C’est un aspect rarement abordé de cette histoire tristement exemplaire : sa politisation à outrance, sur fond de montée du Front national. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/l-edito-politique/l-edito-politique-du-mercredi-16-octobre-2024-6272896
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00:00Et votre édito Patrick Cohen, 40 ans après l'assassinat du petit garçon, une lecture
00:06politique de l'affaire Grégory ? Oui, c'est un aspect rarement abordé de
00:10cette histoire tristement exemplaire, sa politisation à outrance, sur fond de montée du Front
00:15National.
00:16Car 1984 n'est pas seulement l'année de la mort de Grégory, c'est aussi celle
00:19de la percée du FN.
00:21Aux européennes, en juin, la liste Le Pen dépasse les 10 %. Quatre mois plus tard,
00:26le hasard amène auprès des parents éplorés, un ténor parisien, défenseur proclamé de
00:31la veuve et de l'orphelin, Henri-René Garraud.
00:33Christine et Jean-Marie Villemin ignorent alors que cet homme sympathique et chaleureux
00:37est marqué à l'extrême droite, qu'il défend les syndicats de police et milite
00:41pour le rétablissement de la peine de mort, Garraud et les Villemins deviennent des cibles
00:45des ennemis pour le camp d'en face.
00:47Le camp d'en face Patrick, c'est-à-dire ? Bernard Laroche, délégué CGT de sa filature
00:51proche du Parti Communiste, défendu dès son arrestation par Maître Paul Pron, avocat
00:57encarté au PC et Maître Gérard Welser, président de la Ligue des Droits de l'Homme
01:01d'Épinal et futur député socialiste, Pron se lance d'emblée dans un combat politique
01:06et Welser fait partie de ceux que Jean-Marie Villemin appelle « les Intouchables » qui
01:10ont grandement pesé pour faire accuser à tort Christine de la mort de son enfant.
01:14Cette opposition colore et polarise la couverture de presse.
01:18En 1985, après la mort de Laroche, les plus ardents à défendre l'innocence de Christine
01:23Villemin et à charger le juge Lambert sont des titres d'extrême droite « Minute » et
01:28le meilleur « Relais » de Maître Garraud, pendant que Libération imprime les fantasmes
01:32de Marguerite Duras sur Christine, infanticide sublime, forcément sublime.
01:37Voilà les Villemins pris en otage d'un combat politique dont ils sont totalement étrangers.
01:42Un combat qui a pesé Patrick dans l'attitude du garde des Sceaux de l'époque qui était
01:46Robert Badinter.
01:47Une attitude étonnamment passive au milieu du chaos judiciaire et médiatique.
01:51Robert Badinter s'est toujours défendu d'être intervenu dans ce dossier, mais il est clair
01:55qu'il voyait Garraud comme un adversaire et comme un soutien des policiers qui avaient
01:59manifesté sous ses fenêtres en juin 1983 au cri de « Badinter assassin ». En avril
02:051985, alors que le désastre est déjà complet, que Bernard Laroche, remis en liberté mais
02:09toujours inculpé, vient d'être tué par Jean-Marie Villemin, Robert Badinter participe
02:13à l'émission « L'heure de vérité » où pendant plus d'un quart d'heure, face
02:17aux questions d'Alain Duhamel, il minimise tous les dérapages, tous les errements.
02:22Badinter se dit excédé du procès qu'on fait à la justice et de celui qu'on fait
02:26aux juges d'instruction, y compris donc au juge Lambert.
02:30Ce jour-là, sans doute, et les suivants sûrement, les Villemins ont payé chèrement la couleur
02:35politique de leur avocat.
02:36Et les pouvoirs publics n'ont donc rien fait pour stopper cette machine infernale ?
02:40Non, vraiment pas.
02:41Mais le miracle, c'est que cette machine, Christine et Jean-Marie Villemin ont réussi
02:45à en réchapper.
02:46C'est à eux que vont nos pensées ce matin, 40 ans après, à ce couple de parents et
02:51maintenant de grands-parents, soudés par l'amour, le leur et celui de leur enfant
02:55disparu, toujours animé par une quête de vérité sur ce 16 octobre.
02:58Si la justice continue de mettre des moyens pour la trouver, si elle y parvient enfin,
03:03là, là, on pourra parler d'une grande victoire politique.