• il y a 2 mois
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Dans son émission média, Thomas Isle et sa bande reçoivent chaque jour un invité. Aujourd'hui, Guillaume Durand, journaliste, pour son livre "Bande à part" aux éditions Plon.

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Transcription
00:00Thomas Hill.
00:02Merci beaucoup d'être avec nous pour la suite de Culture Média.
00:04Dans un instant le comédien Alban Ivanov sera avec nous,
00:08mais on a le bonheur d'être encore quelques minutes avec Guillaume Durand
00:10qui vient nous présenter son livre
00:12bande à part portrait, on l'a vu,
00:14de personnalité poétique, mais aussi
00:16de quelques grands noms du monde culturel
00:18comme François Sagan,
00:20Julien Clerc, Francis Ford Coppola
00:22ou François Zardy. Et alors il y en a un qui pour vous
00:24n'a absolument aucun équivalent
00:26en France. Vous ne dites ni
00:28Delon, ni Belmondo ou Deneuve
00:30n'ont provoqué de tels attroupements.
00:32C'est Johnny, avec qui vous aviez un lien
00:34très particulier.
00:36J'ai pu revoir notamment une longue interview
00:38que vous avez faite avec lui qui a duré
00:4040 minutes pour LCI. Vous étiez là
00:42sans notes autour d'un piano à discuter
00:44avec lui et on sent que vous aviez une vraie
00:46proximité, une vraie
00:48complicité même tous les deux on peut le dire.
00:50Oui, ça a duré
00:52une partie de sa vie
00:54parce qu'après il est parti aux Etats-Unis donc
00:56vivre, vous le savez,
00:58à Los Angeles et puis
01:00dans les îles
01:02avec son épouse. Mais il y a une dizaine
01:04d'années où on s'est beaucoup vus, où il vit la molitor
01:06de trouver de la Seine, de l'endroit où nous sommes.
01:08Le matin on discutait
01:10on faisait un peu des choses invraisemblables
01:12pour l'époque comme prendre
01:14les voitures de sport et remonter les avenues à
01:16contresens. Donc c'est quand même un programme le matin
01:18que je ne conseille à personne, surtout dans
01:20le contexte actuel.
01:22C'était un garçon très intelligent
01:24qui
01:26avait un rapport avec le
01:28public
01:30La chose qui m'a marqué c'est son
01:32enterrement. Je suis sorti de chez moi, il faisait
01:34très froid, je
01:36remonte vers l'étoile,
01:38j'habite dans une rue pas très loin,
01:40je débarque sur les Champs-Elysées,
01:42on se gèle, je descends à pied vers la Madeleine,
01:44je pensais vraiment à lui, j'avais vraiment
01:46envie de... Oui j'avais quelques larmes
01:48aux yeux et là je découvre
01:50mille personnes, deux mille personnes,
01:52et puis j'arrive au
01:54milieu dans les brasseries
01:56et...
01:58Des milliers
02:00de personnes. Je sortais de
02:02ma salle de bain en gros et je me suis dit
02:04mais c'est pas possible. Donc en fait ce que j'ai vécu comme
02:06amitié avec lui, les gens ont ressenti
02:08ça profondément
02:10alors qu'à l'étranger, à Las Vegas,
02:12vous parliez de ça tout à l'heure, il était quasiment
02:14inconnu, il a eu
02:16beaucoup de mal, il en souffrait.
02:18Il ne t'avait pas réussi là-bas ?
02:20Mais...
02:22Pour terminer là-dessus,
02:24arriver au pied de la Madeleine
02:26et voir que depuis Victor Hugo
02:28il n'y a jamais eu autant de monde dans la rue en France,
02:30c'était quand même quelque chose de très impressionnant
02:32et qui disait énormément de choses sur la société
02:34française parce qu'il y a quand même, dans la
02:36presse, beaucoup de gens qui considéraient
02:38que Johnny était quand même le type qui avait prostitué
02:40le rock'n'roll en France, en se transformant
02:42en variété. Et d'ailleurs il est mort
02:44avec des orchestres de rock
02:46derrière lui, notamment l'orchestre de
02:48Les Cartenais, à un moment
02:50pour justement dire le contraire et faire
02:52le contraire sur scène. Et un public qui contrastait
02:54beaucoup aussi entre ce qu'il y avait
02:56à l'extérieur et à l'intérieur de la Madeleine
02:58où là c'était vraiment toute
03:00l'élite française qui était rassemblée. Oui,
03:02et puis ils commençaient
03:04à... on avait le sentiment
03:06qu'ils commençaient à démarrer les règlements de compte
03:08dans la famille, c'est très
03:10compliqué, il faisait très froid
03:12aussi à l'intérieur, mais
03:14ça a été une matinée bruyissante
03:17et le type
03:19en lui-même était
03:21assez mystérieux aussi.
03:23Et alors vous nous offrez
03:25dans votre livre une anecdote que j'ai adorée, vous êtes
03:27à New York, vous proposez à Johnny de vous
03:29retrouver à 20h pour dîner.
03:31J'étais crevé évidemment avec le décalage horaire.
03:33Et donc vous l'appelez à 20h, on va dîner
03:35et là qu'est-ce qu'il vous répond ?
03:37Il me dit
03:39si tu veux dîner à 20h
03:41appelle Sardou, et hop il raccroche.
03:43C'est génial ça.
03:45Il finit par se pointer à 22h quand même ?
03:47Oui, alors c'était dans un restaurant qui s'appelait
03:49Indochine, c'est un restaurant qui existe encore
03:51à New York, c'est un restaurant extrêmement chic, extrêmement
03:53branché, genre un peu Christopher
03:55Walken des années 80, les types tous
03:57en Yamamoto noir, et lui
03:59il était entièrement habillé en crocodile dundee.
04:01Il arrive dans le restaurant, mes
04:03enfants, parce que j'étais avec mes deux enfants,
04:05avaient déjà avalé
04:073 kilos de nem, et
04:09il était avec son préparateur physique
04:11qui s'y aimait même moins et bonne, il avait une espèce de
04:13gilet sans manche que l'on passait pour
04:15des dingos complets,
04:17et lui il vivait sur un bateau
04:19en dessous les Twin Towers, seul !
04:21Ah oui, il s'était réfugié seul.
04:23Donc c'est...
04:25Il y a quelque chose de poignant, je fais l'idée.
04:27Pendant des mois, enfin des semaines,
04:29il est resté seul dans un bateau
04:31avec des problèmes d'argent
04:33aux pieds des Twin Towers
04:35sans savoir exactement quel serait son destin
04:37avant de revenir massivement
04:39grâce à Camus et
04:41à son épouse qui a beaucoup aidé, etc.
04:43Problème d'argent, ça vous l'avez vu au moment de l'addition
04:45notamment ? Oui, mais ça c'est des trucs
04:47comiques parce qu'on était un peu comme ça,
04:49c'est vrai qu'il lui commandait des bouteilles
04:51de vin invraisemblables,
04:53et quand le serveur arrivait,
04:55je me souviens à toute ma vie,
04:57mes enfants voulaient se coucher,
04:59ils n'en pouvaient plus après les nems,
05:01et il disait,
05:03je ne sais pas ce que c'était, j'ai oublié,
05:05un château margaux,
05:07et il regardait le type et il disait
05:09« This wine is bouchonné »
05:13« This wine is bouchonné »
05:154 fois « This wine is bouchonné » du château margaux,
05:17les additions chez Indochine,
05:19c'était 1000, 2000, 3000,
05:214000, 5000 dollars. Evidemment,
05:23à bout de tout ça, il lui a fait une générosité
05:25exceptionnelle, on prend sa carte de crédit,
05:27elle ne marche pas,
05:29après il dit, tu ne peux même pas souhaiter la carte,
05:31je prends ma carte, elle ne marche pas,
05:33et donc c'est quelqu'un qui est passé
05:35par hasard, je ne vais pas donner son nom,
05:37qui a donné sa carte de crédit pour nous sauver,
05:39pour qu'on évite de finir dans un commissariat
05:41à Manhattan,
05:43qui a fini par régler l'addition,
05:45mais c'était un personnage juste, qui a retourné seul sur son bateau.
05:49Il était très émouvant,
05:51et en même temps, il avait ce côté roi-lire,
05:53c'est-à-dire que c'était un personnage de pouvoir,
05:55il a eu des entourages différents,
05:57il s'est fâché avec des gens,
05:59il s'est réconcilié avec des gens,
06:01il fallait l'accepter,
06:03il fallait l'accepter.
06:05C'est aussi un très beau portrait
06:07de celui qui semble dépasser tous les autres
06:09dans votre panthéon musical.
06:23David Bowie, pour lui, vous avez un grand regret,
06:25c'est que vous vous êtes trouvé très mauvais
06:27lorsqu'il est venu faire votre émission sur France 2, Trafic,
06:29vous n'étiez pas dans un bon jour.
06:31Non, j'avais des problèmes personnels terribles,
06:33et puis il arrive,
06:35magnifique,
06:37et moi, j'avais le coeur
06:39qu'il battait à 160,
06:41je sortais d'une clinique, enfin vraiment,
06:43un truc invraisemblable, les producteurs me poussent,
06:45je rentre dans le studio,
06:47et donc on converse, je suis très mauvais,
06:49mais en fait, dans le très mauvais, il restait
06:51d'abord lui, live,
06:53mais surtout ce qui était le destin de cette émission,
06:55et le destin de cette rencontre,
06:57moi qui adorais cette génération,
06:59il faut savoir que ce sont quand même des gars du East End de Londres,
07:01comme Chaplin,
07:03les Bowie, comme McCartney,
07:05ce sont des prolos,
07:07ces types qui ont maintenant, qui donnent l'image
07:09de l'aristocratie mondiale du rock,
07:11c'était vraiment des enfants de prolos,
07:13prolos, prolos, pas du tout
07:15des gens,
07:17même de la Middle-East, ce qui n'est pas le cas des Stones,
07:19par exemple, Jagger, il a fait
07:21la London School of Economics, bref,
07:23le lendemain, il fait
07:25deux concerts en Allemagne,
07:27et puis il disparaît. Dix ans.
07:29Seul
07:31Jérôme Soligny de Organ Folk
07:33a continué à converser avec lui,
07:35visiblement, il a fait un malaise
07:37sur un de ses concerts en Allemagne,
07:39il devait aller au Vieilles Charrues, on a cru
07:41que c'était une affaire de
07:43tandinite, et en fait ça s'est révélé
07:45une affaire cardiaque, puis derrière
07:47l'affaire cardiaque, il y a eu une affaire de cancer,
07:49donc on ne l'a plus jamais vu,
07:51mais de la conversation, j'ai retenu
07:53cette phrase,
07:55qui évidemment
07:57me touchait beaucoup au moment des
07:59attentats de 2001, parce qu'il faut
08:01mélanger tout ça,
08:03au moment des attentats
08:05de 2001 à New York, où il disait
08:07il ne faut pas être trop existentialiste,
08:09c'est-à-dire que quand le drame est là,
08:11il le vivait, et c'était un drame
08:13aussi pour le pays où il vivait,
08:15il a toujours essayé justement
08:17d'apporter une certaine forme de créativité
08:19dans cette musique,
08:21et une certaine forme de dignité,
08:23c'est aussi pour ça qu'on a choisi dans ma génération
08:25plutôt de se tourner vers l'Angleterre
08:27que vers Édith Piaf, dont on parlait
08:29tout à l'heure, parce que eux, c'était
08:31quand même les enfants de la bataille
08:33d'Angleterre, et donc on n'avait rien à leur reprocher,
08:35et ça m'a beaucoup
08:37touché. Guillaume Durand,
08:39absolument passionnant, moi je pourrais passer
08:41des heures à vous écouter, Guillaume,
08:43et je vous recommande vraiment
08:45de lire ce livre, bande à part,
08:47parce qu'il y a beaucoup de portraits passionnants,
08:49de Claude Lévi-Strauss,
08:51on l'a dit, de David Bowie, de Francis Ford Coppola,
08:53de Julien Thériault,
08:55ils sont tous rassemblés dans ce livre, et puis c'est aussi
08:57entre les lignes, votre portrait
08:59qui se dessine, Guillaume Durand,
09:01celui d'une personne qui continue
09:03à s'interroger sur qui il est,
09:05et j'ai trouvé ça aussi très touchant.
09:07Merci beaucoup d'être venu ce matin au micro d'Europe 1.

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