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Flavie Flament reçoit Jérôme Carron, grand reporter à Point de Vue, pour répondre à la question : monarchies, sont-elles en train de perdre leur couronne ?

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Transcription
00:00Bonjour Jérôme Caron, merci d'être avec nous, vous êtes grand reporter au magazine Point de vue, on a tous été édifié par ces images du roi Philippe et de son épouse Laetitia d'Espagne,
00:13chahuté par la population, des envois de boue, des jets, de projectiles aussi, et on l'a qualifié d'assassin, la foule l'a qualifié d'assassin, ça c'est du jamais vu à l'heure contemporaine ?
00:25À l'heure contemporaine c'est du jamais vu, en effet, peut-être que précédemment, à l'époque des rois, des chevaliers, il y avait peut-être beaucoup plus de violence.
00:32Il y avait quelque chose d'un peu moyen âgeux d'ailleurs ?
00:34Il y avait quelque chose du peuple qui s'adresse à son monarque de manière directe, sans filtre, sans autre possibilité, il faut savoir que la différence, le premier ministre lui a été exfiltré,
00:44et le président de la région qui est le principal accusé de la part des habitants de ce drame, qui vivent ce drame pardonnez-moi, lui a été aussi exfiltré.
00:53La différence c'est que le roi est resté, à parler les deux yeux dans les yeux, son épouse également, elles sont restées, ils sont tenus, ils ont fait face,
00:59c'est peut-être l'idée d'une forme de monarchie ou d'une forme de représentation de l'institution face au peuple.
01:05On est là, on est présent même dans les moments difficiles, ce qui n'a pas été le cas des politiques.
01:09Est-ce que ça marque néanmoins une fracture entre ce peuple espagnol et son souverain ?
01:13Ça marque de toute façon une fracture, mais à l'échelle mondiale, entre le peuple et les institutions, entre le peuple et les élites.
01:19Les hommes politiques sont déclassés, les institutions le sont également.
01:23Donc là, on constate qu'en effet, le peuple a déversé sa colère, son incompréhension, six jours après la catastrophe.
01:29Après, sur ce genre d'opération, soit vous venez trop tôt, soit vous venez trop tard.
01:32Mais dans tous les cas, il est très compliqué de pouvoir consoler, écouter après un drame pareil.
01:37Vous souleviez le fait que c'était aussi un phénomène peut-être que l'on peut retrouver pour toutes les monarchies.
01:44Je voudrais qu'on regarde ces images. Il n'y a pas plus tard qu'il y a une semaine.
01:48Regardez, c'était à Canberra, en Australie, une sénatrice aborigène qui alpaguait violemment Charles III.
01:56Je vais la citer, cette femme.
01:57« Vous avez commis un génocide contre notre peuple. Rendez-nous notre terre.
02:01Rendez-nous ce que vous nous avez volé, nos os, nos crânes, nos bébés, notre peuple.
02:06Vous avez détruit notre terre. Donnez-nous un traité.
02:08Vous n'êtes pas mon roi. Vous n'êtes pas notre roi.
02:11Que les colonies, je la cite, aillent se faire foutre. »
02:14Est-ce qu'on aurait pu assister à ce genre de scène extrêmement violente, vindicative, du temps d'Élisabeth II ?
02:21Peut-être pas. Peut-être que le service de sécurité aurait été plus rapide.
02:25Plus sincèrement, l'India Thorpe, qui est la sénatrice indépendante qui a prononcé ces paroles
02:30et qui est en combat permanent pour la reconnaissance des droits des aborigènes,
02:34elle a utilisé ce moment au Parlement australien à Canberra pour donner son avis.
02:38Après, le roi avait expliqué précédemment, quelques mois avant sa venue en Australie,
02:42que c'était aux Australiens de décider si, oui ou non, ils voulaient toujours faire partie du Commonwealth
02:47et toujours être « dirigés » par lui.
02:51Il y a un précédent référendum, au début des années 2000,
02:54qui avait donné 55 % des Australiens qui voulaient rester sous le contrôle de la Couronne.
02:58Angleterre, Belgique, Danemark, Espagne, Pays-Bas, Luxembourg, Norvège, Suède,
03:03quand on regarde le taux de popularité, en fait, on note une confiance qui s'effrite.
03:07Comment on l'explique ?
03:09C'est-à-dire, nous sommes dans une période de transition.
03:11Vous aviez des monarques de l'ancien temps, quelque part du siècle dernier, qui sont partis.
03:16On pense à Juan Carlos avec les scandales, on pense à d'autres.
03:19Et là, vous avez d'autres monarques qui prennent la suite et qui vont surtout passer la main à leurs enfants.
03:24C'est surtout à leurs enfants qu'il va falloir coller, en fait.
03:27Leurs enfants vont avoir comme mission de devoir coller à l'époque de manière beaucoup plus facile
03:31que ces monarques-là qui sont en transition entre une époque extrêmement figée,
03:34qui était celle du siècle dernier et aujourd'hui où tout change.
03:37Vous avez souligné quelque chose d'important, ce sont les scandales.
03:40Juan Carlos, amateur de safari, obligé d'abdiquer depuis Bani, il vit aux Émirats Arabes Unis.
03:47Le prince Andrew impliqué dans les crimes sexuels de l'affaire Epstein.
03:51Sans oublier Meghan Markle qui avait accusé aussi le roi Charles III de racisme violent
03:56sous l'emprise de cocaïne dans la monarchie norvégienne.
03:59Est-ce qu'on ne serait pas tout simplement en train de réaliser aujourd'hui
04:02que les familles royales, ce sont des familles parfaitement ordinaires ?
04:06Les familles royales ont toujours été des familles ordinaires,
04:08mais leur grand problème, justement, c'est que ce sont des familles.
04:10Et donc vous avez des pièces rapportées, vous avez des gens qui se comportent mal.
04:14Il est très compliqué d'avoir une forme d'identité absolument parfaite,
04:18de moralité parfaite, de tenue parfaite au sein d'une famille complète.
04:22Et aujourd'hui, dans notre époque de transparence où tout est dit,
04:24où tout veut être reçu, où tout doit être reçu rapidement,
04:27en fait, aucun écart ne peut passer au travers des gouttes, si je puis dire.
04:31Tout le monde est maintenant au courant très rapidement.
04:33Et en effet, il y a un décalage, il y a une difficulté à devoir se réadapter.
04:37Mais ce n'est pas là que le bas blesse, en fait.
04:39Finalement, ces familles, à part rêver, faire rêver ou à part décevoir,
04:45elles servent à quoi aujourd'hui ?
04:46Elles servent encore, elles servent à maintenir une forme d'unité.
04:48Quand vous voyez la Belgique entre les Flamands et les Wallons,
04:51le seul symbole d'unité de la Belgique, c'est l'équipe de foot et le roi.
04:54Quand vous voyez la famille royale britannique, même avec Meghan Markle,
04:58même avec le prince Sandrou, restent des ambassadeurs extrêmement importants
05:02pour le ministre des Affaires étrangères, puisque, après le Brexit,
05:06on a envoyé le prince William un peu partout en Europe
05:08pour abîmer les liens avec les autres pays.
05:10Donc, ils n'ont pas qu'un rôle cérémoniel, on l'aura bien compris.
05:12Pas toujours.
05:13Pas encore. Merci beaucoup, Jérôme Garon.
05:15Je rappelle que vous êtes un grand reporter au magazine Point de vue.
05:17Merci à vous.

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