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"À peine ai-je bandé qu’aussitôt je débande". Cet idéal alexandrin vous ne le trouverez pas dans les œuvres complètes de Racine ou de Corneille. Même si vous cherchez longtemps. Chez Molière non plus, chez Victor Hugo pas plus.

Le billet d'humeur de François Morel dans le 7/9 (8h55 - 4 Octobre 2024)
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Amusant
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00:00« A peine ai-je bandé qu'aussitôt je débande ». Cet idéal alexandrin, vous ne le trouverez
00:05pas dans les œuvres complètes de Racine ou de Corneille, même si vous cherchez longtemps,
00:09chez Molière non plus, chez Victor Hugo pas plus, on le trouve à la page 40 du dernier
00:14livre de Daniel Pénac, « Mon assassin », qui paraît si jour si aux éditions Gallimard.
00:19« A peine ai-je bandé qu'aussitôt je débande ». Si par hasard je détectais autour de
00:24cette table un regard concerné par cette constatation poétique, je ne la dénoncerai
00:28pas. L'auteur de ce verre quasiment indépassable s'appelle Robert Soula, éditeur, écrivain,
00:35il dirigeait la série Noire et avec ses copains, notamment Pénac, il aimait jouer au jeu de
00:39l'alexandrin. Forcément, il était imbattable. « Le jeu », explique Daniel, « consiste
00:46à mettre l'autre au défi de produire un alexandrin spontané, comme ça, de chic.
00:50Allez, tout de suite, vas-y, douze pieds en voie, on t'écoute », Robert murmurait
00:54aussitôt. « A peine ai-je bandé qu'aussitôt je débande ». Et l'on rêverait d'avoir
00:58l'inspiration aussi réfléchie, aussi fougueuse, du tac au tac, trouver le pendant majestueux.
01:03« A peine ai-je bandé qu'aussitôt je débande ». La vigueur érectile est-elle
01:09une légende ? On aimerait inventer les deux hémistiches parfaits s'articulant précisément
01:14à la césure, taquiner la muse jusqu'à ce qu'elle enfante des marmots délicieux.
01:19« A peine ai-je bandé qu'aussitôt je débande ». Prétendre le contraire est une
01:24propagande. Mais n'allez pas croire que le dernier livre de Pénac se résume à ce
01:30jeu d'esprit subtil et licencieux, décrivant à merveille les intermittences du désir.
01:36« Mon assassin » est une friandise inespérée pour ceux que Benjamin Mallossène et sa
01:41tribu joyeuse, foutraque, attachante, intrépide, sentimentale, accompagne depuis pas loin de
01:4740 ans. « Mon assassin » est une formidable mise en bouche pour ceux qui n'ont pas encore
01:51la chance de connaître notamment la fée Carabine, le bonheur des ogres, la petite
01:56marchande de prose et qui auraient la bonne idée de vouloir s'y plonger. Les uns et
02:00les autres vont avoir accès à la salle des machines de la littérature pénaquienne.
02:05Parce que le dernier Pénac est à la fois un roman et un essai, une fantaisie échevelée
02:11et un document émouvant, sensible, parfaitement singulier sur l'écriture, l'imagination,
02:16la création des personnages, l'importance de l'amitié. Une citation inspirante « Mes
02:22amis sont nombreux et chacun est le meilleur ». La saga Mallossène est arrivée à son
02:27terme, nous a prévenu son auteur. On espère bien cependant que le dernier Pénac ne sera
02:32pas le dernier Pénac. J'en essaie une dernière pour la route. « À peine ai-je bandé qu'aussitôt
02:37je débande, j'eus voulu qu'exista une télécommande. »

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