Vendredi, samedi et dimanche dans Europe 1 Soir Week-end, Pascale de La Tour du Pin reçoit un invité au cœur de l'actualité politique.
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00:00Europe 1 Soir Week-end, 19h21, Pascal Delatorre Dupin.
00:05Et nous sommes en ligne avec Tamara Atav. Bonsoir Tamara Atav.
00:10Bonsoir Pascal.
00:12Alors, vous êtes directrice des relations internationales et des partenariats de l'hôpital Sheba Tel HaChomer à Tel Aviv.
00:18Merci d'être avec nous ce soir parce qu'à l'approche des commémorations du 7 octobre,
00:23et bien votre voix, votre témoignage était important à entendre.
00:28Demain, il y a un grand rassemblement devant l'UNESCO qui est prévu à 15h pour commémorer cette date terrible du 7 octobre.
00:36Un rassemblement, je le dis, pour les auditeurs d'Europe 1 qui est ouvert à tous.
00:41Votre témoignage est important parce que vous êtes, alors je vais dire peut-être pour les Français,
00:47une espèce de directrice de communication, on appellerait ça comme ça chez nous en France, de cet hôpital
00:52qui est le plus gros hôpital d'Israël.
00:55C'est vous qui avez pris en charge l'hôpital, les victimes des terroristes du Hamas,
00:59mais aussi vous avez pris en charge les otages libérés et leurs familles.
01:05Tamara Atav, d'abord je voudrais qu'on revienne à ce 7 octobre, il y a un an.
01:12Est-ce que vous pouvez nous raconter ce que vous avez vécu,
01:19à partir du moment évidemment où vous avez l'information,
01:22et comment vous avez pu accueillir les victimes des terroristes ?
01:26Est-ce que vous avez vu Tamara Atav ?
01:28Première chose Pascale, je tenais à vous remercier personnellement
01:32de parler des massacres du 7 octobre et des victimes israéliennes de ce conflit.
01:38Malheureusement oui, ça fait un an, personne n'aurait imaginé qu'on serait toujours là,
01:43avec 101 otages toujours en captivité par le Hamas.
01:47Donc il y a un an, on se réveille quand tout le monde, le matin,
01:51à 6h30, des sirènes tout à fait inhabituelles pour les habitants du centre du pays.
01:56Quelques sirènes, etc.
01:59Donc rapidement, au bout d'une heure ou deux,
02:01le directeur général de l'hôpital est l'ancien médecin-chef de l'armée,
02:06donc il a des contacts au sein de l'armée,
02:09et ils se rendent rapidement compte qu'en fait c'est quelque chose d'extraordinaire.
02:14Donc la direction de l'hôpital est rappelée à l'hôpital,
02:18on réfléchit à ce qu'on aura besoin de faire, etc.
02:22Et directement on rappelle toutes les équipes des urgences, des soins intensifs,
02:26des orthopédes, etc. puisque ce sont en général ces médecins-là qui sont...
02:32Mais à ce moment-là vous n'avez évidemment pas l'idée de l'ampleur
02:36de ce qui est en train de se produire.
02:39Tamara Atav, à partir de quand vous avez les premières victimes,
02:44et comment arrive-t-elle dans votre hôpital ?
02:48Alors ce qui s'est passé, c'est que la plupart des victimes ont été evacuées directement,
02:53se sont évacuées elles-mêmes, parce que c'était le chaos.
02:56Les gens ne savaient pas que le 7 octobre était un chaos.
02:59En Israël c'était le chaos total.
03:02Les gens ne savaient pas ce qui se passait.
03:04Donc ça a mis certaines heures avant que les gens comprennent,
03:07et avant qu'on reçoive, nous à l'hôpital, les premiers blessés.
03:10La plupart sont arrivés et déportés des environs de la bande de Gaza
03:16ou directement des autres hôpitaux,
03:18parce qu'il y avait aussi des tirs de missiles pendant la journée,
03:20donc tout était très très compliqué.
03:22Certains sont même arrivés en voiture,
03:24ont fait de la bande de village entourant la bande de Gaza
03:29aux environs de Tel Aviv, à peu près une heure et demie de voiture.
03:32Certains sont arrivés en ambulance,
03:34les ambulances ont été ramenées au premier endroit.
03:36L'hôpital de Beersheva, qui est l'hôpital le plus proche,
03:39a complètement craqué.
03:41Ils ont accueilli 800 patients en une journée,
03:44ce qui est tout à fait des patients graves, des blessés, des amputés,
03:47des gens brûlés, etc.
03:49Donc ça a été très très difficile à gérer,
03:51et donc ils ont commencé à mettre quelques heures
03:53avant qu'ils fassent venir les premiers patients chez nous,
03:56chez nous à l'hôpital.
03:58Et les patients, qu'est-ce que vous avez vu ?
04:00Quand ces patients arrivent, on se rend compte,
04:02il y a les premiers récits, on se rend compte de ce qui se passe.
04:05D'accord, parce que vous avez les premiers récits,
04:07et à quel type de blessures avez-vous à faire ?
04:09Pardon de vous demander ça.
04:11Je vous en prie.
04:12Il y a eu principalement deux types de blessures
04:14dans les premiers jours qu'ils ont subi,
04:16le 7 octobre et le 8 janvier,
04:18donc des blessures par balles, bien évidemment,
04:20des blessures aux mains et aux bras,
04:23des civils qui s'étaient réfugiés dans la chambre,
04:27dans la chambre forche, dans la chambre sécurisée,
04:30qui sont des chambres, qui sont des abris antibonds,
04:33qui ont une porte, mais qui ne se ferment pas à l'intérieur.
04:36Donc les gens, une fois qu'ils sont rentrés,
04:38c'était souvent le père qui tenait la porte avec sa main,
04:42donc parfois pendant des heures,
04:43et ce qu'ont fait les terroristes,
04:44ils ont tiré sur la porte,
04:45donc des blessures par balles dans les mains,
04:47ou carrément placé des chars explosifs sur les portes.
04:49Donc ces personnes se trouvaient avec les mains explosées,
04:52les mains, les avant-bras, etc.
04:54Et je rencontrais la semaine passée
04:56un des rescapés de Niros,
04:58qui est toujours en soins à l'hôpital,
05:00ça fait un mois qu'il n'est plus hospitalisé,
05:02mais il vient en ambulatoire tous les jours.
05:05Et ses mains, il ne va jamais les retrouver entièrement.
05:08Et puis on a aussi des brûlés.
05:09En fait, à l'hôpital Sheba,
05:11nous sommes le centre national des grands brûlés d'Israël,
05:14et donc on a eu beaucoup de grands brûlés,
05:16des familles entières qui arrivent brûlés,
05:18à différents degrés à chacun.
05:20Des familles entières qui arrivent brûlées ?
05:22Oui, je me souviens, on a eu la première de la famille,
05:24la famille Golalt,
05:26les parents et un bébé de 18 mois.
05:29Quand ils ont compris que s'ils restaient de chez eux,
05:32à la maison, en chambre forte,
05:34ils seraient brûlés,
05:36d'abord les torrés ont jeté un ballon de gaz,
05:39donc tout s'est enflammé,
05:41et puis ils sont passés à travers les flammes,
05:43ils sont sortis dehors, donc ils étaient tous brûlés,
05:45en fait comme le père tenait la mère
05:47et la mère tenait le bébé.
05:49Le petit bébé de 18 mois est brûlé à 30%,
05:52la mère à 50%,
05:54le père à 60%,
05:56ils sont restés pendant des heures cachés en dessous d'un camion,
05:58jusqu'à ce que l'armée arrive,
06:00et qu'ils soient héliportés jusqu'à l'hôpital.
06:03Et des témoignages comme ça,
06:05et des histoires épouvantables de ce type,
06:09vous en avez malheureusement, malheureusement,
06:11des dizaines et des dizaines à nous raconter.
06:13Je voudrais aussi que vous nous parliez des otages.
06:17Ce que je tiens à préciser aussi,
06:19ce ne sont pas uniquement les gens qui montent,
06:23les militaires qui sont arrivés,
06:25c'est aussi la première en chef de l'hôpital,
06:27sa fille était assassinée à la fête,
06:29à la rêve partie de Réim.
06:31Donc vous avez l'hôpital qui est aussi la famille,
06:33qui connaît des gens, etc.
06:35Ça impacte de la façon dont tout est beaucoup plus émotionnel.
06:39Donc les otages,
06:41alors nous avons reçu d'abord 29 otages
06:44qui ont été libérés au mois de novembre
06:46par un accord.
06:48La plupart étaient des femmes et des enfants.
06:52Et puis nous avons également accueilli
06:55encore six otages qui ont été libérés
06:57par des actions militaires.
06:59Et dans quel état étaient-ils ?
07:02Psychologiques, physiques ?
07:04Alors comment on fait ?
07:06D'abord je tiens à préciser qu'il n'existe au monde
07:08aucun protocole qui n'ait été établi
07:10comment recevoir des otages.
07:12Les enfants en bas âge,
07:14les femmes âgées
07:16qui ont été retenues en otage pendant deux mois,
07:18ça n'existe pas.
07:20Nos équipes ont donc inventé
07:22tout un protocole
07:24comment les accueillir.
07:26Une des premières choses qui a été faite,
07:28c'est décider que vu que les terroristes
07:30et la plupart des hommes, c'est d'avoir des femmes.
07:32Les équipes des médecins, des femmes,
07:34des infirmières, etc.
07:36de mettre l'accent sur les femmes
07:38pour limiter le niveau de stress.
07:40Avec le peu de littérature
07:42qui existe sur les otages dans le monde,
07:44c'est de décider de transformer
07:46le département qui les a accueillis
07:48en faisant quelque chose
07:50de plus familier. Dans les chambres,
07:52on les a décorés, on a mis des nounours
07:54pour les enfants, on a mis des draps de lit
07:56qui n'étaient pas des draps de lit de l'hôpital,
07:58on a mis des couvertures, des couleurs soft.
08:00On était en rapport aussi avec l'armée,
08:02avec les familles des otages.
08:04On savait à peu près à l'avance,
08:06on recevait des listes tous les jours
08:08et le gouvernement, le ministère de la Santé
08:10décidait dans quels hôpitaux et où.
08:12Donc, être en contact avec la famille,
08:14d'essayer d'avoir toujours un objet
08:16qui appartenait à la chambre quand c'était possible.
08:18C'était un otage, donc toutes les maisons
08:20étaient détruites. D'avoir quelque chose
08:22de familier, de rendre l'environnement
08:24le moins hospitalier,
08:26le moins agressif et le plus
08:28commun qu'on puisse.
08:30Tamara Atav, je voudrais,
08:32parce que le temps passe malheureusement très vite,
08:34nous sommes en direct sur Europe 1, il est 20h41.
08:36Tamara Atav, je résume,
08:38pour ceux qui nous écoutent, vous êtes la directrice
08:40de la communication, on va dire, directrice des relations
08:42internationales et des partenariats de l'hôpital Sheba,
08:44à Chomera, Tel Aviv.
08:46C'est le plus gros hôpital en Israël.
08:48Je voudrais avoir votre réaction
08:50à vous, personnelle, sur cet échange
08:52qu'il y a eu. Emmanuel Macron, notre
08:54président, dit
08:56cessez le feu pour Israël,
08:58ne livrez plus d'armes
09:00à Israël,
09:02il faut cesser le feu, même
09:04si on reconnaît le droit
09:06à Israël de se défendre, et
09:08Benjamin Netanyahou qui lui répond,
09:10il y a quelques instants,
09:12on sur vous. Tamara Atav, vous dites,
09:14comment vous réagissez, vous ?
09:18À titre personnel.
09:20Je ne suis pas un homme poétique, mais tout simplement,
09:22de toute façon, t'es naïf, je pense que
09:24l'argent des armes profite à
09:26quelqu'un. Si les gens, les grands États,
09:28que ce soit toutes les grandes démocraties qui produisent des armes,
09:30ça a des conséquences quand on produit des armes
09:32et quand on vend des armes.
09:34Certains vendent à des États terroristes,
09:36d'autres vont se défendre.
09:38Mais je pense que la question est à un niveau
09:40beaucoup plus élevé que ça.
09:42Comment on est arrivé au XXIe siècle
09:44à voir encore des gens se déchirer
09:46avec des armes, ça semble tout à fait absurde.
09:48Et moi-même,
09:50vivant depuis un an à l'Israël, dans ce pays qui est en
09:52guerre, puisque, bon, on parle des victimes,
09:54et nous on est en guerre aussi, c'est le stress total
09:56pour tout le monde. Comment est-ce qu'on est encore arrivé là
09:58au XXIe siècle ?
10:00La technologie, les bienfaits, etc.,
10:02toutes les sagesses, tout le programme,
10:04on semble encore nous battre.
10:06Comment on est arrivé là ?
10:08Comment on en est arrivé là
10:10au XXIe siècle ? Vous avez raison, Tamara Attal,
10:12effectivement, on se pose la question.
10:14Merci beaucoup pour votre témoignage
10:16sur Europe 1.
10:18Merci de nous avoir raconté ce 7 octobre,
10:20ce que vous vivez. L'accueil des
10:22otages est très important.