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Michelin, Auchan, Vencorex… les plans sociaux se multiplient dans les grandes entreprises. Ces 12 derniers mois, 66.000 entreprises ont fermé leurs portes. La secrétaire générale de la CGT Sophie Binet dénonce "le début d'une saignée industrielle". 

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00:00Avec nous pour en parler, David Couscaire, gérant du cabinet d'analyste Rendeo. Bonjour, merci d'être avec nous. Nicolas Dose, éditorialiste économie de première édition et BFM Business.
00:11Et puis David Parlons, délégué syndical FO d'AMIS, atelier mécanique et industrie spéciale, sous-traitant notamment du groupe Stellantis.
00:18On va d'abord écouter le ministre de l'Industrie, Marc Ferracci, ce week-end, qui disait qu'il fallait vraiment s'attendre au pire. Il parle de milliers d'emplois menacés.
00:31En fait, ils nous ont conditionnés psychologiquement que ça va faire mal. C'est ce que m'ont dit vos représentants.
00:37Mais ce qui est pire, en fait, c'est ce qu'ils ont mis en place, ce qu'ils nous proposent, en fait. On ne s'attendait pas à ça.
00:42Vous pensez quoi des 60%, des 40% qui partent en Pologne et en Italie ? On en a parlé avec Michelin. Et vous en pensez quoi, vous ? On en a parlé.
00:48Moi, ce que j'en pense, c'est que la décision de Michelin, aujourd'hui, il faut qu'il l'assume. Il faut qu'il l'assume en expliquant les raisons économiques.
00:55Et ce que je comprends, c'est que les raisons économiques, elles ne vous ont pas été présentées. Elles ne vous ont pas été expliquées. Elles n'ont pas été expliquées à vos représentants.
01:01C'est ce que j'ai dit tout à l'heure.
01:11C'est une séquence qui dit évidemment beaucoup de choses. C'était au site Michelin de Cholet, vendredi matin, le ministre de l'Industrie, Marc Ferracci, confronté au syndicat.
01:20Et il a dû, d'ailleurs, quitter la zone très vite. Je vous dis qu'on commence d'ailleurs par ce secteur de l'automobile, des équipements anti-automobiles.
01:27Parce qu'Amis, votre entreprise, David Parlon, est sous-traitant de Cédentis et fabrique des pignons de boîtes de vitesse, notamment pour Cédentis. Vous en êtes où, vous ?
01:36– Alors aujourd'hui, on a eu un retrait sur le logiciel depuis le mois d'octobre. On a vu les électeurs en mardi. Et là, ils nous annoncent que forcément,
01:46avec la fin du chômage partiel qui arrive à la fin de l'année, il faut adapter l'activité au personnel. On voit un PSE de 165 salariés.
01:55– Voilà. Et ça, c'était une surprise pour vous ou il y avait des signes avant-coureurs ?
02:00– Non, ce n'est pas une surprise, parce qu'on a bien vu la trésorerie qui fondait comme neige au soleil. Et puis, on a bien vu qu'on a 12 jours de chômage partiel par mois.
02:10Et on savait très bien qu'avec la fin de l'AP de l'an 2024, l'entreprise va être encore plus en déficit en 2025, sans cet été de chômage partiel.
02:21– David Kouskère, on a un exemple ici avec la filière automobile et ses sous-traitants. La filière automobile, c'est le gros sujet aujourd'hui ?
02:30– C'est un des gros sujets, mais ce qui se passe, c'est qu'il y a un empilement sur plusieurs couches de difficultés. Il y a des difficultés structurelles.
02:37Dans l'automobile, tous les gens qui sont sur le véhicule thermique vont avoir du mal à se replacer sur le véhicule électrique, qui est beaucoup plus simple,
02:43qui a moins de pièces. Donc ça, c'est un premier gros sujet. Deuxième sujet, les abattoirs, par exemple. La consommation de viande baisse.
02:49Les abattoirs, c'est beaucoup de difficultés. Vous avez en plus des problèmes conjoncturels. La hausse de taux d'intérêt, on repart heureusement à la baisse,
02:57donc ça va peut-être un petit peu s'améliorer. L'inflation baisse du pouvoir d'achat, donc tout ce qui est lié à la consommation est touché également.
03:04Et puis vous avez la concurrence chinoise-américaine extrêmement forte dans l'industrie, ce qui fait que l'automobile est le secteur le plus touché
03:13et c'est celui qui est le plus visible. Mais toutes les industries de process comme la chimie, par exemple, qui dépendent du prix de l'énergie,
03:19on l'a vu avec Vancorex la semaine dernière, mais il y en a d'autres, sont en difficulté. Et à ça, s'ajoute le fait que ça crée un climat d'ensemble qui n'est pas bon.
03:28Donc une entreprise qui, il y a deux ans, aurait été reprise tranquillement par quelqu'un du même secteur, aujourd'hui, tout le monde y regarde à deux fois,
03:36les banquiers sont plus méfiants, donc tout s'ajoute pour que le climat ne soit pas très bon.
03:42L'impression que ça donne, c'est qu'il y a une conjonction des éléments qui donne le sentiment de s'acharner sur toutes ces entreprises.
03:49Rien n'était anticipable ?
03:53On voyait depuis deux ans une forte baisse de pression, c'est-à-dire qu'en sortir de période Covid, vous avez eu les plans France Relance,
04:01plan France 2030, vous avez eu une masse d'investissements dans l'industrie, d'ailleurs il y avait des difficultés de recrutement.
04:08À partir de fin 2022, on a arrêté. Et là, on voit, nous, nos chiffres, par exemple, sur les ouvertures et fermetures d'usines, qui descendent régulièrement depuis 2022.
04:17Comme on était parti de très haut, ça allait. Mais là, on commence à toucher le négatif, donc on perd deux, trois usines par mois en ce moment,
04:24alors qu'on était sur une phase positive de 2016 à 2022, période Covid exclue.
04:30Mais quand Sophie Binet évoque une perspective de 200 plans sociaux dans les mois qui viennent, c'est une perspective que vous pouvez visualiser sur vos chiffres ?
04:40Aujourd'hui, on perd deux, trois usines en aide par mois.
04:43C'est énorme.
04:44C'est beaucoup. En 2008-2009, on était à 20-30, on était monté beaucoup plus haut, donc j'espère qu'on n'ira pas aussi bas.
04:52Il y a quand même certains éléments positifs.
04:56Allez-y.
04:58On en cherche.
04:59Tous les investissements de structure, production d'hydrogène solaire, le véhicule électrique, la batterie, sont des investissements de changement de génération un petit peu,
05:11de changement d'infrastructure, et là, c'est ce qui, heureusement, soutient un petit peu l'activité.
05:16Mais ce ne sont pas sur les mêmes sites, ce ne sont souvent pas les mêmes salariés, et donc c'est effectivement très difficile.
05:21Ça marque une bascule vers une autre façon de produire, d'envisager l'industrie.
05:27Est-ce qu'on est totalement prêt, Nicolas ?
05:28Sur l'industrie automobile, il est certain qu'on a énormément de retard par rapport à l'Asie, et il est certain que c'est forcément un choc sur l'emploi.
05:35Il vous faut cinq personnes pour fabriquer une thermique, trois pour fabriquer une électrique, et on a pris énormément de retard.
05:39La particularité de votre discussion, c'est que vous citiez Sophie Binet, il y a l'industrie, mais il y a les emplois en France.
05:46Une bonne partie des emplois français sont des emplois de services.
05:48Quand Auchan fait un plan social maus de 2300 personnes, ce n'est pas de l'industrie, on est dans du service.
05:54Et là, effectivement, industrie plus service cumulé dans les perspectives que l'on a pour 2025, on est franchement à un moment de bascule.
06:00Vous disiez, qu'est-ce qu'on pouvait anticiper ?
06:02On n'anticipe pas une inflation qui explose et des taux qui remontent.
06:05On ne peut pas anticiper une récession de l'Allemagne aussi violente que celle que l'on vit aujourd'hui.
06:10La concurrence chinoise, on peut l'anticiper.
06:12La manière dont l'Europe, dans un mouvement d'un seul homme, a ultra-normé l'ensemble de ses secteurs industriels jusqu'à aller trop loin,
06:20ça, pour le coup, c'était peut-être anticipable.
06:22Et on pouvait peut-être aligner ou réorganiser les agendas, parce que c'est quand même un élément central des difficultés aujourd'hui de grands secteurs français.
06:30Pas de bol, parce qu'avec cette situation, il faut rembourser les prêts garantis par l'État.
06:33Il y a les prêts garantis par l'État.
06:34Et la fin des aides Covid.
06:35Les aides Covid, c'est fini.
06:36C'est fini, effectivement, les montagnes de prêts garantis par l'État qui ont été nécessaires au moment du Covid.
06:40Il y a un moment, ça s'arrête.
06:41Ce n'était pas un cadeau.
06:42Ce n'était pas une aide.
06:43C'est un prêt.
06:44Un prêt garanti par l'État, mais il faut le rembourser.
06:45Et c'est pour ça qu'on est à des niveaux de défaillance d'entreprise qui dépassent les 60 000 aujourd'hui.
06:50Dans une année normale, on est à 52 000, 55 000 défaillances.
06:53Je ne serais pas étonné qu'on touche les 70 000 cette année.
06:56David, vous vouliez intervenir ?
06:59Sur l'EPGE, oui.
07:00En fait, l'EPGE, le chômage partiel, c'était un pansement sur une hémorragie.
07:05En fait, ça n'a pas aidé les entreprises, ça a maintenu les emplois.
07:08Et ça n'a pas permis de développer ou de garder de l'activité.
07:11Là, ce qu'il fait, c'est que depuis deux ans, on n'a plus d'activité du tout en France.
07:14Parce que là, ce qui arrive, c'est qu'on va baisser les émissions de CO2 en 2025.
07:19Et pour être compétitif sur les véhicules électriques, il faut réduire les coûts.
07:23Et ça, on sépare des équipementiers qui sont en France et en Europe pour pouvoir produire moins cher le véhicule électrique.
07:29Dans ces moments-là, on se tourne évidemment vers l'État.
07:33C'est encore plus vrai aujourd'hui qu'hier.
07:35Que peut faire l'État ?
07:36Parce qu'on voit Ferracci se faire engueuler.
07:38D'abord, il serait bien qu'effectivement l'entreprise soit très claire sur son message
07:42et les raisons qui la poussent à fermer deux sites en France.
07:44Ce n'est pas au gouvernement de l'expliquer.
07:46C'est une boîte totalement privée.
07:47Que peut faire l'État ?
07:48Moi, mon rêve, ce serait qu'on fasse un peu machine arrière sur le délire fiscal de 2025
07:53qui pèse principalement sur les entreprises.
07:55C'est à l'heure de croire que si on touche 400 boîtes, on ne touche que 400 boîtes.
07:58On touche un écosystème global.
08:00Si on avait le courage de faire un peu machine arrière sur les quelques 8, 9, 10 milliards d'euros
08:04d'impôts supplémentaires qu'on est en train d'imposer au pire moment, ce serait bien.
08:07Sur le véhicule électrique, il est impératif de garder le bonus à l'achat.
08:10On l'a passé de 5 000 à 4 000.
08:12Est-ce qu'il va tomber à 3 500 l'an prochain ?
08:14L'Allemagne l'a arrêté.
08:15Dès l'instant où elle l'a arrêté, les ventes électriques se sont totalement écroulées.
08:18Puis, est-ce qu'on est capable de faire pause ou de ralentir certaines réglementations,
08:21certaines normes, certaines contraintes vertes ?
08:24Je suis désolé, mais la contrainte CO2 pour l'automobile européenne en 2025,
08:28comment voulez-vous résister quand vous devez avoir une moyenne d'émission de CO2 réduite de 15% ?
08:34Ça veut dire que vous devez vendre au moins une électrique sur cinq,
08:37et les aides baissent et la demande pour l'électrique recule.
08:40C'est juste cornélien.
08:41David Kouskère, clairement, ces perspectives fiscales,
08:44cette incertitude également liée à la situation internationale,
08:48pèsent beaucoup sur les entreprises.
08:51Ça, c'est certain.
08:53Parmi les éléments que vous avez cités qui seraient positifs,
08:55il y a également un prix de l'énergie éventuellement à revoir à la baisse.
09:00C'est-à-dire qu'on a une électricité nucléaire qui est compétitive.
09:03On n'en fait pas complètement bénéficier les entreprises.
09:05Donc, à la fois, ce n'est pas le moment de créer des taxes sur l'électricité,
09:08parce que le grand mouvement positif aujourd'hui, c'est celui de la décarbonation,
09:13c'est celui de l'électrification de tous les process.
09:15Donc, ce n'est pas le moment d'aller inventer une nouvelle taxe là-dessus.
09:19Bon, voilà.
09:20Mais c'est vrai qu'on cherche des éléments positifs.
09:22La carte de Trump, c'est le protectionnisme.
09:24Il faudrait qu'il y ait un protectionnisme à l'européenne.
09:26Alors, le protectionnisme à l'européenne, le problème, c'est que le protectionnisme,
09:29quelqu'un le paiera.
09:30C'est le pouvoir d'achat du consommateur.
09:32Le consommateur américain, il le paiera.
09:34Alors oui, effectivement, si vous faites du protectionnisme
09:36avec des barrières de dingue, vous préservez l'épargne entière de votre industrie.
09:40Seulement, du made in France, ça coûte plus cher que du made in China.
09:43Donc, on peut le faire, mais ça coûte de l'argent.
09:45Et qui est d'accord pour payer plus cher ?
09:48C'est l'enjeu.
09:49C'est un peu le sujet de l'industrie française.
09:52C'est qu'on a toujours visé le haut de gamme.
09:54Donc, on se condamne à des niches.
09:56Alors que sur le bas de gamme, on sait faire sur l'entrée de gamme.
09:59À condition d'avoir des process de production haut de gamme.
10:01Vous avez BIC qui fabrique en France et qui exporte depuis la France.
10:04Ce n'est pas du luxe.
10:05Vous avez un des derniers fabricants européens de fer à repasser.
10:08C'est Calor dans les Alpes, qui investit massivement.
10:11Ils ont 200 robots.
10:12Ils ont 700 salariés.
10:14Et ils exportent des fers à repasser.
10:16Merci, messieurs.
10:17Merci à vous, David Parlon.
10:18Merci et bon courage, évidemment, dans la séquence difficile que vous traversez, vous et vos collègues.
10:23Il est 8h23.

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