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00:00Bonjour Thierry Ardisson.
00:01Bonjour.
00:02Vous êtes une figure emblématique de la télé avec des émissions devenues
00:04cultes. J'ai en cité quelques-unes, Bains de minuit, Lunettes noires pour
00:07une nuit blanche, Paris dernière, tout le monde en parle ou Salut les
00:10terriens. Le point de départ, celui qui vous a donné envie d'entrer dans
00:13le petit, puis le grand écran, c'est la pub.
00:16Vous avez commencé votre carrière en tant que concepteur, rédacteur,
00:18copywriter, parce que ça faisait bien aussi.
00:21Vous avez inventé rapidement les fameux 8 secondes, les fameuses 8
00:24secondes spot qui ont permis à des annonceurs qui n'avaient pas forcément
00:27les moyens, justement, d'accéder aux médias télé.
00:30À 16 ans, déjà, vous inventiez des slogans pour une marque de chaussettes.
00:34Bon, ça n'a pas super bien fonctionné, mais en tout cas, vous vous êtes fait
00:36repérer. Ensuite, vous allez en signer qui sont restés en mémoire.
00:39Je pense à la paire, il n'y en a pas deux.
00:41Je pense à Ovomaltine, c'est de la dynamite, il faut le dire avec l'accent,
00:44c'est mieux. Chaussée aux moines, amène, il faut bien s'arrêter sur le
00:47amène. Quand c'est trop, c'est trop pico.
00:49Bref, c'est aussi par votre agence business qui vendait des idées autour
00:53du multimédia que vous avez commencé les interviews avec, à vos côtés,
00:57Daniel Filippaki, qui a cru en vous, Hervé Bourges aussi, c'est important de le
01:00préciser. Et au fil du temps, vos costumes noirs, vos ouais se sont imposés.
01:03Ça fait six décennies que ça dure, avec à la clé une impertinence et de la
01:07provocation aussi. Thierry Radisson, vous publiez aux éditions du Rocher le
01:11livre L'Âge d'or de la pub.
01:13Il y a donc eu un âge d'or dans la pub.
01:15Ah oui, oui, j'ai eu la chance.
01:18J'ai connu l'âge d'or de la pub et après l'âge d'or de la télé.
01:20C'est pas mal. Je pense qu'à l'époque, la publicité s'intéressait aux gens,
01:24on avait envie de les séduire, de les faire rire, de les émouvoir.
01:27Et les gens, en échange de quoi ?
01:29Voyez bien que la pub se donnait du mal.
01:32Aujourd'hui, on ne va pas commencer dans cette émue avant, rassurez-vous, mais
01:35c'est vrai qu'aujourd'hui, les pubs, elles assènent des arguments.
01:40Elles n'essayent pas de vous, il y en a qui le font, mais elles n'essayent pas de
01:43vous prendre par les sentiments. Et c'était une époque bénie.
01:46On gagnait des fortunes, on était des stars.
01:48Vous étiez concepteur, rédacteur dans la pub.
01:51C'était formidable.
01:52Le point de départ, c'est, comme vous avez 17 ans, c'est la musique.
01:57Vous étiez DJ. Et quelque part, la pub, vous le dites, ça a été ma plus grande
02:00école, ma seule université.
02:02Finalement, il y a toujours cette rythmique, finalement, ces phrases
02:06impactantes.
02:07C'est la concision. C'est-à-dire que moi, je suis arrivé à Paris, je ne savais
02:10rien faire. J'avais 19 ans, je ne connaissais personne.
02:14J'ai qu'une chose que je savais, c'est que je voulais être riche et célèbre.
02:17Et c'est une époque, oui, bénie.
02:19On le voit dans le livre, d'ailleurs, qui est plutôt bien réalisé, le livre
02:23du Rocher. On a fait un documentaire d'abord avec Philippe Tuilier.
02:28Et puis, le Rocher m'a proposé d'en faire un livre.
02:29Alors, le livre, c'est comment nous, les publicitaires,
02:34on vous arnaquait, en gros. C'est comment on vous faisait croire ce qu'on
02:37voulait. Et donc, c'est assez honnête.
02:40Donc, on explique. Alors, on peut vous avoir avec des slogans,
02:44la musique. On peut vous avoir avec le sexapil.
02:47On peut vous avoir avec les petits personnages comme Maminova et tout ça.
02:50Tout est expliqué.
02:51C'est ce qu'on appelle les mascottes, d'ailleurs.
02:52Les mascottes. Donc, ce que je veux dire, c'est qu'en fait, pour le public qui ne
02:56connaît pas la publicité, c'est une façon de comprendre
03:00comment ça fonctionne, en fait. Comment on baratine les gens, quoi.
03:04Votre maman était mère au foyer. Votre père travaillait dans le bâtiment.
03:07Qu'est-ce qui fait que Thierry Ardisson, le jeune Thierry Ardisson, ait envie
03:09d'emprunter une toute autre voie et de se tourner vers l'artistique ?
03:14Déjà, je pense que mon père aurait aimé faire de l'artistique.
03:18Ou de l'info. Il m'a donné tout ça.
03:20Mais lui, la vie, malheureusement, l'a obligé à travailler dans les traits
03:25au public et à faire une autre.
03:27Ou il a bien réussi, d'ailleurs, mais ce n'était pas ce qu'il voulait faire.
03:29Bon, donc, je vis un peu sa vie par procuration.
03:34En fait, j'étais très malheureux quand j'étais petit parce que chez moi, il y avait
03:36ma grand-mère qui habitait avec nous.
03:38C'était des scènes de ménage avec ma mère, sa belle-fille, quoi.
03:41Tous les jours. Et donc, moi, je me réfugiais dans un petit bureau.
03:46Puis, j'écrivais mon premier livre à l'âge de 12 ans.
03:49Donc, c'est des cahiers collés les uns sur les autres et je cherchais à m'échapper
03:53par la création. Voilà le seul moment où je m'échappais de ce monde qui ne me
03:57plaisait pas du tout. Puis, je ne comprenais pas pourquoi on n'avait pas plus
03:59d'argent. Et en fait, je m'échappais par la création.
04:04Le soir, pendant qu'ils écoutaient la radio, parce qu'il n'y avait pas encore la
04:07télé. Et c'est là où je me retrouvais, j'allais écrire mon univers.
04:12J'avais une boîte en bois parce qu'on déménageait beaucoup avec tous mes
04:15souvenirs dedans. Et j'étais très comme ça.
04:17Et donc, ma seule ambition, c'était de faire m'exprimer
04:23quel que soit le média, les télélivres, les journaux, la pub, la télé, peu
04:27importe.
04:28Quel regard vous avez sur ce parcours, Thierry Ardisson, sur ce que vous avez réussi
04:31à faire, vous, en tant que petit garçon que vous étiez, qui rêvait justement de
04:35réussir, d'avoir cet argent. Quel regard vous avez sur le parcours de l'homme que
04:38vous êtes devenu alors ?
04:39Mon fils a une phrase qu'il ne veut pas me vendre parce que j'aimerais bien lui
04:43l'acheter, mais il ne peut pas me la vendre. C'est « il faut vivre sa vie comme
04:47on aimerait la raconter ». C'est une assez jolie phrase qui est toujours à mon
04:51fils. Et Gaston Ardisson, je cite le propriétaire.
04:58Et donc, moi, j'ai toujours vécu un peu ma vie comme un roman.
05:02Mais heureusement, parce que quand je me suis accroché à l'héros, j'étais
05:05accroché à l'héroïne vraiment dans les années 70, quoi, vraiment, j'étais...
05:09Et j'ai eu cette espèce de sursaut, de décroché, sans médicaliser
05:13le problème, en partant aux États-Unis où il y en avait peut-être,
05:18mais je ne savais pas où. Et cette idée, quand même, que ma vie à la sortie, ça doit
05:22faire quelque chose, quoi. J'ai toujours eu un...
05:25J'avais un copain qui me disait « toi, tu veux laisser ton nom dans le dictionnaire ».
05:28Mais c'est vrai que j'ai toujours eu un souci que ma vie soit, non pas exemplaire,
05:33mais racontable, intéressante.
05:35Ça vous a procuré quoi, l'héros, alors, cette période-là ?
05:37L'héros, c'est génial. C'est ça qui est terrible, c'est quand ces gars-là
05:40font sa campagne en disant « l'héros, c'est de la merde ».
05:42Non, parce que les gens n'achètent pas 125 grammes de merde.
05:46À l'époque, ma première télé, c'était chez Deniso le dimanche après-midi sur
05:50Canal, et j'avais dit ça.
05:54Alors tout le monde me disait « mais qu'est-ce qu'il va raconter que l'héros,
05:57c'est pas de la merde ? ». J'ai dit « non, l'héros, c'est pas de la merde ».
05:59Ceci étant, il ne faut surtout pas y toucher, c'est le seul conseil que je peux
06:02donner aux gens. C'est un truc, moi, c'est ce que j'ai rencontré de plus
06:07en plus dans ma vie. Pourtant, j'en ai vu.
06:09De décrocher ?
06:10Oui. Et donc, l'héros, vous n'avez plus envie de manger, plus envie de boire,
06:14plus envie de baiser, plus envie de gagner de l'argent.
06:16Vous n'avez plus d'envie. Vous êtes dans une espèce de nirvana en poudre.
06:21Vous êtes là, tout va bien.
06:24Sauf qu'on en prend de plus en plus, puis il en faut de plus en plus pour
06:27garder cet effet. Au début, on en prend pour être bien.
06:31À la fin, on en prend pour ne pas être mal.
06:33Et à un moment, je me suis dit « Non, là, tu vas mourir, vraiment ».
06:41Et donc, je suis parti en Amérique, je m'en suis sorti et je n'en ai plus
06:43jamais repris. C'était en 1976.
06:46Est-ce que ce n'est pas le plus grand combat que vous ayez mené ?
06:48C'est mon plus gros combat. Il y a eu un deuxième combat aussi qui était
06:52terrible, mais je ne veux pas faire pleurer les gens, mais quand j'ai
06:55commencé la télé, j'avais un tract inimaginable.
06:59J'avais des sueurs froides dans le cou, l'estomac serré,
07:02les mains moites. J'étais absolument incapable de faire ça.
07:06Catherine Barma, ma productrice, avait dit à la direction de TF1
07:10« Il est nul, c'est tout, il n'y arrivera jamais ».
07:13J'étais à ce point-là.
07:17Et j'ai gagné le combat.
07:19Ça a pris des années.
07:20J'allais vraiment faire mes émissions, même à l'époque de Double
07:24Jeu et tout ça. Les gens ne savent pas, mais j'allais faire mes émissions,
07:27mais avec un mal au ventre, avec une angoisse.
07:32Et puis après, j'ai découvert qu'on pouvait rire à la télé grâce à
07:35Patrick Timsit. J'ai découvert qu'il fallait surtout se marrer.
07:39Les gens attendaient qu'on se marre, et puis quelques coupes de
07:42champagne. Mais ça a duré longtemps.
07:45C'est étonnant parce que vous montrez plutôt l'image depuis plusieurs
07:49décennies d'un homme solide, d'un bulldozer, l'homme en noir.
07:54Pourquoi vous êtes tout le temps habillé en noir, Thierry Hardysson ?
07:56Je suis habillé en noir pour plusieurs raisons.
07:57D'abord, là, j'ai mes insides parce que ça maigrit.
08:00J'avais un gros cul, mais personne ne voyait rien parce que j'étais
08:03cadré ici. Là, j'ai les mains ici.
08:06Et puis après, parce que le matin, vous vous réveillez, vous prenez le
08:09costume qui sort du pressing.
08:12Et puis, il y a aussi cette idée de créer un personnage.
08:15Je ne veux pas dire le contraire.
08:17C'est-à-dire que l'homme en noir, on voit Thierry Hardysson, c'est l'homme en noir.
08:20Il y a le cow-boy Mark Brough, il y a Monsieur Plus, et moi, je suis l'homme en noir.
08:25Ça fait partie de...
08:27C'était une façon d'utiliser la pub.
08:29C'était une façon d'utiliser la pub.

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