Tous les vendredis, samedis et dimanches soirs, Pascale de La Tour du Pin reçoit deux invités pour des débats d'actualités. Avis tranchés et arguments incisifs sont aux programmes de 19h30 à 20h00.
Retrouvez "Ça fait débat" sur : http://www.europe1.fr/emissions/les-grandes-voix-du-weekend
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00:00Europe 1 Soir Week-end, 19h21, Pascal Bellator-Dupin.
00:05Merci d'être avec nous sur Europe 1, finalement Franck Tapiero est resté.
00:10Jules Torres et Rachel Khan sont aussi dans ce studio.
00:14Je voulais partager avec vous, à 48h, des commémorations du 7 octobre, ce témoignage.
00:20J'ai eu l'occasion d'échanger avec Monette.
00:23Monette, c'est une survivante du kiboutz de Berry,
00:26le premier kiboutz qui a été pris pour cible par les terroristes du Hamas le 7 octobre.
00:32On a échangé, elle nous a raconté ce qu'elle avait vécu ce jour-là.
00:36Les terroristes sont rentrés dans le kiboutz de Berry à 6h30 du matin,
00:41alors que nous étions presque tous endormis ou réveillés devant un petit déjeuner tranquille.
00:49Notre bilan aujourd'hui, c'est qu'ils ont tué 101 personnes,
00:58la plus jeune de 9 mois et la plus âgée de 88 ans.
01:04Ils ont pris 30 otages.
01:08Sur ces 30 otages, il y a 12 qui sont encore à Gaza, dans la zone de Gaza,
01:15et dont on n'a aucune nouvelle.
01:17On ne sait pas s'ils sont vivants, s'ils ne sont pas vivants.
01:20C'est notre souffrance de tous les jours.
01:26Monette Parianti, est-ce que vous pouvez raconter aux auditeurs d'Europe 1 ce qui s'est passé cette journée du 7 octobre ?
01:33Vous avez réussi à survivre parce que vous vous êtes cachés, c'est ça ?
01:37À 6h30 du matin, on a entendu des tirs de missiles.
01:42Je me suis dit c'est bizarre, il y a des tirs de missiles, mais ils ne nous disent pas d'entrer dans la chambre de force.
01:47Très vite après, on a entendu des fusillades.
01:51Mon mari a dit qu'il allait voir ce qui se passait à la télévision.
01:57Il a allumé la télévision vers 7h15.
02:01À la télévision, on a entendu des voix de personnes qui vivaient à Beirut et qui demandaient de l'aide.
02:12Ils demandaient s'ils pouvaient nous aider car les terroristes étaient dans leur maison.
02:16J'ai des enfants jeunes, je ne sais pas quoi faire.
02:19Mon mari est dehors pour voir ce qu'il doit faire.
02:23Tout à coup, plus de télévision, plus d'électricité, plus d'eau, plus de gaz, plus rien.
02:30On a vu quand même nos téléphones allumés.
02:33On a reçu qu'il fallait vite rentrer dans la chambre de force parce que les terroristes étaient rentrés au kiboutz.
02:40Mais on ne nous avait pas dit combien.
02:43Et on ne nous avait pas dit combien, surtout, il était armé.
02:46On est entrés dans la chambre de force vers 7h30.
02:51Chez moi, la chambre de force, c'était surtout une chambre de travail.
02:55Je n'avais pas de lit, je n'avais pas poché le tapis sur une chaise.
03:01Moi, je me suis assise par terre pour être un peu plus à l'onglet.
03:04On attendait.
03:09Mais on entendait surtout des cris qui étaient en langue arabe.
03:13On entendait surtout des fugias.
03:16Bon...
03:18Ça a dû être un moment terrible, Monette Parianti.
03:21C'est-à-dire qu'en fait, ce dont vous vous souvenez, vous, et vous l'avez vécu dans votre chair le 7 octobre,
03:26c'est des cris, des tirs.
03:29Vous entendiez ce qu'il se passait à l'extérieur et j'imagine que...
03:32On entend des voix arabes, on entend des cris arabes.
03:37On entend qu'ils nous essayent de casser notre port.
03:40On entend qu'ils ont cassé déjà deux fenêtres.
03:43Et on est toujours dans la chambre forte.
03:45Sans l'air, sans lumière.
03:48Et comme je dis, la seule force qu'on avait chez moi, c'était de se regarder.
03:52Parce qu'on n'avait même plus la force de parler.
03:55Donc on est resté comme ça jusqu'au soir, jusqu'à 8h30.
04:00On a entendu des tirs, on a entendu des cris.
04:05Tout juste en face de la maison, c'est pour ça que vous dites,
04:08oui, je suis une rescapée.
04:10Parce qu'en fait, si on prend le contexte de la situation,
04:13juste à 6 ou 7 mètres, nos voisins, un couple de personnes âgées,
04:18ils ont tué la femme à coups de hache.
04:22Et donc, 82 ans.
04:27Donc oui, on peut dire que nous sommes des rescapés.
04:32Mais le plus grave, le plus grave, c'est qu'ils se sont tués pour tuer.
04:36Parce qu'on n'était pas en guerre, on n'avait rien.
04:39Vous avez perdu, j'imagine, beaucoup de proches, de voisins ce jour-là.
04:44En fait, notre voisin a été tué à coups de hache.
04:49Et nous étions deux Français au Kibbutz Beirut.
04:53Moi-même et mon grand ami qui s'appelait Rony Lévy.
04:59Et lui aussi, ils l'ont fait sortir de la maison.
05:02Et ils l'ont tué dehors.
05:05Et là, j'entends encore ces cris.
05:08Et c'est pas quelque chose de normal.
05:13Et donc nous, on est restés enfermés comme ça dans notre maison.
05:17Ils sont venus nous libérer.
05:19Les soldats sont venus nous libérer seulement dimanche soir.
05:22On est restés tout le temps dans cette chambre forte,
05:25sans lumière, sans songeaux, sans rien.
05:27Et quand vous êtes sorti, Monette Parianti,
05:29que vous avez appris parce que l'armée vient vous libérer,
05:32que voyez-vous à l'extérieur ?
05:34Alors voilà.
05:36Donc, par hasard, je suis sortie,
05:40parce qu'on était dans la chambre forte tout le temps,
05:42et puis j'entendais pas trop de tirs.
05:45Alors je me suis dit, je vais sortir, voir ce qu'il se passe.
05:48Et là, les soldats m'ont dit, ils m'ont pris,
05:50ils m'ont mis dans leur tube,
05:52parce qu'ils savaient pas qu'il y avait encore des personnes au Kibbutz.
05:55Alors écoutez, le Kibbutz avait été évacué.
05:57C'est par hasard qu'on nous a évacués.
06:00Et là, quand ils sont venus nous prendre pour nous faire sortir du Kibbutz,
06:05alors c'était l'horreur.
06:06C'était des corps, c'était des maisons brûlées,
06:10il y avait plus de rien.
06:11Nous, qui avions tous des jardins,
06:14tout est vert chez nous, tout est très propre, tout ça.
06:17Alors c'était la désolation.
06:19C'était comment ?
06:21Pourquoi on est arrivé à ce moment-là ?
06:25Pourquoi ?
06:26Je ne crois pas que...
06:30Comme on me dit, comment tu te sens un an après ?
06:33Alors je dis, non, c'est pas un an après.
06:36Comment je me sens après ?
06:37Parce qu'il n'y a pas d'un an après.
06:39Toute cette histoire-là, elle sera toujours avec nous.
06:41Il n'y a pas d'un an après.
06:43Tout le temps, on vivra
06:47avec la mémoire de nos amis,
06:51avec ce Kibbutz qui est une désolation,
06:54alors qu'on ne s'en rendait pas compte.
06:58On vivait dans un paradis sans s'en rendre compte.
07:01Et on vivait vraiment dans un paradis.
07:04Et aujourd'hui ?
07:06Maintenant, c'est de la désolation.
07:08Par exemple, moi, j'ai des personnes très proches de moi,
07:14j'en ai perdu au moins dix.
07:16C'était des personnes qu'on mange ensemble,
07:18qu'on voyage ensemble.
07:21Maintenant, c'est juste qu'on pense à eux, c'est tout.
07:25Leur revoir, c'est très dur.
07:28Je crois que c'est très très dur.
07:29Bien sûr que c'est très dur, Monette Parianti.
07:31Merci beaucoup, Monette Parianti,
07:33d'avoir été avec nous sur Europe 1.
07:36Merci beaucoup, merci pour votre témoignage.
07:38Je vous souhaite plein de bonnes choses
07:40et merci pour tout ce que vous faites.
07:43Je vous en prie, c'est vous qui êtes courageuse.
07:45Nous en avons vraiment besoin.
07:46C'est comme de l'oxygène pour nous.
07:48Écoutez, tant mieux, c'est un peu d'oxygène.
07:50Merci infiniment, Monette Parianti, merci.
07:52Merci, merci à vous.
07:54Pour cet entretien qui a été enregistré mercredi dernier,
07:57peut-être juste un mot,
07:59Rachel Kane, je sais que vous devez partir.
08:01Ce témoignage sert à rappeler ce qui s'est passé le 7 octobre.
08:06Oui, c'est très très important.
08:08La force du témoignage contre le révisionnisme,
08:11contre le négationnisme,
08:13pour mettre des mots,
08:15tenter de mettre des mots sur la barbarie
08:18et rappeler que les personnes qui y étaient,
08:20dans les kibbutzim,
08:22c'était des personnes de gauche
08:24et qui étaient pour la paix.
08:25Et le cessez-le-feu a été rompu
08:27par les barbares du Hamas.
08:29Franck Tapiro, juste un mot.
08:31Demain, en hommage,
08:33mobilisation devant l'UNESCO
08:35à 15h.
08:36Demain à 15h,
08:38c'est une initiative du KKL,
08:40qui est une grande association écologiste,
08:42plus d'un siècle,
08:44et qui a réuni tous les collectifs
08:46qui se battent depuis le 7 octobre
08:48pour essayer de protéger
08:50à la fois l'image d'Israël,
08:52l'image des juifs de diaspora
08:54qui sont tellement attaqués depuis,
08:56avec cette aversion victimaire,
08:58alors qu'on espérait, pendant très peu de temps,
09:00qu'il y aurait un soutien international.
09:02Il a duré trois jours.
09:04A partir du 10 octobre, 11 octobre,
09:06ça a basculé dans l'horreur.
09:08Donc là, un grand rassemblement.
09:10Un temps d'encueillement, bien entendu,
09:12parce que c'est le 6 octobre, c'est l'année du 7,
09:14et le 6 octobre, on va lire aussi, malheureusement,
09:16des textes, il y a des grandes personnalités
09:18qui viendront lire des textes,
09:20à la fois de personnes qui sont mortes au combat,
09:22et qui ont eu le temps d'écrire à leur famille juste avant
09:24de décéder, malheureusement.
09:26Il y a aussi des familles d'otages qui vont venir,
09:28et un ton si artistique, parce que, vous savez,
09:30c'est dans l'esprit du peuple juif,
09:32il y a toujours un esprit de fête,
09:34même dans les moments compliqués,
09:36même dans les moments de deuil.
09:38C'est un grand chanteur israélien,
09:40qui est connu mondialement, qui viendra
09:42au piano, chanter quelques chansons,
09:44pour essayer de donner un petit peu de
09:46beau moqueur
09:48à ces milliers de gens.
09:50J'appelle d'ailleurs tous, juifs et non-juifs,
09:52à venir demain à ce grand rassemblement.
09:54C'est vraiment un rassemblement ouvert à tous.
09:56Ouvert à tous, surtout.
09:58Je dirais surtout aux non-juifs,
10:00parce qu'on a souvent tendance à dire
10:02qu'il n'y a que les juifs qui se mobilisent pour les juifs.
10:04C'est ouvert à tous, demain.
10:06Je vous rappellerai demain,
10:08on fera un petit point en direct sur cette mobilisation.
10:10Demain soir, dans Europe 1, week-end soir.
10:12Merci beaucoup, Julie Taurez.
10:14Je vous en prie, Pascal, merci à vous.
10:16Désolée, j'aurais bien voulu vous entendre,
10:18mais le temps presse, je vais me faire taper sur les doigts.
10:20Il y a une horloge, vous savez.
10:22Je reviendrai.
10:24Non, vous revenez demain.
10:26A la semaine prochaine.
10:28Merci beaucoup, il est 19h57 sur Europe 1.