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Vendée Globe 2024 / Rencontre avec Romain Attanasio, Fortinet - Best Western

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Sport
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00:00Tout simplement avec une... Est-ce que tu peux te présenter ?
00:04Je suis Romain Tenasio, le skipper de l'Imoca Fortinet Best Western
00:08en partance pour le prochain Vendée Globe.
00:11Alors raconte-nous un peu ton parcours.
00:15Toi, tu es originaire plutôt des montagnes au départ.
00:18Alors, de famille, pas moi finalement, parce que je ne suis pas né là-bas,
00:23ni... Je n'y ai pas vécu non plus spécialement.
00:27Mais mes grands-parents sont de Vars, dans les Hautes-Alpes.
00:30Et effectivement, j'ai ce lien avec la montagne.
00:34Après, mon père travaillait dans les travaux publics.
00:37Donc, on a habité au Pakistan, en San Salvador, au Nigeria, en Indonésie,
00:42mes huit premières années.
00:43Et après, on est rentré dans l'Oise.
00:45C'était un peu moins funky, mais on s'est installé dans l'Oise,
00:49que mon père, du coup, après, travaillait à Paris.
00:50Ma mère est Picarde.
00:52Et j'ai passé, du coup, de 8 à 17 ans dans l'Oise
00:56avant de partir en sport d'études à la voile.
00:58Alors, comment tu découvres la voile ?
01:01J'ai un grand-oncle par alliance, qui est breton, de Port-Navalot,
01:06et qui avait un bateau.
01:07Et je passais mes vacances d'été chez lui, notamment,
01:10au grand désespoir du grand-père.
01:12Et c'est comme ça que j'ai aimé la voile.
01:14Et puis, voilà, j'en faisais juste l'été, en fait.
01:17Mais en 90, j'avais pas très bien travaillé à l'école
01:21et je me suis retrouvé en pension à Chauny, dans l'Aisne.
01:25Il y a eu une prison pour gosses, très clairement.
01:29Et c'est l'année où Florence Artaud a gagné la Route du Rhum.
01:31Et moi, je trouvais ça dingue.
01:32En plus, elle était belle.
01:33Son bateau était beau, je vous le rappelais.
01:35On se rappelle tous de ça.
01:37D'ailleurs, j'ai regardé le film Flo y a pas longtemps.
01:39On y apprend plein de choses.
01:41Mais voilà, je trouvais ça incroyable.
01:43Et quelques semaines plus tard,
01:45mon grand-oncle, me sachant d'épérir, est venu me chercher
01:48un mercredi après-midi pour m'emmener au salon nautique.
01:51Après, moi aussi, je me suis dit, je veux un bateau.
01:54Alors, pourquoi pas moi ?
01:56Du coup, sport et études.
01:58Du coup, un rêve de course au large, mini, solitaire.
02:03Voilà, raconte-nous rapidement ce parcours.
02:05C'était compliqué, parce que, encore une fois, je viens pas du tout de là.
02:09L'Oise, c'est loin.
02:10Les vacances d'été à Port-Navalot, c'était que l'été.
02:14Mais après ce coup de cœur, je dirais,
02:18je me suis inscrit dans un petit club de voile à la Croix-Saint-Ouen,
02:22à quelques kilomètres de Compiègne.
02:24Alors, on naviguait sur l'Oise, mais ce n'était pas évident.
02:27Lazer, j'ai fait mes premières régates comme ça.
02:29Et puis, j'ai fait une demande aux sports et études de la boule
02:32et ils m'ont pris, par un miracle.
02:34Et j'ai commencé la compétition comme ça.
02:35Alors, je peux t'assurer que les premiers entraînements, ça a piqué un peu.
02:40Parce que le mercredi, 5 heures sur l'eau à la boule,
02:42c'est autre chose que la demi-heure sur l'Oise le samedi après-midi.
02:47Mais bon, ça s'est bien passé.
02:48J'ai bien progressé.
02:48Mais moi, je voulais faire de la course au large.
02:50Et du coup, je voulais faire la mini-transat.
02:52Parce que quand on avait à peine 18 ans,
02:56ces bateaux-là, ils sont incroyables.
02:57C'était des répliques, en fait, des Imoca.
03:00Mais ni moi, ni mes parents n'avaient assez d'argent pour acheter un bateau.
03:06Donc, j'ai loué un bateau pour la mini 97,
03:10mais je n'avais pas trouvé d'argent.
03:11Donc, le propriétaire a repris le bateau quelques jours avant le départ.
03:15Et j'ai relancé le projet pour 99.
03:17Et mon père, qui distribuait des dossiers sur tous les chantiers sur lesquels il travaillait,
03:20il y a une société du nord de la France qui m'a dit OK.
03:24Et ils m'ont donné 100 000 francs.
03:26Donc, j'ai acheté mon premier mini, mais c'était un bateau en bois.
03:28Ça ne suffisait pas pour un bateau en carbone.
03:32Et j'ai pu prendre le départ de la mini 99 dans des conditions un peu difficiles,
03:35parce que je n'avais pas beaucoup de sous.
03:37Et c'est l'année où il y a eu une méga tempête.
03:39Et j'ai coulé au bout de cinq jours dans le gol de Gascogne.
03:42Mais le sponsor m'a dit, c'était incroyable, on a adoré, on aimerait bien continuer.
03:47Donc, j'ai dit, là, il y a bien le Figaro, mais ce n'est pas pareil.
03:50Ce n'est pas le même niveau, ce n'est pas le même budget.
03:53Et ils m'ont dit OK.
03:54Et j'ai fait une demande au centre d'entraînement de Port-la-Forêt,
03:57où je n'osais même pas aller.
04:00Et ils m'ont dit OK, par miracle encore une fois.
04:02Et donc, je me suis retrouvé au centre d'entraînement avec tous les plus grands marins.
04:06Et j'ai commencé le Figaro comme ça.
04:08J'ai fait 2000, 2001, 2002, 2003 et j'ai progressé.
04:14Et j'arrêterai là parce qu'après, c'est compliqué, c'est long.
04:17Mais en 2005, après la solitaire, je reçois un coup de téléphone
04:21et c'est Michel Desjoyeaux qui m'appelle.
04:23Il me dit, c'est Michel Desjoyeaux.
04:24J'ai envie de lui dire oui, je suis la reine d'Angleterre.
04:27Et il me dit, mon navigateur est blessé sur le trimaran.
04:30Est-ce que tu veux venir le remplacer pour le Grand Prix de Vigo ?
04:33Il me dit, tu peux réfléchir ?
04:34Je dis non, c'est bon, j'arrive tout de suite.
04:36Et puis donc, j'ai fait le Grand Prix avec lui, ça s'est bien passé.
04:39Et il m'a embauché pour toute la saison 2006.
04:41Et c'est comme ça en fait que j'ai appris à naviguer sur les gros bateaux.
04:44Et alors, ce rêve de Vendée Globe, il vient quoi ?
04:48Avec cette rencontre avec Michel Desjoyeaux qui, à ce moment-là,
04:50vient de remporter, avant de passer sur le trimaran, son premier Vendée Globe.
04:57Comment tu es percuté par le Vendée ?
05:00Est-ce que ça arrive vite dans ton paysage ?
05:04En fait, oui et non.
05:06C'est-à-dire que Sam qui, elle, préparait le Vendée Globe, 2008.
05:12En fait, j'ai finalement suivi toutes les coulisses de cette préparation.
05:17Moi, c'est un truc un peu particulier, c'est que donc 2006 avec Miche Desj.
05:202007, alors Miche Desj part préparer le Vendée Globe, justement.
05:24Et moi, je me retrouve embauché par Franck Hamas,
05:27qu'on avait fait une belle saison, donc je fais toute la saison 2007 sur Groupama.
05:31Et 2008, c'est presque un peu triste parce qu'il y a eu une sélection faite par DCNS,
05:36je ne sais pas si vous vous rappelez de ça.
05:37Et donc, on était 40 au départ sur dossier.
05:41Ils en ont gardé 10.
05:43Les 10, on s'est tous retrouvés à Toulon pour des sélections.
05:46Ils en ont gardé 4.
05:48Les 4, on a fait 2 ou 3 mois de régate entre Port-la-Forêt et La Rochelle.
05:56Ils en ont gardé 2.
05:58Les 2, on a fait toute la solitaire du Figaro.
06:01Et c'est Christopher Pratt qui a gagné.
06:02Donc, au départ du Vendée, quand ça ne mêle pas,
06:04moi, je n'ai pas gagné ce challenge-là qui permettait d'avoir le limoca de Marc Thiercelin pour la Route du Rhum.
06:13Donc, c'était un peu dur ce départ de Vendée, mais bon, c'est comme ça.
06:16Mais ça m'a encore une fois permis de voir un peu la préparation d'un Vendée Globe.
06:22Après, il y a eu...
06:24Moi, j'ai fait d'autres cours, j'ai fait du Figaro à nouveau, tout ça.
06:27Mais en 2015, Louis Burton m'appelle en me proposant de faire avec lui la Jacques Vabre.
06:35Et en faisant cette Jacques Vabre, je me retrouve quasiment qualifié pour le Vendée.
06:40Et évidemment, cette idée de faire un jour le Vendée Globe,
06:44même si ça me paraissait totalement inaccessible, me trottait dans la tête.
06:48Et à l'arrivée de cette Jacques Vabre, j'ai rencontré Frank Vallée,
06:53qui était le sponsor de Tanguy Delamotte et Sam Couret avec Tanguy.
06:58Donc bref, on se rend compte comme ça.
06:59Et je me rends compte qu'il avait acheté un nouveau bateau,
07:02mais qu'il avait le bateau, le vieux bateau, un bateau qui est très connu, qu'on appelle le Pingouin,
07:07qui était le bateau de Catherine Chabot en 1998, qu'il avait toujours, entre guillemets, sur les bras.
07:13Donc, je lui fais une proposition inacceptable pour acheter le bateau et il me dit oui.
07:18Donc là, je me retrouve avec un bateau et le directeur de course, c'était Denis Oro à l'époque,
07:21qui était mon directeur de course du Figaro, que je connaissais très bien, je l'appelle.
07:26Il m'a dit écoute, il y a 27 places pour le prochain Vendée, tu seras le 27ème,
07:31tu as une semaine pour me faire tout ton dossier.
07:34Donc là, j'ai tout préparé et puis je me suis retrouvé inscrit au Vendée Globe.
07:39Donc là, c'était quand même une grosse marche.
07:42Donc, je n'avais pas de partenaire et j'ai appelé Laurent Defrance,
07:45qui était le patron de la concession Volvo de Rennes, qui était un de mes derniers sponsors,
07:49et je lui ai dit j'ai acheté un bateau.
07:51Il m'a dit mais t'es fou ? Je lui ai dit oui, je sais, mais maintenant, il faut qu'on trouve des sponsors.
07:54Et on a monté un club entreprise, dans la concession, on a poussé les voitures, on a mis des tables
07:59et puis on a appelé tous ses clients et c'est comme ça qu'on a lancé le projet avec un club entreprise
08:02et 70 petites entreprises locales qui vont chacun participer un petit peu.
08:08C'est comme ça qu'on a trouvé le premier tiers du budget.
08:11Ce premier Vendée Globe, il arrive finalement à la suite d'un apprentissage de la course au large,
08:18finalement assez, j'allais dire, linéaire, mini, solitaire, équipé sur des gros bateaux.
08:25Voilà, tu as coché à peu près toutes les cases.
08:27Comment ça se passe ce premier Vendée Globe en 2016 ?
08:31Alors, ça se passe...
08:33Déjà, ça commence très tard parce que tout ce que je viens de te raconter, c'est qu'on est au mois de février.
08:39Donc, j'achète le bateau au mois de février, donc pour un départ au mois de novembre.
08:42Rien à voir avec ce qui se passe aujourd'hui.
08:45Et puis, je fais ma calife en avril.
08:47Bref, tout arrive très tard, mais j'arrive prêt avec les partenaires et le bateau prêt au départ du Vendée.
08:54Et là, c'est le saut dans l'inconnu.
08:57Partir au Vendée Globe, c'est incroyable.
08:59Déjà, ça reste incroyable pour mon troisième.
09:01Donc, mon premier, c'était totalement lunaire.
09:04Je pars...
09:05Finalement, j'ai toujours une impression un peu cotonneuse de ces trois semaines de village
09:11qui sont vraiment très particuliers parce qu'on a 50 000 trucs à faire.
09:16On nous dit qu'il faut que tu ailles signer des posters, qu'il faut que tu ailles à un briefing, qu'il faut que tu ailles faire ci, faire ça.
09:20Il y a énormément de choses à faire, mais nous, en fait, on est déjà parti.
09:23Donc, on fait les choses un peu comme ça.
09:26Finalement, la dernière nuit, je déteste les veilles de course.
09:31La dernière nuit, on ne dort jamais tous très bien,
09:34mais il paraît que la plupart des records du monde ont été battus après des nuits blanches.
09:37Donc, j'imagine qu'un gars qui fait la finale des Jeux Olympiques de 100 mètres, il ne doit pas dormir beaucoup non plus.
09:43Et finalement, ce meilleur moment, le meilleur moment de tout ça,
09:47parce que je ne vous raconte pas la descente du Chenal et tout, c'est dingue.
09:50Mais le meilleur moment, c'est une fois que la ligne de départ est franchie.
09:53Là, ça y est, en fait, on part faire du bateau.
09:56Donc, la descente de l'Atlantique, on connaît, ce n'est pas encore trop l'inconnue.
10:01Jusqu'à la Jacques Vabre va au Brésil.
10:02Donc, toute cette partie, je la connais.
10:04Et après, rentrer dans le Grand Sud.
10:05Et là, moi, quand je rentre dans le Grand Sud, au large du Cap de Bonne-Espérance,
10:09je suis en train de faire mes photos avec ma pocarte.
10:12Et tout d'un coup, il y a un choc énorme et je tape une baleine qui vient me percuter.
10:17Donc, normalement, quand c'est nous qui la percutons, on la tape dans la quille.
10:21Mais là, c'est elle qui vient derrière la quille.
10:23Je ne sais pas pourquoi, je ne saurais jamais.
10:24J'ai interrogé plein de grands spécialistes, personne n'a su me dire.
10:26Et je casse mes deux safrans.
10:28Donc là, pour moi, le Vendée Globe, il est terminé.
10:30C'est horrible, ce Vendée, c'était tellement un long chemin pour y arriver.
10:34Et puis, je savais que je partais avec un vieux bateau.
10:37Moi, je voulais juste le finir.
10:39Et là, je me dis que c'est terminé.
10:41Il faut que je remonte l'Atlantique en convoyage, c'est atroce.
10:44Et puis, je me dis peut-être que je peux quand même réparer.
10:48Il y avait pendant la Volvo Ocean Race, j'avais vu une petite crique à Cape Town.
10:54On était allés se promener.
10:55Justement, on voit les baleines des falaises.
10:57Et je me dis peut-être que je peux aller dans cette petite crique réparer.
11:00Et là, je la joue à la Forrest Gump.
11:02De se dire, il faut que je ramène le bateau à cet endroit-là,
11:05que je mouille sans m'échouer sur la plage,
11:07que je répare les safrans, le fond de coque qui était délaminé.
11:10Je n'avais même pas vu à ce moment-là, heureusement.
11:12Remettre tout ça en place et faire les deux tirs d'un tour du monde
11:15pour arriver au Safedone, c'est impossible en fait.
11:17On se dit, c'est mort, je n'y arriverai jamais.
11:19Donc, j'ai fait step by step.
11:22J'ai déjà essayé d'aller me mettre dans cette crique sans m'échouer.
11:25Ça, c'est déjà pas mal.
11:27Et puis, le lendemain, j'ai attaqué les safrans.
11:29Ils sont tombés et j'ai réussi à les ressortir, à les réparer.
11:31Bref, j'ai réparé ça et j'ai réussi à faire ce tour du monde.
11:35C'était incroyable.
11:35J'ai passé quatre jours là-bas dans une petite crique.
11:38À un moment, il y a une dame,
11:39parce qu'il y a des gens qui venaient voir.
11:41Donc, à un moment, il y a une dame qui s'approche avec un canoë.
11:44Et puis, elle ouvre son gilet et elle me sort une gouttée de coca.
11:47Quel moment ! Il y avait la buée sur la gouttée de coca.
11:51Et moi, je lui dis, je ne peux pas la prendre en fait.
11:53On n'a pas le droit.
11:54Tu ne peux pas embarquer du matin, même une gouttée de coca.
11:57Tu peux être disqualifié pour ça.
11:58Donc, je lui dis, non, je ne peux pas la prendre.
12:00Elle est repartie avec sa gouttée de coca.
12:02Je parlais, on a le droit de demander, la seule aide qu'on a le droit,
12:05c'est de demander un conseil technique à son équipe.
12:07Donc, je parlais avec mon équipe pour savoir comment réparer.
12:10Et l'architecte du bateau qui voulait que je plonge lui pour aller voir,
12:13parce que la coque était délaminée.
12:15Sauf que là-bas, toutes les images des grands blancs,
12:18des grands requins blancs avec une otarie dans la gueule,
12:21comme on voit sur Facebook, c'est là-bas que c'est filmé.
12:23Donc, moi, je n'avais pas du tout envie d'aller dans l'eau.
12:25Donc, j'ai un peu baratiné, je ne peux pas aller dans l'eau.
12:28En plus, il y a plein d'otaries, c'est hyper agressif et tout,
12:29qui voulaient me becter.
12:31Donc, c'était une drôle d'escale.
12:34Et puis, j'arrive à repartir.
12:36Et puis, après, il m'est arrivé plein de péripéties,
12:38mais il m'est arrivé au sabdome.
12:39D'ailleurs, trois semaines avant d'arriver,
12:42je me rappelle d'un coup de téléphone de Thierry Dubois qui m'appelle
12:46et qui me dit, voilà, je sais, toutes tes galères, les safrans.
12:50J'avais tapé, je pense, un conteneur à l'Équateur.
12:53J'avais cassé une dérive.
12:55J'arrivais avec le bateau vraiment en morceaux.
12:59Et il me dit, tu sais, j'ai vu Bernard Stamm il n'y a pas très longtemps.
13:03On a fait tous les deux le Vendée Globe deux fois et on n'a pas fini.
13:07Donc, vraiment, on garde ça comme une vraie frustration.
13:10Il m'a dit, tu sais, on s'en fout que tu fasses le cinquième,
13:13dixième, quinzième ou dernier, il faut que tu finisses.
13:17Du coup, je suis sorti, j'ai pris un riz.
13:18Et puis là, je me suis dit, le seul objectif, c'est de finir.
13:21Et donc, tu termines le quinzième et rapidement,
13:26tu te projettes dans un autre Vendée Globe ?
13:29Avant d'arriver, en fait.
13:31C'est ça qui est fou, que ce soit pour le deuxième ou le troisième.
13:34C'est des projets que j'ai commencé à préparer encore en mer.
13:39Parce que oui, les quinze derniers jours, c'est long.
13:42Le bateau, il commence à avoir des problèmes.
13:47On se dit qu'il faut arriver.
13:48Et puis, on se dit, qu'est-ce qui va se passer après ?
13:50Donc, on a quand même bien le temps de réfléchir.
13:52Et là, je me suis dit, j'ai envie quand même de repartir,
13:54peut-être de le faire dans un mode un peu plus performant.
13:59Donc, je réfléchissais à ce que je pouvais faire,
14:00mais avoir un foiler et un projet comme j'ai aujourd'hui,
14:05ça paraissait totalement inaccessible.
14:08Surtout avec les petits partenaires que j'avais,
14:10qui sont des petits partenaires, ce n'est pas péjoratif.
14:12C'est juste que ce sont des PME régionales.
14:16Donc, je ne pouvais pas leur demander plusieurs millions.
14:18Donc, j'ai monté un projet intermédiaire avec un bateau à dérive.
14:23Mais ça, je l'ai fait, ce bateau, je l'avais acheté à Fabrice à Medeo.
14:27Et avant d'arriver au sable, j'étais en communication avec lui
14:31pour lui demander combien il vendait son bateau et tout ça.
14:34Et alors, comment il se passe ce deuxième Vendée Globe ?
14:37Déjà, j'ai eu trois ans pour le préparer.
14:39Donc, ça change tout.
14:40On n'est plus du tout dans le même projet aventure du premier.
14:46Il se passe bien, sauf qu'on a une tempête.
14:50Déjà, c'est la préparation pendant le Covid, je ne sais pas si vous vous rappelez.
14:52Donc là, c'est quand même particulier.
14:54Le bateau, il est en chantier au mois de février, mars, à Port-la-Forêt.
14:59Et là, tout s'arrête.
15:01Je passe pas mal de temps, la plus claire de mon temps,
15:05dans mon jardin au téléphone pour rassurer les partenaires,
15:08parler avec l'organisation, parce qu'avant, il y avait les mêmes questions
15:10que le Vendée Globe, qu'il soit annulé ou décalé.
15:14Et là, on se dit, non, il ne faut surtout pas.
15:16Il y avait quelques personnes malheureuses qui ont dit,
15:20oh, il faut peut-être le décaler.
15:21Donc là, c'est parti dans tous les sens.
15:23Et pour nous tous, je pense que ça aurait été une catastrophe.
15:26Donc, je passe pas mal de temps avec ça.
15:27Je rencontre Bess Western, qui est incroyable.
15:30Alors, l'histoire, elle est folle.
15:30C'est que je cherche un copartenaire.
15:35On me fait rencontrer à Bess Western,
15:39que je ne connais pas spécialement.
15:41Et je vois, pendant que mon dossier est parti, sur Facebook,
15:45une manageuse que je connais d'il y a 20 ans,
15:49qui dit, je suis nommé manageuse de l'année.
15:54Il y a un concours voté pour moi.
15:56Et puis, c'est Virginie Barboux.
15:58Et donc, je regarde sa fiche et puis je vois,
16:01directrice de la communication de Bess Western.
16:04Je me dis, c'est incroyable.
16:05Donc, je l'appelle, je dis, mais c'est incroyable.
16:07Je lui dis, figure-toi que j'ai un dossier chez Bess Western.
16:09Elle me dit, non, t'as pas un dossier chez Bess Western,
16:11t'as un dossier sur mon bureau.
16:13Donc, j'ai dit, putain, c'est incroyable cette histoire.
16:15Elle me donne rendez-vous à Paris et je vais à Paris.
16:17Je crois que j'avais rendez-vous un vendredi matin à 9h.
16:20Donc, je vais la veille au soir.
16:21Je suis en train de dîner avec un copain au restaurant à Paris.
16:24Elle m'appelle à 22h.
16:25Elle me dit, on annule tout.
16:26C'était le soir des annonces du président que tout s'arrêtait.
16:31Je lui dis, je suis déjà à Paris, moi.
16:32Elle me dit, ben voilà, on ferme tous les hôtels dans le monde, quoi.
16:36Donc, je rentre et puis là, il se passe un mois.
16:38Je te le disais juste avant, on fait du téléphone.
16:41On ne sait pas trop ce qui va se passer.
16:43Et puis, un mois après, ils me disent OK.
16:44Donc, finalement, tout s'arrange.
16:47Le départ du Vendée est quand même très spécial.
16:50Ce fameux chenal où on est tous très impressionnés,
16:52parce qu'il y a 300 000 personnes sur les quais qui hurlent
16:54ou sur le bâton, on ne s'entend quasiment pas.
16:56Là, il y a un CRS tous les 20 mètres.
16:59Donc, c'est un drôle de départ, mais on le fait quand même.
17:01Et puis, le Vendée Globe part,
17:05mais il y a une énorme tempête tropicale dans l'Atlantique,
17:10juste après les Açores.
17:11Et là, je casse ma têtière de grand voile.
17:14Donc, en fait, je me retrouve, bref, à faire tout le Vendée Globe
17:16avec un riz dans la grand voile.
17:18Et dans le Grand Sud, j'explose mon grand genac.
17:20Donc, moi, j'ai beaucoup de problèmes de voile
17:22et je ne vais pas à la vitesse que je voulais.
17:25Mais je termine aussi ce Vendée Globe là.
17:28Et pareil, 15 jours avant d'arriver au sable,
17:31je suis au téléphone avec les partenaires en essayant de voir
17:33qui peut mettre un peu plus pour peut-être acheter un foiler.
17:37J'appelle Boris, qui est aussi en mer, une semaine devant moi.
17:40Et je lui dis, ton bateau, il me dira, je crois qu'il est déjà vendu.
17:43Je ne te cache pas que j'ai déjà un acheteur, mais bon...
17:47Je te tiens au courant, mais après, c'est vendu.
17:49Donc, bon, je continue quand même à essayer de regarder ce qui se passe.
17:51Et voilà, je prépare le projet à ce moment-là.
17:53J'arrive au sable.
17:55Et là, j'ai un de mes partenaires, depuis mon premier Vendée,
17:58qui me dit, je ne te l'ai pas dit, mais j'ai vendu ma boîte et tout.
18:02Je ne voulais pas t'embêter au départ du Vendée.
18:05Bref, en gros, je comprends qu'il va avoir un peu plus de temps
18:08et pas mal d'argent.
18:09Donc, je lui dis, est-ce que tu ne veux pas acheter un bateau avec moi ?
18:11Et il me dit oui.
18:12Et c'est comme ça que je peux acheter le bateau de Boris,
18:14qui finalement, 15 jours après l'arrivée,
18:18devient à nouveau disponible.
18:20Donc, j'achète ce bateau.
18:22Et puis, je rencontre Fortinet, qui est par l'intérieur.
18:25Encore une fois, j'ai toujours rencontré mes sponsors
18:27de bouche à oreille avec mes meilleurs commerciaux.
18:31Ce sont mes sponsors précédents,
18:32parce qu'il n'y a pas mieux qu'un chef d'entreprise.
18:34Moi, quand je vais voir une entreprise,
18:35je peux leur raconter tout ce que je veux, évidemment.
18:39Mais quand c'est quelqu'un qui est déjà sponsor,
18:40qui va leur dire, viens avec nous, c'est super.
18:43Il n'y a pas mieux.
18:44Donc, c'est ce qui se passe avec Fortinet.
18:46Et puis, ils me disent, maintenant que tu as un foiler,
18:48c'est une boîte très technologique, c'est la cybersécurité.
18:51Ils ne seraient pas venus sur un projet aventure,
18:53mais un projet un peu plus performant.
18:54Alors, je n'ai pas un bateau neuf, mais quand même, c'est un foiler.
18:57Et donc, ils se joignaient nous.
18:59Et là, on monte ce projet depuis l'arrivée du précédent Vendée jusqu'à aujourd'hui.
19:04Donc, finalement, le Vendée Globe, c'est ta vie.
19:07Sur ces 15, 16 dernières années, tu as enchaîné systématiquement
19:13ou tu as été le compagnon d'une concurrente.
19:16Le Vendée Globe, tu as accompagné.
19:17On a l'impression de te voir dans le paysage du Vendée Globe.
19:20Mais toi, enfant ou adolescent, jeune voileux,
19:25à quel moment le Vendée, en tant que spectateur, te percute ?
19:31Quand je suis petit, quand j'ai 10 ans, je rêvais de voir.
19:34J'ai parlé de Florent Sarto, mais je regardais le Vendée Globe et ça me paraissait fou.
19:39Ça me faisait rêver, je ne sais pas expliquer pourquoi,
19:41mais de voir un marin seul sur un bateau comme ça, faire le tour du monde.
19:48Je ne sais pas, ça me paraissait fou.
19:49Mais fou, mais totalement inaccessible.
19:52Effectivement, ça fait longtemps que je suis dans le paysage du Vendée Globe.
19:58Pour moi, c'est totalement incroyable.
19:59Je me rappelle, quand j'avais une vingtaine d'années,
20:03d'aller au salon nautique sur le stand du Vendée Globe
20:06et de demander le bulletin d'inscription parce qu'à l'époque,
20:09on pouvait courir en 50 pieds.
20:11Et donc, ce sont des bateaux un peu plus petits.
20:14Et puis, beaucoup moins techniques que des IMOCA,
20:17donc beaucoup plus accessibles, autant techniquement que financièrement.
20:20Et donc, j'avais demandé le budget et je me rappelle de la dame qui était là,
20:24qui me dit, elle voyait bien que c'était un gamin qui rêvait,
20:29qui était devant elle et pas du tout un potentiel participant.
20:33Et je me rappelle qu'elle m'avait donné le bulletin en me disant,
20:35mais bon, réfléchis, entraîne-toi, peut-être qu'un jour,
20:38mais c'était plus dans ce truc-là.
20:40Donc, pour te dire que c'était totalement fou.
20:43Moi, je ne viens pas de ce monde-là.
20:45Comme beaucoup de grands marins qui ont grandi dedans.
20:48Je parlais de Florence Arthaud quand j'étais en sport études.
20:52Elle avait fait un grand prix en figaro à côté de la boule.
20:58Et un dimanche, j'avais pris le train pour aller lui demander un autographe.
21:02Donc, j'avais pris le train et tout, je m'étais galéré, j'avais fait du stop.
21:05J'étais allé jusqu'au pied du ponton et je l'avais aperçu de loin
21:08et je n'avais même pas osé, toi, aller lui demander un autographe.
21:11Donc finalement, j'étais reparti sans mon autographe.
21:12Ils m'ont dit « t'es con, t'aurais pu quand même demander. »
21:14Donc, tu vois un peu le décalage que j'avais par rapport à, je ne sais pas,
21:18je pense à Jérémy qui, lui, tous ces gens-là,
21:22depuis qu'il était gosse, il les côtoyait.
21:25Mais quelles images, quels faits de course, quels skippers,
21:29quels moments de ces différentes éditions de 89
21:34au moment où toi, tu y participes,
21:35t'ont animé, marqué, impressionné, choqué ?
21:42Il y en a plusieurs.
21:43Moi, je le regarde encore maintenant.
21:47Et d'ailleurs, on avait fait un briefing il y a quelques années à mon premier Vendée
21:51pour savoir comment communiquer en mer pendant le Vendée Globe.
21:54Et l'histoire que moi, je trouvais la plus incroyable
21:58et que je montre encore maintenant à des amis,
22:00c'est Loïc Perron qui va chercher Philippe Poupon qui est couché sur l'eau.
22:05En plus, la scène est incroyable parce que tout est filmé.
22:08C'est dingue, il se filme en train de parler.
22:10Il arrive, il lui lance Philippe Poupon,
22:12et à l'avant, à cheval, sur sa coque qui est sur le côté quand même,
22:16qu'il lui lance une amarre.
22:18Lui, il l'attrape, tu ne sais pas comment.
22:20Il a un pied qui passe par-dessus la filière.
22:23Il n'est pas attaché, tu ne sais pas comment il fait pour ne pas tomber à l'eau.
22:27Il attrape l'amarre, il l'accroche, là, il reparle.
22:31Et à un moment, il y a un truc qui m'avait fait halluciner quand j'étais gosse,
22:35c'est que pour moi, Philippe Poupon, c'était le taulier.
22:38Et à un moment, il dit,
22:41« Merci Loïc d'être venu, je ne te cache pas que cette nuit, j'ai eu un peu peur. »
22:44Et je me disais, c'est dingue, Philippe Poupon a peur.
22:47Donc pour moi, quand je regardais ces images-là,
22:51et encore aujourd'hui, c'est vrai que ça donne la chair de poule.
22:55Et justement, la peur, elle est partie intégrante de vos vies pendant un Vendée.
23:03Comment on vit avec ? Comment on gère ? Et quelle peur on a ?
23:08On me demande souvent si j'ai peur.
23:10Oui, ça arrive souvent dans des conditions difficiles.
23:12Alors des fois, c'est juste la peur de casser parce qu'on est trop toilé.
23:16On a beaucoup de toile et le vent monte dans un grain
23:19et là, ça devient un peu ingérable, un peu hors de contrôle.
23:22Donc ça, c'est plus de la peur de casser quelque chose
23:26qui pourrait faire qu'on soit qu'on perd des places, soit qu'on ne finisse pas la course.
23:31Et après, des peurs...
23:34Oui, des fois, quand on est dans le Grand Sud, deux fois, j'ai eu 14 mètres de vagues
23:38et je regardais par la descente, ces vagues arrivaient.
23:41En plus, elles déferlaient tout et là, on a un peu peur.
23:44Mais ce n'est pas de la peur panique et c'est une peur qui est nécessaire.
23:48Je pense que si on n'avait pas peur, on ferait n'importe quoi.
23:52On le sait dans le Grand Sud.
23:54Des fois, on l'a vu avec Ian Elias à l'époque,
23:56quand il avait passé quatre jours à attendre, mais ça peut être huit jours.
24:00Si on a un accident au début de lundi,
24:02c'est une frégate militaire australienne qui vient nous chercher,
24:05qui va mettre huit jours à venir.
24:07Donc, il faut penser à tout ça.
24:08Et je pense que le fait de cette peur, entre guillemets,
24:13permet, à mon avis, de ne pas faire de bêtises.
24:16Et puis, en général, on a souvent plus peur après.
24:21Moi, il m'est arrivé de faire des manœuvres un peu chaudes,
24:27dans le feu de l'action, peut-être pas très raisonnable.
24:31Et c'est après, soit dans mon lit, soit quand je suis dans le bateau et que ça se calme,
24:36de me dire « Mais pourquoi tu as fait ça ? Tu étais idiot. »
24:38Ça, c'était dangereux pour le coup.
24:40Mais voilà, c'est plus une peur comme ça.
24:43Il n'y a pas de moment, pour moi en tout cas, où on est pétrifié,
24:49où la peur devient problématique.
24:53Sur la solitude, la gestion de ces trois mois de course,
25:00quelles sont tes expériences entre le premier, le deuxième et celui qui arrive maintenant ?
25:05Comment tu abordes celui qui arrive maintenant, à la lumière de ce que tu as déjà vécu ?
25:10Est-ce qu'il y a des choses qui ont changé parce que la communication a changé,
25:16parce que la communication est plus facile ?
25:18Est-ce que la solitude est moins importante ?
25:20Voilà, comment tu abordes ce qui arrive, c'est-à-dire ces trois mois seuls ?
25:29La solitude m'avait beaucoup pesé à mon premier Vendée.
25:32Mais parce que j'avais mis 110 jours et parce qu'effectivement, j'avais très peu de communication.
25:38J'avais un forfait qui ne me permettait pas d'aller sur Internet.
25:42Je pouvais juste télécharger mes fichiers météo et répondre ou recevoir ou envoyer des mails.
25:50C'était à peu près tout.
25:51Et c'est vrai que j'avais trouvé ça très long, surtout les périodes de Noël où Ruben, mon fils, était petit.
25:56Je me rappelle d'une photo où il est en train d'ouvrir ses cadeaux.
25:59Je me suis dit « mais qu'est-ce que je fous là ? »
26:01Moi, j'avais ouvert mes cadeaux.
26:02Vous savez, on a tous une boîte dans le bateau où tous les proches mettent des cadeaux qu'on ouvre le jour de Noël.
26:08Et moi, je les avais ouverts le 26 parce que le 25 et le 24, j'étais en pleine tempête.
26:13Donc là, ces moments-là étaient durs.
26:14Ensuite, passer le Cap Horn, c'est vrai que quand on passe le Cap Horn, c'est quand même la délivrance.
26:17On quitte le Grand Sud.
26:19On se dit « ça y est, j'ai passé le plus dur ».
26:21Bon, il faut quand même savoir qu'il y a un mois de mer pour remonter.
26:25Le Cap Horn, c'est 56 sud alors que le Cap de Bonne-Espérance, c'est 36 sud.
26:29Donc finalement, quand on fait le tour du monde, on passe Bonne-Espérance, on descend, on descend.
26:33On passe les Ouines, on descend, on descend.
26:34Puis, on va vraiment chercher le Cap Horn avant de remonter.
26:37Puis, une fois passé le Cap Horn, on navigue peut-être 8 jours avant d'arriver à la latitude de Bonne-Espérance
26:43pour dire à quel point c'est loin.
26:45Donc là, la solitude m'avait vraiment pesé aussi à ce moment-là dans la remontée de l'Atlantique.
26:49En plus, souvent, on a le bateau qui est un peu en mode dégradé.
26:54Le deuxième, j'ai mis 90 jours.
26:56Et le troisième, j'espère mettre 75-80 jours.
27:00Et maintenant, à bord, on a WhatsApp.
27:02Donc, ça change beaucoup en fait.
27:04On ne peut toujours pas demander, on ne peut toujours pas être assisté.
27:09On ne peut pas parler de météo, on ne peut pas parler de stratégie avec qui que ce soit.
27:11C'est formellement interdit.
27:13On n'a même pas le droit de demander le temps qu'il fait en Bretagne.
27:17On ne peut pas parler de météo.
27:18Par contre, on peut demander un conseil technique comme on a parlé.
27:21C'est tout.
27:22Mais on peut parler de toutes sortes d'autres choses avec ses amis et ça, ça ne change pas mal.
27:27Donc, le fait d'avoir une meilleure communication et que ce soit moins long,
27:32je trouve que la solitude est moins dure.
27:35Moi, ce que je trouve difficile, pour moi, le plus difficile sur le Vendée,
27:40c'est plus tant la solitude d'être seul, mais c'est la solitude de prendre des décisions tout seul.
27:46C'est ça qui est difficile en fait.
27:48Je lisais il n'y a pas longtemps un bouquin de Mike Horn qui traverse l'Antarctique à pied avec un traîneau.
27:53C'est atroce.
27:55Il faut qu'il marche tous les jours, il fait un froid de canard,
27:57il se perce les ongles avec des forêts parce qu'il y a les pieds qui pètent.
28:01Physiquement, c'est très très dur.
28:03Nous, je pense qu'on n'en est pas là, même si on a le facteur sommeil qui n'est pas facile à gérer.
28:09Mais ce que je trouve qui est dur, c'est d'être seul pour prendre des décisions stratégiques ou de vitesse.
28:16Et ça, c'est difficile.
28:17On passe son temps à se demander si on va au bon endroit, si on a mis la bonne voile,
28:24si on n'est pas en train de faire une bêtise.
28:26Quand tu es à terre, dans la vie, quand on a une décision à prendre,
28:31souvent on demande à un copain, à sa femme, qu'est-ce que tu en penses ?
28:35Elle te dit oui, elle te dit non, tu t'écoutes, tu n'écoutes pas.
28:37Bref, mais tu peux discuter.
28:40Quand on est tout seul, il n'y a personne qui peut te dire oui, tu as raison,
28:45ou là là, tu es en train de faire une connerie.
28:46Je trouve que du coup, ça nous fait douter en permanence.
28:48Et pour moi, c'est ça qui est le plus dur.
28:50Vivre avec le doute ?
28:51Vivre avec le doute, oui.
28:52Vivre avec ce questionnement permanent de est-ce que je suis en train de bien faire ?
28:58Alors justement, parle-nous de...
29:01Parce que maintenant, tu as un projet qui, sportivement, est encore plus compétitif que jamais
29:06par rapport à ce que tu avais.
29:09Comment tu gères la flotte, les autres, les adversaires, les choix, le rythme ?
29:15Ou mettre le curseur en fonction de ce que tu vois, de ce que les autres font ?
29:20Quel choix en fonction de ce que toi, tu as décidé ?
29:23Et finalement, l'influence qu'ont les autres sur tes choix potentiels ?
29:27Parle-nous de tout ça.
29:28Oui, je trouve qu'on est plus en mode figariste.
29:31Je retrouve plus mes réflexes, mes stratégies de figariste,
29:36maintenant que mon premier Vendée.
29:37Mon premier Vendée, finalement, je regardais très peu les autres.
29:39Après, quand je me suis arrêté, je suis reparti quasiment tout seul.
29:43Il fallait finir, donc je faisais ma stratégie en fonction de tout ça.
29:46J'essayais effectivement d'aller le plus vite possible, parce que ça reste quand même une course.
29:51Mais je faisais ma stratégie seul.
29:55Aujourd'hui, et puis surtout, je préservais beaucoup plus le bateau.
29:58Aujourd'hui, je regarde où sont placés les autres.
30:01J'essaye de faire ma stratégie, mais aussi de me placer par rapport à eux.
30:04Je les route, je regarde ce qu'ils font, comme je faisais en Figaro.
30:08Et puis surtout, je tire sur le bateau comme jamais.
30:13Il m'est arrivé d'entendre que les bateaux de course étaient fragiles, qu'ils se cassaient souvent.
30:19Mais les bateaux de course, c'est incroyablement solide.
30:21Quand on voit ce qu'on fait avec ces bateaux, c'est dingue.
30:24Comme ils résistent, on ferait ça avec des bateaux de croisière, on en ferait du petit bois.
30:29Avec Fortinet Base Western, je tire dessus comme je n'ai jamais fait avec les deux précédents.
30:35Et à chaque fois, ça m'étonne de voir à quel point ça tient.
30:39Très clairement, j'attaque beaucoup plus.
30:41Mon deuxième Vendée déjà, je m'étais dit que ce n'était pas grave.
30:44J'ai fait mon premier Vendée, j'ai terminé.
30:47Donc celui-là, je vais attaquer.
30:49Si je casse, tant pis, j'abandonnerai, ce n'est pas très grave.
30:51En fait, ce n'est pas vrai du tout.
30:52Une fois qu'on est parti, on n'a qu'une envie, c'est d'arriver au Sape de Lonne.
30:55Donc là, je me dis la même chose.
30:56Et c'est ce que je fais depuis trois ans.
30:58C'est vrai que j'attaque énormément plus.
31:00Quand je dis énormément, c'est pour vraiment dire que c'est incomparable.
31:07Mais j'ai quand même une ambition, c'est d'arriver au Sape de Lonne.
31:11Parce que l'arrivée est tellement dingue.
31:13Donc, il faudra gérer ça en fonction.
31:15Mais c'est vrai que ça n'a plus rien à voir.
31:17J'écoutais il n'y a pas longtemps un podcast d'Isabelle Autissier
31:21qui racontait son Vendée Globe en disant…
31:25Je ne sais plus trop les termes, mais elle dit ça y est,
31:28ça fait une semaine que je suis en mer, je commence à prendre mes marques,
31:31je vais pouvoir commencer à accélérer et tout.
31:34Ça me fait halluciner parce qu'aujourd'hui, ce n'est plus du tout ça.
31:38Je pense que tous les marins qui sont dans un projet de performance,
31:42ils partent pieds au plancher.
31:44On ne peut plus se permettre de partir tranquillement en disant
31:46« je vais mettre en chauffe gentiment parce que sinon on ne les voit plus ».
31:50C'est un autre monde et aujourd'hui, le Vendée Globe, c'est ça.
31:54Le degré de préparation n'est plus le même non plus.
31:56Je pense qu'Isabelle, quand elle parle de son Vendée,
31:59ce n'était pas le même niveau de préparation.
32:03Aujourd'hui, on a tous appris de nos pères.
32:06Même les équipes techniques sont beaucoup plus professionnalisées,
32:10il y a plus d'argent, on voit bien que les bateaux sont bien plus prêts.
32:15Moi, je me rappelle des Vendées des années 90
32:20où on entendait dans chaque bateau les meuleuses,
32:23on voyait même les skippers eux-mêmes.
32:25Je parlais de Thierry Dubois juste avant, je le revois, je ne sais pas si ce n'est pas en 93,
32:29en haut de son mât, une semaine avant le départ, en train de faire je ne sais pas quoi.
32:34Et puis, il y avait un bateau, deux bateaux, vraiment des grosses équipes qui étaient prêts.
32:38Aujourd'hui, on se promène sur le village du Vendée,
32:42on voit bien que tous les bateaux sont prêts.
32:45S'ils pouvaient être fermés et puis avec personne à bord, ce serait possible.
32:48Ce n'est pas le cas parce qu'il y a plein de choses à faire,
32:50mais les bateaux sont bien plus prêts qu'avant et du coup,
32:53je pense aussi que c'est ce qui fait qu'on peut attaquer plus
32:56et qu'il y ait plus de bateaux à l'arrivée aussi.
32:58Sportivement, quels sont tes objectifs
33:02et comment tu te situes par rapport à la flotte ?
33:05Quelle est ta vision de la flotte ?
33:07C'est hyper dur à dire parce que jusqu'à maintenant,
33:09j'ai quasiment fait dixième à toutes les courses.
33:12Mon bateau est de 2016, il a été refoilé par Boris en 2020,
33:16mais très clairement, il va moins vite que les bateaux neufs,
33:18il va moins vite que les bateaux de 2020 et que les bateaux de 2024.
33:21Eux, ils ont des foils un peu plus grands, plus performants,
33:25ils volent plus tôt, donc ils décollent plus vite que moi.
33:28Et donc là, ils accélèrent tout de suite.
33:30Dans le début du vol, c'est plus compliqué.
33:34Donc sur le papier, je suis 25e en fait,
33:37mais parce qu'il y a 14 bateaux neufs là,
33:40il y a plus de 10, 8 ou 10 bateaux neufs en 2020.
33:45Mais mon bateau, comme je disais tout à l'heure, il est très solide
33:50et je le connais bien, donc je pense que je peux attaquer
33:53peut-être que dans les moments un peu difficiles, c'est la théorie,
33:57mais peut-être que je serai plus à l'aise que quelqu'un
33:59qui a un bateau plus rapide, mais peut-être un peu plus volage,
34:02je ne sais pas.
34:03Donc je mise là-dessus.
34:04Donc c'est impossible de savoir ce que je vais faire,
34:06mais ce qui est sûr, c'est que je vais essayer pour le coup
34:09de faire vraiment une performance que j'avais moins l'ambition de faire
34:15mes deux Vendée précédentes.
34:17Alors donner un résultat, je n'en sais rien.
34:19Est-ce que pour la première fois,
34:22enfin, c'est un peu caricatural de dire ça comme ça,
34:25mais est-ce que là, plus que jamais,
34:29avec ces bateaux difficiles quand même à vivre,
34:33le marin et sa capacité d'endurance vont faire la diff ?
34:38Assurement.
34:39Est-ce qu'on est à l'aube de voir, enfin, peut-être un marin qui ralentit
34:47parce qu'il ne peut plus suivre la cadence, c'est jamais arrivé.
34:49Aujourd'hui, on est toujours à fond sur les bateaux
34:53à fond parce qu'on a cassé quelque chose,
34:55mais ce n'est jamais arrivé de se dire je ralentis
34:57parce que je n'en peux plus, ça n'arrive pas.
35:00Donc peut-être que ça va arriver là.
35:02Effectivement, ces bateaux sont dingues, les chocs sont incroyables.
35:05On a un casque sur la tête, on a des bouchons dans les oreilles
35:08parce que le bruit est insupportable.
35:10Il m'arrive de me claquer les dents si j'ai la bouche ouverte
35:12quand le bateau vient taper une vague.
35:14Dans certaines conditions, il faudrait presque mettre
35:17un protège-dents comme on a à la boxe.
35:20Ça fait que ça devient dingue.
35:22On est harnaché dans nos sièges.
35:24Au retour à la base, quand je m'ouvre la tête parce que je tombe,
35:27ça ne m'était pas arrivé avant.
35:30Ces bateaux, c'est hyper brutal.
35:34Par contre, c'est un peu plus court.
35:37C'est sûr que c'est une particularité.
35:40On sort moins.
35:42C'est un peu triste, je ne devrais pas dire ça,
35:44mais c'est vrai que les enfants à l'école me demandent
35:46est-ce que tu vois des baleines, est-ce que tu vois des animaux ?
35:48Malheureusement, je n'en vois plus beaucoup
35:50parce qu'aujourd'hui, on passe tellement de temps à l'intérieur.
35:52On navigue en soute.
35:55Ça, c'est un peu moins bien pour le rêve que j'avais
35:59quand j'étais jeune.
36:02Je fais de la voile parce que j'adore les bateaux
36:04et puis j'adore la mer.
36:06Aujourd'hui, on navigue plus en mode astronaute
36:09au fond du bateau qu'assis sur un winch dehors
36:13à contempler les vagues.
36:16Par contre, les bateaux sont dingues.
36:18C'est incroyable.
36:19Les foileurs, quand ils montent sur leurs foils,
36:21ça fait des sensations de dingue.
36:26Le plaisir a un peu changé.
36:29Ce n'est plus le même qu'avant.
36:31La poésie a disparu ?
36:34Je ne sais pas.
36:36Si oui, la poésie, c'est encore une fois
36:38de contempler la mer et le coucher de soleil.
36:41Il y en a moins qu'avant, c'est certain.
36:44C'est vrai que c'est plus sympa de regarder un marin
36:48qui s'y flotte à la barre
36:50qu'un mec casqué au fond de son bateau
36:52qui regarde la caméra avec les yeux exorbités
36:54en se disant « qu'est-ce qui va se passer
36:56quand le bateau va retomber ? »
36:59Mais par contre, ça pousse le curseur un peu plus
37:05et ces sensations de vol, encore une fois,
37:09elles sont folles.
37:11J'ai eu mon bateau.
37:13La première navigation qu'on a faite,
37:15il y avait cinq nœuds de vent.
37:17La deuxième, j'étais avec l'équipe de Boris
37:19qui me le mettait en main.
37:21C'est un bateau tellement compliqué
37:23qu'on ne peut pas donner le bateau comme ça
37:25en disant « tiens, voilà, il est là,
37:27dans le chantier, en piste détachée,
37:29remonte-le et va naviguer. »
37:31Il y a toute une passation qui est faite
37:33qui dure un mois et demi, deux mois.
37:35Et la deuxième navigation,
37:37on avait fait des images de dingue
37:39et dans cinq minutes, il est en l'air.
37:41Et là, honnêtement, je me suis dit
37:43« mais qu'est-ce que j'ai fait comme connard ?
37:45Pourquoi j'ai acheté ce bateau-là ?
37:47Tout seul là-dessus, j'y arriverai jamais. »
37:49Et puis, on a pris le bateau en main.
37:51J'étais avec Sam Marcé qui va faire le Vendée aussi.
37:53On a préparé la Jacques Vabre ensemble.
37:55Donc vraiment, la première année,
37:57on a découvert le bateau.
37:59Je me rappelle d'une nuit à l'Azimut
38:01où pareil, le bateau sautait sur les vagues
38:03dans le noir et dans le noir,
38:05on n'a vraiment plus de repère.
38:07Nous, on était dans le cockpit.
38:09Ça nous faisait vraiment des hauts de cœur
38:11un peu comme dans l'ascenseur.
38:13T'as l'impression d'avoir le cœur qui remonte.
38:15Pour le dire, un peu.
38:17On se disait « mais qu'est-ce que c'est que ce truc ? »
38:19Et puis finalement, on s'habitue.
38:21Et puis maintenant, quand il y a ces conditions-là,
38:23je vais dormir.
38:25Finalement, on s'habitue à tout.
38:27Mais je reste encore émerveillé
38:29quand je navigue
38:31avec mon Fortinet de baisse western
38:33de trouver ces sensations-là.
38:37Parle-nous un peu du parcours.
38:39Quels sont, pour toi,
38:41les secteurs clés
38:43où il ne faut pas se rater ?
38:45Où il ne faut pas rater
38:47le bon métro ?
38:51Je ne sais pas.
38:53C'est difficile à dire.
38:55Encore une fois, sur le Vendée,
38:57on ne sait rien.
38:59Toutes les courses,
39:01tu me demandes au départ de la route du Rhum.
39:03J'exagère, mais je vais quasiment te dire
39:05qu'on n'en est pas loin.
39:07Le Vendée, ça n'a rien à voir.
39:09Tu sais quand tu pars et encore.
39:11Tu ne sais pas où tu vas arriver,
39:13si tu vas arriver, quand.
39:15Tu ne sais rien, en fait.
39:17J'ai l'impression que les moments clés
39:19peuvent changer en fonction de la météo.
39:21En tout cas, il y a toujours
39:23des passages difficiles.
39:25Le premier, c'est le départ.
39:27Finalement, il y a beaucoup de casses.
39:29On me dit souvent que c'est incroyable.
39:31Les bateaux cassent quelques heures
39:33après le départ ou le lendemain.
39:35C'est parce qu'on a passé
39:37trois semaines au sable.
39:39On n'est pas très amariné.
39:41On a fait tout sauf naviguer.
39:43Ensuite, on part.
39:45Le bateau est chargé comme jamais.
39:47On a des sensations un peu particulières.
39:49On est au fond du golfe de Gascogne.
39:51Il faut en sortir face au vent
39:53avec pas d'échappatoire sur les côtés.
39:55Il faut aller vers une dépression.
39:57Tout ça fait que c'est difficile.
39:59Il y a des bateaux partout.
40:01Il y a une pression de dingue.
40:03Quand on descend le chenal,
40:05on a le cœur à 200.
40:07Tout ça fait que ça peut créer des problèmes.
40:09C'est là qu'on fait des bêtises.
40:11Souvent,
40:13le lendemain du départ,
40:15quand on arrive au Cap Finistère
40:17ou pas loin,
40:19on se dit que c'est fait.
40:21C'était un moment clé qui est bien passé.
40:23L'Atlantique, on le connaît
40:25plutôt bien à peu près tous.
40:27Il y a le poteau noir,
40:29il faut le gérer.
40:31On a tous l'habitude d'y passer.
40:33On sait que c'est compliqué.
40:35Ce n'est pas là
40:37où il se passe des catastrophes.
40:39Après, c'est l'entrée dans le Grand Sud.
40:41L'entrée dans le Grand Sud,
40:43quand on arrive devant le Brésil
40:45où avant était la fin de la Jaguar,
40:47au Vendée, ça n'a pas commencé.
40:49En tout cas, on a fait le facile.
40:51Après, le Grand Sud,
40:53ce n'est pas simple.
40:55C'est l'aventure
40:57qui démarre,
40:59les grosses dépressions, les vagues énormes.
41:01Là, il faut aller jusqu'au Cap Horn.
41:03Tout ce passage-là, il est chaud.
41:05Pourquoi c'est si chaud,
41:07le Grand Sud ?
41:09Parce que tout est démesuré.
41:11Il fait froid, on manœuvre mal,
41:13on est engoncés dans des cirées.
41:15On a cette appréhension
41:17dont on parlait avant,
41:19il ne faut pas qu'il m'arrive quelque chose
41:21qu'on ne viendra pas me chercher tout de suite.
41:23Puis, parce que tout est énorme,
41:25grosse, puissante,
41:27le vent est froid et lourd,
41:29les vagues sont géantes,
41:31tout est difficile.
41:39Il faut quand même continuer à aller vite.
41:41Nos foilers,
41:43aujourd'hui, sont vraiment
41:45dans les meilleures conditions
41:47pour aller vite. C'est la mer plate
41:49et du vent. Là, c'est tout l'inverse.
41:51Il faut réussir à trouver la bonne trajectoire,
41:53ni trop, ni pas assez.
41:55Quand on va trop vite,
41:57on est hors de contrôle.
41:59Quand on ne va pas assez vite,
42:01on se fait rattraper par les vagues.
42:03Il faut toujours trouver la bonne vitesse.
42:05C'est vrai que ce passager est difficile.
42:07Quand on arrive au cap Horn,
42:09même si on en parlait tout à l'heure,
42:11on sait qu'on a réussi à passer
42:13le Grand Sud.
42:15C'est presque un moment
42:17de délivrance.
42:19Quand on rentre à Bonne Espérance,
42:21la seule sortie possible,
42:23c'est le cap Horn. Si on sort avant, c'est qu'il y a un problème.
42:25On sait que c'est un mois, un mois et demi
42:27difficile, où il fait froid.
42:29On vit dans le bateau qui est humide.
42:33On a froid.
42:35Il y a des fois, il neige.
42:39Justement, sur cet aspect-là,
42:43l'aspect optimisation des foilers,
42:45ce qu'on n'a pas vu il y a 4 ans
42:47parce que la météo était assez particulière.
42:49Là, c'est peut-être la fois
42:51où on va le voir. On l'a vu un peu sur l'Ocean Race,
42:53mais c'était de l'équipage.
42:55Qu'est-ce que tu attends, toi,
42:57de cette édition
42:59avec autant de foilers
43:01aussi performants ?
43:03À quoi ça va ressembler, finalement,
43:05le Grand Sud, avec 10 mecs
43:07qui se battent pour la gang
43:09comme une solitaire du Figaro ? Sauf que là,
43:11la vague fait 12 mètres et
43:13le point de sortie, c'est effectivement le cap Horn
43:15dans un mois.
43:17Je ne sais pas. Je sais que les conditions
43:19les plus difficiles pour les foilers,
43:21c'est la mer forte et courte.
43:23Quand je me suis blessé
43:25au retour à la base, c'est exactement ce qu'il y avait.
43:27Des grandes vagues où le bateau part
43:29à 30 nœuds dans la vague,
43:31mais où la vague d'en face est très proche,
43:33il vient taper dans la vague d'en face.
43:35On fait 30 nœuds, 10 nœuds,
43:37deux fois par minute.
43:39C'est vraiment difficile à tenir. Là, les foilers,
43:41ce n'est pas simple.
43:43Dans le Grand Sud, où c'est encore plus grand,
43:45qu'est-ce que ça va donner ?
43:47Je ne sais pas trop.
43:49On a vu au dernier Vendée
43:51que c'était Yannick qui a gagné avec des petits foils.
43:53Après, c'était une édition
43:55très particulière où ça revenait toujours par derrière,
43:57donc il ne faut pas prendre ça pour argent comptant.
43:59On a
44:01toujours vu, depuis que le Vendée
44:03existe, que plus tu allais vite,
44:05plus tu partais devant. Et plus ça partait devant,
44:07plus l'équerre se creusait. Normalement,
44:09c'est comme ça.
44:11Ça peut être encore une édition particulière,
44:13mais si c'est comme d'habitude, il faut
44:15surtout aller vite dans la descente
44:17de l'Atlantique, dans des conditions que l'on connaît,
44:19où les foilers vont vite.
44:21Ensuite, le premier qui arrive dans le Sud, il prend un train et il part avec.
44:23Après, il faudra gérer.
44:25C'est vrai que sur Ocean Race, on a vu
44:27toutes sortes de
44:29façons de naviguer qui ne sont pas
44:31académiques, avec les deux foils sortis.
44:33Mais oui, il faut trouver
44:35des modes
44:374x4 pour passer
44:39cette partie-là.
44:41Encore une fois, je pense que
44:43plus un bateau va vite, plus
44:45il est à l'aise.
44:47Je pense qu'il vaut mieux avoir un bateau qui va très vite
44:49et du coup naviguer à 80%
44:51des possibilités du bateau
44:53qu'avoir un bateau qui va moins vite et du coup
44:55être obligé d'être à fond. Après,
44:57je dis ça, mais nos foilers ont quand même une particularité,
44:59c'est que
45:01soit on est à 100%,
45:03soit on est à 60%,
45:05mais c'est hyper difficile de trouver un intermédiaire.
45:07Soit ça va vite à fond,
45:09soit on veut ralentir et dans ce cas, on n'a plus
45:11assez de puissance et là, pour le coup, il n'avance plus.
45:13Et ça, ce n'est pas évident
45:15à gérer.
45:17Et ça sera humainement difficile à vivre, j'imagine.
45:19Ça va être humainement
45:21très difficile à vivre. Je pense qu'on va
45:23voir
45:27des gars qui... Je pense qu'on va tous
45:29se morfler quand même parce que
45:31ça n'a plus rien à voir.
45:33Quand on voit dans quel état
45:35on arrive, je le rappelle avec les Oath Keepers
45:37à la base, quand on discutait sur le ponton
45:39en disant qu'on a quand même bien chié,
45:41alors que ça a duré dix jours. C'était dix jours
45:43intenses, mais ça a duré que
45:45dix jours. On se disait, mais qu'est-ce qu'on va faire
45:47au Vendée ? D'ailleurs, on a tous cet
45:49hiver raconté
45:51qu'on optimisait un peu les intérieurs des bateaux,
45:53la sécurité à bord, parce qu'on s'est
45:55dit, mais là,
45:57trois mois comme ça, pour le coup,
45:59ça ne va pas le faire.
46:01Je pense que
46:03ça va être
46:05une boucherie, une poissonnerie.
46:07Effectivement, tu l'as dit sur la
46:09dureté. Moi, j'ai des images
46:11en tête de toi
46:13en haut de la Vendée Arctique quand la course
46:15est neutralisée. Tu es en larmes quand même.
46:17C'est vrai.
46:19Oui, à ce moment-là, c'était
46:21dur. Des fois, on est...
46:23Cette course avait été
46:25vraiment dure. Elle avait été dure physiquement,
46:27elle avait été dure aussi moralement, parce que
46:29je crois que je prends le départ en tête au
46:31Sable d'Olonne. On traverse une dorsale,
46:33je ne sais pas comment,
46:35des gars qui sont passés avec des bateaux
46:37à dérive dans un endroit où
46:39tous nos routeurs, avant le départ, parce que
46:41on parle avec des routeurs
46:43jusqu'au moment du départ,
46:45où après, c'est interdit,
46:47nous avaient dit surtout qu'elle n'était pas là. Les mecs
46:49passent là, ils nous collent quatre jours, ils font tout
46:51en crocs, alors nous...
46:53Ils arrivent comme ça devant nous,
46:55on me dit, qu'est-ce que vous avez foutu ? Vous avez vu, vous vous êtes fait battre
46:57par des bateaux à dérive. Tout était horrible.
46:59Moi, j'arrive là, je me dis que ce n'est pas possible.
47:01En plus, on ne fait finalement plus le tour,
47:03on ne peut plus s'arrêter. Là, ça avait été
47:05un moment difficile et je m'étais dit,
47:07si le Vendée, c'est ça,
47:09ça ne va pas être simple.
47:11Ce moment-là n'était pas facile
47:13et le retour à la base où je me blesse aussi,
47:15je me dis,
47:17il ne peut pas se passer ça au Vendée,
47:19parce que là, je me suis ouvert la tête
47:21le veille d'arriver,
47:23j'ai mis du sopalin,
47:25un bonnet, j'ai fait mes manœuvres,
47:27et le soir même,
47:29après j'étais à l'hôpital,
47:31si ça m'arrive dans le Grand Sud,
47:33avec mon agrafeuse, ça ne va pas être la même limonade.
47:39Je pense qu'on a tous un peu
47:41plus d'appréhension
47:43pour se Vendée que les précédents
47:45sur cette partie physique.
47:47Je parlais tout à l'heure en disant que ce n'est pas aussi dur
47:49physiquement que ce que fait Mike Horn, c'est plus dans la tête,
47:51mais là, il y a quand même une...
47:55Ce n'est pas tant l'effort physique qui est difficile,
47:57c'est le tenir.
47:59C'est ça qui est dur.
48:01La preuve, c'est qu'il y a plein de femmes
48:03qui naviguent très bien, alors qu'elles n'ont pas
48:05la même force physique que nous,
48:07mais par contre, on se rend compte
48:09qu'il ne suffit pas d'être juste costaud,
48:11il faut être endurant.
48:13Il y a une part aussi,
48:15qui a évidemment toujours existé,
48:17dans la voile, c'est un sport mécanique,
48:19il y a des bombes qui passent d'un côté à l'autre très vite,
48:21donc il y a une part d'accidentologie
48:23routière presque,
48:25qui arrive là,
48:27dans les Imokas,
48:29il y a des côtes cassées, des poignets abîmés,
48:31il y a des traumas crâniens,
48:33c'est un truc
48:35qui n'existait pas trop jusqu'alors.
48:37Oui, encore une fois,
48:39avec les chocs,
48:41les chocs sont hyper brutaux,
48:43quand on tape quelque chose,
48:45que ce soit un animal
48:47ou un objet flottant,
48:49comme un conteneur,
48:51avant, quand on tapait un truc à 10 nœuds,
48:53ça faisait un sacré choc,
48:55puis ça abîmait le bateau,
48:57aujourd'hui, quand c'est 30 nœuds,
48:59on va le dingue dedans,
49:01c'est une catastrophe.
49:03Moi, je suis assis sur mon siège,
49:05je me dis, si je tape un truc dur,
49:07je traverse le bateau.
49:09Quand le bateau surfe,
49:11quand il retape,
49:13finalement, un foiler, c'est super parce que ça vole,
49:15c'est un peu au-dessus des vagues,
49:17mais quand ça retombe,
49:19ça retombe hyper vite,
49:21j'ai l'habitude de mettre des plans porteurs
49:23sur les safrans, en disant,
49:25les bateaux seront plus stables,
49:27ils seront plus au-dessus de l'eau,
49:29ils seront plus stables quand ils volent,
49:31mais quand ils retombent,
49:33je préfère retomber à 30 nœuds qu'à 40,
49:35et c'est là qu'on se fait mal.
49:37Il y a des accidents
49:39qui ressemblent peut-être aux accidents de voiture,
49:41parce que dans une voiture,
49:43on est assis sur un siège avec une ceinture,
49:45il y a des airbags partout,
49:47on est debout,
49:49soit tapé sur un clavier d'ordinateur,
49:51soit manœuvré avec des cordages dans le cockpit,
49:53soit en train de faire la cuisine,
49:55et là, on se prend un mur,
49:57on peut vraiment se faire mal des fois.
49:59Je me dis,
50:01si je tape là, à ce moment-là,
50:03ça va faire mal.
50:05Romain,
50:07qu'est-ce qu'on peut te souhaiter ?
50:11D'arriver au Stade de l'Aude, déjà,
50:13c'est sûr, arriver bien
50:15et avec une belle place,
50:17c'est ce que j'essaie de faire,
50:19mais déjà, arriver au Sable,
50:21ce sera déjà une victoire,
50:23à chaque fois,
50:25terminer cette course,
50:27c'est incroyable.
50:29Moi, j'aime...
50:31Je n'oublierai jamais
50:33les deux fois où j'ai coupé la ligne d'arrivée,
50:35cette sensation qu'on a de délivrance,
50:37elle est folle,
50:39parce qu'on passe quand même
50:41trois mois à se demander à quel moment...
50:43Ce qui est dur, finalement, sur le Vendée,
50:45j'ai parlé avec Thomas Pesquet qui racontait ça,
50:47il disait, moi, mon job, c'est de m'asseoir
50:49sur un truc qui peut te péter la gueule à tout moment
50:51et de rester zen.
50:53Nous, ça n'explosera pas,
50:55mais on passe trois mois
50:57à se demander à quel moment
50:59il va y avoir un truc qui fait
51:01qu'on doit abandonner.
51:03Donc, on a cette tension-là toute la course,
51:05de se dire, ce n'est pas possible,
51:07je ne vais pas réussir à finir.
51:09Donc, quand on passe la ligne d'arrivée,
51:11à chaque fois, j'ai eu cette sensation de délivrance
51:13que ça y est, j'ai réussi,
51:15il ne peut plus rien m'arriver maintenant.
51:17Et ça, c'était mon premier Vendée.
51:19Tout s'enchaîne très vite,
51:21tu passes la ligne d'arrivée,
51:23c'est la dernière nuit,
51:25on change un peu le matin,
51:27on rentre dans le golfe de Gascogne,
51:29on a les premiers pêcheurs
51:31qui sont souvent un peu inquiétants
51:33quand on navigue, parce qu'ils pêchent,
51:35ils sont un peu dans tous les sens.
51:37Là, pour le coup, j'étais super content de les retrouver.
51:39Et puis, le jour se lève, on arrive,
51:41on voit sur la carte, c'est 50 000,
51:4330 000, 20 000, et puis tout d'un coup,
51:45il y a un premier bateau qui arrive,
51:47puis 5 minutes après, il y a 50 bateaux,
51:49puis 5 minutes après, on voit les immeubles des Sables d'Olonne,
51:51puis 5 minutes après, on va à la ligne d'arrivée,
51:53puis voilà, on rentre dans le chenal.
51:55Tout le monde monte à bord, on monte le chenal,
51:57on arrive au ponton, on voit tout le monde,
51:59on monte sur le podium, après on a ce fameux déjeuner
52:01incroyable où on mange enfin
52:03ce qu'on n'a pas pu manger pendant 3 mois.
52:05Il y a la conférence de presse,
52:07bref, il y a la soirée, tout passe hyper vite.
52:09Je me rappelle mon premier Vendée
52:11d'être dans mon lit en me disant
52:13ça y est, c'est fini. Un peu comme quand on était gosses,
52:15c'est qu'à Noël, une fois qu'on avait ouvert
52:17les cadeaux, on disait maintenant,
52:19il faut attendre un an.
52:21Le meilleur moment quand on est gamin,
52:23c'est quand on voit le sapin de Noël avec tous les cadeaux autour.
52:25Là, c'était exactement pareil.
52:27Le meilleur moment, c'est finalement quand on voit la ligne d'arrivée
52:29puis qu'on la coupe. Après, ça va trop vite.
52:31Et le lendemain matin,
52:33j'étais dans mon petit appart
52:35que j'avais loué pour l'arrivée,
52:37je suis allé à la boulangerie
52:39j'avais envie de manger des bons croissants.
52:41Je descends, puis je me retrouve
52:43le dimanche matin à la boulangerie au Sape de Lonne
52:45le lendemain de mon arrivée
52:47avec plein de gens. Je fais la queue
52:49bêtement. Les gens commencent à me voir,
52:51on commence à discuter.
52:53Un monsieur me dit
52:55on n'allait pas faire la queue, allez-y, passez devant.
52:57Je dis non,
52:59il n'y a pas de problème, je suis content,
53:01ça sent le pain, j'ai tout mon temps.
53:03Je ne suis plus pressé.
53:05J'avais cette sensation de me dire
53:07c'est bon,
53:09il ne peut plus rien m'arriver maintenant.
53:11Cette décharge d'adrénaline dont tu parles
53:13à l'arrivée,
53:15quand on a enfin
53:17terminé, c'est un truc
53:19addictif quand même parce que
53:21on a l'impression
53:23qu'on a tout de suite envie de recommencer.
53:25Oui, c'est sûr, c'est curieux.
53:27Je ne sais pas trop l'expliquer. On passe trois mois
53:29à se demander ce qu'on fout là
53:31et à se dire qu'on ne reviendra jamais parce que c'est trop dur.
53:33Et puis, encore une fois, à peine la ligne
53:35d'arrivée franchie, on se dit c'est quand la prochaine ?
53:37Je ne sais pas trop l'expliquer. On me demande
53:39souvent pourquoi je veux refaire le Vendée.
53:41Au début, je disais
53:43c'est pour
53:45le dépassement de soi.
53:47Peut-être, le dépassement de soi,
53:49c'est gentil, mais c'est quand même dur.
53:51Après, je disais
53:53c'est pour retrouver les mers du Sud.
53:55Franchement, les mers du Sud,
53:57c'est sûr, c'est chouette, mais une fois qu'on est rentrés,
53:59on n'a qu'une envie, c'est de se barrer.
54:01Je ne trouvais pas trop la réponse.
54:03Sur mon dernier Vendée, ça m'a
54:05interpellé. Un moment, je me suis dit
54:07c'est parce qu'on est tellement à fond
54:09pendant la course
54:11sur le bateau.
54:13C'est comme si tu montais
54:15dans la voiture et que tu allumes tout.
54:17Les essuie-glaces, les clignotants, tu mets tout en route.
54:19Je trouve que quand on est en mer comme ça,
54:21on est comme ça, on est tout en route.
54:23Une fois qu'on arrive, on est content d'arriver
54:25parce que c'est quand même difficile, on ne dort pas.
54:27On est quand même épuisé.
54:29Mais au bout d'un moment,
54:31on se dit que ça se retrouverait
54:33bien cette sensation
54:35d'être à 100%.
54:37Je trouve qu'en fait,
54:39pendant le Vendée Globe, on se sent vivant.
54:41Et à mon avis, c'est ça qu'on va rechercher
54:43à chaque fois.
54:45Super, merci beaucoup.

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