimer ses sentiments qu'on ait tort ou raison,
01:01:03sans avoir peur d'être censuré.
01:01:05Quand certains ont cette liberté,
01:01:07d'autres sont baillonnés de peur d'être tués.
01:01:09Car cette liberté d'expression... »
01:01:10Mais là, j'ai pu constater à quel point ces élèves
01:01:13qui n'intervenaient pas forcément dans les classes
01:01:16quand on leur disait qu'ils n'étaient pas d'accord,
01:01:18quand on leur parlait de cet événement...
01:01:20« Dans cette prison sans barreau, elle est menée en bateau... »
01:01:23Nous dire comment ils ont vécu, eux, les choses,
01:01:26à ce moment-là, se révélait.
01:01:27« Mais tu t'en fous, voilà la réalité. »
01:01:31Qu'est-ce que t'en penses ?
01:01:33Je pense juste qu'il faudrait que je modifie « la laisser vivre en paix ».
01:01:36Je pense que je voudrais mettre cela d'une manière de la respecter.
01:01:40Une critique peut coûter cher.
01:01:41On donne son avis, donc on perd notre vie.
01:01:45Pas forcément.
01:01:46Heureusement que tous ceux qui donnent leur avis,
01:01:49ils ne perdent pas leur vie.
01:01:50Imagine, sinon, la catastrophe...
01:01:52En fait, il faudrait que Sadrine trouve...
01:01:54« Projet, c'est un règle avec paix. »
01:01:55Comment je pourrais le mettre ?
01:01:57« Agissez, car on se rend compte que précieuse est la paix.
01:02:01Faites-en votre projet. »
01:02:07Je vois pas comment je pourrais mettre ça dans une phrase.
01:02:09« Est-ce que ce jour-là... »
01:02:11Est-ce qu'il faut qu'il y ait un truc avec « ce jour-là » ?
01:02:13« Et l'autre en dedans. »
01:02:17« Ton charmant décret va t'en détruire. »
01:02:22« Malgré tout, elles avanceront.
01:02:24Comme un mot d'espoir, elles auront la victoire. »
01:02:27C'est bon ? OK.
01:02:40En fait, je pense que ce qui a été le plus compliqué,
01:02:42c'est la réalité qui nous a rattrapés.
01:02:45C'était un peu un cauchemar qui est devenu réalité.
01:02:48Qui est devenu réalité.
01:02:49Après le 16 octobre, notre collège s'est devenu quelque chose d'autre.
01:02:54Quelque chose, on sait pas quoi, mais il y a quelque chose qui a changé.
01:02:58Mais qui a trop changé le collège.
01:03:01Puis même visuellement, ils ont installé une énorme grille.
01:03:05On dirait une prison.
01:03:06Donc, même si c'est que le physique, le visuel,
01:03:10ça fait quand même quelque chose, au final.
01:03:12Il fallait vérifier qu'on soit bien du collège.
01:03:16C'était horrible.
01:03:18Il y avait les journalistes qui nous demandaient à chaque fois...
01:03:20À chaque fois, on sortait du cours,
01:03:22il y avait des gens qui nous couraient après pour nous demander quelque chose,
01:03:24mais on n'a pas envie de ça.
01:03:25Ils nous mettaient le micro sous le nez en mode
01:03:27« Pouvez-vous parler, s'il vous plaît ? »
01:03:29« Ça vous a fait mal ? Est-ce que vous avez souffert ? »
01:03:32Déjà, on avait 13 ans l'année dernière.
01:03:35Vous imaginez ? Et on nous pose ce genre de questions.
01:03:38Oui, mentalement, c'était...
01:03:40C'est horrible. Ça fait un traumatisme, un peu.
01:03:43Après, c'est vrai que l'assassinat, c'est quand même quelque chose,
01:03:46mais ce qui m'a vraiment beaucoup intéressé,
01:03:49c'est de voir les professeurs au plus bas
01:03:51et vraiment en train de fondre en larmes.
01:03:54C'était horrible.
01:03:56J'ai toujours ces images, c'est choquant.
01:03:58C'est horrible.
01:04:00Je me souviens surtout d'une de mes profs préférées, je dirais,
01:04:04et d'avoir la larme aux yeux,
01:04:07alors que je les ai toujours vues comme étant un professeur,
01:04:10celui qui vient nous apprendre.
01:04:12Il sait plus de choses que nous.
01:04:14C'est un adulte, il est censé être plus fort.
01:04:17C'était pas la même ambiance.
01:04:20C'était pas un lieu...
01:04:22Je me sentais pas vraiment comme à l'école.
01:04:25Le jour où la mort de Jean-Michel a été déclarée.
01:04:36Je me rappelle juste que le dernier mot que je lui ai dit,
01:04:39c'était « bonne vacances ».
01:04:42Ça reste toujours dans ma mémoire.
01:04:44Et ça fait bizarre.
01:04:46C'est un peu bizarre de dire « bonne vacances » à d'autres profs,
01:04:49parce que j'ai peur qu'ils leur arrivent quelque chose.
01:04:52C'est compliqué.
01:05:00Mai vers 16h.
01:05:03La vie est couleur arc-en-ciel.
01:05:06Comme le soudain.
01:05:09Donc là, ça fait...
01:05:11On allait chercher nos élèves dans la cour, on avait échangé.
01:05:15Il disait qu'il était juridiquement...
01:05:18Quand t'as été chercher tes élèves dans la cour, ce vendredi-là,
01:05:20t'as échangé sur la couleur de ton pull.
01:05:23Mais c'est pas moi qui ai échangé, c'est lui.
01:05:26C'est lui qui m'a dit ça.
01:05:28C'est un moment qu'on a eu dans la cour,
01:05:30le dernier moment qu'on a eu ensemble.
01:05:32Ah, on avait échangé ? OK, d'accord.
01:05:34C'est avec lui.
01:05:36Ah, OK, d'accord, nous avions donné que la cruauté à notre prof.
01:05:39Allons chercher nos élèves dans la cour, on avait échangé.
01:05:42Sur la couleur de mon pull.
01:05:44Il a dit ton pull magnifique.
01:05:46Sur la couleur de mon pull.
01:05:48Oui, violet.
01:05:50Sur la couleur de mon pull violet.
01:05:52Sur le temps qu'il faisait.
01:05:54Enfin, je sais pas, c'est des choses hyper...
01:05:57communes.
01:06:00Il avait dit...
01:06:02Je lui avais dit, j'ai des élèves qui demandent,
01:06:05qui me font part de rumeurs.
01:06:07Allons chercher nos élèves dans la cour, on avait échangé.
01:06:10Il m'a dit, tu sais, dans ça, je suis juridiquement irréprochable.
01:06:15Je regarde devant sans détourner les yeux
01:06:18et sans indulgence pour le mensonge.
01:06:21Et donc ?
01:06:23Ça veut dire quoi, ça ?
01:06:25Je supporte plus aucune rumeur, aucune injustice.
01:06:28Je ferme pas les yeux.
01:06:30Enfin, j'essaye.
01:06:32Je regarde devant sans détourner les yeux
01:06:35et sans indulgence pour le mensonge.
01:06:38Maintenant, tu peux le dire, là ?
01:06:40Maintenant, on ne les laisse pas décider pour nous.
01:06:43On ne les laissera pas décider pour nous.
01:06:46On ne les laissera pas décider pour nous.
01:06:49J'ai un peu peur encore le soir,
01:06:51mais quand je regarde dans leurs yeux, j'en mets l'espoir.
01:06:55Allez, go !
01:06:57On va manger ?
01:06:59...
01:07:12Josh, Nelly, Maïline, Célia, Angélique, Chloé,
01:07:16vous restez ici avec Chantal.
01:07:183, 4, 5, 6, 7.
01:07:20Regarde, il y a une chaise là-bas.
01:07:23Mais non, attends. 1, 2, 3, 4, 5, 6.
01:07:26Finalement, Sabrine est là.
01:07:28Est-ce que Méliard peut se rajouter ?
01:07:30Parce que là, c'est plus équilibré s'il reste là.
01:07:33Normalement, on a assez de chaises.
01:07:35Ouais, parce que là, ça va être trop.
01:07:38...
01:07:42Bon.
01:07:44J'espère que vous n'allez pas être intimidés.
01:07:47Je voudrais qu'on essaye de trouver des symboles
01:07:51qui donneraient courage à ceux qui continuent à aller au collège
01:07:55et qui nous tourneraient vers l'avenir.
01:07:57Quel symbole vous proposeriez qui n'existe pas encore dans le collège
01:08:01mais qui vous plairait ? Est-ce que vous avez des idées ?
01:08:04Oui, Josh ?
01:08:05Je pense que ça serait bien qu'il y en ait un sur sa salle,
01:08:08là où il était.
01:08:09Alors, quelle est sa salle ?
01:08:10La 215.
01:08:11D'accord.
01:08:12Moi, si je peux proposer quelque chose, peut-être un petit...
01:08:15Comment expliquer ?
01:08:16Une petite plaque, peut-être, avec un petit message dessus.
01:08:19Ça peut être sympa aussi.
01:08:21...
01:08:24Et est-ce que vous, vous aimeriez que son nom apparaisse sur la porte ?
01:08:29Non, pas sur la porte.
01:08:30Non.
01:08:31Ou à côté de la porte ?
01:08:32Oui, à côté.
01:08:33Mais quelle est la différence entre sur la porte et à côté de la porte ?
01:08:36En général, quand on a un nom sur une porte,
01:08:39on sait qu'il y a quelqu'un derrière qui s'appelle comme ça.
01:08:41Donc, si on a ça sur la porte, on va se demander,
01:08:44mais du coup, elle est où, la personne ?
01:08:46Et que si on voit que ce n'est pas du tout cette personne-là qui est dans cette salle,
01:08:49on va se demander pourquoi c'est là.
01:08:51Je trouve que de mettre sur une porte, c'est comme si on mettait sur une tombe.
01:08:54Oui, enchantée.
01:08:55Alors que sur le mur, c'est à côté.
01:09:03Du coup, la plaque, ce serait sur la porte ?
01:09:06Non, à côté. Tu vois, tu as la porte, tu vois, jusqu'ici.
01:09:10Ce serait peut-être Sal Monsieur.
01:09:12Enfin, on ne pourrait pas dire Monsieur. On serait obligés de dire son prénom.
01:09:15Sal Samuel Petit.
01:09:17Non, pas appeler la salle.
01:09:19Enfin, pas l'appeler comme ça, la salle.
01:09:21C'est comme s'ils voulaient renommer le collège Samuel Petit.
01:09:25À un moment donné, non. Notre collège, c'est Collège du Bois-d'Aune, quand même.
01:09:28Moi, je trouverais ça dommage, si je peux me permettre,
01:09:31d'appeler le collège Samuel Petit.
01:09:34Parce que pour moi, ça veut dire que, par exemple,
01:09:37si, admettons, tu parles avec quelqu'un qui te demande
01:09:40tu viens d'où ? Et tu lui dis, je suis au collège Samuel Petit.
01:09:43Tout de suite, la personne, elle va avoir de la pitié pour toi
01:09:46ou elle va te demander comment est-ce que tu vas, est-ce que tu t'en es remise ?
01:09:49Alors que c'est pas forcément la première chose qu'on voudrait dire
01:09:52quand on dit d'où est-ce qu'on vient.
01:09:56Parce que si on l'appelle Samuel Petit,
01:09:58lui, il a été dans le collège du Bois-d'Aune.
01:10:01Il a pas été dans le collège Samuel Petit, donc...
01:10:05Je trouve que ça... Non, pas en hommage,
01:10:07mais c'est mieux de garder le nom où il a été
01:10:10que de le changer.
01:10:12Mais du coup, ce serait peut-être, je pense,
01:10:15bien pour les élèves qui se sont amenés à entrer dans cette salle
01:10:18de quand même un peu changer la salle
01:10:20pour que ça leur rappelle un peu moins
01:10:22le prof qu'ils avaient et que ça les attriste moins aussi.
01:10:25Toi, t'aimerais qu'on efface ?
01:10:28Pas effacer, mais passer à autre chose, en fait.
01:10:31Avancer. On ne l'oublie pas.
01:10:33Donc on peut mettre une plaque, comme Mayenna dit,
01:10:36sur le côté pour lui rendre hommage,
01:10:38mais peut-être un peu modifier sa salle.
01:10:41Et est-ce que tu aurais une idée de la transformation de cette salle ?
01:10:46Je dirais, par exemple, repeindre les murs.
01:10:49Et tu proposerais des couleurs ?
01:10:52Après, je suis plus dans le taupe et le blanc, donc...
01:10:57Moi, si je peux donner mon opinion,
01:10:59j'aurais donné une couleur comme jaune-pastel,
01:11:02parce que jaune, c'est un lien avec...
01:11:04Ça me rappelle le soleil,
01:11:06et le soleil, pour moi, c'est quelque chose de joyeux.
01:11:11Donc ça peut être une bonne couleur
01:11:13et une bonne couleur pourrait se rappeler de cette personne.
01:11:44Vous m'avez parlé du racisme, du sexisme,
01:11:46du harcèlement, de l'écologie...
01:11:50Quoi d'autre ?
01:11:52Oui ?
01:11:53La liberté d'expression.
01:11:55La liberté d'expression. OK.
01:11:58Tous ces thèmes-là,
01:12:00il a fallu évidemment s'engager, se livrer,
01:12:03être capable d'exposer son opinion,
01:12:05d'être capable de la défendre,
01:12:07et d'être capable d'exprimer son opinion.
01:12:10D'être capable d'exposer son opinion,
01:12:12d'être capable de la défendre.
01:12:14Est-ce que ça a été simple pour vous ?
01:12:19OK.
01:12:20Baptiste.
01:12:22Pourquoi t'as écrit là-dessus ?
01:12:25Parce que le drame de M. Paty, ça m'avait touché.
01:12:30Ouais.
01:12:33Est-ce qu'avant ce drame,
01:12:35t'aurais pu...
01:12:38écrire ce genre de choses ?
01:12:40J'aurais pas eu toutes ces idées, ces inspirations.
01:12:44Est-ce que la liberté d'expression, par exemple,
01:12:47c'était quelque chose qui trottait dans la tête ou pas ?
01:12:52J'y pensais, mais...
01:12:55pas vraiment.
01:13:00Demander au prof de parler de la liberté d'expression,
01:13:02c'est fondamental.
01:13:04C'est fondamental.
01:13:06Parce qu'on doit grandir
01:13:10avec cette ouverture d'esprit,
01:13:12ce fait d'être à l'aise sur les sujets,
01:13:16qu'on soit d'accord ou non.
01:13:18Mais ensuite, comment on les accompagne ?
01:13:22Quelle bille on leur donne ?
01:13:23J'ai entendu certains politiques, après l'attentat,
01:13:28dire sur des plateaux de télé,
01:13:30continuer à montrer des caricatures,
01:13:34continuer à parler de la liberté d'expression.
01:13:38C'est très bien.
01:13:40C'est très bien.
01:13:42Mais c'est les professeurs qui sont face aux élèves.
01:13:46Et c'est les professeurs qui, ensuite,
01:13:49peuvent avoir affaire à des parents
01:13:54qui vont tout remettre en question.
01:13:57Et je pense que les accompagner
01:14:00sur des choses comme ça, c'est essentiel.
01:14:03Et puis, il y a toujours cette question de la limite.
01:14:06Parce qu'on travaille sur la liberté, les libertés,
01:14:09et les limites qu'on pose aux libertés.
01:14:11Et donc, c'est intéressant de se poser la question des limites,
01:14:14ce qu'on ne peut pas dire,
01:14:15où commence le dédit, où commence l'interdit.
01:14:18Après, sur la question de la liberté d'expression
01:14:21par rapport aux religions, par exemple,
01:14:23les limites, elles sont très claires.
01:14:25On a le droit de critiquer une religion.
01:14:27Alors, c'est parfois difficile à faire admettre.
01:14:29J'ai des élèves qui contestent, etc.
01:14:32Après, il faut toujours faire attention
01:14:34quelle est la part d'un doctrinement réel,
01:14:36quelle est la part de...
01:14:38C'est parfois des ados qui ont besoin de se confronter à l'adulte,
01:14:40qui ont besoin de...
01:14:42Il ne faut pas se tromper de combat non plus de notre côté.
01:14:45Il faut se mettre à notre place.
01:14:47Nous, on est face à des adolescents.
01:14:49Et des adolescents, c'est un matériau explosif, l'adolescent, quand même.
01:14:53C'est quelqu'un qui cherche sa place
01:14:55et c'est quelqu'un qui, pour trouver sa place,
01:14:57provoque le conflit.
01:14:58Et c'est normal, en fait.
01:15:00Nous, on a le devoir d'éviter le clage, de contourner
01:15:04et d'essayer de parler de tolérance.
01:15:06C'est de faire réfléchir les élèves à la question de vivre ensemble.
01:15:10On doit vivre ensemble.
01:15:12On ne s'aime pas, on est différents.
01:15:14Parfois, on se déteste, mais on doit vivre ensemble.
01:15:23Sorti d'un passé sombre,
01:15:25d'un passé qu'on ne veut renouveler,
01:15:27d'un nombre exorbitant de tombes,
01:15:29malgré eux, ils transportent ce boulet qui vient hanter leur nuit.
01:15:32Car même dans le silence, ils entendent toujours ces cris.
01:15:35Jeux en amende atypiques.
01:15:37Beaucoup sous ceux qui n'acceptent pas mon physique.
01:15:39Durant la Covid, plus personne ne m'approchait.
01:15:41Je n'avais même plus le droit de tousser.
01:15:43Raconter des conneries à longueur de temps sur les plateaux télévisés.
01:15:46Sur Twitter, déverser leur haine en toute impunité.
01:15:48Sans avoir peur de se faire condamner.
01:15:50La Terre, à quoi ressemble-t-elle ?
01:15:52Les combats, les guerres, les arrestations des CRS.
01:15:54À côté, des milliers d'espèces qui disparaissent.
01:15:56Pour tous ces porcs derrière leur PC,
01:15:58l'infamée, elle a fini par se laisser tenter.
01:16:00Elle a décidé de se lancer dans un live
01:16:02dans l'espoir de se faire réconforter.
01:16:04Mais le pire est arrivé.
01:16:06Beaucoup trop de préjugés sur les musulmans.
01:16:08Beaucoup trop de clichés sur les musulmans.
01:16:10Beaucoup trop d'idées sur les musulmans.
01:16:12J'en ai marre, car c'est vraiment ça tout le temps.
01:16:14Esclavage des noirs, juifs en Allemagne, musulmans en Chine.
01:16:16Sans parler du Yémen, de la Syrie ou de la Palestine.
01:16:19Ces livres et ces pensées,
01:16:21qui sont emprisonnés, censurés, supprimés.
01:16:23Pourquoi des écrivains sont parfois contraints
01:16:25de fuir leur patrie pour avoir écrit ?
01:16:27Dire qu'à notre âge, on n'aurait pas le droit de choisir,
01:16:29peu importe si on doit en souffrir.
01:16:31Pour hommes et femmes, on doit rester telles que l'on est,
01:16:33comme Rosé Bleu pour les jouets.
01:16:35Exprimer ses sentiments, qu'on ait tort ou raison,
01:16:37sans avoir peur d'être censurés.
01:16:39Quand certains ont cette liberté, d'autres...
01:16:41Cette cohorte, en fait, qui a connu Samuel
01:16:43et cette histoire-là,
01:16:45ce ne sera pas des élèves avec lesquels
01:16:47on aura une distance académique habituelle.
01:16:52Parce que, finalement,
01:16:54on avait été affectés, tous.
01:16:55Ces élèves autant que nous,
01:16:57par quelque chose de si horrible,
01:17:00qu'on est devenus une famille,
01:17:02en fait, malgré tout, malgré nous.
01:17:04Et ça, ça nous reliera pour toujours.
01:17:13C'était important pour moi
01:17:15qu'on se dise la vérité, vraiment.
01:17:18Et en fait, ça nous a rapprochés énormément
01:17:20avec les élèves.
01:17:22Et là, je me sens plus sans confiance
01:17:25dans ma relation avec eux.
01:17:31J'ai l'impression
01:17:33de pouvoir être plus moi-même face à eux.
01:17:38Mais c'est pas fini.
01:17:44Maintenant,
01:17:46il y a des enquêtes qui ont lieu,
01:17:48il y a le procès qui va avoir lieu,
01:17:50et je pense qu'il va falloir vraiment
01:17:53se blinder face à tous ces événements.
01:17:59Mais le fait d'être soudés,
01:18:01ça va nous aider, je pense.
01:18:14C'est un texte que j'ai écrit
01:18:16avec vous, les élèves de 3e 1,
01:18:19en pensant à vous
01:18:21et en pensant à tous mes élèves
01:18:23et à tous mes collègues aussi.
01:18:25Dans ce collège,
01:18:27il y a un an et cinq mois,
01:18:29comment faisais-tu pour ne pas perdre la foi ?
01:18:33Quand se murmuraient de folles rumeurs sur toi,
01:18:35nous ne voulions pas y croire.
01:18:38Il y a un an et cinq mois,
01:18:40en allant chercher nos élèves dans la cour,
01:18:42on avait échangé sur la couleur de mon pull violet
01:18:45et sur ceux qui n'avaient de cesse d'inventer.
01:18:48C'était un jeudi,
01:18:50et puis les mots sont restés.
01:18:54C'est l'image sanguinolente de ton écharpe
01:18:56que je vois et l'odeur de l'absurde
01:18:58à jamais imprégnée.
01:19:00Maintenant, je regarde devant
01:19:02et j'entends les blagues que les élèves de toi ont gardées.
01:19:05Celle du pouce levé,
01:19:07et je me dis qu'elle est douce et terrible
01:19:09car tu l'as prononcée
01:19:11quelques heures avant d'être tuée.
01:19:13Maintenant, je regarde devant
01:19:15et je comprends où est notre place
01:19:17pour affronter la suite et enfin faire face.
01:19:19Maintenant, je sais opposer ma force
01:19:21et je sais qu'elle est là dans leurs regards
01:19:24car c'est là que toujours on peut voir
01:19:27un peu d'espoir.
01:19:45Moi, j'aime bien ma ctesse cette année.
01:19:47Elle m'aide à avancer.
01:19:51On a grandi mentalement.
01:19:53J'avoue que quand on te dit
01:19:55que t'es mature pour ton âge,
01:19:57bah en fait, faut être mature dans la vie
01:19:59parce que si t'es pas mature maintenant,
01:20:01tu le seras jamais vraiment.
01:20:07Maintenant,
01:20:09il faudrait qu'on soit plus à l'écoute,
01:20:11qu'on parle plus avec nos professeurs.
01:20:13Il faut plus qu'on soit directement sur les rumeurs.
01:20:16Ouais, disons qu'on devrait tous
01:20:18faire plus attention à ce qu'on dit nous-mêmes
01:20:21parce que parfois, on a besoin de drama,
01:20:24entre guillemets,
01:20:26de se le raconter nous-mêmes.
01:20:31Moi, je dirais que ce serait surtout
01:20:33de pas juger trop vite
01:20:35parce que j'ai vu beaucoup de personnes juger trop vite.
01:20:37Enfin, je sais pas.
01:20:39Après, j'ai envie de te dire,
01:20:41c'est une cicatrice qu'on gardera vie.
01:20:43C'est une cicatrice ?
01:20:45C'est une cicatrice qui restera vie.
01:20:47Moi, j'ai une phrase.
01:20:49Quand tu touches, ça fait mal, tout ça.
01:20:51C'est une cicatrice. C'est toujours là.
01:20:53Mais quand t'appuies, ça fait plus mal.
01:20:55Mais c'est toujours là.
01:20:57C'est la petite qui m'avait dit ça.
01:20:59Vas-y, tu devrais l'écrire, c'est trop beau.